05/07/2012
Because the night belonged to us.
Il y a un malentendu autour de Bruce Springsteen, qu’on prend souvent pour un bourrin du New Jersey alors que depuis longtemps, il est un des rares compositeurs américains, avec Neil Young, à nous donner de vraies nouvelles du cœur du cœur de son pays. Des œuvres marquantes, intimistes, depuis quarante ans, n’auront donc jamais pu renverser l’image qu’il a donnée avec « Born in the USA » quand – c’était l’époque des marcels et des bandanas-le Français moyen, peu porté sur les langues étrangères, a pris ce tube FM pour une apologie alors même que l’intention était inverse. Depuis, comme souvent, on catalogue, on juge dépassé ce dinosaure du rock sans retenir qu’il n’y a pas beaucoup de groupes de rock qui, comme le E-Street Band, peuvent se targuer de réunir plusieurs sources de la musique, tel un Gran Orquestra de la Habana. Hier, dans la chaleur étouffante de Bercy, ils étaient dix-sept sur scène, puisqu’il faut compter Bruce comme un membre de la « famille », ce groupe rock et soul à la fois, tel qu’il le définit lui-même. Et un concert du ESB, surtout depuis que des membres manquent à l’appel, c’est un concert qu’ils ont l’air de vivre comme le dernier, à chaque fois. D’où des standards de spectacle déjà explosés, puisque le premier d’une longue série de « One, two, one two three four ! » annonce plus de trois heures de concert, trente titres. A Milan, récemment, ils ont joué 3h48, à Montpellier, 3h. Hier, c’était l’Independance Day, fête nationale américaine, Springsteen en a profité pour jouer un morceau inédit au piano et pour célébrer ce pays, « très ami avec la France avant qu’il devienne les USA ». Le bonheur est simpliste mais communicatif : mon ami Christophe me faisait remarquer devant le POPB qu’il y avait une atmosphère aux concerts de Springsteen qu’il ne trouvait nulle part ailleurs. Beaucoup de nationalités différentes, quelques clones des différentes périodes. Moi qui ai été déçu par mes idoles (et leurs fans, souvent idiots) du rock irlando-héroïque de ma jeunesse, j’acquiesce, sans savoir vraiment pourquoi. Avant de me rendre compte, une fois encore, qu’un concert du ESB, c’est comme un groupe régional qui viendrait jouer dans ta commune. Mieux encore, puisque Yann, un ami de Christophe, nous a permis de suivre le concert depuis la première fosse, en VIP, à 5m de la scène. Le ESB, hier, pour la dernière fois sans doute, je l’ai eu pour moi, j’ai vu défiler les standards qui font qu’on a tous écouté du Springsteen à tel moment de notre vie. J’ai vu un homme heureux, honnête, généreux. Qui se soucie de son public au point de régulièrement distribuer de l’eau aux personnes du premier rang. Un musicien qui s’amuse, un homme d’une condition physique impressionnante. Un copain, sans doute, qui arrive à faire d’une minute d’hommage à Clarence, le saxophoniste disparu récemment, un moment d’une grande émotion, images muettes sur grand écran à l’appui. Un américain, quoi, un type qu’on ne comprend pas bien mais qui nous donne des gages. Et qui fait le show, un show interminable sans acception péjorative. Avec toutes les « catégories » de public visées : ceux de derrière la scène, avec qui il communique beaucoup, ceux du milieu de la fosse, qu’il est venu voir en la traversant. Un homme adulé, mais très « man-next door ». Après plus de 350 concerts, dont quatre des siens, j’ai cédé, j’ai reculé un peu, de ma position préférentielle, j’ai regardé intensément ce que je voyais et je me suis dit que c’était le plus beau. De concert. Que l’intégrité de cet homme était remarquable, quoi qu’on en dise. Et que n’importe quel musicien s’inclinerait devant la direction artistique d’un spectacle pareil, avec cinq cuivres – dont le neveu de Clarence au saxophone - trois choristes et percussionnistes en plus du combo rock. Un moment magique, quand une salle aussi grande donne l’impression que ça se passe au Transbordeur. Je n’ai pas l’assiduité des fans du « Boss », ne connais pas tous les titres qu’il a joués, mais là aussi, peu importe : c’était une belle marque de permanence que ce 4th of July là. Un truc de fous.
