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06/04/2020

Diffraction.

Capture d’écran 2020-04-06 à 10.29.49.pngIl est totalement incongru de parler de soi en cette période (déjà qu’en temps normal...) mais l’Ambidextre – blog ambitieux, aux notes quotidiennes et aux rédacteurs multiples - avait déjà repéré le projet AK et relevé la parution du roman. Hier, suite à la diffusion d’un extrait du concert du 28 septembre, il a fait le lien entre les deux Aurelia, le groupe qu’il allait visiblement voir dans sa jeunesse, lui aussi, et le roman, dont l’encadré rappelle qu’il ne l’a pas encore lu mais qu’il va s’y mettre. C’est un article complet que celui d’Olivier Melville, avec un point qui interpelle, sur l’avant, ces moments de rencontre, de frénésie collective, de promiscuité. Les artistes, aujourd’hui, jouent sur leur balcon, dans leur cuisine, n’obtiennent à la fin de chaque morceau que des applaudissements qu’ils n’entendent pas. Nous reverrons-nous ? demande l’article. Y retournerons-nous ? Je regarde ces images attendues comme on contemple un vieux super-8 transféré numériquement, comme un temps d’avant qu’on imaginait inoxydable. Déjà qu’Aurelia, dans sa diffraction, nous avait habitués aux ellipses de trente ans… Bref, c’est ICI, et ça fait autant de bien que de mal.

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30/03/2020

L'air du temps.

J'ai été invité - sur la recommandation d'Isabelle Flaten, que je remercie - à m'exprimer sur la condition de l'écrivain en situation de confinement. C'est tout sauf un journal du même type, évidemment. J'ai refusé d'écrire une chanson sur le sujet, pour ne pas céder à l'opportunisme; mais on ne peut rien refuser à Dan Burcea, "jardinier en intelligence humaine" et à son amour de la littérature. C'est ICI, en Lettres capitales.

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19/03/2020

Memento Mori.

J’ai échangé plusieurs centaines de lettres avec cette personne-là. Il faut dire que la promesse d’adolescence - celle de se donner des nouvelles après les vacances d’été - que les autres garçons ont faite en même temps que moi, j’ai été le seul à la tenir, et de quelle façon : nous avions quatorze ans quand nous nous sommes quittés, et nous avons passé près de onze ans ensemble, à se raconter nos vies, ses heurts, ses joies, quelques inventions, de ci de là, histoire, bien avant les réseaux sociaux, de faire croire à l’autre, qui n’y croyait pas, que sa vie était remarquable. Mais peu. Nous avons plutôt échangé, correspondu au sens propre, celui qui fait qu’on trouve quelqu’un qui pense, vit et agit comme on le ferait soi. Il n’y eut rien d’amoureux, dans cette existence parallèle, rien de tendancieux, même si les rares photos échangées montraient la si belle femme qu’elle était devenue. À force de suivre ses amours, j’ai fini par envoyer les dernières lettres à un autre nom, dans une autre ville. M’y rendant, j’ai acheté un bouquet de fleurs, me suis présenté à l’adresse indiquée, ai prononcé « Interflora ! » à l’interphone. Montant un escalier en colimaçons digne des films de Michel Deville, j’ai vu, au quatrième étage, un homme sur le seuil de la porte, se penchant vers moi et me disant, tout de go : « T’es pas Interflora, toi, t’es Laurent ! ». Il me fit entrer, avec beaucoup de chaleur, pour m’apprendre que sa jeune femme était allée voir ses parents – dans la ville où j’envoyais les lettres, jusqu’alors – mais que je pourrais lui faire une surprise, aller la chercher à la gare, le lendemain, à sa place. C’était remarquable de confiance et d’intelligence, j’ai accepté, y suis allé le jour d’après, le cœur un peu serré, pour un rendez-vous non amoureux et non prévu par un des deux convives. La porte du TGV Ouest s’est ouverte, j’étais encore moins à l’aise qu’avec mon bouquet de fleurs de la veille, et l’ai vue apparaître, dans l’encadrement de la porte. Elle m’a immédiatement reconnu, et ne s’est pas montrée si surprise que ça, en somme. Sans doute avait-elle compris, tout de suite, que l’idée venait de son mari, sans doute lui rendait-elle, de fait, la confiance et l’intelligence que nécessitait une seule situation. Mon dernier souvenir, l’heure que nous avons passée à deviser de tout et de rien, comme nous le faisions par écrit, depuis onze ans, fut le sourire qu’elle me réserva, rien qu’à moi, avant que nous nous séparions, pour aller vers nos vies, chacun. Je n’avais aucune connaissance, à cet âge-là, de l’incidence du sourire archaïque sur les vies de Jules & Jim. Je lui ai juste répondu, à l’identique. Nous ne nous sommes plus jamais écrit, nous ne nous sommes plus jamais vus, nous en avions juste terminé.

