Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

03/03/2011

Des hommes morts

On lit en moins d'une heure, évidemment, les soixante-deux pages de "Ce que j'appelle l'oubli", le brûlot de Laurent Mauvignier, un écrivain dont je n'ai dit et pensé que du bien ici et ailleurs. Un très court récit asphyxié, incessant, lâché d'une traite le temps d'un passage à tabac mortel d'un jeune paumé par un groupe de vigiles zélés d'un supermarché. La leçon prend les traits, paradoxaux, d'une remontée dans l'existence via l'interpellation par le narrateur du frère de cet homme-là, qui lui ressemblait trait pour trait jusqu'à ce que des hommes qui se sont mutuellement autorisé le passage à l'acte défassent cette union-là, entraînent - par un festival de conséquences qu'il défendront, penauds, devant un procureur qui leur demandera si la vie d'un homme vaut une canette de bière (son seul larcin) - l'obligation dudit frère de reconnaître le cadavre tuméfié à la morgue. On peut penser aux hooligans de son "Dans la foule" qui, dans la confusion du Heysel, ont tué sans qu'on le leur reproche avant longtemps; on reste figé par la violence, par le dernier espoir d'un homme qui, sous les coups, se dit qu'ils vont bien finir par arrêter et qui se rend compte, peut-être, qu'ils n'arrêteront pas, que sa vie le laissera là où ils n'avaient pas le droit de l'emmener, une remise dans un coin du hangar à provisions. C'est prenant, c'est triste à pleurer parce que c'est terriblement humain. On appelle ça un fait-divers, même: il est stipulé que cette fiction s'en est inspirée d'un, datant de 2009 et s'étant déroulé à Lyon. Il semble de plus en plus essentiel que des romanciers, même s'ils sont peu entendus, s'en fassent l'écho: peut-être que dans la nuit des temps, on se souviendra qu'ils nous auront prévenus.

Les Editions de Minuit, 7€

19:06 Publié dans Film | Lien permanent