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04/07/2012
Celles qu'on aurait pu mener.
Paris. À chaque fois que j'y retourne, j'ai le sentiment que cette ville-là m'échappe, inexorablement. Sa fureur, sa vitesse... Moi qui suis pourtant citadin, j'ai beaucoup de mal à m'y faire. Je l'ai écumée quand j'étais jeune, quand le service à la Nation m'y a envoyé près d'un an - à l'époque de la chute du communisme, c'est dire. J'avais vingt ans, je ne payais ni les transports ni les entrées dans les musées. Je marchais des heures le long des quais, un bouquiniste près du Pont Neuf m'a permis de retrouver des livres de Nizan épuisés depuis belle lurette. Il m'avait proposé de travailler avec lui, de reprendre son affaire après. J'ai décliné, il me fallait reprendre un cours à peu près normal, dans ma vie. Depuis, quand j'y passe - je ne l'ai plus jamais revu - je me dis que les existences parallèles, celles qu'on aurait pu mener,sont tout aussi porteuses de sens que celles que l'on a conduites, bon an mal an.
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03/07/2012
Antépénultième.
J'amène cet été mes notes, mon plan, les passages déjà écrits de "Aurelia Kreit". Je saurai si je peux aller au bout de ce projet démesuré pour un esprit aussi petit que le mien. Il faudra sans doute que je renonce à tout un tas de choses et que, a contrario, je fasse le maximum, administrativement, pour que je bénéficie d'une aide à l'écriture. Que je n'aie plus d'autre souci. J'ai tenu le même propos l'année dernière et le constat est amer. Mais il faut savoir les attendre, les bonnes fées dont me parlait Laurence Tardieu.
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02/07/2012
The Voice (nan, c'est pour rire).
Avant de vous quitter cet été, j'enregistrerai chez Eric une version audiobook propre de cette nouvelle qui fait parler au moins un dizième des 60 personnes qui l'ont lue. Je ferai un petit montage audio sympathique et si nous sommes en forme, vous aurez droit à un bout de notre propre chanson de Marius & Gaston. Ce sera toujours ça à se mettre sous la dent, hein! Parce que là, ça s'épuise, ça se tarit, ça part à vau-l'eau.
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01/07/2012
You'll never walk alone.
Belle surprise, finalement, que cette signature chez Gibert, hier, au Carré de Soie – et non Decitre, comme je l’ai malencontreusement écrit hier. Je ne m’attendais à rien dans cette librairie trop grande pour moi, mais j’y ai été très bien accueilli par les vendeurs en littérature, et le petit autel qu’ils m’avaient organisé était bien situé, en plein circuit client comme on dit dans les milieux autorisés. Comme dans les salons, quand on est bien placé, j’ai pu, au moins, nouer des contacts, des discussions, esquisser des sourires et, bon an mal an, vendre quelques exemplaires, plus que je l’aurai imaginé. Curieusement, c’est « la partie de cache-cache » qui s’est le plus vendu, effet Grignan et bandeau jaune, sans doute. Même « Dom Juan » était de sortie, à prix Gibert, donc soldé : l’intérêt était là, que je rentre dans la base de commande de ces librairies de catégorie 1. Des amis sont venus me soutenir, d’autres passaient par hasard dans ce centre commercial écrasé de chaleur. Des badauds liront mon « cache-cache » comme livre d’été, sans doute ne s’en remettront-ils pas. D’autres avaient déjà leur Marc Lévy en poche, je les ai encouragés à passer leur chemin. Un jeune basketteur n’avait que sept euros en poche, dans d’autres lieux, j’aurais aimé lui donner mon PAL. Deux trois très jeunes garçons m’ont demandé, liste en main, les livres qu’il leur faudra lire pour l’année scolaire suivante : j’ai négocié ça au tarif horaire vendeur, plus un gilet bleu. J‘ai parlé de la guerre d’Algérie avec un responsable de