03/06/2012
Alternaquatique.
Belle première édition des Alterna Livres, aujourd’hui, dans le beau village du Livre de Cuisery. Une édition malheureusement tombée à l’eau, au sens propre : des 1500 badauds traditionnellement attirés par le marché du livre dans les rues piétonnes de la ville, tous les premiers dimanches du mois, seule une petit dizaine a bravé les intempéries et retrouvé auteurs et éditeurs dans la salle des fêtes où ils avaient trouvé refuge. Je n’y serai venu que le dimanche après-midi sur les deux jours de l’édition, mais la qualité de l’accueil et de la programmation auront été plaisantes. J’ai participé à une table ronde animée par Jacques-François Piquet, qui regroupait trois auteurs et demi, et trois éditeurs. On y a parlé relation humaine, confiance, aventures partagées. J’étais heureux, quatre ans après le CIFA St Denis, d’être interrogé aux côtés de Claude Raisky et de l’entendre dire tout le bien qu’il pense de moi : rien de narcissique là-dedans, juste la satisfaction d’avoir répondu, à force de travail, à ses attentes d’éditeur exigeant. Etaient représentés avec nous les Editions du Mauconduit, via Laurence Santantonios et son auteure, Monique Gehler, pour « Un 27 janvier », un portrait de peintre via la blessure et l’indicible de la déportation de sa propre mère. Jean-Maurice de Montrémy est venu parler des Editions de l’Alma, qu’il co-dirige et de « Rester sage », le premier roman d’Arnaud Dudek : un roman déconstruit, qui déroute le lecteur via des énonciations qui divergent, abruptement. M. de Montrémy aura expliqué à quel point, quand on a, comme lui, connu tout le gratin littéraire, on ne cherche pas à monter un énième maison d’édition pour faire ce que les autres font déjà, mais qu’on essaie, pas à pas, de trouver une tonalité et des auteurs différents, nouveaux. Un peu plus simple quand on a, comme il semble les avoir, des réseaux de diffusion importants. Alors pourquoi trois et demi ? Parce que « les très célèbres éditions de nos tiroirs » étaient représentées aussi, avec David Rougerie, qui édite David Rougerie et qui lit David Rougerie. Une façon d’aborder l’auto-édition avec un peu de dérision, même si rien d’essentiel n’a été dit à ce propos, et surtout pas par lui. Marc Roger, lecteur public, après nous avoir enchantés dans l’après-midi avec des lectures de Maïakovski – complétant la diffusion sur écran de cinéma de l’excellent « un siècle d’écrivains » qui lui était consacré – a fait passer chacun des trois romans présentés avec force. Un beau moment, toujours, pour un auteur, que d’entendre ses mots dits, et bien dits.
Voilà, Alterna Livres mérite d’être revu, l’année prochaine, sous des cieux plus cléments. Sans doute y présenterai-je mon recueil de nouvelles, puisque l’édition se précise. Peut-être y raconterai-je le énième rebondissement de Tébessa – l’épisode Bordas a beaucoup impressionné ! – via une belle invitation qui m’est parvenue hier, et dont je parlerai ici, bientôt. Une façon pour moi de me faire pardonner l’absence de note hier : j’étais pris dans d’autres énergies, anniversaires. Toujours question de mémoire, en fait.
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01/06/2012
Confessions intimes.
