17/07/2024
Dévaler la pente.
Un retour de libraire sur l'auteur lui-même (avant le livre), c'est suffisamment rare pour être souligné. Merci, Anthony, du Panier de livres, à Caluire-et-Cuire : "Très belle rencontre hier soir à la librairie de Caluire, avec en effet un écrivain singulier Laurent Cachard, un écrivain qui a des ressources mystérieuses, opiniâtre, habité, attentif, dévalant la pente, emporté, exigeant, furieux, à bonne hauteur puis tout à coup d’une grande mansuétude, un écrivain qui fait des rencontres et change alors le nuancier des lumières de sa vie. Un écrivain qui va au bout des choses en oubliant de respirer, je suis touché par sa présence complexe et son audace. La littérature au centre de notre vie comme une nécessité première. Et encore ce constat chez certains passionnés pour qui le feu n’est pas un accessoire d’un soir : une capacité de vivre à plusieurs époques à la fois. Mais que la gravité des choses n’empêche pas l’œil pétillant et facétieux de l’instant qui passe."
le micro-concert de Jean-Christophe Géminard, brut et sans autre prétention que de témoigner de l'instant, se trouve ICI.
Et ce titre, qui me rappelle ce texte écrit il y a longtemps, pour Guillo :
Photo : Stéphane Thabouret
15:59 Publié dans Blog | Lien permanent
13/07/2024
Liliane & Aurelia au Panier de livres, un 12 juillet.
Il y a des soirs où tout concorde et où, malgré les défections du jour, ou les absences notoires, on respire un peu de voir arriver des têtes connues, en nombre suffisant (déjà pour les chaises disponibles) pour le libraire, histoire de le remercier de l’invitation. Des soirs où l’alchimie se fait vite, dans le discours, les regards, cette façon muette d’acquiescer. À une vision de la littérature, une exigence qui respire dans cette toute petite échoppe au milieu de nulle part, mais dont la programmation m’a alerté, et dans laquelle j’ai trouvé des titres qui ne rendront pas le libraire riche mais qui l’aident sans doute à respirer au quotidien. Anthony, le maître des lieux, s’est montré curieux de ce que je faisais en amont et impatient, disait-il, d’accueillir un auteur singulier – c’est le mot qu’il a choisi – de m’entendre parler de Liliane, d’Aurelia, de Camille aussi, puisque le Réalgar, une maison d’édition qu’il a découverte via son rayon poésie, l’a intrigué, au point qu’il a invité Daniel Damart, le Boss, il y a quelques semaines. Hier, c’était mon tour, devant une petite trentaine de personnes, et Anthony m’a fait parler de mon parcours. De ma première vie d’écrivain, de Claude Raisky et de Raison & passions, Lettres-frontière, Grignan, Carole Martinez, tout ça. De Tébessa, qui a tout lancé. Puis d’Aurelia, du travail dantesque que ce livre m’a demandé, sur près de dix ans, de l’histoire de l’Ukraine, de la philosophie – sur la judéité – de cette nécessité que j’ai éprouvée de faire vivre ce personnage qui me marqua tant, à l’adolescence. Je peux enchainer sur les Jardins d’Ellington, sur la notion de sujet qui m’importe, dans la littérature ; sur le corps expéditionnaire russe, sur la Courtine. On me dira après que je donne envie, et, au vu des exemplaires vendus après, tant mieux : pour le libraire, qui fait sa soirée, pour le lecteur, qui découvrira Aurelia. J’ai tellement fait de rencontres que je ne peux pas ne pas mesurer la promesse que j’ai faite hier de livrer (c’est le mot) un 3e et dernier volume des aventures de mon héroïne : j’ai commencé. Je raconte en souriant que Daniel, qui n’est pas au courant (ne lui dites pas encore !), fera sans doute une exception