24/09/2012
Nesto.
J’ai travaillé cinq étés consécutifs à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon. J’y ai fait tous les services, à peu près, du bloc opératoire à la maternité. Aujourd’hui encore, quand j’emprunte l’escalier, dans un hôpital, j’ai le réflexe de regarder s’il est bien nettoyé, à la fin de la journée. Si l’agent a préféré se lever tôt, passer la serpillière en huit et laisser l’endroit nickel pour la majeure partie du jour à suivre, ou s’il a choisi de passer la machine-qui-laisse-des-flaques-partout, en plein cœur de l’activité. L’hôpital m’a appris à travailler vite et bien, à ne pas me disperser. Partout où je suis passé, à commencer dans la salle d’opération - où, bippé, je devais déplacer le corps opéré pour que le chirurgien puisse continuer (assistant du démiurge) - j’ai essayé d’être efficace et de me fondre dans le collectif, ce qui n’était pas gagné au départ, au vu de ma formation. J’ai donc partagé, dix mois de ma vie, le bourdonnement de cette ruche si particulière qu’est le service public hospitalier. Aujourd’hui encore, je pourrais en définir l’esquisse d’une sociologie. Mais aujourd’hui justement, parce qu’on l’aura célébré là-bas, une dernière fois, je pense aux blouses bleues, celles des services techniques, le seul corps, peut-être, que je n’aurai pas fréquenté de près. Celles qu’on croisait quand on passait d’un service à l’autre, pour brancarder un malade, pour porter des tests à l’ANAPATH. Parce qu’il en portait une, de blouse bleue, Nesto, et que c’est l’image que je garderai de lui. Je lisais sur Kronix récemment qu’on avait beau se moquer d’elle et la brocarder, la mort revenait toujours et cherchait le dernier mot. Pas le premier geste. C’est ainsi, et c’est naturel. N’empêche, j’y repense, à la blouse bleue, aux Gitanes maïs, au bruit des glaçons et au jeu des boxers qui s’affrontaient, le mardi après l’école, juste avant d’aller à l’entraînement. Personne ne nous quitte jamais, en fait : c’est juste, à chaque fois, une partie de nous qui se délite.
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23/09/2012
Ilittré.
On a peut-être résolu la question du Boson de Higgs, mais dans le même temps et dans un silence coupable, plus aucune personne de moins de quarante-cinq ans ne peut écrire « Colin-Maillard » autrement que phonétiquement, avec les conséquences tragiques que ça entraîne : kolamaya, Koh-linmaya etc.
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22/09/2012
Hamlet it be.
Il faudrait pouvoir arrêter la métaphysique, mais la question se pose en réflectivité : que nous resterait-il, dès lors ?
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21/09/2012
Ah! Si J'habitais Roanne...
Ce soir à 19 heures à la Médiathèque de Roanne, Christian Chavassieux parlera de son nouvel opus, justement intitulé "J'habitais Roanne". Les passants d'ici savent tout le bien que j'ai pensé de cet ouvrage. Mais il y a mieux: entendre Chavassieux parler de littérature est toujours un moment fort. Aussi fort que sa voix est douce. Parce que lui - contrairement à moi qui cabotine et m'impose par mon volume et ma conviction - il parle tout doucement et crée une relation socratique avec l'assemblée. Qui finit par l'écouter en s'avouant que ce qu'il avance, elle le savait déjà mais ne se l'était jamais dit. C'est à Roanne et malheureusement je ne pourrai pas y aller. Mais si l'un ou l'une d'entre vous en avait la possibilité, qu'il ou elle n'hésite pas: ce sera un bon moment et, je me répète, je n'ai pas lu de meilleure radioscopie depuis "Présentation d'une ville" de Nizan. C'est dire.
NB- de là où je poste, impossible de rajouter une photo, mais on me dit que jamais un auteur n'a subjugué son public féminin comme il le fait, depuis C. Jérôme. À vous de vérifier.
