23/02/2016
À propos de Paco.
On déchante souvent après une interview donnée, c’est un constat : on se dit qu’on aurait pu dire telle ou telle chose, citer tel ou tel nom, mais qu’on ne l’a pas fait. Gaële et Lyon 1ère, c’est au moins l’assurance d’un temps minimum donné pour réellement parler de notre travail, et ça n’est plus si courant. Alors, je livre l’entretien tel qu’il a été monté, qui accentue encore la vitesse avec laquelle je parle – c’est mon défaut – mais souligne le calme que je retrouve quand je lis – c’est nouveau – et la qualité de la lecture et des questions de la journaliste : ça n’est plus si courant non plus.
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22/02/2016
La vie choisie.
Quitter mon île pour revenir dans ma ville y retrouver les artistes que j’ai connus beaucoup plus haut, plus au Centre, fêter avec eux, dignement, le chemin parcouru dans tous les sens du terme, puis les laisser aller, en éclaireurs, là où ma vie d’artiste à moi s’est posée depuis quelques années, partir, de mon côté, au rendez-vous fixé avec cette femme qui ne m’a pas oublié et dont le métier consiste à parler et faire parler des œuvres : passer un long et bon moment avec elle, ressortir confiant d’une interview, ce qui est rare, satisfait d’avoir pu lire un passage de son travail, d’en avoir dit ce que pensais qu’il fallait dire. Retrouver, sitôt après, d’autres compères de route, mes musiciens, retarder l’instant du départ vers l’endroit où tous, le soir, se retrouveraient. Vers où d’autres convergeraient, pour un instant de vie, de ceux qu’on note dans une biographie, une bibliographie… Voir des personnes dont j’admire la vie et/ou le travail se rencontrer, parler, échanger, promettre. Râler un peu contre ce qui me semble ne pas correspondre du tout à l’esprit – du lieu et du moment – mais effacer très vite la contrariété, parce que l’instant qui suit lui est tellement supérieur… Et ça jusque tard le soir, jusqu’au lendemain, quand les chansons succèdent aux photos, quand les projets en appellent d’autres, quand tout, dans cette vie qu’on s’est choisie, valide les errances, les regrets, les éloignements, aussi. Se retrouver, alors que rien n’était prévu, dans une quatrième ville, encore, à écouter, avant tout le monde, ce que d’autres de mes amis ont fait ensemble, trouver ça beau et emballant. Longtemps j’ai pensé que ce qui nous arrivait de bien cachait quelque chose qu’il allait falloir payer : j’en ai même fait l’intention de ce roman que rien ni (plus) personne ne peut m’empêcher de reprendre, maintenant, revigoré. Aux deux-tiers du temps donné, puisqu’il a bien fallu reprendre le texte de la chanson, je m’efforce de penser l’inverse, désormais : ces moments-là sont ceux qui en annoncent d’autres, et ainsi de suite, jusqu’à ce que ce soit terminé. Après, il restera ce que nous avons fait.
photo: Daniel Damart
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21/02/2016
Se taire ou pas?
De la victoire de la musique, quand elle est jouée par Clara Védèche, sur le verbe inutile, prétentieux, sur la répétition de substantifs inappropriés, de cuistres références, sur les interminables adjectifs et les inénarrables néologismes ! Et le triomphe de l’intention - sacrée puisque telle était la question, hier, au Réalgar, pour le vernissage de l’exposition de Jean Frémiot – sur le postulat caduc et le sophisme qui s'ensuit : quand on a appris de sa matière, et qu’on respecte le sujet, il n’y a pas d’erreur possible et la note tombe juste, quand le verbe s’égare.
Photo Christine Guinamand
Titre: Isabelle Flaten
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20/02/2016
Quid?
Par solidarité avec le seul journal du soir publiant les nouvelles du lendemain, "le Cheval de Troie" a attendu le lendemain d'hier pour éditer ses réflexions. Toute présence dans la ville de deux des artistes avec lesquels je travaille depuis près de vingt ans n'en serait que l'explication seconde.
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18/02/2016
Mon ami, mon maître.
Un seul de ses messages m'apaise, un appel me convainc de nouveau. M'éloigne des chimères, me ramène à l'essentiel de ce que doit être l'écriture: sortir de bons livres, travaillés, retravaillés, abandonnés parfois, repris, quand tout a changé autour. Au détour d'une phrase, il s'invite au printemps, me dit qu'on en parlera là, qu'il faudra que je lui montre où j'en suis. Vu son hérédité, il peut continuer à oeuvrer jusqu'à plus de quatre-vingt dix ans, l'âge auquel son père consacra un dernier essai à Spinoza: je ne m'inquiète donc pas, mais, par précaution, je fixe à 2017 le moment où ce livre devra sortir. Il me dit que c'est une bonne date. Je l'avais pourtant par écrit, pour des raisons administratives, son engagement: qu'il le réitère là, maintenant, me comble de joie. Et je repense à ce que me dit un jour mon ami Bougnat: "Jenni vendra 1000 livres quand Cachard en vendra trois. Et alors?" D'ici, je suis regonflé à bloc, sans plus d'autre inquiétude que de me remettre à l'ouvrage, sérieusement.
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17/02/2016
La fidélité.