pour moi, lui qui se demande s’il va continuer à éditer des romans. J’en arrive à Liliane, à Barbara, je raconte la genèse de ma Cantate, cette erreur insultante de photographie dans Libé, la façon dont j’ai remonté la courte vie de la Pianiste, son histoire d’amour avec Serge Lama et, dans la tragédie de son existence, les mots que la Dame en noir lui a laissés, ce chef-d’œuvre de justesse et de sensibilité qu’est la petite Cantate. Cette adresse sublime à son amie, sa douce, sa si petite à elle. Tout est lié, dans ma volonté de remonter le temps, les cours des vies. Je suis passionné et ça doit se ressentir, puisqu’on m’a dit que c’était passionnant, au sens littéral. J’avais prévenu Anthony, je pourrais parler des heures, mais il reste la petite surprise, le (gros) quart d’heure musical, les cinq chansons qui résument mon parcours à moi dans la chanson, avec Eric Hostettler en compositeur. Là, c’est JC qui chante : il s’est déjà approprié Ton Égide, restructuré Au-dessus des eaux & des plaines (qui me permet de dire du mal d’Aragon), on a inséré in extremis Le Mont Sans-Souci de Jean-Louis Murat, l’essentiel, et préparé la scénographie du morceau suivant : je me lève,prends sa place derrière le micro et lui lance les accords, arrangés pour la guitare, de la Petite Cantate. Que je chante, pour la deuxième fois en public, au grand étonnement de ceux qui jamais ne se seraient attendus à ce que je le fasse. Anthony, au bout de mes 2’30 de gloire, est ravi, enthousiaste, me remercie chaleureusement. Mais ce n’est pas fini, JC doit encore interpréter l’Embuscade, ce morceau mythique inspiré de Tébessa, dont il oubliera un mot, le même, mais à chacun des couplets : rien de grave, Samantha, qui l’entend répéter chez eux depuis des mois, le lui souffle, ajoute même, discrètement, une deuxième voix. Puisqu’il faut finir, JC entonne la masterpiece du duo Cachard/Hostettler, extrait du flop industriel de Trop Pas !, ce Café des Écoles qui n’existe plus sur la grande place, mais qui continuera dans la mémoire de tous ceux qui croiseront cette chanson. Que Nicolas Bacchus, présent hier, songe à intégrer dans son (6e) album à venir. On a fait près 1h15, il est temps de signer de nombreux livres, de voir du coin de l’œil ces personnes aimées qui se retrouvent ou se découvrent, de boire un verre dans la librairie puis enchaîner sur une belle soirée, au Capot, à deux pas de chez ma mère. C’est un privilège de pouvoir rassembler autant de figures de ma vie autour de mon travail. Et la joie – j’ose – des libraires, la promesse qu’on s’est faite de nous retrouver ponctuellement, est une belle récompense. Je souris en moi-même en me disant que si tous ceux qui auraient dû venir étaient venus, on n’aurait jamais pu caser tout le monde. C’est souvent ainsi que les choses s’équilibrent.
PS : un beau retour de Laure, hier, juste avant que je parte pour le Panier : « Un roman exquis qui nous introduit dans l’intimité d’une relation hors du temps, d’une histoire que j’ai toujours devinée sans en connaître réellement la source d’inspiration . L’écoute de cette chanson que j’adore a pris par la grâce de votre plume sa véritable dimension . J’ai hâte de vous écouter parler de Liliane , un jour prochain peut-être , ma santé pour l’instant ne me permet pas de me déplacer mais je tenais à vous remercier Laurent pour ce secret si joliment dévoilé et qu’il me plaît désormais de connaître . » Un truc à se mettre aux anges, avec leurs trompettes.
08:31 Publié dans Blog | Lien permanent
11/07/2024
Let me see your hands!
