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28/10/2012

Dans ta face!

 

phoca_thumb_l_ma_nue_à_linfini_3052.jpgUne silhouette s'inscrit dans le flot de mes rêves, et je me souviens de celle qui fait danser ma mémoire: le tourbillon de ses pas crée l'illusion de sa présence, mais c'est imperceptiblement, au rythme chaloupé de ses tours sur elle-même, qu'elle s'éloigne, nue, à l'infini. Elle est là, mais elle part, et je ne ferai rien pour la retenir, tant l'impression est grande de n'être qu'une unité, face à l'être pluriel. C'est le conflit d'un homme, que de se sentir double, et la danse qu'elle m'offre multiplie ses visages: ma nue, ma nuit, m'importune et m'importe, je la vois dans le rai d'une lumière diffuse. Mon soleil noir, mon ange déchu, tu tournes dans l'esprit d'un amant qui chavire, et abandonne sa vue au lent reflet trompeur de nos amours rétives. En épousant le vent, tu deviens l'élément, et provoques ma chute, une chute sans douleur, comme celle du chevalier qu'on retient dans un val, sans même qu'il le comprenne.

  Tourmente, Vertige,

Le mouvement de tes hanches

prend le tour qu'on redoute,

et dans la lumière des nues qui se dévoilent,

tes bras,

enroulent, enserrent,

et prennent le pouls d'une âme qui se délie:

Goémon de l'esprit

Quand suivras-tu dans la nuit

 

cette femme,

qui tourne

et tourne

et tourne

et rejoue sans un bruit

la valse

de nos amours

perdues

 Les reliefs de ton corps sont sans retour aussi et ma conscience s'y perd comme s'est perdue mon âme; dans le cercle que tu formes, dans l'hypnose de tes bras, je me perds tout entier et sollicite ma perte. Descends, ce soir, nous dirons au monde que la ronde est ouverte, qu'elle ne cessera pas et qu'il faut la nourrir, que la seule vie possible l'est par cette valse indue. Que nos temps impartis le sont par ta musique, dont chacun de tes pas écrit la partition. On peut voir l'être aimé s'en aller vers la nue et n'être soi-même qu'un infime pan de ciel, capable d'attirer mais pas de retenir; alors, la danse reprend de plus belle, avec pour compagne la part de vertige qui lui est inhérente; alors, l'embole de ta nef suit le cours de la vague, qui me couvre et m'emporte. Et je rentre dans la nuit, la nuit des amours tristes, parce que revisitées, revenues; j'ancre dans ma mémoire les dessins que tu traces, et cette mécanique, que met en branle ton corps: je reprendrai bientôt le flambeau de la valse, quand mon amour pour toi ne sera plus qu'ellipses, quand l'entier de mon être fera de l'infini un recommencement. Là, seulement, je saurai que ces courbes que tu crées ne nous auront pas enfouis, mais unis. Que tu danses pour un mariage. Nos Noces. Celles d'une vie parallèle et d'une vie secrète: être une présence secrète, plutôt que de ne pas être, la question se pose-t-elle vraiment? La réponse, elle, est inscrite dans le temps, et si tu quittes la place, ta pâleur opaline laisse cette marque au sol comme un chiffre tracé, une anamorphose: ∝ ; il décide, et valide, de l'authenticité d'une rencontre. Il préside aux choses du temps. J'y suis, là, dans tous tes décalages et tes conspirations. Nous y sommes. Toi & Moi. Longtemps.

Laurent Cachard & Jean Frémiot extrait du portfolio "Ma nue à l'infini", Editions Pictura, 1999.

Photo de Jean Frémiot.

 


 

12:55 Publié dans Blog | Lien permanent

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