Il faut aimer Zulawski
note du 5.10.2011
Je quitte le cinéma cet après-midi, encore empli de l’émotion d’avoir revu « L’important c’est d ‘aimer » sur grand écran, je marche sous le soleil de la Rue de la République et je croise Andrzej Zulawski, qui retourne au cinéma après avoir introduit, dans le Cadre du Festival Lumière, ce film de 1994 qui montre une Romy Schneider au sommet, un Klaus Kinski dont le rôle a contribué à la mythologie d’acteur-fou et un Jacques Dutronc qui, en tant qu’acteur, n’a jamais été autre que génial ; Fabio Testi, dans le rôle principal, n’a pas connu la gloire de ses partenaires de tournage : c’est curieux comme le cinéma est parfois arbitraire. Peut-être, en le revoyant, parce qu’un Christophe Malavoy l’a supplanté dans le genre et l'allure, jusqu’à tomber lui aussi dans l’oubli ? Zulawski, c’est une ambiance cinématographique, que j’ai découverte avec « Mes nuits sont plus belles que vos jours » : des tensions permanentes, un sens du champ/contrechamp fabuleux avec, parfois, juste une ombre qui sépare les plans, de longs couloirs gris dans des appartements bourgeois qui furent prestigieux mais dont il ne reste rien. Il est venu dire qu’il a eu moins de 24h pour quitter la Pologne avec une valise en carton et, en main, trois numéros de téléphone dont deux ne répondirent jamais. Qu’arrivé à Paris, le vieux gérant d’un cinéma de quartier lui a dit qu’il lui devait sa plus grande émotion de cinéphile, puisqu’on s’était battu dans sa salle à propos d’un de ses films polonais. Que ses premiers contacts avec le cinéma français se firent via Sautet, à qui il dit beaucoup devoir, et au travail de « police des scriptes » qu’il occupait alors, jusqu’à ce qu’on lui confie l’adaptation d’une œuvre qu’on n’arrivait pas à adapter et dont on allait perdre les droits : le roman de Christopher Franck, « la nuit américaine ». On lui demande deux pages de synopsis, il en fait vingt, on lui confie la réalisation du film. Lui a un visage en tête, celui de Romy Schneider, il veut la sortir des dentelles de Sissi, la filmer à cru, sans maquillage, lui dit que dans « Qui a peur de Virginia Woolf », Elisabeth Taylor s’est vieillie de dix ans, pour en gagner vingt. De tranquillité. Modeste, Zulawski dit que le cinéma, c’est d’abord les acteurs. Mais qui a filmé Romy comme lui, dans la fragilité d’un être dont certaines scènes ont un écho terrifiant au vu de ce qui lui est arrivé ? Personne. Marceau non plus, pour ceux qui ont vu – nous étions quatre dans la salle il y a dix ans – « la Fidélité »… « L’important, c’est d’aimer » est un film essentiel pour ce qu’il dit des élections affectives, pas des affinités électives : les dernières scènes sont sublimes, Dutronc qui dit qu’il ne peut rien faire d’autre que l’aimer, elle qui rejette violemment l’idée mais lui demande d’être là, de ne pas la laisser seule. Romy, bouleversante, dont la quarantaine et la solitude sont déjà intimement liées… On aime par nécessité ou par essence, dans un champ électique de la question amoureuse. Dix-sept ans sont passés depuis que le film est sorti : plus que le fait de rentrer dans les classiques, il permet surtout d’interroger un parcours. Par effet-miroir, sans conscience de la cause.
photo: Romain Le Vern
Andrzej Zulawski dégage une humanité fascinante. Il redit sa fierté d’être là, et le bonheur d’un tel festival, sans compétition. A Cannes, il n’aurait pas pu marcher tranquille dans la rue ou pire, on ne l’aurait peut-être pas reconnu. Que choisirait-il des deux, j’en ai une idée assez marquée. En tout cas, le croisant une deuxième fois en l’espace des deux heures de projection, je l’aborde, rapidement, sans l’importuner. Pour le remercier.
20:45 Publié dans Blog | Lien permanent
16/02/2016
Des propos réducteurs.
L’apprenti-ethnologue se rappelait bien qu’il ne fallait pas hiérarchiser les cultures, dans son domaine, mais ne s’était pas souvenu qu’il était malséant de dire d’un peuple qu’il était atrocement primaire, in situ. Surtout chez les Shuars du Pérou.
16:16 Publié dans Blog | Lien permanent
15/02/2016
Ghost dancing.
Dans l’ivresse du vent, sur la plage déserte, je pense soudain à Emilie, ma petite fille maladive de « la Partie de cache-cache ». Elle avait onze ans dans le récit, il y a cinq ans, elle a survécu au drame, y a perdu un être cher, sans comprendre autre chose, dans l’instant, que ce qui fait la lâcheté des hommes. Comment a-t-elle grandi avec ça, comment s’est-elle construite sur ce double sacrifice ? C’est elle qui, déjà, m’a posé le plus de difficultés dans l’écriture, c’est elle qui m’obsède encore, aujourd’hui, dans toute sa fragilité, son anaphylaxie. Le fait que la personne qui m’a aidé à écrire sur l’allergie vienne d’avoir 50 ans ? Le fait de retrouver, samedi au Réalgar, Jean Frémiot, qui m’a inspiré le décor et le premier protagoniste de l’histoire ? On travaille dans le roman sur le passé des personnages, histoire que leurs réactions, les interactions avec les autres soient cohérentes, mais on ne se soucie pas assez de leur avenir. Et parfois, ils nous le font payer.
18:50 Publié dans Blog | Lien permanent