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14/11/2023

JYS

couv_livre_3305.jpegÉvidemment, dans la vie, il y a des gens qui marquent davantage que d’autres. Il faudrait encore que je raconte la façon dont, très jeune enseignant, j’ai compris en le regardant faire, à quel point une veste bien portée et le verbe haut peuvent aider à mettre à distance n’importe quel impétrant, quel que soit son rang, quelle que soit sa fonction. Il était ainsi, JYS, cet ami dont j’ai serré la main longuement dimanche pour la dernière fois, capable de se faire instantanément détester – toujours pour de mauvaises raisons – mais prompt à défendre n’importe quelle cause, pourvu qu’elle lui paraisse juste. Et extrêmement fidèle en amitié, ça n’est pas donné à tout le monde. Il faut aussi dire que ce libraire-anarchiste, devenu professeur d’éducation socio-culturelle au lycée horticole de Dardilly – ne lui demandez pas où se trouvent les serres, il ne sait pas (pas plus que moi) – a su s’adapter au tournant politique de sa vie, quand il est devenu responsable de la sécurité de la ville de Lyon, juste avant les attentats de Charlie-Hebdo. Il faut savoir à quel point les rangs des pompiers ou des forces de l’ordre ont aimé travailler avec cet homme droit et efficace, jusqu’à venir, du plus simple au plus prestigieux d’entre eux, le visiter à l’hôpital, ces derniers mois. Le service a compté jusqu’à 25 visites par jour, paraît-il, et il ne s’en est jamais fatigué, jusqu’à la fin, jusqu’à dimanche pour moi, jusqu’à la nuit que son ami Daclin a passée à ses côtés, avec Vincent, sans doute, son fils. Qui ressemble pour beaucoup au JYS dont je veux me souvenir, aux avis tranchés – face aux connards – et à la culture rock inépuisable. Le vent politique l’ayant plus ou moins mis de côté ces dernières années, il s’est enfin consacré à l’écriture d’une bible Pop-music, un abécédaire exhaustif et grinçant, sa marque de fabrique pour qui se souvient que, sur son blog, les fans de Genesis s’étaient déchaînés quand il avait écrit qu’il assurait la sécurité du concert, mais pas leur intégrité musicale ! Il m’avait demandé d’ouvrir un pare-feu, en riant, je m’étais amusé à rajouter un peu d’huile dessus. Les élèves et étudiants qu’il a eus se souviennent de lui comme d’un monstre de culture et de références, pas toujours saisies. Il a gardé longtemps ses vieilles VHS, ses cours dactylographiés à l’en-tête à son nom. Je garderai ces rires partagés avec tout ce qui se prenait au sérieux dans le monde professionnel que nous avons partagé, les moments où je devais lui rappeler le nom d’un collègue pourtant dans l’établissement depuis plusieurs années, le concert d’Oscar D’Leon à Vic-Fézensac, pas très loin de chez sa maman à laquelle je pense intensément, aujourd’hui : elle a 102 ans, elle perd un fils qui était quelqu’un de bien. Tant pis pour ceux qui ne l’ont pas connu comme ça. De mon côté, j’ai dit à Vincent que trente ans après mes débuts, je savais exactement à quel moment, dans le milieu professionnel, il fallait faire du Sècheresse, comme pour imposer une évidence, avant même qu’elle soit formulée. Une marque d’autorité, en somme. Dans tous les sens du terme. Ciao, Jean-Yves : je n'ai jamais eu de maîtres - pas le genre de la maison - mais j’ai eu quelques modèles, et tu resteras l’un d’eux.

