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23/06/2023

Deux heures et des poussières.

IMG_2474.jpgJe disais récemment que j’aurais beaucoup de mal à dépasser le stade du 22e concert de Benjamin Biolay, pour ne pas avoir à (me) dire que je l’ai vu plus que Jean-Louis Murat, qui doit rester, sinon immortel, l’artiste de ma vie en concerts. De fait, j’ai dû reprendre mes listes pour savoir combien de fois j’avais vu le Calado-sétois en live et ça n’était finalement que la 11e fois que j’allais à sa rencontre, ça laisse de la marge. J’y suis allé en claudiquant, confrontant mes vertiges, pour la première fois, à l’épreuve d’un grand rassemblement, et j’ai profité autant de mon statut – pour éviter la file d’attente – que des épaules de mes amis pour ne pas perdre l’équilibre. Opposer à la fatigue plus rapide la joie de revenir à ce qui fait l’essence de mon existence, ces musiciens qui entourent l’artiste aussi fragile et généreux sur scène qu’il s’efforce de paraître puant à ceux qui ne le connaissent pas. Et qui, depuis son premier 45t, en 2001 – « les cerfs-volants » - aligne les standards comme d’autres les chemises à motif, comme la noire qu’il arborait hier en hommage à Elvis, coupe de cheveux comprises. Voilà un homme capable d’ouvrir ce premier des deux concerts tant atendus, dans la ville à laquelle il a consacré son dernier (double) album, « Saint-Clair », par le sublime et générationnel « la Superbe ». Il a le trac, il le dit, mais il se détend parce qu’il sait qu’il va passer « une bonne soirée ». Et tout est fluide, jusqu’à ses petits pas de danse de boxer un peu pataud. Il a une nouvelle formation qui ne va pas arranger sa réputation trufaldienne, avec deux sublimes musiciennes sud-américaines, aux claviers et à la basse (comment retrouver leurs noms sur Internet, pas simple…) et les fidèles Jaconelli, Almosnino & Entressangle aux guitares et batterie pour bétonner un son solide, résolument rock pour sortir des ballades qu’il concède. Il y a une première surprise avec l’arrivée de Marie-Flore pour chanter en duo cette superbe chanson de la première : « Je sais qu’il est tard ». La set-list est originale, il y a des titres de la première heure, des morceaux qu’il n’a pas joués depuis longtemps, « Si tu suis mon regard », un « Parc fermé » sans Adé mais qui fait (déjà) se lever un théâtre (déjà) acquis. Évidemment, quand on amène un synthé et que Almosnino se met à la basse Hofner pour accompagner, en formation complète, le panthéonesque « Ton héritage » (peut-être parce que chacun se l’approprie, cette chanson), ça donne déjà un concert que personne n’oubliera, et certainement pas lui. Il ne peut plus qu’achever la foule dès les premières mesures de « Comment est ta peine ? », reprise ad libitum – il faudrait qu’on apprenne à vivre avec ça-a-a-a-ah – jouer un peu de lui-même avec les Sète répétés pour montrer (il est filmé) qu’il est aussi chez lui aussi et que ça signifie quelque chose quand on a écrit dix-sept titres sur l’île singulière et sa colline sacrée, St Clair. Qui clôt le dernier rappel et le premier concert des deux. Triomphalement, même avec un dernier refrain chanté avec un micro muet.  Cinq heures et des poussières, Saint-Clair Six heures et des poussières, Saint-Clair Sept heures et des poussières, Saint-Clair Huit heures et des poussières, Saint-Clair, ça reste en tête, jusqu’au lendemain. Ça tombe bien, il revient. Et moi aussi : je n’ai pas failli ne plus jamais le revoir pour ne pas en profiter pleinement. Même assis, en titubant.

PS : pas revu Bruno après le concert, mais à sa moustache quand BB a chanté « les amoureux des bancs publics », pas certain qu’il ait été dans son élément, hier.

