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08/09/2022

MURAT LISTE DE VIE.

Capture d’écran 2022-09-07 à 19.33.39.png

  • 14.11.1993 Transbordeur, Lyon
  • 18.11.1997 Salle Rameau, Lyon
  • 14.12.1999 Le Transbordeur, Lyon
  • 11.11.1999 Le Trianon, Paris
  • 29.09.2000 Cave à musique Mâcon
  • 16.12.2000 le Polaris, Corbas
  • 13.04.2002 Transbordeur, Lyon
  • 6.11.2003 Ninkazi, Lyon
  • 19.10.2004 Salle Rameau, Lyon
  • 19.03.2005 Ninkazi, Lyon
  • 15.11.2006 Ninkazi, Lyon
  • 24.09.2008 Bourgoin-Jallieu, Théâtre
  • 21.10.2010 Centre Culturel, Saint-Genis-Laval
  • 12.10.2011 Ninkazi, Lyon
  • 16.03.2012 Bourgoin-Jallieu, les Abattoirs
  • 8.10.2013 Radiant, Caluire
  • 27.03.2013 Cave à musique Mâcon
  • 21.06.2014 Villeurbanne, La Doua
  • 12.10.2015 Théâtre de Villefranche
  • 11.10.2018 Rockstore Montpellier
  • 15.04.2022 Bourgoin-Jallieu Abattoirs
  • 22.09.2022 Internationales de la guitare Domaine d’O, Montpellier

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23/08/2022

Continuum.

Capture d’écran 2022-08-23 à 10.22.38.pngPour l'instant, ça n'est qu'un fichier sur lequel je sue, depuis le début de l'été. Un aller-retour quotidien avec l'éditeur depuis trois semaines, beaucoup de travail en perspective, encore, avant qu'il remplace les xxx par une date précise, dans l'an 2023.  Mais on s'approche, et l'émotion est immense, pour moi, d'avoir, une fois de plus, ramené Aurelia à la vie et à la parole. Et quel caractère, mazette! On en reparlera.

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27/07/2022

Rappel de beauté absolue.


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17/07/2022

Recours aux forêts.