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18/03/2020

Revanche.

Une pensée pour tous ces parents qui nous disaient que leurs ados étaient précoces et hyperactifs, qu'on ne les comprenait pas, et qui se rendent compte au bout de deux jours qu'ils sont juste casse-couilles et inadaptés.

09:24 Publié dans Blog | Lien permanent

11/03/2020

Les matefaims.

Je ne sais pas – antiphrase – pourquoi me reviennent ces souvenirs de tablée quand, pour le dîner, ma mère entreprenait de faire des crêpes et qu’il fallait attendre son tour pour être servi : nécessaire (et archaïque) apprentissage de la frustration et de l’égalité, toutes deux mêlées. Il fallait voir le plaisir que l’on prenait quand Maman annonçait « celle-ci, elle est pour toi », l’air pincé – on peut le dire, maintenant – des deux autres, spécialement celui qui venait d’être servi, le tour d’avant. Parfois, le père passait le sien – trop épaisses, les crêpes, de vrais matefaims, et réjouissait l’assemblée : la prochaine arriverait plus vite. Quand elle était là, fumante et bien dorée, le dilemme s’imposait  : la manger d’un coup et rester sur l’impression bourrative le temps du long circuit ; ou bien la savourer, jusqu’à, qui sait, en manger deux consécutivement, l’une refroidie, l’autre bouillante. On aborderait bien assez tôt la question – et ses conséquences sur l’équilibre familial – de la dernière, qui devait tomber juste, sous peine de triomphe à peine voilé du ou de la priviliégié(e). On ne sait jamais pourquoi les crêpes de sa mère remontent en mémoire. Ou plutôt on le sait, mais on ne veut pas le dire.

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07/03/2020

La confusion des cadavres.

noir caniclue.jpgLe “Noir Canicule” de Christian Chavassieux - en un habitacle de taxi climatisé et une journée bien remplie comme seuls les paysans peuvent en connaître, de l’aube jusqu’au coucher du soleil – est un livre sur la mort, pas tant comme sujet que comme objet de la fatalité. Celle des vies qui s’achèvent, par tautologie, mais aussi celle, apocalyptique et millénariste, qui s’impose en masse, par des effets du même nom. Ici, la Canicule du début du XXI°s., qui annonçait un chaos dont on s’est curieusement remis assez rapidement : comme chez la Marie du roman, la mémoire n’est jamais faite que d’abîmes oubliés, après tout. La Marie et le Henri, c’est sans doute comme ça qu’on les appelle au village, ce couple de vieux paysans, 56 ans de mariage au compteur, agacement réciproque compris et réprimé. Ils ont mis leurs habits du dimanche et sans doute un peu de parfum bon marché pour se fader les 800 kilomètres qui séparent leur Thébaïde de Cannes, la ville d’un tout dernier espoir pour eux et son cancer à lui. Marie, écrit Chavassieux, a beau s’être « habituée à le voir mourir plusieurs fois par jour », et connaître le sort des femmes qui restent et continuent de dormir seules du même côté du lit, elle y tient, à son Henri, même si elle l’aurait aimé plus robuste.