Il faudrait être fan hardcore pour dire si le concert de Simple Minds hier au théâtre antique de Lyon était mieux qu’un autre (de la tournée) ou un des meilleurs d’un groupe tellement antique lui-même que les Lyonnais les plus vieux l’auront vu dans des salles aussi diverses que le Palais d’hiver (en 1983), le Palais des Sports, la Halle Tony-Garnier, la salle 3000, et donc, hier, à guichets archi-fermés, au théâtre de Fourvière, dans ce cadre que le groupe semble affecter, en témoignent leurs passages à Taormina, Rome ou autres enceintes idylliques, par leur disposition, la beauté du site. On peut avoir jugé le concert d’hier un peu mou, avant une première session ramenée à New Gold Dream, l’album sorti en 1982 – après, quand même, que Jim (Kerr) a enflammé le site, d’entrée, sur Waterfront, puis Someone somewhere, le titre-phare de NGD, celui que n’importe quel quinqua a accompagné, dans sa jeunesse, d’une danse new-wave pénétrée, en espérant que la fille de la fac le regarde enfin. SM, depuis 2015, ce sont des concerts en deux parties, au milieu desquelles le chanteur-patriarche, toujours aussi classe, va se rafraichir en loge devant un ou deux whiskies, de son propre aveu. C’est aussi un lead-singer qui a accepté de vieillir et qui confie des parts vocales – voire des chansons entières, comme Book of brilliant things - à sa superbe choriste Sarah Brown, résurgence d’Aretha Franklin à la robe lamée. C’est sur elle que Jim s’appuiera pour lancer le mythique Mandela Day, qui nous fait nous rappeler qu’on a tous levé le poing un jour en chœur et qu’on a tous aussi rêvé du t-shirt noir manches longues porté lors du concert de Wembley, en 1988, juste avant que Johnny Marr vienne assister un Charlie Burchill toujours aussi cristallin dans un son que seul ce groupe a su faire perdurer. Mandela Day, alors, dans un light-show aux couleur sud-africaines, pour saisir qu’on est dans la deuxième partie, plus tubesque, plus enlevée, forcément. Il y a Sanctify yourself, pour faire – enfin – se lever les vieux (dont moi), un dernier sursis avec le long et progressif « Belfast Child », la formation est rodée, le bassiste excellent et la batteur(e), Cherisse Ossei, animale, finissant la moitié des morceaux debout. L’immense frontman qu’a toujours été Jim Kerr se contorsionne, nous met minables avec ses génuflexions, nous qui souffrons d’arthrose et d’un manque de place, dans les gradins, pour étendre nos jambes. Il n’y eut guère de surprises, ou je ne les aurai pas reconnues, quelques morceaux, peut-être nouveaux, tentés pour se convaincre d’une actualité qui est, quand même, l’essence des artistes qui nous font vivre. Et puis, comme un exutoire, le Don’t you que tout le monde attendait, qui fait qu'en une seconde, on se demande qui de Bender, d'Andrew, de Claire, de Brian ou d’Allison – les personnages de Breakfast Club – nous sommes restés, à moins qu’on ait construit nos vies, comme le film, sur un mélange des cinq, avec la même question, toujours en suspens, celle pour laquelle les élèves du lycée Shermer ont été collés, le samedi 24 mars 1984 : Qui pensez-vous être ?
Il y a tout ça dans un concert de Simple Minds, enfin, pour moi, même un peu plus. Et puis les aléas, les accidents, ça vous incite, quand vous recroisez quelqu’un qui a été très proche, à le regarder sortir de scène jusqu’au bout, sans ciller. En vous disant, sans urgence, qu’il ne s’est finalement passé que quarante ans, ou presque, depuis le premier concert. Le final de Dont’you, ça n’est pas compliqué, se souvient cet ex-groupe de stades : la, lalalala, lalalala, lalalalalalalalalalala, et on recommence, à s’en casser la voix. Jim s’amuse, regarde sa montre, les coussins voler dans la lumière, ils pourraient finir là-dessus, mais il propose d’en faire une dernière, et c’est Alive & Kicking, qui se termine, variation, par palalalalala, palalalalala, palaooo, palaooo, ad libitum. De quoi partir heureux, en se donnant rendez-vous pour le prochain. Sans savoir quand, ni si. C’est le jeu.
07:41 Publié dans Blog | Lien permanent
04/07/2024
Le tour de Liliane.
14:02 Publié dans Blog | Lien permanent
29/06/2024
Autres Figures.
les Figures Singulières, tome 2, sortiront en novembre aux Éditions l'An Demain. En avant-première, sur le site de l'éditeur, les portraits de Delphine Le Sausse & André Cervera.
19:22 Publié dans Blog | Lien permanent
28/06/2024
Danse & dense.
