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11/12/2013

Le désespoir de l'écrivain.

Je sais qu’il se dit que le silence n’augure rien de bon, que les précédents avaient été chroniqués plus rapidement, que le temps de lecture n’avait pas été aussi long. Qu’au pire, un message privé l’avait averti qu’il faudrait attendre un peu, que les contingences, tout ça… Mais là, rien, pas un signe, juste un message sibyllin l’autre jour pour dire qu’on était dedans, et depuis… Alors quoi ? Une déception, une gêne, pire, une impasse ? Et puis mince, après tout, on se passera de son avis ! Après tout, des critiques, toutes positives en plus, il y en a eu d’autres, alors hein… Ce n’est pas l’avis d’un scribouillard médiocre – tiens, comme dans le roman – qui va gâcher mon plaisir. Hein ? HEIN ? Oui, d’accord, je peux attendre un jour de plus, qu’il le termine, qui sait ? Qu’il ait le temps de l’écrire, sa chronique, aussi. Je sais, c’est idiot de montrer de l’impatience quand on a passé tant de temps à écrire. Allez, c’est comme ouvrir une boîte à lettres dans l’attente d’un courrier amoureux (ça se passait au XX°s.) et n’y rien trouver. On touche le cœur du désespoir puis, immédiatement, on revient au fatalisme : ça arrivera demain, se dit-on.

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10/12/2013

Le syndrome de Yoko Ono.

Elle convainquit son écrivain de l'épouser, prit son nom, commença de se mêler de ce qu'il comptait écrire, lui souffla tel mot, telle action, tel dénouement. Il trouvait ça mauvais mais n'osait le lui dire. Elle pestait de son manque de succès, du succès des autres, hurlait au complot phallocrate quand on lui suggérait que peut-être, elle devrait le laisser faire. Quand son ex à lui, qu'elle ne supportait pas, obtint le Prix Goncourt, elle entreprit un dénigrement systématique des grandes maisons d'édition, jurant à qui mieux mieux que tout cela était truqué. Il lui confia un soir qu'il s'était lancé dans une fresque familiale et rurale, qu'il écrirait dix volumes; elle imposa d'en faire les préface et postface, de signer l'œuvre des deux noms, mieux, hurla-t-elle, d'en être l'éditrice, et l'agent littéraire! Elle monta sa structure, se heurta au scepticisme de tous. Il tenta de la prévenir mais elle s'entêta, jugeant qu'elle s'occuperait mieux de sa carrière qu'il le faisait. Quand il se suicida, il fut surpris, en tant qu'athée, de se retrouver dans une grande maison silencieuse, entourée de grandes étendues d'herbe: un endroit idéal pour écrire, pensa-t-il. Le temps de la voir arriver au loin: elle l'avait suivi dans la mort, ne supportant pas sa perte. Quand elle vit l'endroit, le bureau, la machine à écrire, elle se frotta vivement les mains puis s'écria: bon, là, maintenant qu'on a du temps, on va pouvoir  s'y mettre!

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09/12/2013

Eliante est sortie.

Sur l’écran géant apparaît la page d’accueil, vidéo-projetée, de ce que je compte diffuser publiquement : une version filmée du « Misanthrope », datée de 2000, avec Denis Podalydès dans le rôle d’Alceste. Tout affairé à mes notes sur l’antinomie, dans le discours, entre vice et vertu, honneur et fourberie, flegme et bile, je ne comprends pas que l’auditoire rit, avant même le sonnet de Oronte. C’est que dans sa magnificence un poil distanciée, le logiciel consacré projette un « Hum. C’est embarrassant » qui peut prêter à confusion.

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08/12/2013

Nos vies bien calmes.

Aujourd’hui, c’est le jour anniversaire de la naissance de Camille Claudel. D’une de mes amies corses, également, dont la grande particularité est d’avoir décrété qu’elle ne travaillerait jamais le jour de son anniversaire, quoi qu’il arrive. Bon, cette année, ça tombe un dimanche, c’est moche. 149 années pour Camille, mais bon, on ne compte plus, devant une dame. Qui n’aura jamais su que je lui aurai consacré, à elle aussi, une partie de ma vie, que peu de gens le savent parce que là non plus, je n’aurai pas trouvé l’énergie nécessaire à la 2ème étape d’un projet. Peu importe : je ne me bats plus dans les terrains viciés de la reconnaissance. Je sais ce que j’ai fait, j’ai la chance de le lire et de l’écouter ; je sais ce que j’ai écrit a provoqué chez d’autres, également. C’est bien là l’essentiel : je laisse la paranoïa à Camille, le pendentif à son effigie à mon amie corse. Remisé ou détruit, je ne sais pas. Pour ceux qui n'ont pas encore lu la nouvelle que je lui ai consacrée, à Camille, c'est désormais en commande directe sur le site du Réalgar. Pour les autres, le rappel, en musique, d'une belle aventure tripartite.