forêts.jpgIl est possible que toutes les œuvres naissent d’un accident. À l’origine, une aquarelle ratée, que le peintre déchire, et une intuition qui naît : en rapprochant les deux pans du travail détruit, une faille verticale apparaît, et c’est une genèse, celle de la verticalité des arbres, ceux des forêts dans lesquelles il a l’habitude de se promener, se ressourcer. Il ne se rend pas compte, à l’instant, que reconnaître une faille, c’est en valider le principe, accepter que toutes celles qu’on a refoulées vous submergent un jour, nourries de l’hypersensibilité. Il n’en est pas là, le peintre, il se dit qu’il a trouvé un sujet, un de plus, et quand il découpe l’aquarelle en fines bandes, quand il crée un mouvement dans le sens inverse de ses Horizons, il est happé par la création, ne se méfie pas de l’origine des forêts, des orées à ne pas enfreindre. Il est passé plus d’une fois par Brocéliande, ce Breton d’adoption, pourtant, y a ressenti les esprits et les ambiances, mais là, pas de fontaine de Barenton, pas de Méléagant qui rôde, non, juste un chemin qui, dans l’acte même de créer, va générer d’autres accidents, qu’il ne maîtrisera pas, cette fois, et dont il ne tirera rien, sinon de la douleur et – paradoxe à part – un sentiment d’asséchement. Comme si le mythe de la Création qui se retourne contre celui qui l’a provoquée s’avérait, le voilà qui subit l’épiphénomène d’une déception amoureuse extraordinairement prévisible, de celles qu’on devine la seconde d’après celle de la cristallisation. On a beau jeu de s’acoquiner, d’aller chercher les sensations fortes loin de sa zone de confort, l’illusion de la Beauté ne fait pas la Beauté elle-même. Et la chute n’est jamais loin quand les repères se mélangent. Les forêts ont toujours joué leur rôle cathartique, dans le recours qu’on sollicite chez elles. C’est, dit Jünger, la monade originellel’existence dans le présent, tout ce dont le peintre, quand il se détache du sujet, est privé : là où devrait régner le secret – l’intime, le foyer ou la citadelle – c’est le manifeste qui s’impose et engendre la mélancolie. Celle qui empêche, fige, comme si un sort avait été jeté. La forêt est la grande demeure de la mort, le siège d’un danger d’anéantissement, dit-on dans le Traité du Rebelle. En perdant pied, celui qui les a peintes a symboliquement lâché la main de celui qui devait le guider pour surmonter sa crainte. Il se sent seul, même quand on l’accompagne, dans son spleen, et ses projections sont douloureuses : plus d’inspiration, plus d’envie. Des cieux bas et lourds qu’il peint dans ses marines, il ne perçoit plus l’éclaircie, qui centre le regard. La conscience du temps qui passe s’exacerbe d’elle-même, les enfants s’en vont et vivent leur propre vie, les amours, comme le corps, se délitent, rien ne semble pouvoir éclairer le constat : la vie est dure pour ceux dont la perception de son irréversibilité est aigüe. Baudelaire l’avait pourtant prévenu, mais il l’a pris, comme tout le reste, dans sa dimension esthétique, rien d’autre. Ses lignes verticales sont devenues des barreaux, il s’ankylose, jusqu’à la camisole chimique, qui ne fonctionne pas. C’est la conscience de ce qu’il vit qui crée la douleur, il se sent seul alors que jamais la solitude ne l’a effrayé, jusque-là : on ne crée que seul, et il n’a jamais eu besoin de ceux dont il souffre aujourd’hui qu’ils lui tournent le dos,  ne les a peut-être jamais considérés. C’est un cercle vicieux, qu’il a tenté de briser, radicalement (ou presque). Sans ignorer que la mort viendra d’elle-même et que la seule trace qu’il faille laisser, c’est celle de la réalisation, par l’œuvre. Il sait également qu’il en sortira, de ce mal de vivre, c’est écrit dans la chanson. Pas celle qu’il connaît mieux, celle de la maladie, du mal amer, et puis la fatigue aussi. Et son refrain, lancinant : que vas-tu faire, à minuit, seul, dans la forêt ? Elles reviendront, les joies simples, les mines rassurées de ceux à qui il pourra au moins faire croire qu’il va mieux, juste pour le plaisir. Il observera sa vie, le temps qu’il en reste, sourira peut-être de ce qui l’a fait tomber. La tristesse ne dure jamais : la cultiver, c’est s’y complaire, l’apprivoiser, c’est s’y soustraire. Mais il est dur au peintre de dissocier l’œuvre de ce qui la nourrit, et parfois la broie. Elle est là aussi, la tentation de Démocrite.

Photo: Erell Henry

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04/06/2022

Let It Be (encore & encore).