L’universalité ne se décréte pas, mais le fragment amoureux en donne un aperçu : on la retrouve dans les mots utilisés dans la poésie, le théâtre, la chanson… On croit avoir tout dit du discours amoureux, or, phénomène étrange, deux personnes qui se rencontrent savent rarement quoi dire Si j’écris sur elles qui se promènent sur une place, je peux faire référence à une histoire déjà vécue, ou imaginée, dont je voudrais que les lignes et les actions s’écrivent. Si tant est qu’on puisse aborder quelqu’un dont on subodore qu’il pourrait tout bouleverser dans son existence. Quelqu’un de porteur de ce qu’on a déjà trouvé chez d’autres quand on a vécu, avec quelque chose d’indéfini qui pousse à croire de nouveau aux mythes fondateurs. On la devine proche, pourtant, la Porte des Enfers, la rechute de celui qui pensait s’en être extrait. Mais on fait comme si, une fois de plus, on omet le reste, les contraintes, la disponibilité, la réalité en somme. On peut croire qu’une histoire prend corps et fin parce qu’un regard s’est échangé, qu’une connivence s’est faite par un regard, un livre, la même perception d’un phénomène, souvent anodin. L’anodin conduit à l’essentiel, de toute manière, dans la mémoire comme dans la rencontre : c’est un détail qui fera que le regard se pose, que la somme des coïncidences fasse sens. Les « Je me souviens » ne sont jamais loin, qu’on a reproduits quand on a voulu arrêter un instant, dont on savait qu’il ne durerait pas et dont on voulait qu’il perdure : en isolant chacun des éléments inessentiels qui ont abrité un moment important et en essayant de les décrire avec le plus de précision possible, je peux redessiner le théâtre d’une émotion et lui redonner corps, indéfiniment. Ce peut être un panneau publicitaire à l’extérieur du bar, la couleur d’une chevelure, des couettes primesautières chez une femme de quarante ans ? N’importe quoi qui éveille les sens et ravive le « vivant passage », l’impression fugace de se sentir en vie. C’est parce qu’on a des vies trop moyennes qu’on écrit des livres, qu’on compose des chansons, qu’on surélève les impressions. Qu’on se met en danger, aussi, à s’exposer au regard de l’autre, à son jugement, la mauvaise perception qu’il pourrait avoir de soi. Mais sans ce risque, la vie, formule nietzschéenne, serait une erreur. Il y a une rémanence dans l’éternel retour du sentiment amoureux. Là comme ailleurs, c’est la seule et unique fois qui fait la différence, alors on plonge, on tombe, on a conscience qu’on ne refait pas sa vie mais qu’il nous reste à la continuer. Il est des amours qu’on a passées aux épreuves de la projection mentale : celles-ci ne nous déçoivent jamais puisqu’elles ont tiré leur genèse d’un réel jamais éprouvé. On peut les garder en référence. Parce que, la chanson le dit, vers la fin, ça ne prévient pas, ça arrive ; elle dit aussi que ça vient de loin, ce qui confirmerait que c’est un état que l’on a en nous, qui ne demande qu’à être libéré.
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31/05/2012
Tébessa, 2012.
J’ai corrigé les quelques coquilles qu’on pouvait trouver dans l’édition originale de « Tébessa, 1956 » et pallié l’aberration footballistique qu’on y trouvait, immédiatement mise à jour par l’Inoxydable de mes amis, surnommé depuis, joliment je trouve, « l’historien de l’inutile ». J’ai relevé les erreurs de typographie, les mots coupés en deux, les espaces manquants, j’ai surmonté l’envie de réécrire complètement plusieurs passages : ce livre ne m’appartient plus depuis qu’il est sorti, en 2008, depuis qu’il a vécu plusieurs vies successives, jusqu’à la parution d’un extrait dans un manuel scolaire de référence. Ça n’a pas beaucoup changé mon quotidien et personne ne se presse pour que j’écrive pour lui : la société est bien mal faite, ma pauvre dame. Cela étant, si j’ai fait tout ça aujourd’hui, c’est parce qu’il y a retirage de ce roman. Et qu’à mon petit niveau, ça se fête, quand même. Je sais que des extraits de ce roman qui plait beaucoup à mon éditeur seront lus dimanche après-midi, au Village du Livre de Cuisery, un beau Salon alternatif. L’après-midi même où Chavassieux signe pour la première fois son « J’habitais Roanne », in situ. Si vous avez à choisir, allez à Roanne. Vous reviendrez vers moi quand « Tébessa » m’aura encore réservé, autant qu’à vous, quelque surprise de derrière les fagots.
PS : en fichier-joint, toujours « l’Embuscade », sous sa forme initiale. Cet été, elle sera enregistrée en studio, accompagnée de superbes musiciens : elle prendra sa forme définitive et nous aurons fait ce que nous avions à faire.
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30/05/2012
Conchita Kreit.
On dit souvent que Sartre s'est trompé, mais qu'il était de bon ton d'avoir tort avec lui que raison avec Camus. Je rajouterais ici pour l'accabler que sa dichotomie lire/écrire est erronée, parce que l'équation a trois inconnues, pas deux : lire, écrire et - quand plus rien n'est possible - faire le ménage. Et le vide.
