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31/05/2023

Murat & I (1/10)

c667042_1685089683207-vu-lor19800-2012cl02.jpegJe me souviens précisément de la dernière fois que j'ai écouté un disque d'Indochine*. Ce groupe que je croyais disparu ne m'a jamais guère intéressé que par sa reprise de l'Opportuniste, et les quelques morceaux inévitables de ma jeunesse. Mais en 2002 - c'est dingue comme les années passées sont difficiles à écrire - ma femme me dit qu'elle adore une chanson qu'elle entend tous les matins à la radio, dans sa voiture (je n'ai plus de femme, et plus personne de mon entourage ne va plus au travail en voiture le matin...). Il s'agissait de "J'ai demandé à la lune", la très belle chanson que Mickaël Furnon - qui a en commun d'avoir été incorporé au même endroit que moi, sans que nous le sussions -a écrite pour l'album de la renaissance d'Indochine, Paradize. J'ai le souvenir de l'époque, à laquelle les cas avaient supplanté les vinyls, revenus depuis, mais où le rituel était le même : on écoutait l'album en entier, en regardant le livret, paroles, crédits, invités etc. Enfin moi un peu plus que les autres, enfin un peu plus que ma femme, à laquelle, cadeau oblige, je laissais le privilège de la lecture. Moi, j'écoutais et je m'ennuyais ferme, une fois le single passé : l'électro-punk FM me gonflait un peu, mais il faut être tolérant, et je lui devais bien ça, à ma femme, avec mes 458 écoutes journalières du "lien défait". C'est peut-être cette mansuétude qui me revient aujourd'hui, et le moment précis du 15e et dernier morceau, au titre immédiatement accrocheur pour les inconditionnels du film de Verneuil, "Un singe en hiver". Et là, bim, paf et autres onomatopées, un décalage musical, comme pour un blind track, des notes glaciales de piano, une guitare sèche, une voix en retrait, et ces mots-là, mis en abyme : "Je suis rentré d'Indochine hier matin J'ai rapporté des dahlias et du jasmin J'y ai laissé ma jeunesse et ma moto Je suis rentré d'Indochine... " Une référence à Jeux interdits, la mort annoncée de... Bob Morane, des occurrences horticoles, le dalia, le jasmin (on n'en était pas encore au Parfum d'Acacias au jardin), je dis à ma femme, sans information aucune : "C'est du Murat". Je ne sais pas si elle ne m'a pas pris pour un fou à partir de ce jour-là, mais j'avais raison.

* dont Desproges regrettait qu'ils ne fissent pas suffisamment de moto sans casque...

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27/05/2023

Un monde sans Murat.

MUR-1175x435.jpegOn m’a proposé successivement, ces deux derniers jours, de venir me chercher dans mon île singulière pour 1) assister à un week-end hommage 2) assister aux funérailles de notre berger perdu de Chamablanc. J’ai décliné poliment, arguant du fait que je n’aimais ni les rassemblements de fans, ni les intrusions dans ce que je considère la vie privée. Murat est mort, c’est dur, mais pour les proches de Bergheaud, c’est pire ; au moins peut-on se dire que l’œuvre restant, on peut continuer de la solliciter pour ce qu’elle nous a toujours apporté. Ajouté à cela que je réponds depuis 48h, quand on me demande comment je vais, que je vais mieux que Murat – en empruntant son cynisme potache – j’ai du mal à dissocier que dans un temps assez court, j’ai failli partir et que lui est parti. Qu’une des premières conséquences de mon accident, c’est qu’à peine avais-je le cervelet tourné qu’il m’a laissé un monde sans Murat. Que ce blog, par exemple, perd une de ses grandes sources d’inspiration et de régularité. Il me reste des artistes avec lesquels j’ai des rendez-vous réguliers, mais jamais autant ou depuis si longtemps que lui. Stéphane Pétrier, si, le chanteur des Noz, mais c’est plus proche, et puis je m’étais éloigné d’eux. Pourtant, c’est sa Petite luge que j’aime écouter, en ce moment, bien que je ne sois pas – du tout – amateur des reprises de Murat. J’aime ce morceau sans doute parce qu’il est abordé, en bonus, avec toute la fragilité du monde, toussotement compris, au départ. J’écoute peu Murat en ce moment, ne lis ni n'écoute rien sur lui et m’agace du concours de douleur sur les réseaux sociaux. Je fais comme d’habitude, depuis trente ans, j’attends qu’il soit l’heure de le retrouver et si je veux pousser un peu, il sera l’heure, un jour. Mais pas maintenant. On pleure toujours sur soi quand on voit disparaître un artiste qui a compté : parce qu’il nous renvoie à des périodes, parce que des visages, des noms ressurgissent, parce qu’on passe deux heures au téléphone avec un ami qu’on s’était juré d’appeler depuis longtemps et parce qu’un sourire ému nous est envoyé d’Afrique du Sud. Pas loin de Bonne-Espérance, quand je vous dis que tout est lié.

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25/05/2023

La chanson de Dolorès.

