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25/10/2010

Ce n'est pas le dictionnaire qui va porter plainte, hein?

palandri.jpgJe ne suis pas un bon client pour le comique. Ni un bon juge, d’ailleurs : je vais au café-théâtre une fois par décennie et encore, parce que j’ai une réelle aversion pour les one-men show de plus grande envergure. C’est dire que c’est simplement la curiosité qui m’a poussé voir Palandri en spectacle, ainsi qu’une réelle interrogation sur mon inaptitude à rire aux mêmes places que mes contemporains. Il y a dix ans, c’est « Arrête de pleurer, Pénélope » que je suis allé voir dans un de ces bouges consacrés au comique que la place lyonnaise adore, et j’ai dû dire quelque chose en sortant comme : « si ces filles là font carrière, je veux bien être pendu », soit, sans le savoir alors, ce que Georges Pérec avait dit de Johnny Hallyday passant en vedette américaine de Raymond Devos à Bobino*. Palandri, qu’on le dise d’entrée, est un très bon comédien, il a aussi l’avantage énormissime de savoir ne pas rire de ses propres traits, une habitude ruquierienne pour moi rédhibitoire. Il sait aussi jongler de l’air du temps et ses saillies font penser qu’un homme comme lui invité à un barbecue l’été doit être irrespirable. D’autant que l’homme a des références, ou alors des coïncidences troublantes : on trouve dans son « Palandri is not Dead » des emprunts à Desproges, à Coluche, à Dupontel. Pas dans les textes, même si la mise en abyme et le résumé du spectacle sonnent desprogiens et que la bonhomie, quand elle ne va pas vers De Funès, est coluchienne en diable : question de ventre et d’intonations, sans doute. Qu’est-ce qui fait, alors, que je n’arrive pas à rire en même temps que ceux qui, à mes côtés, se tordent de douleur tant la seule situation leur paraît hilarante ? Les quelques effets qui font qu’un bon mot est souvent répété, comme si l’on ne l’avait pas compris, ce qui en anéantit, pour moi, la portée ? Les petites facilités qui font qu’on va en territoire conquis – par gestes, par récurrences – quand il en est d’autres qui sont effleurés, frôlant une indécence – sur le cancer, sans rien dévoiler – qu’on aimerait plus mordante encore ? Mon comique de la décennie ne m’a ni lassé, ni déçu, je suis même heureux de savoir de qui je parle, maintenant : ses sorties sur les conventionnels du rang, de Mimie Matty à Vincent Lagaf en passant par les talents littéraires supposés de Patrick Poivre d’Arvor et de Claire Chazal, m’ont convaincu de sa légitimité. Tout en lui est drôlerie, de la façon dont il occupe la scène jusqu’aux failles qu’il arrive à créer chez le spectateur, cette empathie qui ne noue alors même que tout est artifice comique. Pourquoi, alors, sinon à cause de moi ? Les lieux, la promiscuité, l’obligation de rire peut-être. Un public peut être plus gras que l’artiste qui se produit devant lui. Ce doit être ça, oui, et la pensée que j’ai eue, pendant le spectacle, des concerts de Pierre Perret qui,  à chaque fois qu’il annonce « la Corinne », entend des murmures de réprobation de personnes qui, en fait, n’attendent que ça, qu’il la chante. J’en suis là : ça ne s’arrange pas, moi. Je vais devoir attendre cet été, qui sait, pour partager avec Palandri (nous avons beaucoup d’amis communs mais ne nous connaissons pas), le temps d’un barbecue, notre dépendance assumée au lobby des bouchers-charcutiers : peut-être, à ce moment, aurai-je libéré un peu plus du potentiel zygomatique nécessaire à l’exercice. En attendant, ce n’est pas parce que je ne sais pas faire qu’il faut vous empêcher d’aller rire en le voyant. Puisque je vous dis qu’il est bon.

* « Je me souviens » n°181

23:37 Publié dans Blog | Lien permanent

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