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25/06/2024

Cette petit voix qui sourd et gronde.

IMG_4075.jpgJ’ai bien cru que ma – récente – malédiction des concerts allait me poursuivre quand, au changement de plateau, une pluie d’été et de gros nuages noirs se sont immiscés au théâtre de la mer, après, c’est ballot, une superbe journée. Deux fois les techniciens ont bâché et débâché les instruments, puis profitant d’une accalmie, on a entendu, dans les premiers rangs, « on y va » et seuls les premiers morceaux ont eu lieu sous le crachin. Sans trop de dégâts : les concerts de Véronique Sanson commencent souvent par du dispensable, soit des créations récentes (qui se souvient du Hasta luego d’il y a deux ans ?) ou, là, ce soir, par Undestructible, un des plus mauvais textes qu’elle a jamais écrits. Parce que c’est ça, Sanson, le pire et le meilleur. Mais quand le pire (des textes, je répète) permet d’exposer, au sens scénique, les musiciens démentiels qui l’accompagnent, on lui pardonne tout. De toute manière, les fans de Sanson, qui ont rempli le fort Vauban, lui pardonnent tout, tout le temps, les excès qu’elle a connus, qui ont failli la perdre, ses résurrections permanentes, jusqu’à ces dernières années où sa voix l’a sauvée, elle par qui elle s’est tellement manquée, chante-t-elle. Je me suis pardonnée, se termine la chanson, que j’ai tellement écoutée chez Fred Vanneyre, dans son petit studio de Bourg-en-Bresse qui sentait l’humidité. C’était sans doute mon dernier rendez-vous avec elle, j’ai fait l’effort physique d’être tout devant – on ne m’a jamais autant reproché d’être grand ! – pour la voir de (très) près, ce tout petit bout de femme qui fait bien son âge, maintenant, mais qui aura équivalu bien des chanteurs de blues, en somme, avec son vibrato et sa façon de modeler son timbre. C’est un festival, elle jouera un peu moins qu’en tournée, alors elle y va, vite, il y a encore le grand bassiste (à 5 cordes de la dernière tournée) mais son guitariste perclus d’arthrose a dû jeter l’éponge, remplacé par un type avec un t-shirt de la Linea, aux manches relevées, comme on n’en fait plus depuis les 70’s. Des cuivres (3), un batteur fou (et bon), un percussionniste bon (et fou), qui tiendra un solo de timbal’ qui aurait sa place à Vic-Fézensac. Deux choristes, qui la tiennent, parfois littéralement. Un clavier. Il y a du Higelin dans sa façon de faire reprendre le Il est nulle part de Bernard’s Song, puis elle s’absente pour se refaire une beauté pendant que ses musiciens tiennent la scène et continuent Rien que de l’eau pendant dix bonnes minutes. Elle enflamme le théâtre avec le dansant Chanson pour une drôle de vie, la sienne. Qui aura tenu plus longtemps qu’on l’aurait cru, plus longtemps que la nôtre, qui sait. Ce qui est bien, chez Sanson, et qui me serre le cœur, un peu, c’est qu’il y a tellement de gens qui se sont reconnus en elle et se sont approprié ses chansons qu’on les voit pleurer ou faire un cœur avec les doigts, à un âge certain. Mes deux jeunes voisines s’embrassent sur Bahiaet je t’aime, caresse-moi - je ne peux m’empêcher de penser qu’on va vers des zones sombres, socialement, et que si je devais me battre pour elles, que je ne connais pas, je le ferais. Elle a chanté Amoureuse assez vite dans la set-list, et quand les musiciens la laissent pour la traditionnelle session piano-voix, on se prend à rêver de ce qu’elle joua au Corum, la dernière fois. Mais la nuit avançait, et la dame a son âge, désormais. Exeunt Seras-tu là, Toi & Moi – tant mieux, c’est ma préférée, donc celle que je redoutais le plus, dans la réminiscence – Visiteur & voyageur. Mais le silence de plomb sur le qui sourd – c’est elle qui m’a appris l’usage du verbe sourdre – et gronde que je suis seule au monde de Ma révérence valait à lui seul le déplacement. Et le Bahia final, chanté par le public, permet de rentrer chez soi et de s’endormir avec cet air dans la tête. À minuit (ou un peu plus) je suis dans mon lit, et ce n’est pas à Vancouver. Mais dans un autre port où Véro a fait escale. Il y en aura de moins en moins.

00:52 Publié dans Blog | Lien permanent

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