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09/06/2023

Murat & I (10/10)

Capture d’écran 2023-06-09 à 11.35.56.pngÉvidemment, on pense à la fin du parcours, cette version du Transbordeur 93 immortalisée dans un inédit Murat Libé live parce que, officiellement, la version était trop longue pour figurer sur l’album. Sans doute aussi faut-il aller chercher du côté d’une guitare volontairement désaccordée par ses potes, pour faire une blague, mais peu importe, cette première longue chanson aura étrenné la tradition de terminer ses concerts par une épopée, sans chronologie, Nu dans la crevasseles jours du jaguar et récemment – hier, encore – Taormina. La fin du parcoursOh assis sur un banc, j’attends– alors même qu’il ne faisait que commencer, l’ironie muratienne n’est jamais loin, comme d’annoncer, d’entrée, que tout est dit (ça reviendra) dans mes chansons. Qu’ont-elles pensé, le 25 avril, les endimanchées, ces deux femmes qu’il a interpellées parce qu’elles quittaient la salle, avant l’heure, ce soir de premier concert ? On a parfois des existences inversées, pour un rien : j’ai failli ne pas y aller, à ce concert, parce qu’un ami m’avait prévenu de la nature bougonne de l’individu. Je ne me suis décidé que parce que ma compagne m’a annoncé qu’elle y allait, avec une amie. J’ai entamé ce soir-là un parcours de vie qui ne s’est finalement fini que récemment, en septembre. C’est mon dernier bal, disait-il il y a 30 ans. C’est bien, ces adieux qui prennent trois décennies, ça donne l’impression d’avoir eu le temps de se préparer, même si ce n’est pas vrai. Elles, les deux, là, ne sont sans doute jamais retournées le voir, sont passées à côté, à autre chose. Mais personne ne les a oubliées. Même en négatif, elles appartiennent au lien défait, cette antiphrase qui fait qu’on n’en aura terminé avec JLM que quand on sera passé du même côté de lui. Adieu, ami, bye-bye. C’est la fin de mes chroniques*, de ces mots qu’il fallait poser sur sa perte. Ma façon – jusque dans la potacherie du titre – de m’approprier, juste un moment, cet homme qui a fait partie de ma vie et que j’ai croisé 23 fois, au total, avec qui j’ai échangé, rapidement parce que je n’aime pas ça, deux-trois mots, à qui j’ai confié un livre et qui a apprécié. Le reste, les hommages, les complaintes, le quant-à-soi, je l’ai dit, ça ne me concerne pas. Je lui ai fait mon petit décalogue impromptu, je peux le laisser partir.

* c'est curieux, je l'écris, mais quelque chose me dit que ce n'est pas vrai.

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08/06/2023

Murat & I (9/10)

Capture d’écran 2023-06-08 à 13.35.23.pngC’est absolument dérisoire, mais s’il fallait en choisir une, ce serait celle-ci. Une autre dans une heure, je l’ai déjà dit, mais quand même. C’est – là aussi – un OVNI dans la production de JLM, puisqu’issue d’un DVD – Parfum d’acacia au jardin – et jamais parue sur CD, ou sur une compilation, ai-je le souvenir. « Plus vu de femmes », c’est l’acmé d’une séance d’une journée au studio Guillaume Tell de Suresnes, en noir et blanc, dans une ambiance des 50’s avec une seule prise, en live, entouré de Fred Jimenez & Stéphane Reynaud, toujours, avec la guitare de Christophe Pie comme invitée et la présence irradiante de Camille aux back vocals. Elle est d’une telle sensualité, Camille, dans son déhanchement (bien saisi le plan d’avant) qu’à 2’52, le barde auvergnat se déride, se départit de son sérieux et de son anachronisme pour… sourire*, et immortaliser un instant rare, chez lui. Un an après Lilith, Camille devient LA femme, de celles dont il regrette de ne plus les voir. Telles quelles ? Nostalgie d’un amour courtois – Tout me revient au souvenir d’icelle, glisse-t-il dans Elle avait le béguin pour moi – ou surprise à peine feinte devant la place qu’elle prend, dans la chanson comme ailleurs. Faire autant fi des lois de l'hymen, alors, vraiment ? Ça justifie à lui seul, ce sourire, ce malentendu éternel, et ça fait écho au culot de la jeune fille, déjà, en 2004. Seul aux commandes de la tendresse, croit-il, mais en fait, non. Elle est face à trois gaillards, en studio, et c’est elle qui tient les rênes. Et la magie opère.