IMG_3330.jpgIl y a la brutalité de l’annonce, les larmes qui montent à la terrasse d’un café, un départ précipité pour encaisser. Se dire qu’un monde sans Jean-Louis Murat commence aujourd’hui, dès maintenant. Et que celui avec était quand même nettement mieux, même si on a souffert avec lui, s’il a trouvé les mots pour nous, et si cette relation était privilégiée à chacun : j’ai toujours détesté les appropriations d’artiste, et trouvé ridicules ceux qui se revendiquent comme ses plus grands fans, créant une communauté que j’ai perçue comme grotesque, en permanence. Et finalement plus éloignée de ce qu’il était et a fait qu’elle ne pourrait l’être, mais rien d’important. Il y aura suffisamment d’indécence – comme à la mort de Didier Le Bras, le plus grand exégète de son travail – pour que j’accorde à ces suiveurs la moindre importance. Aujourd’hui, ce sont autant de personnes – Franck, Malika, Olivier, Éric, Françoise, Christophe… - que d’existences qui sont bouleversées, tellement les chansons de JLM les ont rythmées, ont conditionné les choix qu’ils ont faits, les routes qu’ils se sont tracées. Avec la certitude de n’appartenir, comme lui, à aucun troupeau (le mot n’est pas choisi au hasard), aucun entertainment dirait-on aujourd’hui. Lui s’en foutait, de ses montagnes au-dessus de Clermont, il s’occupait des vaches et terminait un autre de ses quelques trente albums : il avait appris, après les fastes, à bien s’entourer, produire lui-même, enregistrer à la maison. Pas en plein air, comme il y a trente ans, quand il a commencé à tourner, quand il est passé au Transbordeur avec la B.O d’un film qui n’a jamais existé. Depuis trente ans, à vingt-deux reprises, j’avais rendez-vous avec lui et à chaque fois, c’était réussi, même quand c’était raté : c’est justement parce qu’il ne fallait s’attendre à rien que ça fonctionnait, quand il le voulait. Quand la magie opérait et qu’il était capable d’envoyer des bisous au public – c’était plutôt rare – et de lui dire qu’il l’aimait. Murat, c’est l’allégorie du parcours atypique et de l’indépendance, même s’il n’avait pas vu les choses comme ça, initialement. Ce sont les années sombres de grands questionnements, les premiers cds gravés (à l’ENS de Lyon !) des inédits dont il inondait la toile, les deux éditions de Murat en plein air, son premier 45t, qui annonçait la couleur : « Suicidez-vous, le peuple est mort ». À titre imbécile et personnel, c’est un message de lui pour me féliciter de « Tébessa » et de l'article qui a lancé ce blog et m’a permis de rencontrer Bougnat (l’autre). Lui qui détestait les journalistes avait beaucoup aimé le fait que je n’en fusse pas un. Murat, c’est ma jeunesse et celle de ceux de mon âge, qui ont fini par ne plus reconnaître, dans un curieux déni, les quinze-vingt ans qui nous séparaient lui et nous. Qui font que, l’âge avançant, on perd de plus en plus de personnes qu’on admire, vient de me glisser un ami, programmateur, qui dit qu’en le voyant récemment, il a eu comme un pressentiment. Comme si un monde sans Murat pouvait s’annoncer. Des endimanchées qui quittaient la salle avant qu’il les reprenne au concert du domaine d’O. après lequel Christine m’a remercié de l’avoir réconciliée avec lui, il s’est passé vingt-neuf ans, dont près de quinze de concerts chroniqués, souvent dans la foulée, comme s’il fallait que je convainque – ça a été l’histoire de sa vie – qu’il se passait des choses fascinantes derrière le mythe et l’image bourrue. Je pense à sa famille, celle d’avant, celle d’aujourd’hui, aux paysans du coin qui ont perdu l’un d’eux. Aux anonymes, jamais à ceux qui revendiquent, ou se croient les héritiers. On n’écrit pas sur Murat sans en renvoyer quelques-uns dans leurs 22m. Il l’aurait fait, lui, ou envoyé un de ses guitaristes – mort aussi – dire à l’un de ses thuriféraires qu’il ferait mieux de s’inventer une vie plutôt que de s’accaparer la sienne… Murat n’est plus là, et c’est éminemment triste : tout me paraît vulgaire.

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17/05/2023

L'Abandon.

C'est le titre du EP de mon ami Éric, enregistré avec l'aide de nombreux musiciens, dont mon ami d'enfance, le batteur Denis Simon, Gérard Védèche & Gilbert Marin, Vincent Perier, d'autres... Ça fait vingt ans, maintenant, qu'Éric et moi menons nos projets. On adhère ou pas, à la voix, au genre musical, mais moi je l'aime beaucoup, ce petit EP extraterrestre, six titres différents,  qui se terminent sur un piano-voix pour lequel, je le dis, il faut avoir une sacrée paire de.

Ça sort aujourd'hui, c'est disponible sur toutes les plateformes, et gratuit (avec les pubs) ici:

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12/05/2023

Chroniques d'un AVC (31 mars/10 mai)

C’est aussi pour des moments comme ça qu’il faut se relever. Premiers parcours de kinésithérapie ce matin : rapprendre à marcher, pas à pas. Et attendre que le caillot se résorbe. Mais c’est encourageant.
Merci encore à tous pour vos nombreux messages, auxquels je ne peux pas répondre.
Portez-vous bien.
 