IMG_1059.jpgDans le décompte de ma vie, il ne restera de ce blog – moi qui m’apprête à interviewer Éric Chevillard, maître du genre – que les chroniques des artistes que je continue d’aller voir obsessionnellement, peut-être parce qu’après tant d’années, personne ne sait, d’eux ou de moi, qui lâchera le premier. Ce qui n’est – je l’évoque suffisamment avec Gérard Védèche – pas un gage de victoire pour celui qui reste, parce qu’il devra endosser le poids du legs de celui qui a suivi, tout ce temps. Le Voyage de Noz, écrivais-je récemment, c’est trente-cinq ans de ma vie, avec des lâchers-prises, des retrouvailles et, diraient-ils, des inséparailles, désormais, depuis 2011, réellement, depuis que j’ai compris que cet excellent auteur, Stéphane Pétrier, finirait par écrire les romans qu’il tenait en chansons, ce qui fut, miraculeusement, en 2011, avec l’excellentissime « Bonne Éspérance » - j’en ai suffisamment parlé ici – et, Dieu repasse parfois deux fois, avec « Il semblerait que l’amour fut », leur brûlot de 2021, double album, encore, post-apocalyptique sur les contacts désormais interdits, prohibés. Ce fut, en cette soirée de Thou Bout d’Chant, cette salle minuscule qui les a vus passer x fois en vingt ans d’existence, que seul Yann, l’ingé-son indélébile du lieu, a connus. On lui a demandé qui, depuis 2002, il voulait revoir sur scène, avant changement de propriétaire, il a répondu « Voyage de Noz », et ça n’est que justice, quand on sait qu’à l’époque encore, plus de quinze ans après leurs débuts, on véhiculait du groupe une image très sixième, propre sur soi, longs cheveux déliés, pull torsadé sur les épaules. C’est difficile, une image, j’en ai assez parlé à leur sujet. Mais soyons factuels : qui restait-il, hier soir, de ceux qui les critiquaient, parfois sans jamais les avoir vus, qui peut objectivement contester encore que ce groupe-là est le plus grand groupe que la place lyonnaise ait jamais connu ? Dans sa durée, certes, mais surtout dans son propos, ce qu’il donne à entendre et à voir, concert après concert. Hier soir, sur une scène minuscule, qui peut à peine contenir les cinq membres du groupe, ils ont exploré un pan entier de leur répertoire sans, pour la première fois – en ce qui me concerne – trop concéder à la fan base. Il faut dire que dans la playlist de ce concert acoustique, Pétrier – auteur compositeur (pluriel) interprète – est allé chercher loin et, pour la première fois – en ce qui me concerne, je suis aussi adepte du comique de répétition – a su allier leurs deux chefs-d’œuvre (et « le Secret », diamant intemporel, rejoignant « Théorème » ou « Poe »), « le Passeur », si je me souviens, précédant le stratosphérique « Train » à propos duquel – putain de bordel de nom de Dieu ! – je n’arrive pas à trouver refrain plus éloquent : « Alors tu vois nous ne sommes Pas morts, pas même un peu, À peine nos corps ont-ils pris un coup de vieux Nous ne sommes pas morts Tout juste un bleu à l’âme Et encore, Si vivants que pour la première fois Je nous trouverais presque, Je nous voudrais presque Heureux ». Sachant qu’hier, ces pépites ont côtoyé des vieux titres, enfin intégrés, entendus, en ouverture : « J’ai croisé un ange », puis « Je voudrais que tu sois morte », « les Maldives », « Marianne couche » ou autre – je n’écris jamais set-list à l’appui – on mesure à quel point, en rentrant, c’est près de quarante ans qu’on a revisités hier, dans cette salle minuscule dont on regrette juste que les sièges n’aient pas volé en éclat – à peine se sont-ils levés sur « Nazca », rendant ensuite le titre éponyme du dernier album, censé mettre tout le monde d’accord, à un relatif anonymat, dommageable, juste une seconde. Pétrier aura joué de son humour répétitif jusqu’au bout, soulignant comment, album après album, il aura eu raison (sur l’écologie, sur le délitement) sans que personne l’écoute, la salle sera restée contemplative jusqu’au bout, sans que personne n’ait à redire. On épargnera à ce show-man ultime la confusion entre une Martin & une Géraldine, un « merde ! » lâché au piano en plein « Cimetière d’Orville », en solo, avant que le groupe vienne clore. Et nous mettre, comme son ingé-son au t-shirt d’Aurelia Kreit, dans le joyeux bordel – le Cirque Pinder, lâchera-t-il, élégamment – de nos vies. Qui tiennent, encore, par l’essence que chacun de nous veut bien y mettre pour que ça continue. Comme elles veulent, encore et encore.

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06/05/2022

Simplicité d'esprit.

Jim Kerr.jpgOn va voir les Minds comme on décide, un soir, de se refaire un blockbuster de cinéma, pour le plaisir, pour se rappeler à quel point on l’a aimé à sa sortie, quand la vie était plus simple, peut-être, à moins qu’on en enjolive le souvenir. Devant la Halle Tony Garnier, hier, la foule qui affluait était monochrome, teintée de gris dans les cheveux et vêtue de façon anachronique, veste en jean avec des patches pour les filles devenues femmes et blouson en cuir un peu (trop) près du corps pour les hommes. Une concentration exceptionnelle, statistiquement, de vaporettes, des kebabs qu’on avale comme à l’époque sans se soucier des conséquences digestives dans la nuit, pas de doute, on était bien dans l’attente d’un des groupes des 80’s qui s’en est le mieux sorti, ontologiquement, qui n’a pas cédé aux placements fosse or ou zone VIP. C’est à l’ancienne, tu rentres, tu avances, et si tu es plus grand que les autres, eh bien, tant pis pour eux. Évidemment, il vaut mieux, sans doute, voir les Minds en hiver plutôt qu’en été (ou presque), parce que la redingote écossaise de Jim Kerr à la salle 3000, en 2015, ne sera jamais égalée. Là, c’est élégant, veste, jean, petite écharpe de tweed, un ou deux morceaux oubliables pour commencer et le récital, au sens propre, peut démarrer : des tubes par dizaines, la bande-son de l’existence de chacun des êtres réunis dans la Halle aux bestiaux. « Mandela Day » pour commencer, « Waterfront », « Someone somewhere (in summertime) », « Alive & Kicking”, “Belfast Child”, tout cela dans le désordre, en deux temps, avec un Jim qui a trouvé la formule que ses camarades de l’époque n’ont jamais trouvée : deux choristes qui montent dans les tons, voire qui chantent à sa place, une batteuse exceptionnelle qui finit les morceaux debout, Charlie à la guitare pour sauver la formation d’origine, et une réelle joie d’être là, deux ans après la programmation initiale, deux ans passés, dit-il, à faire fructifier l’argent qu’on lui a donné et qu’on n’a pas repris, en gage de fidélité. Il est drôle, (toujours) beau, il est, disais-je déjà il y a sept ans, l’inverse de ce que Bono est devenu. Et puis surtout, en une seule phrase restée célèbre (« let me see your hands ! ») et répétée à l’envi, il te crée une union populaire à lui tout seul et en une seconde et demie, autorise tout le monde à hurler ses textes en yaourt, et laisse chacun de nous se prendre pour Bender, de « Breakfast Club », le temps d’un « Don’t you » de 15,26 minutes. Décor, lumières, son impeccable (une gageure, à la Halle), tout était formidable, hier et les Minds, comme nous, n’avaient pas envie de partir, ajoutaient un morceau, puis un deuxième, un troisième, finissaient par un « New Gold Dream » dont le refrain, seulement, ainsi, allez, que les courbatures de fin de soirée, et la gueule de bois de ce matin, rappelaient qu’on parlait là des années 81,82,83,84 (In English, please !).
Photo: Joël Cathebras
 