* "Avaient-ils jamais rencontré ce sourire ?
- Jamais
- Que feraient-ils s'ils le rencontraient un jour ?
- Ils le suivraient ."

14:17 Publié dans Blog | Lien permanent

07/06/2023

Murat & I (8/10)

mort-du-chanteur-jean-louis-murat-a-71-ans.jpegIl y a toujours des chansons qui sont liées à des instants précis, je ne vais pas revenir sur la réminiscence, mais en 2002, pour ce qui est pour moi le meilleur album de Murat – à chaque fois que je dois choisir, je repense à ce gag de Greg dans lequel Achille Talon explique qu’il reçoit un courrier de lecteur pour dire à chaque sortie d’album que ce n’est pas le meilleur de la série… - je suis dans ma ZX vert Hurlevent magnifiquement dotée d’un auto-radio CD et c’est ainsi, en sortant de la FNAC où je m’étais arrêté, que j’ai écouté l’album pour la première fois, conquis d’entrée par la session rythmique, le duo Fred Gimenez & Stéphane Reynaud qu’on ne peut pas dissocier de l’auvergnat. Aime-moi, ça n’est pas la première fois que JLM use de l’impératif – le seul verbe avec lire qui ne le supporte pas – mais l’entrée dans l’album et dans le morceau est dantesque et simple à la fois. Ouvrira sur une tournée dont on ne saurait qu’après qu’elle fut marquante chez Murat parce qu’elle lui a permis de s’autoriser comme guitariste, et que malgré l’immense respect qu’il faut avoir pour Clavaizolle, le trio s’avèrera suffisant et très marquant. L’immense Fred Gimenez, le compositeur du sublime Bird on a Poire*, l’homme qui dut quitter Jean-Louis pour les 80 concerts garantis de la tournée de Johnny, qui revint, tranquillement, quand l’aventure s’est terminée, Fred, l’homme grand et massif aux costumes sombres qui passa la dernière tournée plus en retrait que quand on découvrit Gimenez/Murat/Reynaud sur la même ligne, en scène, et qui aligna des morceaux qu’on n’attendait plus. L’amour qui passe n’a rien d’une grande chanson de Murat par le texte, mais ses Oh Oh font fureur et il y aura toujours lieu de s’interroger sur les magnifiques chevaux, qui sait ceux de la fontaine de Trévi, puisque c’est le jour (clin d’œil). Fred aura perdu Johnny, Stéphane aura eu une vie marquée par les deuils et il y a de quoi être très triste pour eux, aussi. Parfois une existence s’interrompt comme la chanson le fait d’un riff de guitare.

* Monsieur a donc cessé de craindre les demoiselles, mais qu'en pense la sublime Jennifer?

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06/06/2023

Murat & I (7/10)

870x489_sc_jean-loup-sieff-2-copie.jpegLe cliché qui veut que l’imagination, la sensibilité, la capacité d’exprimer une émotion relèvent du côté féminin n’a jamais été si éloquent que sur cet inédit, en face B de « Sentiment nouveau » sur lequel, chose curieuse, je n’arrive pas à mettre la main depuis la date fatidique du 25 mai. Pour la bivalence de son propos, la femme à laquelle on pense, la femme qu’on est en partie quand on dit le manque et l’abandon. Il y a la même dualité quand la vigueur du corps est évoquée, le joug, également, autant d’attributs virils qui disent la domination de l’autre sexe à celui ou celle qui est resté(e) sensible. Il y a tout Murat dans ce titre, dans sa façon de faire traîner la diction, dans le mélange des langues et des perceptions. Dans l’énoncé de l’amour vulgaire, également, le même rejet de la vulgarité qu’on retrouve dans l’Irrégulière. Il y a la nappe de synthé, les propos murmurés en entrée et surtout cet octosyllabe du diable, « Va ma mémoire est inflammable », la phrase qui ponctue mes « Portraits de mémoire », par ailleurs. Il pourrait parler d’une mère, d’une amante, d’une déesse initiatrice*, au livre de Job -Souviens-toi que tu m'as façonné comme de l'argile ; Voudrais-tu de nouveau me réduire en poussière? - et au vase du même nom. La place des femmes est essentielle dans le travail de JLM, comme chez tous les créateurs mâles à l’âme tendre : l’entrée de la batterie le martèle, on ne se sort jamais du charme sous lequel on est tombé (une des rares chansons d’un autre qu’il a reprise, celle de Louise Féron…). C’est un morceau hypnotique, pour le coup, qui renvoie savamment à l’homéostasie, la recherche permanente de l’équilibre. Un masculin-féminin tempérant, chevaleresque, entre le guerrier et le gentilhomme, le savant et le poète.