Je ne suis pas Mitterrand, il faut savoir rester décent, mais en deux mots : je vais mieux (OK, ça en fait trois). Merci à tous de vos appels et messages, c’est encore compliqué pour moi de tenir une longue conversation et j’écris sur un œil, en dictant. Je ne sais pas encore quand je sortirai et si je dois passer par un centre de rééducation, chaque chose en son temps. Passez tous un bon week-end de Pâques !
 
Que personne ne m’en veuille, mais je me mets en mode repos complet et me sors absolument du monde connecté. J’ai été optimiste, comme beaucoup, mais la rééducation prendra du temps, et tenir une conversation m’est encore difficile. Je partirai en rééducation quand les vertiges auront disparu et que le caillot se sera résorbé. J‘appellerai tous ceux qui m’ont appelé ou contacté, mais là je me repose.
Prenez soin de vous.
 
Bonjour à tous,
Deux semaines et demie depuis mon AVC. Aujourd’hui, je suis muté en rééducation à Bourgès, à Castelnau. Les choses progressent, mais à leur rythme, c’est d’abord ce que je dois accepter.
Merci à tous ceux qui m’ont contacté. Je réponds peu parce que c’est fatiguant, mais d’ici la fin de mon séjour, j‘aurai rappelé tout le monde.
Prenez soin de vous.
 
24e jour d’hospitalisation.
Les progrès sont notoires.
J’attends une 4e semaine avec kinésithérapie, ergothérapie, balnéothérapie, SCAN & IRM avant de savoir si j’ai droit à une permission chez moi le week-end du 1er mai (une nuit, seulement…)
Désolé si je n’ai pas encore répondu à vos messages. Merci à tous.
 
Il y a dix ans s'annonçait le début de mes éditions avec le Réalgar, et Daniel, cet industriel devenu galerie, puis éditeur, puis libraire (et auteur). Cette année, je vais clore la décennie passée avec le deuxième volume d'Aurelia Kreit, totalement inespéré pour moi.
Je suis encore en rééducation, jusqu'à mi-mai, et l'exercice est aussi philosophique que physique : je réapprends l'équilibre et la patience. Comme mes danseurs représentés par Jean-Louis Pujol (voir note ci-dessous)..
Mais je suis en vie et c'est bien là l'essentiel.
Merci à tous pour vos attentions et vos messages.
 
Tous les jours en allant en salle de kiné je croise cet homme bien mis, en fauteuil, la soixantaine. Hier j’ai entrepris de lui parler mais rien ne sort de ce que son cerveau lui dicte, à part deux syllabes, identiques : « A-lain », suivies d’un profond soupir, dû à son impossibilité de formuler. Je lui ai parlé en philosophe - l’empathie incontestable des soignants étant toujours liée à une forme d’appauvrissement du langage- lui ai dit qu’à son regard on devinait son intelligence et qu’il fallait attendre, patienter. J’ai su après que cet homme était un architecte renommé. Nul doute qu’il saura se reconstruire.
Ce soir, je dors chez moi. Pour une nuit. Je vais rester tranquille, à l’abri, me tester entre mes déséquilibres et l’ordre du monde. Je reverrai tout le monde plus tard, la semaine prochaine.
Merci encore pour vos messages.
Je vais reprendre petit à petit, mais j’ai déjà accepté qu’il faudra du temps.
 
C'est le 1er mai et c'est un jour que j'ai toujours adoré, pour ce qu'il signifie et parce qu'il relie les gens, qui sortent battre le pavé, sous le soleil (souvent) et dans la quiétude d'un jour férié. Aujourd'hui, c'est un jour un peu absurde pour ceux qui sont comme moi enfermés dans une clinique ou ailleurs, parce qu'il ne se passera rien et qu'on se sent privé de ce lien-là, simple, être dehors et marcher. Debout, dehors, marchant, j'ai eu un petit aperçu ce week-end et si je ne me suis pas manifesté, c'est que je voulais 1) profiter de ces premiers petits moments égoïstement 2) parce que quand on est au ralenti et un poil chancelant, on évite le manifeste. J'ai pu prendre une orange pressée chez Boule, où j'ai été accueilli comme en famille, manger des seiches a la plancha, j'ai croisé dans le pâté de maison des visages amis et - visiblement - heureux de me retrouver, et ça a suffi à mon bonheur. C'est la dernière ligne droite pour moi, j'ai encore droit à une permission (le vocabulaire va avec la coupe de cheveux) le week-end prochain et ensuite, après une batterie d'examens le 9, je vais pouvoir considérer de terminer ma rééducation chez moi. J'ai été pris à temps, sauvé par la fonction publique, j'ai vu des urgentistes, des agents des soins intensifs faire un boulot de dingue sans sourciller, avec un rythme horaire à faire pâlir. Je les ai entendus parler de leur week-end comme s'il n'existait pas, juste une pause incongrue avec la tête au boulot. Ici, à Bourgès, je vois des gens, j'en ai parlé, dont la vie a changé du jour au lendemain, mais avec des conséquences difficiles, extrêmes parfois : on n'est plus le même dans le monde quand on ne peut pas s'adresser à l'autre "normalement". Je ne suis pas tiré d'affaire, il reste des vertiges et des capacités à récupérer. Mais à moyen terme, je redeviendrai en sursis, comme tout le monde.
J'aurais aimé être dans la rue, ce matin, je sais que le rassemblement va être conséquent, à Sète, à Lyon ou ailleurs; mais je suis là, j'envoie des brins de muguet à tous ceux qui se sont soucié de moi, et aux autres, d'ailleurs (profitez-en).
Bise à l'oeil.
PS: une pensée pour Monique et Bob, des personnes qui ne se connaissaient pas mais qui sont mortes le même jour, sensiblement à la même heure, accompagnées de ceux qu'elles aimaient. Des fins de vie qui ne doivent pas ternir les belles existences qu'elles ont menées.
 
