20/06/2013
La Totale.
J’ai fait une compilation des articles rédigés autour des rencontres faites autour des livres depuis l’été 2008. Cinq années passées à aller au-devant et parfois à l’invitation des lecteurs en petit et en plus grand nombre. Cinq ans passés à relater en temps réel – juste après, parfois quelques heures – les émotions ressenties, les moments à ne jamais oublier, les promesses faites qu’on saura rappeler. Je sais que ça n’intéressera personne mais peut-être un jour en ferai-je un recueil : Ahmed Kalouaz l’a fait, j’ai vu le recueil à Annecy, l’année dernière. Je vais attendre samedi, au Tramway, samedi prochain à Gilly (avec une double compte-rendu entre kronix et ici!) puis mi-juillet pour les concerts privés Littérature & Musique. Ensuite, je mettrai ça ici en guise de lecture d’été, avant la vacance d’été. Et avant que les rencontres reprennent, l’année (scolaire) prochaine, et donc leur récit, toujours. Et donc – je n’en suis pas à ma première volte-face – une saison six, dès la fin août (le 28, je serai à la Maison Vieille, autour de Camille - de ce blog.
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19/06/2013
You mean emotion.
Et puis Pascale s’est avancée vers moi. J’ai reconnu ses yeux avant son prénom, je dois dire, mais tout est revenu et nous n’avons pas tergiversé avant de parler de lui. De l’ami que nous avions en commun et qui, il y a près de quinze ans maintenant, a choisi de ne pas supporter plus avant la douleur d’une rupture amoureuse. De coller à la mythologie romantique et rock’n’roll qu’il incarnait. Cet homme, que j’avais rencontré deux années plus tôt, avec qui j’ai immédiatement accroché, m’avait semblé un autre moi-même, écorché, sur le fil, mais flamboyant dans ce qu’il donnait à voir. Au même moment, les mêmes tourments auraient pu m’emporter, mais j’ai gardé l’instinct de survie, dépassé les maux par les mots (qu’on m’autorise cette atroce paronomase qui fleurit un peu partout !)… Et aujourd’hui, Pascale, quinze ans après. Je lui apprends que j’ai donné son nom à un des personnages de mon premier roman, dont on parle peu, une fois seulement, mais dont l’extrait concerné, comme par hasard, s’est retrouvé dans les pages du dernier Bordas de 3ème. Comme s’il ne devait, comme Gérard, jamais être concerné par l’oubli. J’ai pensé à l’autre alter-ego, au même destin tragique et je me suis dit qu’il valait mieux vivre, tout compte fait. Ça pique les yeux, mais ça permet de se dire qu’on la mène, la route: et la vitrine ci-jointe expose, pour un temps, les petits cailloux dérisoires qu'on y a laissés.
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18/06/2013
Après coup.
Dimanche, à Cuisery, Jacques-François Piquet m’a fait remarquer que mes nouvelles commençaient le plus souvent par un conditionnel passé, lequel oscille, dans le sens, entre le remords et le regret : j’aurais pu lui dire que je ne m’en étais pas rendu compte, ou que je ne l’avais pas fait exprès ! Oh oui, ça aurait une bonne réponse, ça…
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17/06/2013
La voix des livres.
Marc Roger fait corps avec le plancher, avec la scène. Ses pieds nus, quand il lit, doivent lui transmettre les énergies qu’il domine dans le reste du corps. Il est droit, devant le micro et le chevalet, il tient le livre à bout de bras, quasiment, et il lit. D’une voix qui démarre en traînant un peu puis qui accélère quand le récit le permet. Il lit d’une voix un peu affectée, qui sait au juste moment se libérer de son affectation. Pas trop d’effets – le plus insupportable chez des lecteurs, pas trop d’emphase, il lit, sans jamais, JAMAIS, écorcher le moindre mot, en lui rendant toute la moëlle que l’auteur y a mis. C’est un drôle de révélateur que d’être lu à voix haute, publiquement, en sa présence. On entend les mots différemment, tels – ou non – qu’on attendrait de les lire chez d’autres. Hier, sur la scène d’Alterna’livres, Marc Roger a lu le début de « Valse, Claudel » et, comme d’autres, j’ai découvert les premiers atermoiements de cet homme qui attend quelqu’un rue de Varenne, qui guette sa sortie de la station de métro. J’ai entendu cette métaphysique, cette Valse-hésitation, et les rythmes ont changé juste quand il le fallait, dans mon for intérieur, je demandais à la phrase que j’entendais l’anacoluthe nécessaire, la rupture attendue. Jusqu’à ce que je me demande moi-même ce qu’il allait advenir de cet homme-là, de la rencontre sous l’égide des grands maîtres, du tourbillon qu’ils connaîtrait, une fois entrés dans la Valse. Ça veut dire que j’ai été pris, comme les autres. Il ne suffit pas de vouloir lire, il faut savoir le faire : cet avertissement s’adresse à moi-même, qui lirai samedi mes mots comme s’il s’agissait de ceux des autres.