 

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11/11/2023

Aux Mangeurs d'étoiles - 10.11.2023

IMG_3163.jpgIl faudra un jour – j’en ai conscience – que les superlatifs cessent, mais j’aimerais une fois encore, une dernière, peut-être, qu’on me croie et qu’on essaie, simplement, de situer l’émotion et la beauté de la soirée que je viens de passer, aux Mangeurs d’étoiles, sublime librairie du 9e arrondissement tenue par Lionel, un ancien de l’édition, à la ligne directrice exigeante, engagée et éclectique. Lequel a bien fait de passer chez Ikea se fournir en chaises parce que les 50 de la boutique ont vite trouvé preneur et qu’il a fallu qu’une vingtaine de personnes se tiennent debout, des visages amis, des curieux, des venus pour les musiciens ou autres. J’appréhendais ce moment un peu plus que les autres parce qu’en ex-régional de l’étape, j’espérais secrètement que la librairie soit pleine, qu’on rende au libraire l’effort qu’il fait d’inviter un auteur inconnu. Avec toute la relativité du monde, parce qu’avec 30 réservations, il s’est bien demandé qui je pouvais être, ici, lui qui, dit-il d’entrée, n’est pas de Lyon. Moi j’en suis, comme mon personnage y a trouvé naissance sous la plume d’Aurelia Kreit, le groupe. On pensait que Lionel prendrait place sur la 3e chaise faisant face à l’assemblée, mais il disparaît, entre le restau d’en face, où il a réservé les tables de l’après-rencontre, et un retour par la réserve, qui laisse Daniel prendre en main l’entretien, comme il l’a fait deux jours avant. Il me fait parler – après avoir présenté les éditions du Réalgar - de la genèse, des thèmes essentiels, de la judéité, de l’identité, de l’exil, des elliptiques jardins d’Ellington, je suis évidemment intarissable sur Aurelia, son dessein, sa nature, sur la façon dont la suite s’est imposée d’elle-même, je ne croise que des regards intéressés, semble-t-il, il y a un temps suspendu pendant lequel je me dis c’est là, c’est maintenant qu’elle existe vraiment, mon héroïne. Pendant le temps, derrière, toujours un peu ailleurs, les musiciens patientent, je les présente, veut convaincre, encore, que pour moi, c’est comme si j’avais réuni Mc Cartney & Mick Jagger, trente ans (et des poussières) après, je rends à Tito, le créateur d’AK, la paternité du personnage, que je lui ai emprunté, seulement, sur lequel, par exemple, je n’ai aucun droit, surtout pas de le faire disparaître. Il s’est bien passé une heure de rencontre autour du livre, les questions passent vite, par timidité (souvent) et par envie de voir se réaliser ce que j’ai un jour, auprès d’eaux, souhaité de tous mes vœux. C’est Gérard Védèche, mon ami, mon frère, qui a endossé le costume de technicien pour apporter sono et matériel, installer les musiciens au mieux, lui pour lequel on œuvre, habituellement. Stéphane Petrier est le premier à venir, s’annonce comme intrus puisqu’il n’est pas d’AK, mais les parcours des deux groupes ne sont pas étrangers l’un à l’autre, et je lui ai demandé, spécifiquement, de venir jouer deux chansons, une du Voyage de Noz, le groupe des deux qui est resté, et il introduit le train, me sollicite là-dessus, moi qui ai filé derrière pour ne rien rater et je bafouille, n’ai rien d’autre à dire que le fait que j’aurais aimé écrire un texte pareil. S’il fallait le convaincre de ma sincérité, lui