Il a fallu mon antépénultième séance de kiné pour qu'on m'emmène dans une salle avec un panier de basket (certes bas, avec un petit ballon) et qu'on me demande de tirer des lancer-francs; Bon, là, AVC ou pas, on ne plaisante plus et l'objectif - les deux pieds joints sur un tapis meuble - ça n'est pas seulement de tenir debout, ni même occasionnellement de marquer, c'est d'en mettre dix de suite, comme à l'époque, avant d'aller prendre la douche. C'est bien de se (re)trouver en terrain un peu connu, mais comment le saurait-elle, cette jeune kiné de 21 ans, que même 30 ans après sa mort, les gênes de Drazen courent encore dans mes veines, déséquilibre ou pas? 
Je vais bientôt sortir d'ici et je mesure au quotidien la chance que j'ai, la chance que j'ai eue. La partie invisible de la rééducation continuera, jour après jour, avec la mesure de gestes qu'on croit naturels mais qu'on peut perdre à tout instant. Avec des gens qui circulent devant vous et deviennent, potentiellement, des dangers, des sources de chute - comme dans "la course des fous", pour ceux qui ont lu Aurelia. J'y suis préparé, je verrai comment ça se passe, comment gérer la fatigue, aussi, qui vient vite, encore. Il y a quelque chose du temps retrouvé dans cette expérience et paradoxalement, ça n'est pas désagréable.
 
Il s'est passé 35 jours entre le "On va vous remettre debout" confiant de l'infirmière des soins intensifs et mon dernier cours de kiné, aujourd'hui, où j'ai dû marcher le plus vite possible pendant six minutes et où j'ai explosé les scores de tours. Je sais que le plus dur, maintenant, ça va être de ne pas reprendre au même rythme qu'auparavant, que mon cerveau me le rappelle vite quand je force et que la coordination ne se décide pas de soi-même. Que je vais connaitre les séances de kiné tous les jours de toutes les semaines des prochains mois mais que je n'aurai pas le droit de me plaindre, quand l'accident peut à tout instant vous enlever la capacité d'être debout et de vous exprimer librement. Estelle, sans l'avoir jamais connue, j'ai beaucoup pensé à ton amie Delphine, ces dernières semaines, avec un sentiment mêlé d'effroi et de reconnaissance. Je ne crois pas en Dieu, mais dans les forces de l'esprit, et en une espèce de bonne étoile. Les claps de fin ne seront pas pour moi, pas pour l'instant, et je vais tout faire baisser, le rythme, les échéances, les soucis.
Privilégier ceux qui se sont rapprochés de moi à ceux qui prétendent me connaître mais ne savent rien de ce que j'ai fait, et vécu.
Je ne rentre que mercredi mais j'en ai terminé avec ces chroniques, qui n'avaient pour vocation que donner un peu de mes nouvelles, décemment, retravailler la mécanique de l'écriture et occuper le temps, en partie. Merci à ceux qui ont compris ça.
À la Beauté des rêves.
 
J'étais content de revoir tous ces visages amis et concernés aujourd'hui, à la terrasse du BDM. Je termine ces deux jours fatigué, mais heureux. Conscient qu'il reste du travail pour retrouver le rythme, et ne plus considérer les piétons qui arrivent en face comme des vaisseaux ennemis de jeu vidéo. J'ai le sentiment que j'ai un peu fait peur à toutes ces personnes, par effet-miroir, qui sait, mais je la prends, cette empathie-là. Je l'emmène demain à Bourgès, pour mes trois derniers jours, dont un jour d'examens. Et puis j'entamerai la suite de la rééducation ici, médecin, kiné, baignades matinales... Je prendrai le temps que la vie m'a donné, avec toute la perception que nous offre le sentiment (rétroactif) que tout a failli disparaître ("pfuiiit!", dit l'autre ). Si vous me croisez, ne vous étonnez pas que j'aille un peu de biais, mais ne croyez pas non plus que rien ne s'est passé: ça chauffe encore un peu à l'intérieur, quand je fatigue. Mais je contrôle.
 