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29/05/2012
Tout doit disparaître.
J’ai découvert aujourd’hui que Auchan promouvait des auteurs annoncés comme « locaux ». Invités à signer leurs livres – inconnus au bataillon, comme eux, presque autant que moi – dans la galerie marchande le tant, de telle heure à telle heure. Les photos d’auteurs étaient immondes, les couvertures aussi, mais tout respirait le succès de l’entreprise. Et si Auchan met le paquet pour diffuser un auteur, c’est bien qu’il pressent que c’est dans ces histoires-là, faciles d’abord et dans lesquelles n’importe qui peut se reconnaître (fonction conative) que se situe l’avenir de la littérature populaire. Celle qu’on appelait « de gare » au siècle dernier et même celui d’avant, tiens. Quand on laissait sur la banquette du train un Maurice Leblanc ou un Gustave Leroux. Je me suis mis à rêver, un instant. Et puis plus.
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28/05/2012
La ruée vers l'Ouest.
Un beau visuel réalisé par l'excellent Pascal Desbled. C'est le 30 juin et il faudra venir, et amener vos amis.
18:15 Publié dans Blog | Lien permanent
27/05/2012
Sic transit Gloria mundi.
Dans mes recherches pour Aurelia Kreit, je suis tombé sur une œuvre monumentale, épuisant toute l’histoire de l’Ukraine, sur tous les plans : anthropologique, ethnique, économique etc. Je n’en sortirai que quelques détails, peu importe, mais l’essentiel n’est pas là : il est dans ces travaux d’une vie qui ont été oubliés et ravivés, libres de droit, par les robots scanneurs, qui font un job parfois effrayant mais sans qui je n’aurais jamais parcouru ces lignes, ni écrit ces autres. C’est ici. En plus d’Aurelia et d’Olga Alexandrovna, j’aurai une pensée, et une dédicace, pour l’auteur de cette somme parue en 1919 mais dont la reproduction sur Google+ omet juste de préciser le nom.
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26/05/2012
Les mots de Pascale A.
Alors que je recherche désespérément dans mon ordinateur des fichiers que j'aurai mal nommés ou bien détruits, je retombe sur une critique de ce qui était alors une esquisse de "la partie de cache-cache". Une esquisse bien mal assurée, redondante dans l'écriture. Le travail d'édition sur Tébessa n'avait pas eu lieu, on en était bien loin, même. La critique date de 2003, "la partie de cache-cache" est sortie fin 2010... Je la reproduis in extenso, c'est une curiosité.
Laurent aime les masques mais, attention, ceux, vénitiens, que l’on met devant son visage et que l’on peut, d’un seul geste, déplacer. Ceux qui d’emblée exhibent la donne : je me cache mais c’est moi qui suis là, tu le sais de toute façon.
Alors pourquoi ce subterfuge ?
Les raisons, comme ce leurre, sont ostensibles. Il y va de l’amour de la dramatisation avec tout ce que ce terme scelle.
La partie de cache –cache utilise le théâtre de l’enfance pour mettre en scène une triangulation amoureuse entre Jeannot/ Emilie/et Richard sur le vaste terrain labyrinthe des alentours de la Conciergerie, prétexte avoué pour tester les limites, les peurs des autres, pour les acculer à l’introspection cathartique, pour donner le plaisir ( la jouissance ?)à son orchestrateur d’être sûr, ne serait-ce qu’une fois, d’être le roi d’un lieu qui se joue d’eux, les manipule à sa guise et s’assurer être l’obsession d’une pensée- mais où est IL donc ? Ce stratagème obligera aussi la jeune fille aimée à se découvrir, à choisir si elle m’appelle doucement, je saurai que c’est gagné. La célébration est double alors : on fête son anniversaire et on le cherche…
Chacun est isolé mais tendu vers une fin identique, imposée : (re)trouver Jeannot et s’obliger à l’introspection, fouiller les replis de sa pensée, de ses non-dits pour questionner l’authenticité de ses relations à l’autre, pour se (dé)masquer ne serait-ce qu’à l’égard de soi.
