14/12/2011
Sète-Caen
Pour aller chez mes parents, il faut prendre une rue désormais à sens unique, avec - forcément - un sens interdit d'un côté et, durant les travaux qui durent depuis plusieurs mois, une déviation annoncée de l'autre côté... qui vous ramène à cette même impasse. Je pourrais solliciter Raymond Devos mais non, en ce moment, je ne peux m'empêcher d'y voir une allégorie de ma vie, c'est déplaisant.
18:49 Publié dans Blog | Lien permanent
13/12/2011
Pour un oui ou pour un non.
J’ai regardé aujourd’hui, pour la première fois depuis bien longtemps, l’adaptation filmée de la pièce de théâtre qui m’a peut-être le plus marqué dans mon histoire. Je veux dire depuis près de vingt ans, à quelque chose près la moitié de ma vie. La pièce, c’est « Pour un oui ou pour un non », de Nathalie Sarraute. Le film, de télé, sorti en 1989, c’est celui de Jacques Doillon, un cinéaste génial dont j’ai lu récemment qu’il n’avait plus d’argent pour tourner ce qu’il voudrait. « Pour un oui ou pour un non », c’est cette pièce courte et génialissime qui traite de l’implicite du discours, du métalangage et de ce qu’il abrite. Deux amis de longue date, dévoués l’un à l’autre, s’entredéchirent parce que l’un a eu pour l’autre des mots de ceux qu’on ne dit pas, mais qui impactent quand même : le fameux « c’est bien, ça », avec un étirement sur le i et le ça qui tombe, implacable, comme une sentence. En les entendant pour la millième fois, ces mots, je me demandais à quel point ma vie d’homme n’avait pas été déterminée par cette distance que l’on peut prendre avec les éléments les plus simples de l’existence. Si je pourrais dire, moi aussi, une fois au moins, que la vie est là sans qu’on entende les « simple et tranquille » qui feraient penser que je me prends pour Verlaine. Je me suis remémoré ces histoires vécues depuis ma première rencontre avec ce texte. Cette propension qu’il a entraîné chez moi à être dans l’instant et dans l’analyse de l’instant. Si il n’a pas fait de moi un écrivain, simplement, avec son cortège d’inaptitudes et de terreurs devant l’évidence. A cet état de lucidité, il m’était facile de savoir qu’un instant n’est vécu que dans la perception de son instantanéité, moins de le faire comprendre. Comme H2, finalement, puisque les deux protagonistes ne sont pas nommés. Bref – puisque c’est la mode – on m’écrivait récemment que le principe des moments cruciaux, c’est qu’on les vivait toujours seul : à voir ce qu’il est possible de mettre derrière les mots – ceux que l’on a dits et ceux qu’on ne dit pas – et au vu des vingt années passées depuis et de ce que j’ai laissé derrière, je ne peux pas dire que c’est biiiiiien, mais ce n’est pas faux.
18:39 Publié dans Blog | Lien permanent
12/12/2011
Partie remise.