Demain, ça fera 41 jours que je suis parti de chez moi sans savoir ce qu'il allait advenir de ma petite personne, ramenée d'un coup à un cervelet plus suffisamment irrigué. Un mois et demi (ou presque) pendant lequel c'est l'accident qui a déterminé ma vie, entre la surprise, le déni et l'acceptation, puis les efforts consacrés aux étapes de l'Homo Erectus, se (re)lever, marcher un peu, puis davantage, puis plus rapidement, (re)trouver les gestes "normaux", ceux qui dans ce cas-là demandent le plus d'efforts, monter des escaliers, puis sans la rampe, puis deux par deux, faire de l'équilibrisme pieds joints dans l'eau et sentir tout tourner autour. Se retrouver au sol puis se relever, comme le ferait un enfant: d'abord se mettre à quatre pattes, plier un genou, le deuxième, arrondir le dos et forcer.
41 jours pendant lesquels, je l'ai dit, j'ai vu travailler le personnel hospitalier, celui qu'on méprise en haut lieu après avoir demandé à la plèbe de l'applaudir, dans une bonne humeur permanente, même devant la catastrophe humaine, celui qui apporte de la chaleur, du réconfort et de la sympathie quand arrive le plateau repas dégueulasse. À 18h, banzaï! Je ne suis jamais autant fier d'avoir nettoyé tous les couloirs de l'hôpital de La Croix-Rousse pendant dix mois (5X2) que quand je deviens moi-même patient. Parce qu'on le devient, oui, dans toutes les acceptions du terme, même quand les transports ont, systématiquement, 1h de retard ou quand ils vous emmènent à 40 minutes de là pour qu'on vous enlève trois électrodes ou qu'on vous remette un appareil à mesurer l'apnée du sommeil (2 X 3minutes). Je n'oublierai pas David & Julie, mes kinés, Zoé, ma médecin - à qui on ne donne pas 20 ans - Aïcha, une jeune femme de ménage qui a fait un BTS Tourisme, ces accidentés qui sont entrés bien avant moi et en ressortiront bien après. Je me rappellerai aussi que tous les jours à 15h45, je mettais mes tatanes à picots (à la Joce) et mon peignoir blanc pour aller faire de la balnéothérapie, que très vite j'ai été autonome quand on immergeait mes camarades de leur fauteuil.
Demain je rentre, et commencera une nouvelle étape, au cours de laquelle les jours ne s'égrèneront pas. Je relirai un jour ces chroniques - écrites à main levée - pour retrouver celui que j'ai été ici, qui décidera de celui que je vais devenir. Finalement, il y a de l'ontologie partout. C'est cool.
 
Edit 31.05 : 
Cela fait deux mois aujourd'hui qu'on m'a emmené à Gui de Chauliac en urgence. Je ne savais pas alors que j'étais parti pour 41 jours d'hospitalisation, que je connaîtrais les soins intensifs où les premiers objectifs sont, dans l'ordre: rester en vie, aller pisser debout, faire quelques pas dans le couloir. Puis en bas, avec les quatre escaliers de la mort. Je m'en souviens bien de ces premiers pas, de qui les entourait aussi. Je me souviens bien du transfert à Bourgès également, du vomi des premiers efforts, de la nuit blanche qui rend fou à cause du voisin qui ronfle, des 9h de sommeil consécutives dès que j'ai intégré ma chambre solo. De la télé que je n'ai jamais allumée, des séances de kiné le matin avec David & Julie, de la balnéo en fin d'après midi, peignoir blanc et tatanes à picots compris!Je n'oublierai pas non plus les "permissions" du 1er et 8 mai, puis du retour complet; de la vie qui reprend. Comme avant, mais pas tout à fait: je vais moins vite, je fatigue plus, mais j'apprends. En terrasse (et ailleurs) je ne tourne plus qu'au Perrier mais il y a toujours chez moi une bouteille pour qui vient me voir: j'ai toujours détesté les moralistes et je n'ai pas changé! Je reprends quelques responsabilités, mais très doucement: dès que je sature ou si je connais un inconvénient, le cerveau monte vite et me prévient. J'ai des tombereaux de rendez-vous médicaux à venir mais je les prends avec philosophie, pour aller de mieux en mieux. Je travaille doucement au BAT de mon prochain roman (écrit avant l'AVC et l'IA, vais-je être obligé de préciser) et je vais reprendre le fil de mes portraits, dès que je pourrai.
J'écris ça parce que je vois ma photo d'hier, présidant le rendez-vous des Automn'Halles. Personne d'autre que moi n'a saisi l'importance et l'émotion de ce moment, qui ne m'a rien demandé que d'être là, mais c'était déjà énorme.
 

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09/05/2023

10 ans de Camille.

 

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04/03/2023

C'EST VRAI L'HIVER DURE TROP LONGTEMPS.