10:15 Publié dans Blog | Lien permanent
20/09/2012
Double peine.
N'y a-t-il que moi pour faire ce type de cauchemar? Être violemment rejeté d'un groupe parce qu'au cours d'une partie géante de Scrabble sur l'escalier monumental du Federal Hall de New-York, après avoir été spolié, déjà, d'un "nietzschéen" rédhibitoire, je m'apprêtais à poser un "harassiez" - avec lettre compte triple sur le z et mot compte triple - quand une vieille dame plutôt digne jusque là m'a piqué la place, jurant avec aplomb que c'était son tour et poussant des cris d'orfraie devant ma requête en annulation. Je me réveille en larmes devant tant d'injustice, mais tout le monde s'en fout.
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19/09/2012
Closer.
J’éprouve jour après jour un peu plus de sympathie pour ces personnages qui ont fait parler d’eux-mêmes sans qu’on sache rien d’eux, au fond. C’est vrai, quoi, Alceste, ce grand timide, Dom Juan, qui n’a jamais osé aborder une fille en soirée et Casanova, qui ne couchait jamais deux fois dans le même lit par crainte des acariens!
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18/09/2012
De ma fenêtre.
Cette femme présente bien, sous tous rapports : imperméable beige Burlington, jupe plissée, les cheveux blonds savamment ramassés en chignon. La cinquantaine impeccable. Et pourtant, au coin de la rue, elle ne peut se contenir : elle hurle au téléphone, interloque les passants. On n’échappe à rien de sa conversation et, de facto, de la vie qu’elle a vécue jusque-là : elle intime (sic) l’ordre à son interlocuteur de lui verser la pension alimentaire dont visiblement il ne veut pas entendre parler. Elle lui dit qu’il paiera, qu’elle le harcèlera jusqu’à sa mort s’il le faut. Qu’elle a dû, cet été – la séparation est donc récente – tout avancer pour que ses enfants mangent à leur faim. Qu’elle a besoin de bouffer elle aussi, qu’elle n’a plus aucun revenu. Les insultes fusent, « connard », « gros lard », « pervers » et je pense aux mots doux qu’ils ont dû un jour s’échanger sur l’oreiller. L’homme doit lui dire qu’il prendra un avocat, elle éructe : « garde ta salive pour quand tu devras répondre de viol sur mineur ! ». On rentre dans le sordide, non, on ne l’a jamais quitté. Je voudrais qu’elle se taise, qu’elle cesse de prendre tout le monde à partie, mais je la comprends aussi. C’est sur elle qu’elle pleure, maintenant, certainement. La séparation est le seul révélateur des amours qu’on a perdues.
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17/09/2012
Travail, famille, Julie Piétri.
La notion de travail semble échapper à mes contemporains. Qu’on évoque avec eux l’étymologie du terme, peu flatteuse, ou sa perception à travers les âges (antique, chrétienne, marxiste et libérale), il y a toujours un peu de morale et de crainte qui guette quelque part. Et moi d’y itérer l’acception sociologique liée au travail qu’on fait mais qui n’est pas reconnu et qui – Lahire inside – s’efface devant un deuxième qui devient premier puisque le deuxième ne paie pas. Vous avez suivi ? J’attends qu’on me paie à rester chez moi pas par paresse, par conviction : qu’on me demande des comptes et des productions. En attendant, je produis, différemment, pour la Matrice. Je sais – puisque j’ai lu – que la productivité même d’un pays comme la France ne demanderait que deux heures de travail par jour et par personne, je sais qu’une répartition pareille résoudrait la question du chômage, mais je ne dis rien, puisqu’on ne veut pas entendre. On ne sait jamais. Le chômage, c’est comme la Mort à la campagne au XIX° siècle : si on ne calfeutre pas toutes les fenêtres là où il a frappé, il pourrait s’en prendre à nous. Oui, il y a du boulot : pas forcément là où on l’attend.
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