* Lilith, ce démon féminin issu de la tradition juive, considérée comme la première femme d'Adam, avant Ève? 

17:48 Publié dans Blog | Lien permanent

05/06/2023

Murat & I (6/10)

JL-MURAT-e1583661790895.jpegÀ qui s’adressent les chansons, pas sûr que l’auteur lui-même le sache. Pensait-il à Marie Chantegreil,, fille du braconnier Chantegreil, nièce d'Eulalie Rébufat, la femme du méger du Jas Meffren quand Jean-Louis Murat a écrit celle-ci, « Nous nous aimions tant » - la diérèse a son importance – jamais enregistrée nulle part et exclusivement dans le souvenir de ceux qui ont assisté à cette tournée, en 2000, pour moi la meilleure. À qui s’adresse-t-il, dans un langage suranné, au passé simple, quand il écrit cette cantilène plaintive ? Quand il se met à la place de Silvère - Miette, dans les Rougon-Macquart*, meurt dans la fusillade de Saint-Roure  - conduit à l’échafaud (Voilà l'instant cruel, amour oh mon aimée Déjà siffle déjà la lame du bourreau). Silvère Mouret, dans les Rougon, est mort à dix-sept ans, la tête fracassée, d’un coup de pistolet, par un gendarme… Il n’y a donc pas de dédicace directe à ce texte magnifique, juste l’aveu, anachronique, d’un amour rendu impossible par l’époque, les familles, les conventions. Il fallait l’enrober d’un côté violent, à la guitare, d’un refus crié (Oh non non NON !). Il faut nous séparer, c’est l’impératif catégorique en soi, mais les roses trémières renvoient à l’immortalité des amants, puisque Murat, de son propre aveu, est condamné au verbe « aimer », comme « esclave » des mots "ange", "âme", "amour", disait-il. Ça n’est – même – pas une face B, ni un des inédits qu’il a distillés sur son site pendant des années : ça a été un rendez-vous, en début de siècle, avec une histoire telle qu’il s’en passait deux siècles avant. Et qui est resté.

* dont on dit qu'il fut inspiré par le Pierrette d'Honoré de Balzac.
 

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03/06/2023

Murat & I (4/10)