qui n’en doute pas, il y a un extrait de la chanson en dernière page du livre. Il chante, accompagné d’Eric Clapot, ancien historique des Noz, deux guitares en harmonie, ça joue bien, le texte est livré brut, avec les variations de voix pour seule progression. C’est (très) beau, ça touche comme jamais, ça y est, c’est là. Je compte sur les autres pour filmer, je ne veux même pas ciller les yeux pour ne rien rater. Il enchaine avec une surprise (pour les autres), un morceau de son futur album solo, chez Simplex Records, l’homme coupé en deux, un inédit, donc, sauf pour moi à qui il l’a envoyé quand j’étais à l’hôpital. Un morceau qui m’a porté dans ma volonté de m’en sortir et d’en débattre avec la vie, encore, dans ce qu’elle peut apporter de plus beau. Je pourrais pleurer toutes les larmes de mon corps si ce dernier ne me prévenait pas, une fois de plus, de tenir bon. Parce qu’après les deux versions du même morceau, le guitariste s’étant un poil mélangé les morceaux – prévenu la veille qu’il fallait jouer un ton en dessous – c’est Tito (Navarro) qui vient sur le tabouret pour chanter, pour la première en solo, accompagné de Nico, un clarinettiste (électrique) dont la formation classique a déjà sauté aux oreilles quand il a fait le finale des Beaux restes. Tito a toujours été en retenue, me remercie (moi ????) de lui avoir permis de faire ça et commence, d’entrée, par le cœur en croix. Les mélodies du violon sont faites à la clarinette, il a une voix moins haute qu’à l’origine, mais moins retenue qu’il y a quatre ans, je me demande si finalement, en écoutant cette chanson qu’ils m’ont dédiée à Rillieux, en 2019, si je suis vivant ou pas, si ça n’est pas une espèce de jubilé qui m’est donné. Les mots racontent Aurelia, finalement, ce que j’en ai dit après sont superflus. Il chante Refaire le trajet, le dernier morceau qu’a composé le groupe, il y a une éternité, on se demande comment une présence aussi hypnotique peut succéder à une autre aussi charismatique, mais c’est réel, je laisserai les autres le raconter, dans les années à venir. Il n’y aura eu que cinq morceaux, au total, pour ce qui était un accompagnement musical d’une rencontre – Clara ne m’en voudra pas de l’avoir mise de côté pour un soir – mais Tito confie son émotion de savoir que son héroïne à lui continue avec mes mots à moi et termine par les Jardins d’Ellington. Pour la 2e fois en quatre ans, j’ai fait se raccrocher deux pans d’une même existence à trente ans d’écart. Un peu plus, parfois, parmi les visages aimés que j’ai retrouvés. Surtout quand un faux-contact emmène Stephane à tenir le micro de Tito, et fredonner le refrain avec lui, comme en 1986, aux 24h de l'INSA... Forcément, quand on n'a pas assisté à ça, on est tenté de se demander si je n’exagère pas un peu, au final. Mais je m’en fous, je l’ai vécu, en plein, et je crois pouvoir dire que ça a été un privilège partagé. Puisque Lionel me demande un mot, encore, pour clore, je lis le passage où Aurelia et Afanasie Globa – chef du Soviet de la Courtine – échangent sur leur Ukraine natale et sur les espoirs de celui-ci de se libérer de la guerre pour rejoindre son aimée, à Ellington, en Angleterre. Peut-être sera-t-il temps pour un enfant, dit-il. Les mots de la chanson. On peut clore : j’ai vécu plus de vies que j’aurais jamais espéré en connaître.