Je trouve aujourd'hui un message de mon éditeur qui me transfère une nouvelle à laquelle je ne croyais plus parce que jamais je n'aurais pu y croire. Il y a quelques mois (dans une autre vie), la librairie Colophon, à Grignan, avait demandé à mon éditeur un exemplaire de "la partie de cache-cache" pour la sélection qu'elle couvre, justement intitulée "Rencontres du II° titre". Je pensais la sélection bouclée, le livre oublié, ramené à son état de roman issu de la petite édition. Et j'apprends aujourd'hui, qu'il a été choisi, que cette partie de cache-cache à laquelle j'ai tant tenu connaîtra sa petite heure de reconnaissance et un peu plus que ça, au mois de mai, chez la Marquise de Sévigné. Après le TREQ à Annecy et la parution d'un extrait de "Tébessa" dans un manuel scolaire, ça me fait quelques bonnes nouvelles qui m'inciteraient à être prudent en sortant dans la rue, de peur de prendre un piano sur la tête. Du moins c'est ce que je pensais avant, même si je connais quelques soubresauts. Parce que de la même façon que celui qui n'essaie pas ne se trompe qu'une seule fois, j'ai une envie incompressible d'aller de l'avant plus encore, de défendre et faire connaître - puisque je serai sans doute, une nouvelle fois, l'inconnu de service - mon travail. Surprendre les spectateurs, nombreux pour cet événement, quand ils sauront que l'on aurait pu créer pour moi, la même année, des rencontres du III type. Les amener à découvrir Tébessa, qui vivrait ainsi sa quatrième et cinquième vie et me mènerait tranquillou vers mon premier retirage. Leur faire découvrir - et jouer, dans un décor idyllique? - "Trop Pas" et ces bouts de la Princesse de Clèves qu'il véhicule. Et surtout, surtout, parler, de nouveau, de ces trois petits monstres que j'ai tellement portés, de cette Emilie dont j'ai dû accoucher dans la douleur pour que, un an et demi après, elle me libère et me permette l'échappée belle dans les lieux mêmes de la correspondance... Je suis bêtement heureux, mais j'ai envie de m'autoriser, un instant, la bêtise et le bonheur réunis. Et si j'ai réalisé un décalogue critique (malheureusement plus disponible sur le site de LF, on est bien peu de choses...) pour la sélection Lettres-Frontière en 2009, est-il possible que je vive de tels instants à Grignan sans vous en tenir le cours épistolaire? Ce serait mal me connaître.
19:48 Publié dans Blog | Lien permanent
10/12/2011
Illumination.
Il y a les proverbes persans et les problèmes perso.
14:08 Publié dans Blog | Lien permanent
08/12/2011
Décrocher les étoiles.
C’est Kierkegaard, si j’ai bonne mémoire, qui disait que le difficile était le seul chemin. On peut éprouver ça dans toutes les strates de son existence, en face de ses difficultés, de celles des autres, en face de la complexité générale qui détermine les choses de la vie et son cortège de malentendus ou d’actes manqués. Je travaille à un passage complexe de l’histoire de la Russie qui a fait basculer la grande Histoire. Quand il a fallu choisir entre la révolte pacifiste et le terrorisme. Je me dis que le choix est toujours là, politiquement sans doute, mais aussi intimement : on ne fait pas de révolution sans casser des œufs, on ne valide pas ses propres choix, les mutations de son existence, sans passer par des phases de doute, de renoncement, mais aussi d’aspiration. Toucher les étoiles, les décrocher, voilà les mots que j’ai en tête dans les moments de très bas. Parce qu’il faut s’accrocher à ce qu’on a fait de mieux pour trouver le sens de tout ça. En fait, j’écris Aurelia pour me prouver que c’est que j’ai à faire de mieux, oui, même si l’expression de Ferré, « je ferai de mon pire », je l’ai éprouvée jusque dans la moindre de mes failles.
« Marius Beyle » est parti, « Camille » est programmée pour janvier, je vais faire en sorte que la latence entre ma première trilogie d’édition et la prochaine tétralogie (avec « le dîner », dont j’ai enfin trouvé le titre parfait !) me détermine plus clairement. Que je redevienne accueillant, puisque c’est ainsi que tout se joue. Il n’y a pas plus de Caterpillar dans l’existence que d’éléphants dans un magasin de porcelaine : ce sont des images, auxquelles on se rattache tous, par précaution. Jusqu’à ce qu’on fasse la paix avec soi-même, ou pas.
