06/02/2016
Présentation d'une ville (5)
Curieux, également, de vivre dans une ville qu’on pense dominée par la mer mais qui ne fait, au final, qu’obéir au vent. Il cloue les pêcheurs au port, chasse les nuages quand il le veut, fait plier les carcasses, des hommes et des bateaux. Fait tournoyer le sable, le projette dans les vagues, défie l’estivant jusqu’à ce qu’il aille voir ailleurs, puis s’arrête, sur le champ, une fois qu’il est parti. Tour à tour sec, virulent, glacial et chaleureux. L’Autan (le vent noir), le Zéphyr, l’Aquilon, le marin côtoient les deux mythes locaux, le Mistral – qui, dit-on, apprend à se rester fidèle, à bien s’enraciner – et la Tramontane, perce-muraille des reliefs et des cultures. Tous ne soufflent pas dans la même direction, suivant ce qu’ils comptent faire subir aux fétus de paille que redeviennent les hommes, à cet instant. Quitte à rendre fou le météorologue du secteur, qui devra changer ses prédictions deux ou trois fois dans une même journée et finira, comme les autres, par demander sa mutation plus au Nord. A Montpellier. Sans savoir que, quoi qu’il arrive, le vent n’a qu’une seule fonction réelle, celle de nous souffler la réponse, mon ami.
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05/02/2016
Présentation d'une ville (4)
Une ville construite sur et autour d’une colline respecte habituellement des normes d’élévation sociale autant que spirituelle : plus on approche du sommet, plus les places sont chères. Dans cette ville que j’observe, les rôles se sont inversés : ceux qui l’ont fondée se sont installés au plus près de leur activité, et ceux qui l’ont développée ont investi, au départ, les quartiers-hauts, premier centre-ville avant qu’une bourgeoisie se déplace vers la basse ville et qu’on laisse les pentes, ardues, à la plèbe et aux artistes. Comme dans d’autres villes lumières nées sur des dunes. Quoi qu’il arrive, il reste la protection divine, tout en haut, le calvaire visible de loin, rassurant quand on est en mer, atteint, à pied, après toutes les étapes de l’élévation, une de mes marottes : l’apathie, l’ataraxie et l’époké. Ça marche sur les corps comme sur les esprits, c’est pratique. Même les scolaires sont obligés de grimper pour apprendre, dans le cœur de la ville. De quoi regretter son passé un peu voyou, « l’immoralité de son peuple » - écrivait-on au XVIII°s. Pas longtemps : il y a quelque chose d’attirant chez la canaille, quand son jeu consiste à détourner la loi, l’autorité et la puissance. Fais pas chier le marin, sinon tu vas boëter les casiers.
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04/02/2016
Présentation d'une ville (3)
Il y a cet homme que je croise tous les jours, qui habite en face de là où je gare Lady Vroom-Vroom, ma simili-Vespa. Il porte haut et fier ses soixante-dix balais, dirait Reggiani, dont plus de quarante passés embarqué, sur différents chalutiers. Il les connaît tous, sur les quais, s’étonne de me voir là, ne peut cacher le peu de légitimité qu’il m’accorde, mais je ne lui en veux pas. Courtois mais sanguin, il déplore tour à tour l’assistanat généralisé, le peu de crédit apporté, désormais, aux travailleurs de la mer et, plus largement, à ceux qui les ont entourés, aidés, ceux qui, comme lui encore, donnent le coup de main à l’arrivée au Môle, dépannent d’une pièce manquante, consolent quand rien n’est sorti d’un milieu rappelant, à chaque sortie, qu’il n’est pas naturel de l’exploiter. Cet homme-là, trapu mais altier, allégorie de cette ville dans laquelle il est né, salue une vieille femme dans sa rue, qu’il a peut-être, en son temps, tenté de conquérir et qui peine, voûtée sous l’effet de la fatigue, de l’âge et d’un travail harassant. Il dit que c’est elle qu’on devrait aider, mais l’entraide, la solidarité et le respect des anciens sont des valeurs qui ont disparu, selon lui. Demain matin, aux aurores, il attendra devant sa porte celui qui lui voiture son journal et, après l’avoir lu, fera les cinq kilomètres, à pied, aller-retour, le séparant du Port, son rendez-vous quotidien.
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03/02/2016
Présentation d'une ville (2)
Il y a ces artères, aussi, qui disent plus qu’elles le voudraient : les routes défoncées, les trous, les bosses qu’on évite soigneusement, tout en jetant un œil de partout, rapport à la culture locale et naturelle. L’itinéraire qu’on se fixe dans un premier temps, duquel on dévie quand on est en confiance, intrigué par un nom de rue. Lequel, une fois sur deux, rappelle le passé travailleur de la ville en vantant ses enfants, ses résistants, ses damnés, mais une idéologie, également : cela fait bien longtemps qu’on ne fait plus la révolution nulle part, mais ici, tous les jours, on y passe à défaut d’y penser. Dans l’axe Nord/Sud, quand on laisse la mer derrière soi , sans omettre de lui dire à ce soir, pour rejoindre l’étang.
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02/02/2016
Présentation d'une ville (1)
Une ville s’intègre par strates, c’est bien connu, et les terrestres ne sont pas les moins abordables. Surtout dans une de celles dans lesquelles il convient, justement, de raisonner autrement qu’en terrien. Dans ces gros villages qui se sont étendus, dans lesquels les activités comme les comportements sont imbriqués, relèvent de l’intra et de l’interdisciplinaire. Il convient dès lors d’étudier tout ça avec patience, en acceptant que tous les obstacles ne se lèvent pas d’un coup, qu’on met une vie à se défaire de ses repères et une autre à décoder ceux des autres. Dans le même temps, on trouve refuge dans la nouveauté, l’inconnu : comme une renaissance, en conscience.
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24/01/2016
Miettes philosophiques.
La première étape de l'acceptation de la mort, c'est le tour imbécile que prend la vie.
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23/01/2016
CDG.
Ceux qui postulent aujourd’hui défendront demain leur pré carré contre les impétrants du même genre : les mandarins sont toujours en place, à se congratuler, se décorer et se satisfaire de tous les artifices qu'ils ont créés. Mais on ne les lit plus: leurs livres sont creux et boursouflés, comme leur existence.
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22/01/2016
Laisser-aller.
Cette fierté qu'il éprouve à laver les carreaux sans avoir à monter sur un tabouret, que ne l'éprouve-t-il pas quand on lui demande, au supermarché, de voiturer les boîtes de corn-flakes du dessus?
(Désolé)
(D'un autre côté, tout le monde - oui, d'accord, pas tout le monde - s'en fout quand je m'arrache un peu, alors...)
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