NB : J´avais raconté, ici, cet épisode de mon épreuve de philosophie, au Bac, pendant laquelle j’avais remarqué ma jolie voisine du rang d’à côté, deux places devant. Je crois qu’elle m’a permis de me tirer de cette épreuve, et d’aimer la matière au point, bien des années après, de l‘enseigner moi-même. Elle avait quand même dû remarquer quelque chose - pourtant nous n’avons pas échangé un mot - parce qu’une ou deux semaines après, nous nous sommes retrouvés, et reconnus, au concert de Simple Minds, au Palais des Sports de Lyon. À cette époque, dans les concerts, les mains se frôlaient un peu, puis les corps se rapprochaient d’autant et enfin, suivant l’humeur et la volonté de la demoiselle, les lèvres se touchaient et les langues se mêlaient. Ce soir, elle sera peut-être dans la salle, comme moi, mais notre histoire n’a pas dépassé le dernier rappel, il y a trente-six ans, et il y a peu de chances qu’elle reprenne : la vie a changé, depuis, les règles du jeu aussi. Mais j’aurai une pensée pour elle, dont je ne connais pas le nom.
Let me See your hands!

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02/05/2022

Comme dans une chanson de Springsteen.

En voilà une belle histoire que cette chanson, qui réunit deux copains de trente ans, Gérard Védèche & Eric Hostettler, et deux autres de quarante-cinq, Denis Simon et moi-même. Dans ce film de Paul Herfray, il y a du Franck Gervaise, également, et des caméos du Boss lui-même et de Olivia Capecchi. L'Amérique des autres. Enjoy!

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16/04/2022

Va, ma mémoire est inflammable.