la sécurité du magasin, apprécié la climatisation, supporté, un temps, la Batucada dont Gérard, venu en camarade, dira que ses membres avaient « la bonne couleur, mais pas le bon tempo » : n’y voyez pas de crise de Morano aigüe, Dgé est un nègre blanc, dans tous les steels. Les artistes du collectif « Tous à l’Ouest », venus décrocher, viennent me saluer, il est déjà 19h, je plie, moi aussi. C’était ma dernière signature de la saison, j’en ai quelques-unes, encore, qui s’annoncent en début d’année (scolaire), mais la rentrée littéraire – comme d’habitude – ne me concernera pas, pas avant longtemps. Quoique. Au vu des premières réactions liées à « Marius Beyle », il est possible, finalement, que mon recueil de nouvelles à paraître –sans doute intitulé « Valse, Claudel & autres nouvelles » - intéresse plus d’un pékin. On ne sait jamais. En tout cas, c’est plaisant et rassurant de voir qu’on peut quand même exister, fût-ce en parallèle. "Eh bien, réalise-toi à moitié si tu ne le peux pas pleinement. Tu arriveras peut-être aux trois quarts d'existence, avec un petit effort!".
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30/06/2012
Auto-citation immodeste.
J’ai pas posé d’autres questions. Je l’ai emmenée jusque chez sa logeuse et je lui ai dit au revoir, en enlevant mon calot. Une autre femme, je lui aurais fait la totale et elle m’aurait pas laissé passer. Mais elle, je savais que si je voulais la revoir, il fallait que je la laisse tranquille, là. Gaston lui aurait parlé d’opéra, mais je suis pas Gaston et moi, j’ai pas cherché à la fuir, la guerre. Puisqu’elle m’avait mené jusqu’à Gabrielle, je pouvais pas dire qu’elle n’avait servi à rien. Je suis rentré à la caserne, j’ai graissé la patte au planton parce que j’avais une heure de retard. Ça m’a coûté dix cibiches, mais j’avais répondu à une question que je m’étais longtemps posée : c’est quoi la différence entre l’émotion et le sentiment ? Pas des questions qu’on pose à des bidasses ou des marins. Mais dans mon pajo, ce soir là, j’avais une réponse : le sentiment, c’est la transformation des émotions en évidence.
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29/06/2012
Un amour de Soie.
Amusant, au moment où la communication sur les réseaux sociaux atteint son sommet d’inanité, chacun renvoyant l’autre à sa propre image de soi, je suis dans le regret de vous annoncer que demain après-midi, dans le cadre de l’exposition « Carrés de soi au Carré de Soie », je vais présenter quoi ? Mon PAL dont tout le monde se fout à peu près, mon prix de Grignan qui devrait me rapporter autant de retombées que m’en a apporté la sélection de Lettres Frontière ? Autant dire que demain, dans cette grande librairie de catégorie 1 qu’est Decitre, la rencontre devrait me rappeler ma toute première en librairie, quand seul le libraire, de temps en temps, par compassion, venait me parler. Depuis, j’en ai vu, des gens, partout où je suis passé, je n’ai pas à me plaindre. Mais demain, c’est à partir de 16h30 et si vous êtes dans le coin, c’est à Vaulx-en-Velin, au Carré de Soie. L’expo est superbe, c’est déjà ça. Après, je ferai vœu de silence et de travail : pas de blog cet été, je ne veux pas tourner en rond. Je ferme après Springsteen à Bercy. Mais d’ores et déjà, en octobre, j’annonce un Never Ending PAL Tour en compagnie d’Eric et de Gérard, à l’invitation de Guillo, sur ses terres et celles d’Alain Larrouquis, qui sont les mêmes : si tout se déroule bien, une médiathèque à Pau, un concert privé chez Guillo le vendredi, le salon à la Moutète le samedi, un bar à Orthez le soir, retour (900km quand même !) le dimanche. De bons moments en prévision, un monde parallèle, alternatif, sans la pression du résultat, des 6000 visiteurs mensuels de cet espace. Et puis après on verra.