On s’étonne alors que ce jeu de vérité soit imposé à des enfants et l’on peut y percevoir un décalage qui a contrarié notre lecture : ces enfants ont la lucidité et la maturité d’adultes engagés dans des rivalités amoureuses mais ils demeurent, sont inscrits comme des enfants, jouent comme des enfants, parlent de leur parents maman, papa. Le lecteur peut alors être un peu contrarié : pas d’identification possible, pas de découverte flagrante (la conscience de l’enfant n’est plus à révéler…) pas de voile de l’existence vraiment révélé (Kundera). On est dans l’attendu et l’on est en mesure de se demander ce que son auteur, Laurent Cachard, souhaite communiquer à son lecteur…
Il faut pour répondre à cette légitime requête se laisser simplement porter par l’écriture : le texte est bien écrit, le perpétuel souci d’exhaustivité de Laurent Cachard de cerner toutes les méandres de l’intériorité une fois de plus satisfait. On peut aussi apprécier la convocation des trois points de vue narratifs pour cerner une même situation : il manquerait à cela pourtant une différenciation stylistique plus affirmée et ce n’est pas le seul Fortime de Richard qui y satisfait.
Ceci nous permet de débusquer quelques thématiques récurrentes liées au fond et à la forme : celle programmatique du titre énonçant l’enfermement, celle tout aussi évidente du double , celle encore de l’identité. Entre autres…
L’enfermement .
Nous l’avons dit : nous sommes dans un théâtre : celui faussement innocent de l’enfance, celui revendiqué de la mise à bas des masques (qui, au final, ne seront pas mis à bas : chacun parle pour soi, de soi, de l’autre mais ne parle pas à l’autre en ne lui révèle RIEN de ce qu’il sait, devine, pense de l‘autre). Le vocabulaire, fidèle à cette obsession, répète et décline sans cesse les termes de la dissimulation : cache-cache, se cacher, le labyrinthe, l’ambition d’être invisible. Conjointement paradoxalement tout est question de regard dit Emilie (p 23) et le texte ne cesse de décliner à l’infini ce champ thématique : le verbe voir est conjugué à toutes les formes, les verbes regarder, observer émaillent chaque page. L’auteur semble- en est il conscient ?- ne pas pouvoir y échapper…
Car au final, c’est, nous semble –t-il, une nouvelle interrogation sur lui que se pose Laurent Cachard. Mais n’est ce pas là aussi -surtout ?- le but de la littérature ?
Le regard extérieur démasque la double polarité récurrente : se cacher/ se montrer (se cacher pour se montrer, se montrer en se dissimulant) ; être là/ se dissimuler, être innocent (d’où l’enfant ?) / savoir (d’où la lucidité des analyses),être enfant /être amant, l’ignorance qui sait/ la connaissance qui doute, la rivalité amoureuse (aimer mais savoir qu’il y a l’Autre, ce que l’on est pas qui offre sa part manquante…jumeau insupportable), le mouvement (courir)/ l’immobilité (attendre sans bouger, se cacher) la revendication à la différence et le besoin d’être reconnu, aimé, intégré.
Et il y a ces limites symboliques qui galvanisent la vie : la confrontation à la mort : celle des falaises d’Etretat, celle de la maladie d’Emilie, lien tacite, lien sacré qui a permis aux enfants de tester l’amour des autres, de marquer leur différence je me doutais que cette chute changerait le regard qu’elle porterait sur moi dit Jeannot ou le nous ne sommes pas comme les autres d’Emilie. C’est la mort approchée qui permet de rester blessé et en légitime demande. D’être autre et sujet à toutes les attentions
La différence est une marque d’élection revendiquée..
Finalement ; ce serait par une confrontation physique des personnages et des mots que les murs de ce théâtre pourraient éclater, que l’air salutaire de l’extérieur, indomptable, imprévu surtout pourrait venir ébranler ces personnages et les acculer à la révélation qui sourde et que l’auteur maintient, forcené, dans un cadre qu’il s’oblige à contrôler. Il faudrait du désordre, des cris pour que les personnages évoluent, se découvrent et autorisent ENFIN leur auteur à entrer dans le risque de l’Existence …
11:04 Publié dans Blog | Lien permanent