Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

07/07/2013

Fatalitas.

Quand leurs regards se croisèrent, elle sut à l’instant qu’il serait l’homme qui la comprendrait, qui lui apporterait le réconfort et l’attention qui lui manquaient tant, au quotidien. Elle en était à évaluer la probabilité qu’elle le rencontre dans cet endroit anodin quand une voix dure la ramena à sa réalité : « eh, oh, je vais pas les ranger tout seul, les courses, hein ! »

16:16 Publié dans Blog | Lien permanent

06/07/2013

Ecoute les hommes chuter.

mortamais.jpgLe théâtre est simple, souvent. Prenez une toute petite salle, un immense comédien et faites donner les mots. Si le comédien est bon en sus d’être immense – la formule dit par la taille et par le talent – les heureux récipiendaires entendront un texte dont ils n'auraient pu, s’ils n’avaient pas été avertis, imaginer qu’il fût si actuel dans les interrogations qu’il met en place, les logiques qu’il dénonce avec une ironie mordante et une dramatique suspendue. Vous avez bronché sur l’imparfait du subjonctif ? Vous êtes un saducéen et, par mise en abyme, vous avez reconnu l’entrée de « la Chute », d’Albert Camus. Que Thierry Mortamais a adapté et proposé à la lecture deux soirs durant à Agend’Arts, à la Croix-Rousse. Dire qu’il lit serait abusé, remarque : l’objet qu’il tient dans les mains relève plus du pense-bête ou de l’accessoire que du support. Le texte, il le vit, il le sait, il le dit, il est Jean-Baptiste Clamence, cet avocat brillant qui a quitté Paris pour s’installer à Amsterdam, où il aborde un inconnu, dans un bar, qu’il soumet au soliloque. Parce qu’il n’y a pas d’autre personnage que lui et parce que la réplique n’est jamais donnée. L’effet est saisissant quand le texte est jouée, parce que chacun de nous, dans le public, peut s’imaginer concerné, récepteur de ce qui est dit. Mortamais, costume XXL qui lui va comme un gant, cabotine suffisamment pour incarner celui qui lui fait face, puis revient au texte, alterne, dans les tonalités, les aphorismes critiques sur la bourgeoisie, l’amour et la fornication,  la religion  - « grande entreprise de blanchissage » - la reconnaissance et l’incomparable estime de soi dans laquelle baignait son héros, jusqu’à l’accident, phénoménologique. Ce pont de Paris traversé de nuit, cette nuque de jeune fille qu’il aperçoit enjambant le parapet et ce bruit sourd qu’il entend de dos, devant lequel il ne s’est pas retourné. S’ensuit, derrière le fatalisme auto-dérisoire, le mécanisme implacable de la vanité telle qu’elle est quand on la perçoit une fois dans sa vie, seulement. Plus de place pour le pardon,  la damnation est en marche et Clamence – celui qui crie sa vérité – l’a compris à la première seconde de l’Après. S’est adonné à la débauche et au cynisme (« Je méditais par exemple de bousculer des aveugles dans la rue, et à la joie sourde et imprévue que j’en éprouvais, je découvrais à quel point une partie de mon âme les détestait ») puisque plus rien ne pourrait plus la et le sauver. Mortamais excelle dans les changements d’humeur, de ton, d’intensité : il lit vite, jongle, fait rire le public par le mot et la grimace mêlés, puis suspend son effet, fige l’expression et renvoie le spectateur à l’effet-miroir que le texte donne à voir à ses contemporains, dixit, et aux nôtres, sans qu’il ait pris une ride : « Chaque homme témoigne du crime de tous les autres »... Il y a une espèce de gêne entre deux saillies critico-drôlatiques : qui n’a jamais éprouvé de ces petites victoires qui font qu’on se sent, un temps, supérieur à tous les autres ? Qui n’a jamais pensé, comme Clamence, que les seuls domaines dans lesquels nous sommes dominés n’existent que parce que nous n’y avons pas consacré assez d’entraînement ?  Qui ne s’adonne jamais à "l’obligation de cacher la partie vicieuse de sa vie » ? Il se passe une heure, une heure et quart avant que Mortamais n’entame le dernier jour, puisque les deux protagonistes – dont l’un in abstentia – se voient consécutivement cinq jours durant. Avant que le récit-même joue l’épanadiplose, que Clamence – juge et pénitent -  se reconnaisse dans l’autre, qui s’est sans doute deviné en lui, en amont. Avant qu’il achève la plaidoirie perdue – sa seule !-  par une dernière teinte d’ironie mordante.  La Chute ne se raconte pas, au final, elle se lit. Ou mieux, elle se laisse écouter, passionnément. Mortamais dit avoir monté le spectacle dans sa cuisine : j’eusse aimé que les casseroles racontassent les choix, les omissions, la construction.... Et , rappelons-le, « broncher sur les imparfaits du subjonctif prouve deux fois votre culture puisque vous les reconnaissez d’abord et qu’ils vous agacent ensuite. »