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28/06/2012
De la Beyle ouvrage.
J’ai suffisamment d’intérêt pour l’exercice biographique pour ne pas avoir attendu impatiemment - jusqu'à hier - le dernier opus de mon ami l’Inoxydable et ses Deuce. « 33, place bellecour », puisque c’est ainsi qu’il s’intitule, reconstitue musicalement les aventures d’un illustre inconnu dont Christophe Simplex a exhumé le parcours en fouillant, enfant, dans le grenier du lieu sus-dit. Douze chansons en reprennent les thèmes : les colonies, la guerre, les femmes, le frère ennemi… Déjà – puisque je sais qu’il me guette – il y a trois chefs-d’œuvre dans cet album, c’est énorme : « Un air de fandango » est ce qu’il a écrit et chanté de mieux, à mon sens. Peut-être parce que le texte est moins dense et plus perceptible que dans d’autres chansons, parce qu’on est dans le périple initiatique (ah, ces mesures asiatiques !) en même temps que le personnage. « La débandade » est une sublime chanson, que Stéphane Pétrier a offerte au groupe et que le groupe n’a pas galvaudée, loin de là: Simplex pousse la voix jusqu'à la rupture. Pétrier a dirigé l’enregistrement et c’est un gage de qualité, dans les choeurs, le duo, jusque dans les derniers mixages. La troisième, dans l’ordre de mes préférences, c’est « Fort-Crampel», qui reprend la démarche biographique, renvoie à Bangui où, comme à Blida et Miliana, Marius fit le joli-cœur dans les tours de chant. De quoi donner du grain à moudre à Christophe, qui a amené son groupe dans un exercice d’identification, costumes d’époque et barbichette à l’appui. Les morceaux s’enchaînent, on retrouve des samples de marches militaires, des canonnades, une rengaine populaire de l’époque (« la sérénade du pavé ») chantée comme au bistrot, accordéon et commentaires absinthinés à l’appui. L’exercice gainsbourien – ton et débit, entre Melody Nelson et homme à la tête de chou - assumé dès le premier morceau, « Beylissime », on suit les mémoires beyliennes du début à la fin sans se lasser, les morceaux étant différents, chacun, avec plus ou moins de réussite – ou de dérision, pour « Sirocco » ? – de place accordée aux guitares saturées ou d’entrées de basse, puisqu’on reste dans le rock. C’est difficile de faire du rock en français, de dire quelque chose en même temps qu’en faisant du bruit, parfois beaucoup. En insérant des instruments inhabituels (sanzas, violon, accordéon, contrebasse) dans un combo wreukenroll, Deuce a passé un cap et s’offre même, après le rap de Marius et Gaston, un joyeux bordel final, avec « 1892 ».
Deuce est un groupe à découvrir sur scène : ils ont encore impressionné hier, sous une chaleur étouffante, pour la présentation de « 33, place Bellecour ». Le 19 octobre, ils se produiront au Blogg avec le Voyage de Noz du Sieur Pétrier qui, deux ans avant eux, avait aussi ravivé la vie de Bonne Espérance, chroniquée ici. Dans l’attente, le disque se commande là : avec un peu de chance (ou pas), il restera quelques-unes de la nouvelle écrite pour l’occasion (très bel objet de collection). En attendant que la ville de Chanas leur remette les clés, pour avoir fait rechanter Marius. L’historien de l’inutile a encore frappé.
11:48 Publié dans Blog | Lien permanent