2039895233.jpegL’hiver, ce sont les vingt ans que Brigitte Giraud a passés avant de pouvoir écrire sur la seconde d’une vie qui en fait basculer d’autres, celles de la femme, de la mère, du fils, et – même s’il n’en sait rien, à dix mille kilomètres de là – d’un constructeur de motos, routières ou sportives, la distinction a son importance. Un hiver commencé en plein été, un lendemain de solstice et de fête de la musique, dans la routine absolue d’un vieux rocker rentré dans le rang, chef de famille, papa attentif et entreprenant – on est dans l’ère des nouveaux pères, précise l’auteur, aux responsabilités partagées, et Claude ne raterait pour rien au monde la sortie d’école, les jours où il en a la charge – conjoint comblé et amoureux, tolérant, aussi, concédant à sa compagne des lubies de changement. De lieux, de projections. Passer de l’appartement à la maison individuelle, du Canut (« des surfaces qui avaient, au XIXe siècle, abrité des ateliers de soierie et dont la généreuse hauteur sous plafond permettait l’installation de métiers à tisser et le couchage des soyeux ») au mobilier de jardin en fer forgé, acheté aux Puces du Canal. Vivre vite (et mourir jeune), indépendamment d’un emprunt à Lou Reed – qui n’a rien respecté de l’injonction – c’est le récit d’une culpabilité déchargée de sa faute : non que le temps ait fait son œuvre (l’antiphrase la plus célèbre de la langue française) mais parce qu’il a autorisé l’auteure à faire du jour le plus triste de sa vie un matériau d’écriture, qu’elle aborde méthodiquement. Par la litanie des Si, commence-t-elle, elle tente de revenir au marché des vivants, et fait correspondre la vente de la maison, qu’ils n’auront jamais occupée ensemble, en vingt ans, avec le sujet du roman. Est-ce roman, est-ce diable, à qui s’adresse la lumière, écrit-elle, pour conjurer le sort, ou, du moins, accepter qu’on ne le pût plus ? La cause de l’accident, officiellement, n’existe pas, il faudra donc à l’enquêtrice en remonter toutes les possibilités, ramener une réalité au conditionnel passé. Toutes les pistes deviennent têtes de chapitres – courts, oppressants, au fur et à mesure que l’issue, pourtant connue, s’annonce –  égrènent l’ironie du sort, les mauvaises coïncidences, les regrets et les remords, dessinent aussi un contexte d’époque – l’appel qu’on ne passe pas parce qu’ils sont surtaxés entre Paris et Lyon, l’absence de portables, lesquels auraient permis le SMS salvateur, la gentrification, qui provoque, même chez les amis très à gauche, une injonction d’expansion qu’ils ne se seraient, tous les deux, jamais imaginée, un jour.

Claude a su aborder le virage de sa vie qui l’a fait passer d’un travail dont il ne voulait pas à un poste dont il aurait rêvé : à la Bibliothèque de la Part-Dieu, il est en charge du service musique, vinyls, cds… Quand il rentre chez lui, il écrit des chroniques, est pigiste au Monde – dommage qu’on ne parle pas de M. Hublot dans le livre – connaît tout avant les autres, partage ses découvertes, sans jamais se la jouer. Elle écrit, a du succès, déjà, entre dans le grand monde de l’édition, qui la couronnera plus de vingt ans après, avec un livre qu’elle aurait voulu ne jamais devoir faire, et qu’elle échangerait évidemment, séance tenante, contre la possibilité de revenir une seconde avant le feu rouge fatidique. Le récit est resserré, étouffant, l’auteure – faut-il parler de narratrice, ici ? – s’en veut à elle-même avant d’en vouloir aux autres, à son grand-père de s’être suicidé et ainsi de lui avoir légué la part nécessaire à l’achat de la maison, elle dit d’elle-même qu’elle n’est pas du genre à renoncer mais qu’elle aimerait renoncer, enfin, à ne jamais renoncer. Les énumérations – Je me souviens – les anaphores – Et si… - les changements d’énonciation – ponctuellement, et à la ligne, un présent de narration qui refait l’histoire – servent le récit dans son analepse, graduée : d’abord recréer les conditions de l’accident, remonter, s’il le faut, à Jean Moulin, ceux qui l’ont servi, ceux qui l’ont trahi. Solliciter, puisqu’il le faut, des forums de spécialistes, sous le pseudo de Carburateur flingué, pour comprendre comment une moto jugée trop dangereuse au Japon pour être commercialisée, peut circuler en France librement, et finir dans les mains d’un homme qui, on ne saura jamais pourquoi, la préfère un jour, pour une escapade – le matin à 200km/h sur le périphérique, l’après-midi, en mode plan-plan pour revenir du travail – à sa Suzuki habituelle. Pourquoi Claude a-t-il réinvesti la mythologie du rocker, transgressé les interdits – emprunter la moto de son beau-frère, sans assurance ni autorisation –profité de l’absence de sa femme pour revenir à ses premières amours, jamais l’intolérable ne trouve de réponse suffisante à celui qui se pose la question, mais Vivre Vitepropose des pistes, comble des vides, ramène le sort à son destin, finalement. Ça fait seulement vingt ans que je me repasse la scène, avoue l’auteure, qui marque les esprits parce qu’on a tous, à cette époque, connu cet instant où tout bascule, où une phrase, On n'a rien pu faire, détermine, en une seconde, le temps qui vous reste. Il y a une véritable abnégation dans l’écriture de ce livre, celle de lutter, toujours, contre le pathos ; de restituer Claude tel qu’il était et, in fine, tel qu’il est resté ; d’accepter son propre vieillissement, de fait, les prémices – pas de l’oubli – mais d’une mémoire qui a fait son temps. Son œuvre. Et qui ravive un homme qu’on croyait perdu. L’excipit est poignant et valide à lui seul la lecture du bouquin. Qui se lit, comme souvent chez Giraud, avec la bande-son intégrée - et si gémellaire ! -  du Courage des oiseaux jusqu’au Dirge de Death in Vegas, peut-être le dernier morceau que Claude a écouté. On trouve même Philippe Pascal, passé par là, parti lui aussi : ça tombe bien, son Éclaircie, d’ailleurs reprise par Dominique A, pourrait résumer l’entreprise littéraire. Ou signer la fin de l’hiver. Apprendre, en passant, qu’un des livres jamais écrits par l’auteure, devait s’intituler « Cache-Cache » ne me surprendra finalement qu’à moitié. La question de la littérature ne se pose plus quand le sujet s’impose de lui-même. Nous tous, qui avons pris notre temps, devrions lire « Vivre vite » : il en dit beaucoup sur nous, plus que sur ce/ceux que nous avons perdu/s. LC