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10/11/2023

Baratin - 9.11.2023

image0-3.jpegIl n’y a que de bons conseils, rétroactivement. Mais aborder une deuxième soirée dans un endroit complètement différent, le très convivial Baratin – bons vins, bons mets – de Zazou, comprenait sa part de risques, que nous avions anticipée : un public pas forcément là pour ça, une acoustique différente, une position à affirmer, d’entrée. Aussi Clara et moi avions décidé de commencer par la part savante – la présentation du livre, le morceau de Silvestrov en hommage à Bach – avant de laisser les convives boire et manger, et reprendre pour un deuxième temps plus impromptu, ce qui était un bon calcul en soi, mais a mal supporté une contextualisation mal emmenée (il eût fallu introduire l’intrusion littéraire dans un tel endroit) et un morceau technique qui s’accordait mal avec les chuchotements, à ma gauche, de la première table. Laquelle a un peu déstabilisé le binôme qui décide, pour la deuxième partie, de passer directement au jeu de ping-pong préparé l’après-midi : un texte ancien, écrit quand Clara s’est produite avec l’Orchestre des jeunes de l’Opéra de Lyon, à l’Auditorium Maurice Ravel, adapté suivant les dix ans qui se sont écoulés. Elle répond musicalement quand je parle de son effronterie supposée, singe les premiers violons dont je me moque, met du Bach quand je parle de Sacré, reproduit le son grave des contrebasses, imite une cacophonie, un sifflement, les repères sont bien calés, ça fonctionne très bien, le public est réceptif. Évidemment, après coup, on regrettera d’avoir supprimé, au dernier moment, le sublime Chant des oiseaux, alors même que le public était captivé. Mais c’était pour finir fort, sur un Camille dont la vidéo de la veille m’a moi-même impressionné. On est véritablement ensemble sur ce morceau (aussi), c’est un duo sur une musique que tout le monde connaît mais qui porte tellement ce texte intemporel (pour oublier que son édition a déjà dix ans, et qu’il en a beaucoup plus). La magie du spectacle, c’est qu’au fur et à mesure que je lis la première page, j’ai l’impression d’avoir perdu la deuxième, je ralentis, sans bafouiller, mais les repères ne sont plus exactement les mêmes que la veille et Clara doit un peu freiner, me récupérer, et me laisser finir, sur le dernier vers, là où la veille c’est elle qui terminait. Mais les applaudissements sont nourris, et la table revêche laisse s’exclamer des bravos ! Pas un livre ne sera vendu dans une soirée qui ne s’attendait pas à ce qu’un écrivain se confie (je le fais moi-même), mais l’essentiel est ailleurs, une fois encore, dans cette Beauté portée au pinacle, avec les encouragements épatés d’un certain nombre de gens présents. Tant mieux. Des spécialistes nous disent qu’il faut une trace de ce duo, on y réfléchira. Zazou (zélée), violoniste elle-même (désolé !) vient annoncer les prochains rendez-vous et a aimé que nous nous inscrivions dans son lieu. Ça tombe bien, je compte y revenir vite, en simple client, si bien reçu. Clara et moi attendons des signes du libraire de Mulhouse et de Thann, où nous devons nous produire en décembre. De Montpellier, où nous irons jouer à l’ES Factory. D’autres endroits, qui devraient s’intéresser de près à ce petit prodige qui m’oblige à m’élever, pour être à sa hauteur. C’est du bonheur pur. Demain, elle sera loin de moi, qui présenterai Aurelia aux Mangeurs d’étoiles, mais je serai bien accompagné aussi, par mes vieux rockers générationnels. Mais je la retrouverai vite, sur la route, parce qu’entre elle et moi, et depuis dix ans, il y a un chemin. Les photos du fantastique Valéry Girou – celles du studio l’après-midi, du concert le soir – seront un baume au cœur du souvenir. On vit pour ces intensités : je le vis décuplées depuis mon aventure avec la fin. Peut-être parce que je sais que celle-ci n'est pas encore programmée et que tout ce que l'on fait pour la repousser, par l'esthétique, nous inscrit dans l'intemporalité. Ça n'est pas mon ancien étudiant, devenu collègue (ex) qui dira le contraire: il se souvient encore de moi il y a trente ans, ça tombe bien. C'est Aurelia qui nous offre ça? On prend.