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16/06/2013
En passant, en revenant.
Alterna'Livres, le salon du livre du village du livre, a sans doute autant souffert du beau temps que la pluie l'a ruiné l'année dernière. Peu de monde, plus d'exposants que de lecteurs et tellement de livres... Ces moments sont de belles opportunités, néanmoins, pour rencontrer de belles personnes et passer de bons moments, entre militants de l'édition. Et puis, au bout d'un cercle littéraire rondement mené, Marc Roger, lecteur public et écrivain lui-même, après avoir, dans l'après-midi, lu pendant quarante-cinq minutes et les pieds nus, un texte de Renée Chedid, a asséné au public les premières lignes de Valse, Claudel. Là, j'ai vacillé. Mais je ne suis pas chez moi, j'en dirai plus demain.
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15/06/2013
Juste retour des choses.
Il y a plusieurs façons de se débarrasser de quelqu’un, selon que vous êtes, admettons, tueur à gages, écrivain ou auteur de chansons. On ne saura jamais – c’est le principe – si « Back from the start » de Fergessen s’adresse à quelqu’un de particulier, mais si oui, je n’aimerais pas être à sa place. Parce qu’il y a plus fort que la vengeance, la rancœur et le ressentiment, il y a les mots froids, réfléchis, assénés comme on énonce une vérité qui fait mal, en se regardant les ongles. David et Michaela, en théâtre d’ombres et jeux de lumières, unissent leurs voix comme ils ont sans doute, à un moment, uni leurs forces pour remonter, puisqu’il s’agit là du thème : re-commencer, repartir du début. Bien que de début, il n’y ait jamais, quand on y pense : tous les retours sont éternels, cycliques, mais on n’est jamais le même quand on redémarre. Le duo reprend la voix, reprend la main et, dans une danse hypnotique, une incantation, renvoie le malotru là où il n’abusera plus jamais d’eux, ni de quiconque, une fois la damnation prononcée : la peur, disent-ils d’une même et unique voix, reconnaissable entre mille, est ce dont ils ont le plus peur, mais ni les regrets ni les arrière-pensées ne sont leur lot. Alors ils évacuent, et la danse devient chamanique. Le châtiment est prononcé, chacun, comprenant ses mots, se verra confronté à ses propres manquements, aux paroles qu’on a trahies, aux lâchetés que l’illusion de notre omniscience a parfois autorisées. Dans le cocon des drapés qui s’agitent, Michaela et David se débattent, regimbent puis renaissent, dans un élan, et un écran de fumée. Tel le supplément d’âme qu’Athéna déposa dans le corps en argile créé par Prométhée. Tout est là dans l’histoire que Fergessen a ramenée de son « Far Est » qui les a reconstruits, ensemble : la source qui s’est tarie d’elle-même ne les a pas laissés à court de mots, non, et dans ceux-ci, qu’appuie le rythme quasi-martial de la batterie, il y a toute la vanité du monde, mais pas du leur. On peut imaginer en souriant le sujet concerné, paniqué par ce qui lui est renvoyé avec une telle force : comme un fuyard vers lequel les yeux de la justice seraient enfin tournés. Une damnation, disais-je, mais une vraie, une belle, avec des ombres qui chinoisent, peut-être, mais des voix – celles des anges – qui portent.
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14/06/2013
Pensées.
Il est possible que la mort ne soit jamais qu’une acceptation du fait que la vie ne nous convienne plus. Rien de morbide là-dedans, juste une pensée qui accompagne des mutations dont aucune ne paraît réellement importante, entre passage à la 4ou 5G, deux-cents chaînes de télé dont pas une que vous ne regardez, uniformisation de l’information, des lectures ou des comportements. Peut-être existe-t-il en nous un neurone qui décroche et nous dit « Maintenant, ça suffit ». Pour ceux qui sont au calme, il doit être facile de le neutraliser. Pour les autres, c’est plus dur. Je me demande si Sartre ne s’est pas trompé, une fois de plus : on peut certainement vivre une autre vie que celle à laquelle on était voué, en conscience. Et attendre le point de non-retour en se disant qu’on l’a – au moins – repoussé.
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13/06/2013
Que dis-je, un roc?
Cet homme sévère et désagréable, devant moi, ce matin, dans la boulangerie. Conscient que jamais rien ni personne ne lui résiste au quotidien, ni sa femme, ni ses enfants qu’il ne voit peut-être plus, ni – et surtout pas – ses collaborateurs. Son absence de politesse envers la vendeuse m’a convaincu de l’exemple à donner. Quand il s’est retourné, il s’attendait sans doute à ce que je me jette sur le côté pour le laisser passer. Eh bien non. Le choc fut rude. Cette leçon valut bien une baguette, sans doute, indubitablement.
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