C’est Lily, une conductrice de taxi entre deux âges - « passable » aux yeux de tous mais plus assez aux yeux de son ex-mari qui lui a préféré une jeunette - qui se charge de ce que le narrateur nomme lui-même « un voyage extraordinaire ». Rémunérateur, certainement, mais éprouvant, quand il s’agit pour cette femme préoccupée de prendre en charge, au sens propre et figuré, ces gens qui habituellement, ne sortent jamais de chez eux. Ne vont même plus jusqu’à Roanne, ne racontent plus rien à ceux qui, dans le village, savent déjà tout d’eux. Ou croient tout savoir, parce que comme les autres personnages (le huis-clos est un trompe-l’œil et les récits enchâssés s’imbriquent), Pierre, Nicolas, Jessica, tous ont leur part de secret, et celui qu’ils partagent, qu’elle a cru oublier et que son cancer à lui ravive, en est un au moins aussi inavouable que celui de la conductrice. Qui met du Florent Pagny en considérant l'affaire Cantat, on est pas à un grand écart près.

« Noir Canicule », comme le bon polar qu’il n’est pas (seulement), fonctionne par révélations successives, que je ne dévoilerai pas ici. Pour le coup, c’est un roman qu’on ne peut pas lâcher, parce qu’on veut savoir, et que l’auteur est chiche, dans les pistes qu’il délivre au compte-gouttes, c’est de bonne guerre. Les vies passées, présentes et à venir se croisent elles aussi, comme dans une scène de super 8 : les images des pères – ceux qui vont mourir, ceux déjà morts – reviennent, saines, doublées, dans la mélancolie, de ce que Chavassieux appelle « le poison de l’amertume ». Pénible et sensuel à la fois. Il y a ce récit central, mais on comprend assez vite que les correspondances n’en sont pas : elles ne font que proposer à cette apocalypse – du moins sa première trompette, dit-il – un tour tristement humain. Avec des vieux cons de paysans, des destins contrariés, des vies réussies et d’autres pas, dans la même fratrie, parfois. La métaphysique propre à tout voyage est omniprésente, et personne n’échappe au constat d’échec, dans cet ouvrage. Pas plus un monde qui s’achève (« Trente ans que les petits paysans crèvent ») qu’un autre qui commence dans la confusion des cadavres, une expression empruntée à Flaubert. L’écriture de Chavassieux, comme d’habitude, fait mouche, alterne les registres, reproduit des discours directs (d’ados, notamment, j’te f’rai dire !) au sein même de passages narratifs soutenus, des scènes sont volontairement cinématographiques pour en souligner immédiatement des dialogues débiles : mais c’est quoi ce film ? On n’échappe pas au naturalisme paysan de l’auteur de l’Affaire des Vivants, même dans sa contemporaine Affaire des morts. Mais chacun se reconnaîtra dans une, au moins, des concessions que chacun des personnages fait à sa propre mort à venir, celle qu’on frôle dans une voiture, celle qu’on cache au monde depuis 77. L’agonie universelle, avance l’auteur. Que Bernard, tenté d'en finir, renvoie à son terme naturel, que Séverine ("une vraie pétasse contente d'elle-même") et Séb' l'infatué chercheront à nier, que Mélanie a dû sentir passer...  Que les médecins et femmes de service des hôpitaux ont vu débarquer, impuissants. On ne sait pas ce que Jean-François Mattei – l’auteur a l’élégance de ne pas le citer directement, soulignant l’impéritie d’un gouvernement dont l’inaction dénoncée par Pelloux, à l’époque, a coûté plusieurs milliers de morts évitables – pensera de ce roman, s’il le lit. Ce que je conseille à n’importe qui d’autre, par ailleurs : un Chavassieux est toujours un événement et celui-ci, s’il fausse les pistes habituelles de l’auteur, ne déroge pas à la règle. Haletant et troublant. Son plein soleil à lui.

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22/02/2020

Niet.