IMG_0908.jpgÀ force d’avoir laissé le temps passer par derrière – en vision sartrienne – on a fini par oublier que ça fera bientôt 30 ans de scène partagée avec Jean-Louis Murat. Je m’entends : je suis toujours resté sagement à ma place, dans la fosse comme hier, aux Abattoirs de Bourgoin-Jallieu, 10 ans après que je l’ai vu là-bas, déjà, comme partout ailleurs, principalement dans les petites salles de la couronne lyonnaise, les Transbordeur et autres Salle Rameau n’étant plus qu’un vieux souvenir pour lui et son public de sexagénaires ou presque. Jean-Louis Murat, je l’ai dit souvent, c’est l’histoire d’une anomalie musicale, depuis longtemps : un premier 45t mythique, au titre prometteur (« Suicidez-vous, le peuple est mort ») et puis ensuite, la volonté des maisons de disque d’en faire un concurrent à Julien Clerc, à base de chansons qu’elles n’ont pas comprises et de zooms sur les yeux bleu délavé, et la moue boudeuse. Ensuite il y eut la phase provocation permanente et outrance à foison. Jusqu’à ce que, depuis une petite dizaine d’années, il décide de ne plus faire que ce qu’il sait faire, jouer avec ses potes, sur scène comme à la maison. Ne plus se soucier du public qu’en lui donnant ce qu’il est venu chercher, de la musique. Pas celle qu’il s’attend forcément à entendre, mais ça, c’est lui qui décide. Et l’homme étant prolifique, et guère porté sur la nostalgie, on ne s’illusionne plus depuis longtemps d’entendre les vieux titres que les fans portent comme d’imbéciles privilèges, parce qu’ils les ont entendus. Je le sais, j’en suis. Pour autant, hier, aux Abattoirs, c’est en quatuor que le Bougnat s’est présenté, avec les fidèles Denis Clavaizolle aux claviers, Fred Jimenez à la basse et, nouveauté de la tournée, Yann, fils du premier nommé, à la batterie, en lieu et place – ce qui ne veut rien dire, en musique – de Stéphane Reynaud. Clavaizolle (Denis) de retour, c’est plus de nappes, forcément, et un léger recul de Jimenez, revenu de Johnny (et pour cause), mais c’est une session rythmique qui pose des spectres gros comme ça avant que le patron, dont on se demande s’il ne lance pas des accords de guitare avant même de savoir ce qu’il va jouer. Une fois les intros posées et le groupe en place, il extrait de son pupitre les textes qui paraissent secondaires, et fondés, en refrain, sur les Ouh Ouh Ouh et les Yeah de tout Bluesman qui se respecte. Voix plaintive ou de tête, Bergheaud chante son dernier album, la vraie vie de John Buck, et remonte quelques titres de ceux d’avant, de Baby Love à Morituri. Presque enjoué, sifflotant et esquissant quelques chorégraphies assises, il enchaîne sans parler, les trois musiciens jouent des chœurs réguliers et féminins, on passe du Blues trainant (Jean Bizarre, La Princesse of the Cool, Cine vox…) à des morceaux presque dansants, comme le tubesque Chacun sa façon ou le gervaisien Franckie et quand on connaît l’énergumène, on se laisse aller à croire qu’il est bien, là. Qui change même l’ordre de la set-list en disant qu’on a l’air sympa et qu’on va leur jouer quelque chose de cool. Un temps, le cœur s’arrête et on se dit qu’il va sortir un Troupeau, ou l’Irrégulière, histoire de boucler une boucle de vingt-cinq ans et d’un week-end pascal. Apprends à t’aimer, chante-il, a capella d’abord, puis repris par la troupe. Clavaizolle se positionne au piano solo, et ramène, de Taormina, le sublime Chemin des poneys, ou bien ma mémoire a-t-elle confondu des titres, et ramené le peine d’amour, peine toujours, peine de cœur à la surface. Peu importe, il arrive toujours ce moment où l’on regarde Jean-Louis et qu’on se dit qu’on a toujours eu besoin de lui et que si j’ai toujours combattu l’espèce de béatitude qui règne chez ses fans, il pourrait bien chanter le bottin, me glisse l’ami Olivier retrouvé là-bas, ça ferait l’affaire, encore et encore. Je me revois me morfondre sur l’anthologique Maîtresse du live de 93, et là, trente ans après, c’est un très beau septuagénaire aux éternelles allures d’ange déchu (yeux fermés, sourcils nourris, taille affinée, beau t-shirt Budapest) qui se risque – après un long Battlefield -  à « plomber la soirée » en chantant, toujours en piano-voix, le sublissime Arc-en-Ciel, son refrain qui perfore : Je suis devenu un coucher de soleil Je parle comme les feuilles d'avril Je vis enfin dans chaque voix sincère Avec les oiseaux je vis le chant subtil. Murat, ça n’est pas la madeleine, c’est l’étal complet du boulanger. Il peut finir sur un Taormina (le titre) dantesque, comme il finissait jadis par le jour du jaguar ou, plus en avant encore, la fin du parcours, étalant le morceau et ses reprises jusqu’au bout de la nuit berjallienne. Bergheaudienne. En quittant les Abattoirs, je me demande s’il y sera encore en 2032, si je serai dans la fosse, encore. Pour plus de précautions, je serai à Montpellier, en septembre. Après chaque accident – fût-il phénoménologique – il faut se palper, vérifier qu’on est bien en vie toujours. C’est à ça que me sert un concert de Murat, tous les ans ou presque : la pharmacienne d’Yvetot ne saurait rien me prescrire de mieux.

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