Brigitte Giraud, « Vivre vite », Flammarion, 2022

10:58 Publié dans Blog | Lien permanent

30/01/2023

TOUT EST ENCORE À REFAIRE.

LE VOYAGE DE NOZ, 36 ans, transborde ses passagers d’une salle à l’autre, à trente ans d’écart.

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On ne peut même pas leur reprocher ça. En choisissant, comme une évidence, « Tilda & Dad » pour la première partie de leur concert au Transbordeur, les Nozn’ont pas seulement tapé juste dans le talent, ils ont aussi refait le lien avec ce qui reste le fait d’armes de leur passé, sans jamais insulter l’avenir. Emmanuel Perrin foulera donc bien la scène du (plus petit) Club-Transbo comme il a foulé celle de la grande salle d’à côté, en 1989. Le 24 mars, dix jours après Niagara, pour la petite histoire. Mais il la foulera avec sa fille, qui n’était pas au programme d’une époque qui a vu le Voyage s’affirmer comme le groupe lyonnais pouvant remplir une salle comme celle-ci et succéder, pensait-on, aux Ange, Ganafoul & Starshooter. Qu’advient-il des chemins qui n’ont pas suivi leur voie, c’est une question métaphysique, qui ne regarde personne d’autre qu’eux, leurs choix, les incidences. Reste que plus de 30 ans après, ils sont toujours là, et réussissent même, donc, à ramener ceux qui ont quitté le train, le temps d’une escale. Il y a cinq ans, déjà, ils avaient comblé trois décades depuis Opéra, leur premier album, invité leurs copains d’Aurelia Kreit en première partie, à Rillieux. Depuis, les Kreit sont retournés à leur retraite et les Noz ont enchaîné, toujours soumis au rythme frénétique de leur auteur, qui doit craindre que ses créatures le dépassent dans la vraie vie et les couche, de fait, sur papier. En 2011, « Bonne-Espérance », un roman musical en 21 chapitres avait déjà validé des velléités que Stéphane Pétrier n’a jamais éludées : ses chansons sont à textes, et ponctuées de renvois, cinématographiques, littéraires… Des RCCC, références culturelles collectives cachées (suivant les parcours). La moindre des choses pour un groupe né sous une bonne étoile, celle des Chants de Maldoror et d’une new-wave consciente, et pénétrée. Les affres de la post-adolescence, des déterminismes sociaux et culturels, le groupe y gagne une certaine préciosité qu’il mettra quelques années à combattre, en se salissant musicalement, en s’acoquinant avec l’Enfance éternelle, le temps d’un festival lyonnais, en faisant masteriser le Signe (2album) à Los Angeles. Marc Baujard - le guitariste qui a succédé à Éric Clapot - lequel a un temps, assuré seul les guitares qu’avait posées l’aîné des Perrin – a posé sa griffe, ces dernières années, sur un son plus électrique, que Xavier Desprat, l’ingé-son attitré, tente de restituer, sur disque comme sur scène. Leur dernière double-galette est née de l’expérience traumatisante d’un virus et d’un confinement, lesquels ont généré chez Pétrier une accélération de son hypocondrie, dont il tire une dystopie aussi juste qu’effrayante : dans le monde de demain, l’épidémie à combattre, c’est celle de l’amour, qu’eux-mêmes (le groupe) s’acharnent à diffuser en masse, dans toutes les zones libres. Il semblerait que l’amour fut, et qu’il soit encore, si l’on en croit les premiers concerts, et la photo de Stéphane Thabouret qui annonce les retrouvailles au et avec le Transbordeur. Il y a chez eux quelque chose d’inoxydable et pour une fois, ça n’a rien à voir avec le richissime propriétaire de Simplex Records : les voilà qui reviennent, donc, bien que jamais partis. Ces dernières années, on les voyait sous les boiseries amicales de la Casa, ou au Radiant Bellevue. Dans des plus petites salles, également, ou des festivals improbables, toujours avec la même sensation d’assister à quelque chose d’exceptionnel, un peu décalé dans sa réception. Comme si, souvent, revenait l’idée du parcours inachevé,  pas reconnu à sa juste valeur. Dans « la chambre d’hôtes », Nathalie (P.) prend la voix autant que les claviers, parle d’un film qu’on a vu cent fois, signe qu’il est temps de s’arracher à tout ça, tout faire voler en éclatC’est peut-être ainsi que le groupe se sent en vie, lui