15:00 Publié dans Blog | Lien permanent
06/12/2011
My celebration
J'ai recommencé à travailler, aujourd'hui. A créer, pas à réécrire. Je sais où je vais, même si le chantier est immense. La bonne nouvelle, c'est que pour avancer, je vais devoir me nourrir, de nouveau, des travaux et des écrits des autres. Je vais mener ces fronts-là simultanément à ceux que je dois tenir pour Eloïse Prod. (si vous n'avez pas encore commandé votre "Trop Pas!" pour Noël, c'est ici!) et pour mon statut social. D'ici peu, ce blog reprendra sa vocation première, qui n'est pas forcément de parler de moi, paradoxe à part. Dans l'attente, puisque tout arrive un peu en même temps, je joins ici, pour ceux qui résistent à FB, l'article paru dans le "Livre & Lire", le magazine de l'ARALD à destination des libraires de Rhône-Alpes, hier. Il est signé Nicolas Blondeau, qui avait déjà chroniqué "la partie de cache-cache".
NB : c'est en compagnie de Carole Martinez, Prix Goncourt des Lycéens, et de Ahmed Kalouaz que je participerai au TREQ (Trois romans en questions), à Annecy, le 15 juin. Chouette.
16:57 Publié dans Blog | Lien permanent
05/12/2011
Albert Camus & moi.
J'apprends aujourd'hui que Bordas va éditer un manuel de 3ème, au printemps prochain, qui contiendra un extrait de "Tébessa, 1956". Je suis extrêmement flatté et un peu angoissé par cette perspective: je connais suffisamment les manuels scolaires pour savoir qu'une fois qu'on en a respiré l'odeur de l'encre fraiche, c'est davantage la poussière des étagères et des académies qu'ils inspirent aux élèves. Mais j'y serai, et peut-être un jour me condondra-t-on avec l'auteur de la page d'à côté, qui parle aussi de l'Algérie. Déférence gardée, bien sûr.
Un article sur "Trop Pas" est lisible sur De Lyon & d'ailleurs, le blog très fréquentable de Jean-Yves Sécheresse.
18:40 Publié dans Blog | Lien permanent
04/12/2011
Mémoire vive.
Puisqu’il s’avère que c’est mon mode d’expression et le pacte que j’ai passé avec moi-même très tôt dans ma vie, j’essaie ici de restituer quelle a été la soirée d’hier, pour la sortie officielle de « Trop Pas ! ». Passons sur la question du nombre, souvent évoquée dans ces colonnes, à chaque rencontre de librairie ou d’ailleurs : sans atteindre, puisqu’il y tient, les quatre-vingt dix personnes accumulées dans les lieux par les Deuce de l’Inoxydable, il y avait bien entre soixante et soixante-dix personnes hier au soir. Des gens qui sont venus de loin, géographiquement ou temporellement : j’ai retrouvé des personnes que je ne voyais plus depuis trop longtemps, les visages connus et fidèles à chaque rendez-vous, des musiciens de grand talent, des chanteurs itou; des amis d’Eric ont fait le voyage en nombre, nous qui nous inquiétions du vide avons dû gérer le plein et c’est déjà formidable. Tout le monde s’est entassé dans la petite salle de l’étage, là où, jour après jour, Xav’ Lord Desprat a sonorisé chacun des instruments qui ont participé de la petite musique d’Eric. Arrivés en fin de matinée, nous avons poussé les sièges, installé le vidéoprojecteur et l’écran de projection, réglé les micros, choisi notre place. Et répété : Fred n’ayant pas participé à la séance du 11.11.11, il a fallu trouver les intentions justes, reprendre chacun des morceaux jusqu’à ce qu’ils « racontent » quelque chose, de recréé par rapport à la version disque, plus instrumentalisée. Le combo dobro-lap steel, guitare acoustique, basse/guitare électrique ne fonctionne que dans ce sens-là : la séance s’allonge, entrecoupée du repas, c’est un travail à temps plein, parfois tendu quand on n’y arrive pas. Gérard et Fred se positionnent, Eric doit rentrer dans les morceaux, jouer droit pour qu’ils jouent mieux. Et ça joue, comme on le dit dans les milieux