Photo : Magali Mastrosimone

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09/11/2023

Quartier latin - 8.11.23

Quartier latin 10.JPGJe n’ai jamais été très durassien, dans ma vie – la pluie d’été exceptée – mais l’ouverture de la présentation de Aurelia Kreit – les jardins d’Ellington dans la belle librairie – 50000 livres, boiseries et plafonds hauts- du Quartier latin de St Etienne, ville de mon éditeur et ville qui a vu naitre, dans le texte, le personnage éponyme, à la Manu, ne pouvait être que forcément sublime. Sans les flonflons de la fête, la vitrine pleine de livres rouge basque (une autre époque) ou les étals remplis, mais une vingtaine de curieux s’est pressée en fin de journée dans la boutique de Daniel et Magali, pour me voir présenter mon nouveau roman, anachronique par son volume et sa langue, et inespéré quand on se souvient qu’une suite était inenvisageable, en 2019. Il est d’ailleurs indépendant du premier, et Daniel me demande de suite de resituer l’action et la genèse d’Aurelia Kreit, version rouge vif, et il me semble que les quatre ans écoulés n’’ont eu aucun effet sur moi, qui reviens quand même de loin. Pire, puisque Daniel parle d’un concert Littérature & Musique dans sa galerie au gravier blanc, c’est pour décompter qu’il s’est écoulé une décennie. Pour lui ou pour moi, c’est déjà monumental, mais pour Clara, c’est plus d’un tiers de son âge. Pourtant, elle et moi nous sommes retrouvés comme si on s’était quittés hier, sur les mêmes repères pour caler un texte, sur la même nécessité de donner aux gens un peu de la complicité filiale qui nous unit. On a convenu une intervention en trois temps, entrecoupés de morceaux de son choix : le premier est une pièce de Silvestrov, en hommage à Bach. C’est un compositeur ukrainien, ça colle à l’âme salve, sujet récurrent du diptyque. C’est le seul gros morceau, selon elle, elle a eu du mal à convaincre son grand-père présent que ce ne serait pas une tarentelle du pays, mais elle a cette force dont je n’ai jamais douté, cette maîtrise technique qui lui permet, en amont, d’expliquer comment le compositeur joue avec les notes équivalentes au nom du maître. C’est beau, un violoncelle, ça relève du Sacré, et dans un endroit pareil, c’est un privilège immense, pour moi, d’être accompagné ainsi, pour les autres de l’écouter. J’entends même sa respiration, le souffle qu’il lui faut pour passer les difficultés, c’est extraordinaire, et je pense à Pascal Quignard en me disant 1) qu’il aurait adoré 2) que je vis à mon échelle la même chose que lui. Ce que Daniel me fait dire entre temps, sur les thématiques, la question juive, celle de l’ukrainité n’a d’importance que pour ceux qui m’écoutent encore, moi je fais de mon mieux, mais je sais que c’est de l’équilibre de nos interventions que se jouera la Beauté, en plein. Clara joue deux morceaux de Bach, une « Allemande » et un Prélude, si j’ai bien suivi, je ne sais pas si elle se rend compte que ses explications techniques touchent assez peu de gens, mais elle les a déjà conquis. J’ai le temps d’expliquer que les jardins d’Ellington ne sont pas en référence à Duke, puisque Vitas a déjà demandé la biographie, en magasin, de poser l’article de ce roman, la figure importante de son personnage et Clara termine par le sublime Chant des oiseaux de Casals. Daniel et moi avons beau plaisanter comme des potaches sur des chœurs volatiles qu’on pourrait faire, c’est bel et bien elle qui par l’action magique de l’archet et d’un doigté hors du commun arrive à nous faire croire à l’harmonie naturelle des êtres graciles dans les arbres. Ce pourrait être suffisant comme finale, mais on en a un depuis dix ans, on l’a recalé dans l’après-midi en retrouvant les repères d’antan et je me lève pour déclamer Camille, pendant qu’elle l’accompagne de la célébrissime suite n°1 : magie de l’instant et de la complicité, ça colle pile, et les dix ans, comme les trente qui séparent le livre du groupe, sont effacés. Camille est à nous, une femme viendra me dire l’admiration qu’elle lui porte, l’effet que le poème a eu sur elle. C’est bien. On n’a insulté personne en venant ici, on a même posé des bases, encore. Le reste, c’est la fin de soirée, l’adrénaline – je pense à Aline Piboule – d’après le concert, l’envie d’être à demain, déjà, dans d’autres conditions, pour recommencer. J’expliquai à Clara, il y a peu, le principe de la volupté proustienne, l’envie de repousser le moment à venir de peur qu’il soit déjà passé, d’en appréhender l’après. Mais des choses ont changé, et je me suis juré, en survivant, d’en savourer le moindre millième de seconde. C’est parti.

photo: Pierre Rochigneux.

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06/11/2023

AKII TOPOLOGIK TOUR.

Il y a sept mois, je ne savais pas si j'en verrais la parution. Dans sept mois, je ne sais pas plus où je serai, sans doute pas là où j'étais avant que ça arrive: c'est ça, la phénoménologie, aussi. Mais cette semaine, je sais que c'est celle du derby, que j'envisage toujours avec joie : St Etienne est une ville qui m'a accueilli, comme auteur, dans laquelle Aurelia s'est révélée comme personnage, également. Lyon, c'est ma ville, qui a lancé Aurelia Kreit il y a quelques paires d'années, maintenant. Tout compte (mieux) quand on a failli passer ad patres. Mais là, ce sont trois jours compte triple qui s'annoncent. J'espère vous y voir en nombre. Trois salles, trois ambiances!

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26/10/2023

Revenir aux jardins d’Ellington.