aussi, ainsi qu’il envisage de tout reprendre à zéro, le 7 avril. Il y aura leurs fans de toujours, qui ont parfois entretenu le malentendu, d’autres qui, récemment, ont reconnu qu’ils étaient passés à côté de ça. Aldo, le dernier pilier, celui dont Stéphane dit que sans lui, le Voyage de Noz aurait cessé depuis longtemps, se chargera de poser les bases rythmiques avec Pedro à la basse et plus que la mélodie, il y a l’idée d’une harmonie qui s’annonce. Dans l’air du temps. À eux de s’en libérer suffisamment pour ne pas verser dans des best-of qu’ils ont parfois concédés, mais la matière de ces dernières années est largement suffisante pour qu’ils surprennent encore. Même quand le VDN s’empare d’un standard des 70’s, le Diabolo Menthe d’Yves Simon – Dans les cafés du lycée Faut que tu bluffes, que tu mentes – il le déconstruit suffisamment pour lui donner sa marque, et raviver un anachronisme quasi-politique : qui écrirait ainsi sur la jeunesse et ses émois, qui filmerait encore un exhibitionniste à la sortie d’une école ?   Qui sait si Pétrier portera encore son t-shirt de « la Boum », déjà postérieur et plus  policé que le film de Kurys, qui sait si, un mois après avoir vu Morrissey à la Salle 3000 – sous réserves – il fera diffuser derrière lui des caméos de films liés à ses emprunts ? - Thomas, vous avez triché ! -  Thomas triche toujours. Ce qui ne risque pas d’arriver sur scène, vu l’énergie que le groupe dégage depuis qu’il s’est  convaincu qu’il n’y aurait pas de fin à ce Voyage-là puisqu’il n’y a aucune nécessité d’en connaître une. On l’a dit, les membres qui s’en vont ne sont jamais très loin et on ne leur connaît d’ennemis que chez ceux qui ne les connaissent pas. Il y aura certes moins de chevelures déliées, moins de pulls torsadés sur les épaules et de Winston qu’en 1989, personne ne s’inquiétera plus du sort des peuples de l’Est en révolte ni de l’arrivée d’un certain Jean-Michel Aulas – ami de Bernard Tapie - dans un club local moribond. Personne ne se vantera plus de les avoir vus au Vaisseau Public, dans cette petite rue au prénom enchanteur. C’est le drame des groupes générationnels, surtout quand ils finissent, comme avec Tilda, par englober deux lignées (et ça ne fait que commencer) : tout le monde se les est appropriés au moins une fois dans sa vie, a assimilé un événement à une chanson, une relation à un concert, etc. Les Noz au Transbordeur, c’est comme trouver une affiche de leur concert dans le foyer des élèves du lycée quand on en est devenu le proviseur. Mais pourtant, ça n'a rien de nostalgique, au contraire, ça n’a jamais été aussi vivace, et essentiel : comme des constats lucides qu’on fait sur ce qu’on a raté ou réussi (Nous n’avons rien vu venir) en trente ans et des poussières. Seule la Beauté est à l’abri des outrages du temps, disait Oscar W. Il n’est plus question, pour autant, du  portrait de Dorian Gray, à moins que le groupe exhume « la mer morte », ce à quoi l’événement ne se prête pas. On les imagine plus dans la nouveauté ou la surprise, comme s’il devait y avoir, dans l’assemblée, des producteurs à convaincre, ou des maisons de disque à séduire. Pareil qu’en 89. Ils ont prévenu il n’y a pas si longtemps, les Noz : le début, la fin, ce sont des notions aléatoires, surtout avec eux. Plus encore avec ce mantra, philosophie d’une vie (et d’une œuvre) : « Même s’il n’y a plus aucune chance, je sais qu’on essayera encore ». Il faut sans doute avoir quitté les Noz un moment dans sa vie pour apprécier qu’ils soient encore là, et qu’ils nous aient attendus. Ne plus en perdre une miette tout en restant à distance – question de principe – en faire un vecteur de calendrier, de retours fréquents. En 89, Pétrier sera ravi de l’apprendre, le dernier grand concert organisé à Lyon, après le Transbo des Noz, ça a été Paul Mc Cartney, en novembre, à la Halle Tony Garnier. Pas sûr qu’on y programme le Voyage, pas plus qu’on en anoblisse le chanteur, mais l’essentiel n’est pas là et qu’on le prévienne vite, Macca : les places pour le Trans-Club partent comme des petits pains. LC – Photo ST©

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