00:18 Publié dans Blog | Lien permanent

05/07/2013

Et ta soeur?

Quand on me fait la morale, j’opine du chef et je me regarde les ongles : une bonne façon de me demander, dans le même temps, si je dois boutonner le premier ou le deuxième bouton de ma chemise avant de tourner les talons.

16:44 Publié dans Blog | Lien permanent

03/07/2013

Antique solfège.

Un Minotaure n'est jamais qu'un Sol mineur en manque de reconnaissance.

08:39 Publié dans Blog | Lien permanent

02/07/2013

Cyclique.

Sa théorie sur l'ininterêt total et définitif du travail eut un tel retentissement qu'il dut refuser un nombre colossal d'invitations à en parler.

15:49 Publié dans Blog | Lien permanent

01/07/2013

Alexandre.

Il prit la décision d’aller garder les moutons à Ouessant, mais toléra mal qu’on lui interdît de les compter bruyamment, chaque nuit, sur la place de la mairie, avant de s’endormir, bienheureux, au petit matin.

14:24 Publié dans Blog | Lien permanent

30/06/2013

L'Harmonie de Gilly.

IMG_1784.jpgHier, à Gilly, ou devrais-je dire il y a quelques heures puisque ce que je pensais être un record imbattable, celui de Mégevette, a été explosé, la rencontre à la Médiathèque a tenu toutes ses promesses, hors celles du nombre, sujet épineux et éternel. On ne saura jamais laquelle des raisons, de notre manque de notoriété, à Christian et moi, jusqu’à la date choisie (un samedi soir, début d’été) aura poussé jusqu’aux plus volontaires, préinscrits au repas, à ne pas venir, mais peu importe : depuis 2009 et le cycle de rencontres que nous avons entamé, chacun de notre côté, on sait qu’il faut « jouer » devant dix personnes comme devant soixante-dix. Je dis jouer par déformation, parce que c’est bel et bien seul, pour la première fois depuis longtemps, que j’arrivai hier, après un agréable voyage en train avec Christian, qui m’a présenté notre opus commun, « Réversibilités » et entamé la série des questions qu’il comptait bien me poser le soir. Avec Christian et son éthique de la lecture, on se situe davantage d’ailleurs dans l’analyse composée que dans la question, d’ailleurs, mais les pistes étaient là, et pertinentes : l’ancrage dans le temps, les lieux et l’Histoire, le rapport homme-femme, le monologue intérieur et, pour finir, la place des arts dans mon travail d’écrivain. Christian a annoté des pages de son petit carnet, au milieu, il y a le croquis du chat, je pense aux quelques heures qu’il a dû me consacrer pour que sa première carte blanche soit parfaite. J’ai peur que la lecture de ses pistes effraie un peu le public, mais je me garde le droit de l’interrompre et de n’en faire qu’à ma sauce, comme d’habitude : le voilà prévenu ! Marielle nous accueille, elle a préparé les lieux à notre intention, c’est délicat : les livres préconisés par Chavassieux, la médiathèque de Laurent Cachard, du Camille un peu partout, deux fauteuils qui font face aux sièges des spectateurs. Marielle est donc ce petit bout de femme dont Christian m’a parlé depuis si longtemps, qui cache derrière des petits airs rigolos un profond travail de culture et de vulgarisation là où elle passe : lectrice mordue, elle ne voit pas l’intérêt de ne présenter au public que des œuvres et des auteurs qu’il connaît déjà. se réjouit de l’accord d’un auteur pour venir jusque chez elle alors que c’est lui qui devrait la remercier de lui permettre de parler de son travail. Elle présente la nouvelle sélection Lettres-Frontière, Marielle, exercice périlleux parce qu’elle n’a pas encore lu tous les livres, récemment reçus. Je retiens « Un repas en hiver » de Mingarelli, « Fée d’hiver », d’André Bucher. Ensuite, c’’est à nous, à Christian l’interviewer et Cachard l’interviewé. On est en famille, tutoiement de rigueur, Christian entame son analyse, je réponds par des bribes de lecture, que les personnes présentes entendent les textes qu’elles ne connaissent pas, pour la plupart. Quelques lignes de Tébessa, qui leur avait tant plu en 2009 qu’ils pensaient 1) que je serai coup de cœur de LF  2) qu’ils m’inviteraient moi. Et pas Chavassieux, dont « le Baiser de la nourrice » les avait troublés. Jusqu’à ce qu’ils se disent qu’il valait mieux