Aurelia_Rentree2023-page-001.jpgC’est aujourd’hui que sort « les jardins d’Ellington », le 2e volume des aventures d’Aurelia Kreit, ma petite héroïne ukrainienne qu’on a laissée au commencement de la 1ère guerre mondiale, en route vers le front de l’Est (français), comme ambulancière. C’est une situation, mais la lancée d’un livre, c’est beaucoup plus que cela, pour un auteur : c’est la libération d’une histoire, l’appréhension qu’elle soit mal reçue, qu’elle déçoive ceux qui ont (beaucoup) aimé le premier volume. Cette « suite » n’en est pas une, on peut lire le gros livre rouge (basque) sans avoir lu le gros livre rouge (vif), mais dans mon esprit, encore sidéré, elle n’était pas annoncée, est venue naturellement. Seule, avec un travail incessant, seul support que je considère aujourd’hui dans l’écriture. Il faudra dépasser les vexations habituelles, les délais imposés , les commandes minimales, mais les éditions du Réalgar sont bien diffusées et distribuées, désormais et je peux lâcher la phrase attendue : disponible dans toutes les bonnes librairies.

http://lerealgar-editions.fr/portfolio/aurelia-kreit-les-jardins-dellington/

En tournée LITTÉRATURE & MUSIQUE

Le 8.11 à la librairie Quartier Latin, à St Étienne (avec Clara Vedeche)

Le 9.11 au Baratin (St Étienne), avec Clara Védèche

Le 10.11 à la librairie Mangeurs d’étoiles, Lyon (avec Stéphane Petrier & Tito Navarro)

(sur réservation au 04 78 40 55 20)

Le 17.11 à la Médiathèque Mitterrand (Sète), avec Nicolas Grosso)

Le 5.12 au Cercle de lecture Filomer, Sète (privé)

le 13.12 à la librairie Bisey, à Mulhouse (avec Clara Védèche)

le 15.12 à la librairie Bisey, à Thann (avec Clara Védèche)

D’autres dates (et d'informations) à venir.

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30/09/2023

L'instant Quignard (dernier supplément).