C’est très étrange, un – premier – concert de Eddy de Pretto, dans le cadre de mon Farewell Live Tour qui me verra, si tout va bien, pour moi comme pour eux, faire mes derniers tours de piste avec Sanson, Mc Cartney en décembre, Springsteen fin mai, après que Murat, Higelin, Arno ont anticipé la rupture. Tous ces artistes qui ont marqué ma vie de leurs chansons, je n’en verrai plus que quelques-uns, encore, comme Eicher ou le Voyage de Noz, lequel devrait m’enterrer, si tout va (encore) bien. Alors hier, au théâtre de la Mer, voir des techniciens s’affairer, lors du changement de plateau, sur autre chose que des instruments, ça a un poil perturbé mes quarante années de concerts (depuis Tears for Fears à la Bulle Tony Garnier). Il fallait finaliser une espèce de plateau suspendu, une passerelle, derrière laquelle un écran géant montre des musiciens filmés, en bande-son, devant lesquels l’artiste, qui arrive dans son Marcel blanc classique, commence à chanter, en les présentant, comme s’il était avec eux. D’ailleurs, si j’ai bien compris, il y a un morceau qu’on le voie jouer avec eux : il a quitté la scène côté cour, est réapparu sur l’écran, dans la salle de musique, avec le même débardeur. C’est donc un spectacle écrit au cordeau, à la seconde près, et un immense niveau d’interprétation, d’effets et de rapport au public. Avec des apparitions stroboscopiques (les Rimbaud, Verlaine, Genet, Elton, Freddy et Cie, un fond de flammes, d’électro, puisqu’il a délaissé les montagnes pour la mer du théâtre du même nom. Des chansons que je ne connais pas, mais qui sont, là aussi, un écrin pour exprimer la solitude (personne pour l’hiver, magnifique), l’anormalité qu’on nous affecte, dans l’apparence, les désirs etc. Il faut voir ce garçon se démener sur une bande son en athlète, en danseur, en pro de la caméra (un mini drone, un face à face à terre, à même les planches). J’ai été surpris qu’il annonce une heure ensemble, ravi qu’il tienne davantage, qu’il fasse danser le public, l’intègre à sa catharsis. A sa thérapie. Love n’Tendresse,finalement, c’est ce qu’il nous reste. La fête de trop clôt le spectacle, atypique, je la reconnais et l’envoie à mon enfant, il s’y reconnaîtra. On ne peut qu’aimer ce garçon sur scène, se dire qu’il faudrait revoir ce spectacle – puisque c’en est un – en indoor, avec un light show encore plus impressionnant. C’est un chorégraphe de haut niveau, dont les textes, qui plus est, sont nourris, complexes à chanter : c’est danse et dense. Bon, les musiciens virtuels, c’est dur pour un quinquagénaire qui a applaudi l’arrivée du piano de Véro à Fourvière en 1998 comme à Sète, deux jours avant Eddy de Pretto. Il faut vivre avec son temps, quitte à ce qu’il soit celui des autres.
15:05 Publié dans Blog | Lien permanent
25/06/2024
Cette petit voix qui sourd et gronde.
J’ai bien cru que ma – récente – malédiction des concerts allait me poursuivre quand, au changement de plateau, une pluie d’été et de gros nuages noirs se sont immiscés au théâtre de la mer, après, c’est ballot, une superbe journée. Deux fois les techniciens ont bâché et débâché les instruments, puis profitant d’une accalmie, on a entendu, dans les premiers rangs, « on y va » et seuls les premiers morceaux ont eu lieu sous le crachin. Sans trop de dégâts : les concerts de Véronique Sanson commencent souvent par du dispensable, soit des créations récentes (qui se souvient du Hasta luego d’il y a deux ans ?) ou, là, ce soir, par Undestructible, un des plus mauvais textes qu’elle a jamais écrits. Parce que c’est ça, Sanson, le pire et le meilleur. Mais quand le pire (des textes, je répète) permet d’exposer, au sens scénique, les musiciens démentiels qui l’accompagnent, on lui pardonne tout. De toute manière, les fans de Sanson, qui ont rempli le fort Vauban, lui pardonnent tout, tout le temps, les excès qu’elle a connus, qui ont failli la perdre, ses résurrections permanentes, jusqu’à ces dernières années où sa voix l’a sauvée, elle par qui elle s’est tellement manquée, chante-t-elle. Je me suis pardonnée, se termine la chanson, que j’ai tellement écoutée chez Fred Vanneyre, dans