inviter celui qui avait posé problème plutôt que celui qui faisait consensus. A raison, dois-je dire : sur le principe, je suis d’accord, j'aurais fait pareil. L’extrait de « la partie de cache-cache » fait son effet habituel : c’est le livre qui fait taire. mais c’est aussi celui qu’on me demandera le plus, à la fin. On continue, je digresse, je sors volontairement Christian de son ascétisme journalistique, allant même jusqu’à lire un des passages érotiques du PAL. Ensuite, c’est Robert. Enfin sans Robert puisqu’il était convenu que les comédiens du théâtre du Sycomore en feraient une lecture, pendant le repas. On parle donc des autres nouvelles, avec un climax sur « Ciao, Bella » et, pour la première fois, une rebuffade de mon  « lectorat féminin », comme le dit Chavassieux : l’homme qui choisit de ne pas aller plus lui, quitte à surprendre la femme qu’il a séduite et qui s’abandonne, est-il velléitaire ou lâche ? Daniel, le metteur en scène du Sycomore, me dit que c’est la nouvelle qu’il n’a pas aimée dans le recueil et qu’il ne lui serrerait pas la main, à ce type-là. Du coup, il y a débat, désaccords, et joyeux désordre. Un moment de plaisir. Je constate qu’on me soupçonne d’être capable de mettre à sac un appartement, comme dans « Rififi », je ne sais pas comment le prendre, mais menace d’appliquer ça à la chambre de l’auberge du cheval blanc, qu’on m’a réservée pour la nuit. On parle des autres nouvelles, de la guerre, de Marius Beyle qui, contrairement à Gérard dans « Tébessa », ne la refuse pas, va au devant d’elle, même. Je dis à voix haute la théorie des émotions et des sentiments, avec une pensée pour Gabrielle. Christian voudrait mener son entretien au bout, mais il est tard, on décide d’un commun accord de continuer à table : les rencontres LF ou assimilées ont l’immense avantage de vous permettre de manger dans les bibliothèques, privilège ultime. Treize à table, pas d’angoisse, on resserre les deux initialement prévues pour n’en faire qu’une, Christian et moi aux deux extrémités. Les petits plats ont été préparés, le buffet est somptueux, le vin de Savoie est bon. Le repas est convivial, la discussion nourrie, sur l’édition, les exigences de l’écriture, la petite diffusion de nos écrits. Je sais, je suis sûr que Christian, bientôt, aura la diffusion plus large qu’il mérite : parce que c’est un paresseux beaucoup plus travailleur que je le suis, parce que nous n’avons pas le même parcours, parce que je me mets en repos, également, de la République des romans, le temps d’un tunnel…  Mais j’aurai vécu, existé comme romancier, le temps de belles rencontres comme celle d’hier. Qui aura plongé l’homme, plus que l’écrivain, dans une immense émotion (avec la mise en abyme du cœur qui se resserre quand Robert fait son attaque) mal contenue au moment où, aux quatre coins de la table, des voix se sont élevées, doucement, différentes, pour lire cette nouvelle qui fera parler d’elle, je crois, bientôt. Nadège, Thierry – qui ponctue ses passages d’un regard profond qui me fait me demander s’il s’adresse à moi ou à Robert – Claire et Daniel enchaînent, la nouvelle, qu’ils ont un peu découpée, est lu intégralement, moins les deux lignes finales, pour laisser un suspens. Je cabotine et dis que les femmes sont décidément intelligentes, dans Cachard. Mais je masque, mal, l’impression viscérale d’avoir vécu quelque chose d’unique, deux semaines après la lecture publique d’un extrait de « Valse, Claudel ». Avec Christian, nous lisons notre « Réversibilité », l’instant mérite ça, les convives partiront avec leur exemplaire, et un « Camille », qu’ils se souviennent. La cerise sur un gâteau bien riche vient d’un travail que Marielle a amorcé : les comédiens lisent des brèves de nos blogs respectifs, on rit franchement devant tant de si belles bêtises, accumulées. On range les tables, je signe quelques livres, je regarde l’horloge de la médiathèque, il est 1h15. On aura tenu autant que les convives du mariage de la salle des fêtes d’à-côté. Mais qu’est-ce que c’est que ces bibliothèques qui libèrent les auteurs à des heures pareilles ! On m’en reparlera, tiens, de Gilly-sur-Isère. Oui, on en reparlera