Capture d’écran 2020-02-20 à 16.47.35.pngToi tu y crois un temps parce que cette fois, ça ne vient pas de toi, qu’il y a eu passerelle entre un lecteur et un responsable de collection d’une grande maison d’édition de poche. Qui s’enquiert de ce roman dont on lui a dit le plus grand bien auprès de mon éditeur, demande qu’on lui envoie le fichier. Toi, prévenu, tu sais qu’il ne faut pas s’enflammer, mais dans le même temps, tu essaies d’échapper à ce fatalisme qui te fait croire qu’une bonne nouvelle se paie systématiquement d’une déception à venir. Un des thèmes du roman, d’ailleurs. Et tu te dis qu’après tout, c’est le moment, que l’ouvrage est abouti, qu’il s’y prête, que les lecteurs sont enthousiastes… Tu te vois déjà annoncer ça aux prochaines rencontres, et elles sont nombreuses. Et puis non. C’est niet pour Aurelia. Pas de parution en poche, pas de diffusion nationale, pas de petite sœur au gros livre rouge. C’est comme ça, il faut accepter, encaisser, rebondir. Il n’empêche, souvent, je repense à la Fanée, l’extraordinaire roman de Thomas Sandoz et je me demande s’il n’y a pas, en moins tragique, des similitudes entre les destins de son héroïne et mon parcours littéraire. Si le temps d’avance cher à mes personnages, dans AK, ne m’a finalement pas échappé. C’est ainsi, et c’est mon credo, hugolien : puisque ces choses sont, c’est qu’il faut qu’elles soient. J’en conviens.

11:25 Publié dans Blog | Lien permanent

20/02/2020

Les méchants & les complaisants.

balançoire.jpgOn a beau faire mine, les accusations de nombrilisme, quand elles viennent de personnes qui partagent le même dessein que le vôtre, à savoir faire connaître et apprécier son travail, interpellent, pour le moins. Est-ce parce que je n’ai pas réagi à son ouvrage – qui n’a rien provoqué chez moi – qu’untel décide de me rayer des réseaux sociaux, prétextant que je suis sur le mode « moi et mon œuvre » ? Est-ce parce qu’il est inquiet qu’on pût apprécier mon dernier-né qu’un autre va prétendre partout que ce n’est pas par l’épaisseur d’un livre qu’on en juge la qualité ? Comme si je l’avais attendu pour le savoir, et comme si lui-même n’avait pas, des années avant, posé un regard complaisant sur mes romans, qu’il jugeait trop courts pour qu’on m’évalue vraiment comme romancier. Je ne peux rien dire encore - tant je suis superstitieux et tant je veux lutter comme une forme de fatalisme qui me ferait prendre un piano sur la tête à chaque fois qu’on m’annonce une bonne nouvelle - mais de belles choses se présentent à moi, dans les mois à venir, comme une reconnaissance, justement, de mon travail, qui me permettra d’en parler moins moi-même. De laisser ma petite héroïne faire le job à ma place. Mais il paraît essentiel, sur ce site, aussi, de rappeler le sens de l’egotisme stendhalien, de se centraliser sur soi pour donner à lire, à voir, à écouter. Je n’ai jamais rien prétendu d’autre que d’être à moi tout seul les deux rayons de la FNAC que je fréquentais ado. C’est moins prétentieux, comme ça ?

Vendredi en huit, je présenterai Aurelia Kreit à la Balançoire, à 19h. J’ai prévu, pour la première fois, de le faire sous la forme d’une micro-conférence, supportable dans la durée, sur les thèmes essentiels du roman, l’Humanité, l’exil, l’identité. J’y traiterai de mon traitement de la question juive, avec tout ce que ça recèle de mystère, encore, et heureusement. Pour ceux qui connaissent l’histoire du gros livre rouge, ça signifie que je passerai moins de temps à parler de la genèse, mais quelques membres du groupe seront là pour en parler en off. J’y présenterai un autre projet, musical, qui me tient à cœur et dont les premières épreuves dépassent mon entendement.

J’ai pris du retard dans mes lectures parce qu’un (autre) gros bloc d’écriture s’est imposé à moi : ça aussi, ça permet de relativiser. Mais dans quelques temps, profitant de rencontres en commun, je parlerai ici de Frédérique Germanaud, de Nicolas Vitas, d'Isabelle Flaten et du « Noir Canicule » de Christian Chavassieux. Ça fera peut-être râler les autres, mais à dire vrai, je m’en fous un peu et c’est un euphémisme.

NB : le ton de cette note est peut-être déterminé par la représentation du « Misanthrope » que j’ai vue récemment, avec Lambert Wilson dans le rôle-phare. Une pièce qui m’a conditionné moi-même depuis très très longtemps. Et qui n’a pas fait changer d'un iota le rapport que je peux avoir au monde.

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13:21 Publié dans Blog | Lien permanent