son petit studio de Bourg-en-Bresse qui sentait l’humidité. C’était sans doute mon dernier rendez-vous avec elle, j’ai fait l’effort physique d’être tout devant – on ne m’a jamais autant reproché d’être grand ! – pour la voir de (très) près, ce tout petit bout de femme qui fait bien son âge, maintenant, mais qui aura équivalu bien des chanteurs de blues, en somme, avec son vibrato et sa façon de modeler son timbre. C’est un festival, elle jouera un peu moins qu’en tournée, alors elle y va, vite, il y a encore le grand bassiste (à 5 cordes de la dernière tournée) mais son guitariste perclus d’arthrose a dû jeter l’éponge, remplacé par un type avec un t-shirt de la Linea, aux manches relevées, comme on n’en fait plus depuis les 70’s. Des cuivres (3), un batteur fou (et bon), un percussionniste bon (et fou), qui tiendra un solo de timbal’ qui aurait sa place à Vic-Fézensac. Deux choristes, qui la tiennent, parfois littéralement. Un clavier. Il y a du Higelin dans sa façon de faire reprendre le Il est nulle part de Bernard’s Song, puis elle s’absente pour se refaire une beauté pendant que ses musiciens tiennent la scène et continuent Rien que de l’eau pendant dix bonnes minutes. Elle enflamme le théâtre avec le dansant Chanson pour une drôle de vie, la sienne. Qui aura tenu plus longtemps qu’on l’aurait cru, plus longtemps que la nôtre, qui sait. Ce qui est bien, chez Sanson, et qui me serre le cœur, un peu, c’est qu’il y a tellement de gens qui se sont reconnus en elle et se sont approprié ses chansons qu’on les voit pleurer ou faire un cœur avec les doigts, à un âge certain. Mes deux jeunes voisines s’embrassent sur Bahia – et je t’aime, caresse-moi - je ne peux m’empêcher de penser qu’on va vers des zones sombres, socialement, et que si je devais me battre pour elles, que je ne connais pas, je le ferais. Elle a chanté Amoureuse assez vite dans la set-list, et quand les musiciens la laissent pour la traditionnelle session piano-voix, on se prend à rêver de ce qu’elle joua au Corum, la dernière fois. Mais la nuit avançait, et la dame a son âge, désormais. Exeunt Seras-tu là, Toi & Moi – tant mieux, c’est ma préférée, donc celle que je redoutais le plus, dans la réminiscence – Visiteur & voyageur. Mais le silence de plomb sur le qui sourd – c’est elle qui m’a appris l’usage du verbe sourdre – et gronde que je suis seule au monde de Ma révérence valait à lui seul le déplacement. Et le Bahia final, chanté par le public, permet de rentrer chez soi et de s’endormir avec cet air dans la tête. À minuit (ou un peu plus) je suis dans mon lit, et ce n’est pas à Vancouver. Mais dans un autre port où Véro a fait escale. Il y en aura de moins en moins.
00:52 Publié dans Blog | Lien permanent
15/06/2024
Les Noz et les nazes (du vendredi).
Les voilà qui auront encore réussi à diffracter le temps, eux qu’on annonçait, jeudi et vendredi, pour la dernière de la Casa, cet endroit qui sollicite tant de souvenirs dans ma vie, des concerts de Valeria Pacella – et ma rencontre avec Sandro - pour voir jouer Herr Direktor, aux 17 jours d’enregistrement de Trop Pas, des claviers timides d’Olivier Castan aux guitares assurées de Gérard Védèche, le Stéphanois qui débarquait en BX. En passant par les descentes d’escalier, sur la rampe, de Kenji (Boufedji), les voix de Evelyne Gallet, Stéphane Jardin, le violoncelle de Monseigneur Gailly et, bien entendu, les voix et compositions de Pauline & Eric Hostettler. Le son et le mixage du Maître Jedi Xavier Desprat. Les concerts, dans le même lieu, de Deuce, les plus grands rassemblements d’assureurs et, de fait, les records d’audience. L’accueil d’Éric et Lyne, les maîtres du lieu, devenus des amis chers. Et puis les Noz, dont l’histoire avec le lieu commence par Bonne-Espérance, de mémoire, peu après que je les ai retrouvés, sur ma route. Une soirée de (non) écoute, un concert avec juste les nouveaux titres, s’était presque excusé Stéphane, sans savoir – encore – que moi ça m’allait bien qu’il bouscule les habitudes de son fan-club. Et depuis, les liens aidant, l’association Noz-Casa se faisait, à chaque sortie d’album, et j’y allais. Comme