16/03/2012
L'Enfance (toujours) éternelle.
Denis Lecarme est un vieux gaulois dégingandé. A l’envers, dégingandé de par sa taille et par le corps qu’il anime comme un automate sur la scène d’Agend’Arts. Gaulois, inévitablement, par la moustache et par l’œil pétillant de celui qui sait qu’il va pouvoir raconter ses petites histoires de résistance à la médiocrité envahissante. Vieux, et ce n’est en rien péjoratif, parce qu’il est sorti de l’Enfance Eternelle, ce groupe mythique dont les pochoirs sur les murs de Lyon, dans les 80’s, ont contribué à la fantasmagorie qui l’a entouré. On parlait de messe noire et de sacrifices d’animaux là où il n’y a toujours eu que mise en scène, costumes excentriques, crêtes et guitares saturées. L’imagerie post-punk de l’Enfance Eternelle, la pochette du « Jour des fous », la fidélité de leur public, les émissions sur FR3 Régions de l’époque, tout cela a fait qu’on n’a jamais autorisé à ces Peter Pan de l’époque de vieillir sous peine de prendre nous les trente ans qu’on n’a pas voulu voir passer. Sur ce blog, pour le coup, on n’est pas loin du morpion : je compte parmi les gens que j’admire et avec qui j’ai la chance de travailler le chanteur du Voyage de Noz, arrivé quelques années plus tard mais seul survivant de cette scène lyonnaise de l’époque, j’écris l’histoire d’Aurelia Kreit qui m’a été soufflée un jour de 1986. Et j’ai donc vu, hier, Denis Lecarme reprendre, au milieu de ses nouvelles compositions, un morceau de l’époque réaménagé mais reconnaissable par ses programmations de guitares new-wave. Denis joue sur scène avec Fred Dubois, qui a orchestré l’enregistrement de « Trop Pas ! », qui lance les pistes midi et couvre le morceau de sa basse ronde et sourde. Apporte au chant les chœurs qui soulignent. Denis, c’est Modiano sur scène : à peu près aussi fulgurant dans ce qu’il chante qu’éthéré dans ce qu’il veut en dire entre deux morceaux. On en sourit dans le public, ce n’est pas grave, on a compris : voilà un homme qui veut nous parler de ce qui est absolument essentiel, une vue par la fenêtre, un être de moins d’un mètre chez lui, la part de fatalitas propre à l’existence (« qui c’est c’ui qu’y’a dit : les chiens font pas des chats ? ») mais aussi le métissage des couleurs et des cultures qui l’a rendu heureux. Un homme qui parle couramment et ponctue ses chansons de l’Italien et du Douala de Lyon. Un homme qui trouve le sens dans les choses les plus simples et qui, par pointillisme, se créé un univers, refait le lien. On est pas si loin de l’enfance éternelle, à la différence près que, l’espace d’une heure, comme avec un autre poète, on l’a retrouvée, l’éternité.
Photo Tom Phototom
17:43 Publié dans Blog | Lien permanent
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