02/06/2025
Bruce tout puissant.
Il y avait du symbole dans l’air, hier, au stade Vélodrome de Marseille quand Bruce Springsteen s’est décidé d’insérer Twist & Shout des Beatles (Marseiiiiiiillllle, are you sure you’re ready?) avant le Chimes of freedom final. Parce que c’est avec ce morceau qu’il clôturait déjà la tournée Amnesty International, prenant dans ses bras en sueur (euphémisme) un Sting tout de lin impeccable vécu, Youssou N’Dour, Peter Gabriel, Tracey Chapman… C’était en 1988, à Wembley Stadium, et le petit imbécile branché que j’étais découvrait le rock, saisissait le malentendu dans lequel Born in the USA avait plongé le trentenaire (trop?) musculeux à débardeur. Il fallait entendre The River chanté par un chœur de 93000 personnes, au moins une fois dans sa vie, ça m’est arrivé, et ça m’a fait gagner du temps. Depuis, les rencontres ont ponctué ma Live Life, en 1999, à la Halle, pour un concert oubliable, en 2013 au Stade de Genève (bof, encore) mais surtout pour deux concerts mythiques à Paris-Bercy en 2012 et 2016, 3h30 à chaque fois, une variation de set-list de 20 morceaux d’un soir sur l’autre et surtout des concerts vécus du Pitt, dans les tous premiers rangs. Évidemment, le Boss a vieilli, les set-lists se sont rangées et j’ai moi-même reculé de quelques rangs, en gradins. Je n’ai pas pu aller le voir à La Défense, en 2023, j’avais programmé mes adieux au E-Street Band l’année dernière à Marseille et, prévenu, sans doute, il a annulé 2h avant l’ouverture des portes: extinction de voix… Ça aurait pu être le signal de la fin, mais il est revenu, hier, dans cette configuration stade que je n’aime pas, mais dans un décorum exceptionnel, le Vélodrome, et rien que d’avoir été là, une dernière fois, au même endroit que lui m’a fait oublier un emplacement cher mais pas terrible. Dès Land of Hope and dreams, j’ai les larmes qui montent, sans explication, ou plutôt si. Ça y est, la jonction s’est refaite d’elle-même, j’aurai renoncé, cette année, à mon dernier rendez-vous avec Paul Mc Cartney pour finir ces grands-messes avec le Boss. Trop de fatigue, de vertiges, de queue dehors, devant le métro du retour etc. La bande-originale de ma vie défile, la volonté de faire fort est plus marquée qu’en 2023, les morceaux crépusculaires sont enlevés, il y a la page politique très marquée et son discours anti-Trump fort, sans démagogie. 50 ans, dit-il, qu’il nous chante une autre Amérique que celle qui se passe sous nos yeux, maintenant (it’ s happening now!), ça passera au Vél’ par les mythiques Darkness on the edge of town, Promised Land, Hungry Heart et the River enchaînés, les sanglots longs des violons de Soozie, la basse ronde de Gary Tallent et la maestria de Max Weinberg, le (vrai) directeur artistique, pour ne citer qu’eux. Mais comment ne pas nommer Jake Clemons, neveu d’un Big man jamais parti et célébré hier en toute fin de concert, par écrans interposés? On y retrouvait un Bruce jeune et flamboyant, mais hier, contrairement à mes craintes, la voix était impeccable, les rituels de jets et de tournoiement de guitares ciselés, la joie d’avoir tenu parole prégnante. Because the night redonnera la parole au peuple après my City (country) in ruins, il a toujours de l’espoir, dit-il parce que son pays se débarrassera de ce président-là, quand il le faudra. Après Badlands et ses chœurs iconiques, c’est Thunder Road en full Band, le message de mon ami perdu dans les 80000 spectateurs comme s’il la chantait pour moi - c’est d’ailleurs à moi seul qu’il a dit « très biiiien! » après le show a Little Faith, there´s Magic in the night hurlé par la foule! - et là tout remonte encore, l’idée que j’ai bien failli ne pas être là pour le voir, qu’un jour lui ne sera plus pour le chanter mais qu’entre-temps il y a eu un monde avec Springsteen et que le gigantisme n’a rien enlevé. Il choisit de finir à fond, d’ailleurs, le Boss, Born in the USA, Born to run, Bobby Jean et Dancing in the dark, avant le final, avant qu’il lâche son rituel You’ve just seen the heart stopping, pants dropping, earth shocking, hard rocking, booty shaking, earth quaking, love making, viagra taking, history making, fucking legendary E STREET BAND, de les saluer un par un à leur sortie, de finir par une accolade virile avec Jake et quitter la scène après 3h de show à fond, à 76 ans. Et nous laisser là, emplis de gratitude. Merci.
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