Quignard & I 2.jpegCommencer une journée à l’issue de laquelle on va mener une rencontre avec Pascal Quignard dans l’eau, au petit matin, était sans doute la meilleure façon d’aborder l’échéance. Penser à ce qu’il écrit de ce que son amie Emmanuelle Berheim avait besoin de faire, aller jusqu’aux limites de son corps en se jetant dans l’océan quatre ou cinq fois par jour, la tentation qui en découle d’aller loin, faire la planche et mesurer, au-dessous comme au-dessus de soi son absolue finitude. Mais Pascal Quignard finira par le lâcher, il est avant tout un homme de rivages et même son l’amour, la mer devait initialement s’intituler l’amour, la mer, la mort et la musique. On eût davantage été dans le romantisme, mais il a choisi plus efficace. L’essentiel n’est pas là. Il est qu’il est dur de trouver le sommeil quand on a passé six heures de sa vie avec un auteur de cette trempe, après lui avoir consacré près d’un an de lecture, moins les trois mois que la vie m’a imposés, il y a six mois, jour pour jour. Quand je suis entré dans l’auditorium du Conservatoire Manitas de Plata, Aline Piboule était en train de répéter, en basket, jean et petite doudoune, tant l’air, à l’intérieur, contrastait avec la canicule, au dehors. Jeune, souriante, accueillante, elle me parle d’entrée de réglages à affiner sur le piano neuf du Conservatoire, je ne peux guère l’aider, elle le comprend vite. S’en accommodera, au final : elle est pugnace, semble prendre tellement la partition à corps, avec une attitude combattive. Elle dira après qu’elle déteste les images sur-travaillées d’interprètes qui surjouent, de fait. Pour l’instant, elle est seule, et j’entre dans l’arrière-cour, en passant les trompe-l’œil. Dans le couloir, la jonction se fait d’elle-même, Pascal Quignard est là, devant moi, qui se bat avec une climatisation déréglée qui fait de sa loge un frigo. Il est cordial, me salue chaleureusement, me fait assoir sur le canapé et mine de rien, me demande comment je vois les choses. Je lui parle de ma trame, finit par lui poser, sans les lui poser, les questions que j’ai préparées. Il s’inquiète de la durée de l’entretien, de la fatigue après le récital, on tombe d’accord sur 40 minutes, on élude le côté stylistique – limité à l’usage de l’étymologie – on resserre les questions sur Boutès, toutes réglées par le spectacle ou presque, il s’enthousiaste pour quelques-unes des problématiques que j’ai soulevées, ça valide un (long) travail et ça met en confiance. Dans son immense courtoisie, il me demande si Aline Piboule peut rester à l’entretien : je m’en réjouis et lui annonce que j’ai préparé (aussi) des questions pour elle, au cas où. Elle est un peu dubitative, a peur de dénoter, ce qu’elle ne fera pas : après tout, l’autorité musicale, c’est elle, l’origine et l’écriture scénographique, c’est elle aussi. Qui est tombée amoureuse de Boutès, en 2015, un texte qui a changé sa vie, et déterminé celle de son enfant (il ne le sait pas encore, à cinq ans, mais se prépare une belle vie loin du groupe !). Elle me dira plus tard à quel point le contact et la collaboration avec Quignard, qu’elle ne connaissait que de nom, s’est décidée naturellement. Comme une confiance qu’on accorde : mon œuvre est la vôtre, maintenant, lui dira-t-il. Depuis, après vingt représentations, leur symbiose est absolue, les morceaux qu’elle joue accompagnant la lecture ou signifiant les silences. La voix de Quignard est douce, limpide : aucune erreur, pas une hésitation, le rythme est posé, poétique, on est avec Boutès dans son désir – c’est dans le titre – de se dés-assoir et de plonger. De céder aux charmes de la musique. Sa lutte avec le morceau, sa technique parfaite et l’intention qu’elle donne sont complémentaires de sa délicatesse, la sienne, celle de Quignard, aussi, qui croise les mains, déchausse ses lunettes quand il ne lit pas et se penche légèrement en arrière, pour la regarder. Il y a une transmission autant qu’une transversalité, entre deux âges, deux arts, deux cultures. On pourrait envier la chance qu’elle a eue si on ne savait pas qu’elle l’a provoquée et que ça l’a obligée à l’excellence qu’elle érige en principe. Quitte à ne pas savoir sourire autant qu’il le faudrait, dit-elle. Elle n’aime pas ce qui est putassier, et ça lui va bien. D’autant que – peut-être ne s’en rend-elle pas compte – les émotions qui la traversent quand elle écoute l’auteur la rendent éminemment et suffisamment humaine pour que personne ne lui reproche rien. La salle est concentrée, l’attention est palpable, c’est un moment qu’on imaginait magique et qui l’est plus qu’on l’aurait souhaité. Finalement, Pascal Quignard n’aura eu qu’une exigence, que l’entretien se passe autour d’un bon verre de vin. Pour des raisons auditives, le Pic Saint Loup attendu se sera transformé en Picpoul, mais là non plus on ne regrette rien, parce que la discussion, tard le soir, après, se sera transformé en origine du mot (évidemment) et en Picboule de Pinet. C’est révélateur d’un moment qui s’est étendu, longtemps après une discussion publique qui aura tenu l’auditoire en haleine, souvent validée, dans ses transitions, par l’auteur lui-même : et quand Quignard vous dit que votre question est bonne, ça donne un grand maëlstrom des émotions, vous pouvez me croire. Pour qu’un entretien soit bon, il faut que le public partage la connivence qu’éprouvent les acteurs de la discussion. Et qu’il s’arrête à temps : je lui avais promis 40mn, on en est à 35 quand je clos le moment par une faveur que je lui ai demandée dans la loge, en amont : la lecture d’un extrait – court – de Vie Secrète, ce livre totémique qui m’a porté dans les 25 dernières années de ma vie. Parfois durement. Heureuse coïncidence d’un choix qui n’est pas le leur, mon passage se termine par un sublime et cohérent et je suis un homme étonné de se retrouver si seul sur la rive. Il ne me reste plus qu’à retrouver la mer, celle de Claire des Solidarités mystérieuses, celle de Ann Hidden, dans Villa Amalia, peut-être nager loin mais revenir prudemment, en me disant que Pascal Quignard n'aimerait pas que je prenne des risques.

Photo: Juliette Massat.

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22/09/2023

Portraits de mémoire - Hors série

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