autorisés : en répétition ou en concert, Gérard est dans sa musique, il a un son à lui et des mimiques qui lui sont propres. A table, quand Lyne lui fait remarquer qu’il ressemble à Romain Duris, je lui réponds qu’il a la chance d’être un prognathe séduisant, et ça se voit : c’est toujours sourire en avant qu’il vit ses morceaux. Pour tout dire, même ses ratés sont magnifiques : qu’il oublie de tourner un page de son pense-bête et qu’il attaque un autre morceau que les deux autres ne suffira même pas, dans la soirée, à entamer son crédit. D’une part parce qu’il est bon, d’autre part parce que ce qu’il émane sur scène lui autorise tout. Et pas seulement auprès des filles. De l’autre côté, Fred D., Herr Direktor, tient son rôle : yeux perçants, mâchoire serrée, c’est le pendant noir du trublion d’en face. Mais ça roule, ça descend, ça crée un cercle dans lequel les autres s’expriment. Au milieu, il y a les Hostett’, pour la première fois en vrai. Pauline qui m’a bluffé l’après-midi, quand j’ai compris qu’elle avait appris les paroles et qu’elle n’aurait pas besoin de pupitre. Qui répète assise, en chaussettes, et qui profite dès qu’elle le peut du portable de son père puisqu’il l’a privée du sien. Pour une sombre histoire de moyenne en français : j’établirais bien un droit d’immunité pour cette jeune fille capable de dire mes textes à la perfection, mais j’en connais qui chevaucheraient l’haridelle… Pauline et Eric réunis, le père protecteur, juste derrière. On a échappé à la catastrophe en privilégiant l’acoustique plutôt que le play-back initialement prévu sur « l’Echelle de Richter ». Je ne la quitte pas des yeux du concert, sur ce morceau, elle a les intonations de Françoise Hardy dans « Message personnel ». Pauline qui alterne les genres dans le show-case, sans doute trop court aux yeux du public, mais juste à sa dimension, encore. Elle bouge (un peu) plus sur le ukulélé de Gérard, cherche son père sur les morceaux plus complexes, le vanne en beauté sur le beau duo final… Et convainc, deux fois, avec le morceau qui, le premier, semble sortir du lot : « l’inverse du choix ». Eric est tendu, il a le double souci de sa musique et de sa fille, c’est beau à voir et je tuerais si on me disait que ce que nous avons fait ensemble, je l’ai rêvé. C’est l’état dans lequel je suis aujourd’hui, après une courte nuit. J’ai fait laborieusement le narrateur, je sais que je peux affronter un public sur mes écrits, mais pas les spot lights, pour lesquels je ne suis pas fait. Ça m’a permis, au moins, d’être aux côtés de Gérard et de le regarder faire. J’aurai vécu ça, aussi. Dans la salle du bas, après le concert, c’est la détente, je vois des gens heureux de ce qu’ils ont vu et entendu, des enfants, aussi, avec des étoiles dans les yeux. Je croise des regards qui en disent long, des mains qui se frôlent pour dire merci et plus encore. Evidemment, tout le monde attend la suite, la mise en scène, les Bercy que j’ai promis avant de revenir à la Casa, ou à Mégevette. On l’espère autant qu’eux, qu’ils le sachent, et qu’ils fassent leur part du travail : diffuser, oser, offrir, en parler, renvoyer au site, aux films, à des connaissances… On m’a souhaité aujourd’hui, que ce projet ne soit pas un suicide économique : j’ai répondu que le suicide, là-dedans, était émotionnel, et de mort lente. Que l’aventure ne fait que commencer. Et que la devise d’Eloïse Prod., désormais, était celle d’Astor Piazzolla, trouvée dans une papillote, dans une librairie, à Cluses.: « N’attendez pas que les choses arrivent, faites les arriver ».
NB: j'attends les photos et vidéos (celles qui ne sont pas prises de trop près...) avec impatience, maintenant que j'ai fait fonctionner la mémoire.
14:42 Publié dans Blog | Lien permanent