je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas faire le voyage, hier, pour ce qui sera – peut-être – le dernier concert des Noz là-bas, puisqu’Éric & Lyne vont bientôt partir pour d’autres horizons. Peut-être, parce que la maison n’est pas encore vendue et qu’ils savent pouvoir rassembler du monde, encore et toujours, sur ce Voyage et son never ending Tour. Des amis, surtout, parce qu’à l’âge du géant vert et de sa compagne, on se défait un peu des contingences et des prétentions. Jeudi et hier, c’était donc les deux derniers, mais que penser d’un groupe qui confond la fin et le début jusque dans ses albums ? Un florilège, des chansons qui viennent de loin – de l’homme le plus heureux du monde, avec Une vie ordinaire et, plus tard, une histoire de cul – jusqu’à leur dernier, ISQLAF, son plan B et son stratosphérique titre éponyme. Il y a du Bon Espérance – le secret – deux chansons inédites et la question récurrente : les nazes du vendredi pourront-ils dépasser en intensité le public surexcité de la veille, lance l’homme au t-shirt de la Boum (histoire d’assumer l’intemporalité) ? Il y a beaucoup de visages connus, d’autres qui découvrent le lieu, un grand qui filme de A à (No)Z – le nez collé à l’écran et son gros cul sur sa chaise ? - et m’oblige à des contorsions, dans ce très petit lieu. Les monstrueux singles – en soi – du Début, la fin, le début, Nous n’avons rien vu venir, son mantra final hurlé l’index tendu demain le soleil reviendra, je sais qu’on essaiera encore (et encore, et encore) et Juste avant la fin du monde, puisque l’auteur-compositeur a une sérieuse propension à la dystopie. Bien sûr que les flammes étaient hautes, bien sûr que le vent soufflait fort. Mais promis, comme la veille, il ne parlera ni d’Eric Ciotti, ni de Jordan Bardella, puisque le temps est suspendu, la mélancolie omniprésente, même si on fait comme si. Si jamais… Son Altesse dédie le Train à sa Grandeur, c’est bien, ça me rappelle que quelques lignes de ce texte closent l’édition de mon Aurelia Kreit. AK, tiens, après une belle discussion avec Jérôme dans le patio – devant les meilleures brochettes du monde ! – je découvre que David (Ranaldi, producteur et factotum du Voyage) en était, dans sa jeunesse. Que Stéphane Thabouret – qui s’est marié, tiens, récemment, et dont le témoin est en pleine dépression depuis que Stéphane (Pétrier) lui a confié que ce n’était pas la peine qu’il construisît sa vie autour du Cimetière d’Orville, puisqu’il a tout inventé – jouait de la basse pour attirer les filles. De mon premier concert du Voyage au Vaisseau public le 10 février 1987- j’aime bien insister – il n’y a plus qu’Alexandre (Perrin) et Stéphane de la formation initiale, qui n’a plus que quelques années à tenir pour que les 40 ans de scène soient atteints. Nathalie, Pedro, Marc, Eric (3e) jamais bien loin, en seront, on reverra Manu, sans doute, un jour. C’est un projet qui ne s’arrête pas, voire qui devient de plus en plus foisonnant. Même les tubesques Cameron Diaz et Attache-moi (je ferai un jour un relevé de toutes les références cinématographiques de l’auteur) - pendant lesquels le chanteur à succès s’aventure dans le public mais ne trouve (plus) personne de suffisamment valide pour le porter - ne m'agacent pas, cette fois. Il y aura des verres partagés, jusqu’au bout de la nuit, les trucs qu’on se raconte à chaque fois pour se rassurer. Un débat sur l’autofiction et l’abus des phrases nominales, c’est dire. Et un retour initiatique dans une Fiat 500, sous une pluie battante, dans les phares d’un accident spectaculaire. Encore deux qui auraient mieux fait d’aller à la Casa : c’est loin, mais c’est beau, rempli de souvenirs et de catharsis. Je n’ai aucun scrupule à me démentir : s’ils y reviennent, les Noz, j’y serai également. J’irai les voir ailleurs, aussi, puisqu’il va bien falloir qu’ils y jouent. L’évidence ne sera plus topologique, mais il restera la musique, c’est le sujet d’un des nouveaux titres. Et puis j’ai expérimenté, de mon lit d’hôpital il y a un peu plus d’un an, l’idée de n’en être plus. Ça ne m’a pas plu.
09:13 Publié dans Blog | Lien permanent