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07/12/2013

Imprescriptible.

Je n’ai jamais oublié l’air troublé de cette jeune fille à qui, pour faire l’intéressant, je confiai un jour que l’anagramme de mon prénom donnait naturel. Ni sa réponse : mais y’a pas de l à anagramme.

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06/12/2013

Hamba kahle.

Le silence vaut mieux que toutes les hagiographies. Un silence spirituel, respectueux d’une âme qui s’en est allée au terme d’une longue et tumultueuse existence. Ce n’est jamais celui qui part qu’on pleure, c’est ce qu’il laisse de nous, les passions qu’il a incarnées, les idéaux de notre jeunesse dont on accepte moins qu’ils vieillissent que nous-mêmes. Puisque les comptes sont ronds, c’est vingt ans après 68 qu’un homme mince au t-shirt noir à manches longues et à la génuflexion mythique lançait cet hymne qui, après d’autres, accompagnera notre vie jusqu’à ce qu’on se dise que, sans qu’on en ait rien vu, vingt ans et quelques de plus ont passé. Les forces de l’esprit sont grandes sur ses terres à lui, l'Africain capital, que j’ai foulées en me disant qu’on aura au moins partagé ça. Plus l’espoir d’un monde nouveau et plus égalitaire, qui me semble hélas parti avec lui. Mais ça, c’est parce qu’on est triste, pour un moment. La colère, ça revient naturellement.

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05/12/2013

Inimitiés.

Je croise sur le quai de la station de métro cet homme avec qui j’ai passé les deux ou trois premières années de mon cursus universitaire. Un homme très maniéré, déjà, à l’époque, revendiquant un dandysme certain, chevalières, chemises à jabot, vestes croisées. De prime abord, sa culture impressionnait, jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’elle ne lui servait pas à grand-chose, lors des exercices imposés : je me souviens que la professeure de Littérature comparée, à qui il objectait que son oral eût été meilleur s’ils eussent été, tous les deux, à la terrasse d’un café, lui avait répondu sèchement qu’il faudrait qu’il travaille davantage pour que ça arrive. Cet homme que je revois ce matin, mêmes cheveux poivre et sel  – un vieillissement parallèle – qui détourne le regard à peu près comme je l’ai fait moi, il ne devine pas, par contre, que je sais depuis des choses de lui qui n’ont guère arrangé l’image que j’en avais : du harcèlement envers une amie proche qui l’a conduit jusqu’au poste de police, de la tournure avortée de la brillante carrière qu’il se prédisait jusqu'à ses échecs répétés dans l’écriture et l'édition. Je replonge dans mon « Mausolées », bêtement satisfait, l’espace d’un instant.

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04/12/2013

L'indifférence des sens.

Hier, les pas d'une balade sur les quais de ma ville m’ont mené pour la première fois depuis très longtemps vers l’Université des Lettres ; j’ai passé la porte, l’atrium, traversé le petit patio comme si j’allais assister au cours de Littérature au Présent de Monsieur B., personne n’a réellement fait attention à moi, sauf peut-être à mon absence de cartable, à mon air d’enseignant qu’on n’a encore pas eu, qui sait ? Dans les allées, les mêmes étudiants qu’au siècle dernier, la même assurance d’un monde à conquérir. Une sociabilité dont ils ne savent pas qu’ils ne la retrouveront peut-être jamais, ailleurs. Même si c’est autre chose. Je me suis rappelé des prénoms, des visages, les ai imaginés sortir, là, juste après moi, me proposer de poursuivre l’instant, au Café des facultés. Mais je ne me suis pas attardé : à travers une porte entrouverte, j’avais aperçu un jeune professeur, en pleine action, pensé que ça aurait pu être moi, que ça aurait dû. J’ai choisi d’autres voies. Et suis reparti en Vélov’: on les chevauche plus facilement qu’on accepte que les temps le fassent entre eux.

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