murat paysan.jpegUn jour, le génial et regretté (aussi) Didier Le Bras, le plus grand exégète de Murat, m’a demandé pour son blog protéiforme les dix chansons* que je sélectionnerais de l’Auvergnat. Un vrai casse-tête, une liste que je ne retrouve pas et que, de toute manière, je changerais aujourd’hui, et d’heure en heure. Mon décalogue chronique, là, n’a pas non plus valeur de sélection, même si quelques-uns figureront dans mon Panthéon. Mais « l’almanach amoureux » est peut-être un des plus beaux textes de Murat, tant il rend hommage à sa culture profonde et ancestrale, au continuum paysan qu’on retrouve dans les proverbes liés aux plantations, aux floraisons, aux précipitations, à toutes les manifestations de la Nature et de ses éléments. Une étude précise et linéaire du calendrier telle qu’on l’entendait de la bouche des anciens, à laquelle il rajoute sa déclaration à Mademoiselle – sa douce amie- ce mot qu’on veut abolir, maintenant. La St Martin, la St Médard, la St André, la St Michel ponctuent cette énonciation cyclique qui s’apparente, dit-il, à une vie, complète. Il y a quelques miaulements, des bruits d’oiseaux – comme d’habitude chez Murat – la voix est suave et l’orchestration très classique, presque naturaliste puisqu’il s’agit ici d’exprimer un bon sens intemporel. Une ballade, un rondeau, un virelai ? C’est sans doute le morceau le plus médiéval du troubadour, histoire de justifier un des clichés véhiculés. On y retrouve, sous les beaux atours, la crainte de la perte et de la mort, l’idée qu’il faut travailler, littéralement, à sa survie (fainéants peuvent s’aller pendre), ou la justifier par le labeur, c’est selon. Murat y a mis tout ce qu’il a appris en tant qu’homme qui cultive la terre, tout ce qu’on lui a transmis. Sans doute s’est-il inspiré des Proverbes et dictons rimés de l'Anjou d’Aimé de Soland, qui reprend les dictons relatifs aux mois, paru au milieu du XIXe siècle. En juin, c’est le trop de pluie, dit-il, qui rend le paysan chagrin. Gageons qu’en ce juin de cette année, les paysans du Mont Sans Souci ont d’autres raisons de se morfondre. En silence.

* à l'instant T et au débotté : "le lien défait", "Plus vu de femmes", "A Woman on my mind", "la fin du parcours", "la chanson de Dolorès", "Aimer", "l'amour qui passe", "Sentiment nouveau",  "Maîtresse" & "En amour". Revenez dans une heure, j'en aurai dix autres.

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02/06/2023

Murat & I (3/10)

MuratGrtbaise.jpegQuand Jean-Louis Murat écrit « Quand femme rêve » pour Julien Clerc, et qu’il situe la chanson sur l’île d’Ouessant, il y a clairement dépassement de soi : le paysan d’Orcival, bien ancré dans la terre d’Auvergne, n’a aucune vocation à la mythologie des marins et c’est aussi pour ça que la chanson fonctionne, doublement. Il fallait, comme Roda-Gill avant lui, dépasser le côté bellâtre de l’interprète, emmener l’auditeur ailleurs, et si possible le plus loin qu’on puisse. Ça tombe bien, Ouessant est au bout de la fin de la terre, littéralement, et c’est une île dont il est plus facile de repartir que de l’atteindre, si les éléments ne veulent pas. Gervaise, dont j’ai beaucoup parlé ici, a voulu exprimer la perte par son art*, et la superposition d’un Jean-Louis éthéré et des micaschistes de l’île - sur lesquelles viennent se fracasser les vagues et les illusions – dit l’essentiel de ce qu’il faut encore atteindre quand on est revenu de tout. Il est dans ses nouvelles tonalités de l’encre de Chine, il y a autant de fracas et de noirceur que de présence et de chamanisme, dans ces moments de concert où Jean-Louis Murat s’abandonne, attend que vienne, que vienne à (s)a bouche A Woman, ceux qui savent savent.

Je ne sais pas si Jean-Louis Murat est déjà allé à Ouessant, j’y suis déjà allé, en revanche, et la dernière fois avec Gervaise. On en a tiré, et sans se concerter, des dessins qui ont orné la Girafe lymphatique, et un poème qui renvoyait au diptyque présence/absence de celui qui l’avait incarnée, jusque-là, et qui continuera. Gervaise a voulu lier les deux impétuosités, et la damnation inhérente de l’île. Si vous ne vous y êtes pas échoué, vous serez livré au charme, et à la perte : du prisonnier dont on extrait la moëlle des oscomme fait busard au louveteauelle boira votre sang comme l’eau. C’est aussi en cela que Ouessant, la magnifique, accueille les âmes perdues ailleurs.

Toujours nous emmènera le goéland vers Ouessant, encre de Chine, 30 x 40cm, 30 mai 2023. À noter le lapsus dans le titre, qui renverra à la distinction entre échouage et échouement...

 

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