NB: pour des raisons évidentes, le jeu de mots pourri sur le prix du 2ème romon de Grignon (commune voisine de Gilly, NDLR) n'a pas sa place dans cette note, Christian.

12:40 Publié dans Blog | Lien permanent

29/06/2013

Le cas Charvassieux.

réversibilités.jpgCe soir, je remonte le temps et m’offre un joli bain de jouvence, à la Médiathèque de Gilly-sur-Isère, à l’invitation de Christian Chavassieux, parrain du club local de lecture. Qui lui donne carte blanche tous les étés à partir de celui-ci. Et qui me reçoit donc ce soir, là où, pour lui, écrivais-je, tout a commencé lors des rencontres Lettres-Frontière de 2009. Parce qu’il a été aussi bien reçu que je le fus, sauf que le lien initié a perduré, pour lui. Qu’il me reçoive « chez lui » m’honore et m’inquiète un peu, enfin, pas longtemps. Christian et moi nous sommes plus devinés que connus, depuis, mais le parcours de lecture et d’écriture de chacun incite l’autre à pousser un peu plus en avant la curiosité. Je lis sur kronix, aujourd’hui, qu’il veut me faire parler de toute mon œuvre et aussi des chansons, ça tombe bien, je n’attends que ça. Les lecteurs de Gilly mettront un visage sur le jeu des notes croisées, des papiers critiques de l’un sur les œuvres de l’autre, on leur a même préparé, sur un pari que j’ai initié, un inédit rien que pour eux, spécial Gilly, un recto-verso littéraire qui restera. Au moins pour eux, au moins pour nous. J’ai hâte d’être à ce soir, d’autant que des comédiens sont de la partie et qu’ils ont préparé quelque chose sur mon Gros Robert, qui en touche, du monde… J’écrivais ailleurs que je me prédisais, ce soir, une mort par choc émotionnel, que j’aurais dû, peut-être, me limiter à un aller simple. Mais je tiendrai, pas d’inquiétude, parce que des rencontres comme ça, je le sais, Christian le sait, donnent de la force, l’envie de poursuivre. Le tunnel que Christian m’a prédit, j’y entrerai sous peu, avec du retard, mais ce retard n’est rien, quand on s’est engagé, irrévocablement. Pour l’instant, je profite, je rencontre des vraies gens, qui me rendent au centuple ce que je leur ai donné. Je n’ai jamais vraiment su ce qu’on appelle le bonheur et pour tout dire, me suis toujours méfié du concept, mais là, on doit s’en approcher, certainement. Et comme les soldes s’ajoutent au prix de gros (Robert), demain, heureux hommes, ou dans les prochains jours si on se couche trop tard, vous aurez deux récits d’une seule et même rencontre. A Gilly-sur-Chavassieux.

10:17 Publié dans Blog | Lien permanent