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19/12/2013

Les accords explicites.

fergessen.jpgJ'avais commencé l'année 2013 en découvrant réellement - après la scène partagée du "Non Solvable Tour"- Fergessen reprendre des standards à l'Eden Rock. Il faisait très chaud à l'intérieur et le duo avait fait le job, mais je me souviens de ce moment étrange: j'étais déjà sorti, en passe de quitter la rue Mercière quand j'ai entendu, d'en bas, qu'ils avaient glissé dans la play-list "les Amants", un des titres de ce qui était alors leur premier et leur seul album, "les accords tacites". Je ne savais pas, alors, que cette sortie entre amis conditionnerait une partie de cette année à venir, que les mots qui me viendraient le lendemain à leur sujet feraient basculer nos rapports, en amitié et en projets. Tout le plaisir d'une vie d'artiste, en somme. Hier, dans la même place, le duo étrennait son "Far-Est", un album dont je peux désormais visualiser les lieux et les conditions d'enregistrement. Déférence gardée envers tous mes amis les plus talentueux, Fergessen, c'est encore autre chose, dont j'ai beaucoup parlé ici: deux monstres de voix et de scène pour le prix d'un, une synergie exceptionnelle et un dessein commun, qu'ils viennent partager là où, de plus en plus, on attend qu'ils viennent, ou reviennent. Je n'écrirais pas mon admiration, une fois de plus, si hier je n'avais pas emmené avec moi, au concert, quelqu'un qui les connaissait peu, qui ne les avait jamais vus sur scène et qui est sorti conquis. Vaincu, comme tous les autres, par ce combat permanent que David et Michaela mènent sur les planches, avec une énergie telle, à chaque fois, qu'on éclairerait la Muraille de Chine sur sa longueur en récupérant - approximativement à 0 < 10−54 kg (~5×10-19 eV/c²) - ce qu'ils dégagent sur scène. Ce qui m'a le plus marqué dans le concert d'hier, c'est cette masse sonore, qui montait, envahissait l'espace, pénétrait les âmes et les corps endoloris d'un mercredi soir à Lyon. Dans le coin où je m'étais caché, je les ai vus démarrer en duo, symbiose des êtres et harmonie des voix, égrener quelques morceaux du Far-Est, découvrir un bout, par leur drive spécifique, de ce que la suite, avec Pierre Bernard et Julien Rousset à la basse et à la batterie, allait révéler: un groupe sûr de son fait, de ses effets, jusque dans les transitions. Des morceaux qui s'enchaînent jusqu'à ce qu'on se dise que ça fait beaucoup de master pieces en si peu de temps: Back from the start - cette renaissance qui fait le nœud dramatique de l'album, Ex æquo, In Excelsis, nos Palpitants... Le spectre sonore est impressionnant de justesse, le kilim en accord (tacite) avec le fonds de scène, aux lettres blanches sur tissu noir qui marque l'antiphrase: personne ne peut oublier Fergessen une fois qu'il les a vus. Eleanor Rigby, The Wind, premier jet d'un projet Stevenson dont je serai prochainement, les danses chamaniques de Michaela, les effets de David, l'impression qu'il joue d'un instrument qui est plus que le sien, je regarde autour de moi et suis impressionné par l'hypnose qu'ils créent. Personne ne veut ni partir, ni ni surtout les voir partir: alors ils restent et nous aussi. S'amusent, partent en live au sens figuré: plus de contrôles, Johnny Rotten à la batterie s'éclate, les reprises affleurent, en avance sur les 3jours à venir pendant lesquels ils tiendront la scène, en mode animation musicale, du même endroit. Joël, déjà conquis, fond d'émotion aux premiers accords de "Fuzzy", de Grand Lee Buffalo, qui durera dix minutes, le temps qu'ils fassent chanter le public, qu'ils prennent autant qu'ils ont donné, pour rendre encore le lendemain. Je regarde Vincent Assié, qui les a tant vus et photographiés, il est presque debout sur la table, à applaudir à tout rompre. 2013 finit bien, pour tout un tas de raisons, et le Far-Est Tour continue. Je ne vois pas de meilleurs ambassadeurs de la cause musicale: dépêchez-vous tant qu'ils sont vivants.

NB: le morceau que je préfère, parmi tant que j'aime, David le joue à la cigar-box et c'est spectaculaire en soi. Si je devais jeter quelques mots sur "Far-Est", le titre éponyme, dans le cadre des chroniques que je fais pour eux, je dirais que les plaines les plus plates font les places les plus pleines. La suite, ce sera sur leur site, quand ils auront validé.

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18/12/2013

Eparses.

Il y a sans doute des moments charnières, dans une vie, au cours desquels les changements s’opèrent sans qu’on en soit conscient. Des formes d’interstice, dans le temps, oeuvrant silencieusement pendant que l’on s’affaire. Pendant ce temps, les images mentales défilent, toujours les mêmes, des changements provoqués, des décors qui ne sont plus les mêmes, des lendemains de déménagement, quand tout le monde est parti et qu’on est seul face à sa nouvelle vie, jamais que le prolongement de celle d’avant. Tout ça pour dire que, comme chaque année, je me suis livré à la phénoménologie : on coche une case et on attend que ça se passe, comme si de rien n’était.

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17/12/2013

Comptines.

Il faut croire qu'on peut raconter n'importe quoi aux enfants: outre le Père Noël et la petite souris, que Maman soit en haut pour faire du gâteau et Papa en bas pour faire du chocolat (voire l'inverse) n'a aucun sens, d'un point de vue pratique.

16:54 Publié dans Blog | Lien permanent

16/12/2013

Paradoxal Man.

J’aurai été celui qui, avec Heidegger, aura traité du avoir été et n’être plus et préfèrerait mourir plutôt que de lâcher un point à un fringant trentenaire sur un court de squash.

19:47 Publié dans Blog | Lien permanent

15/12/2013

Brèves de studio.

On allume le pré-amp, je te mute ta gratte, tu tapotes le Neuman, on rajoute un delay, un peu plus de clic, on nettoie les respirations, deuxième outil, touche Alt, le 2ème outil, on surveille la mise en place, éventuellement on re-re. Sinon, la réverb marche là dedans mais je t'ai trouvé un peu ternaire, fais gaffe.

17:59 Publié dans Blog | Lien permanent

14/12/2013

Reprises.

Cinq ou sixième session de "Littérature et musique", avec toujours la même émotion quand résonnent les premières notes de "Au-dessus des eaux et des plaines". Elles sortiront un jour, ces cinq chansons, qui s'inscriront dans le même temps suspendu que celui qu'on a déjà fait partager.

18:34 Publié dans Blog | Lien permanent

13/12/2013

VarIaT(A)ionS.

Les vœux que l’on a faits tout en faisant croire qu’on ne les faisait pas constituent à eux seuls la trame de notre existence : je m’en souviens, moi aussi. Dans la fontaine de Trévi, les chenapans qui récupèrent les pièces ne se doutent pas du sacrilège qu’ils commettent pour la seule raison que ce n’en est pas un : personne n’irait voler de cadenas sur le Pont des Arts, sauf celui qui en aurait besoin pour sa bicyclette. Mais le voleur de bicyclette, lui, pour en rester à l’Italie, commet un délit, alors que le pêcheur de centimes, par l’action qu’il mène après rend hommage et visage à l’amourette exquise qu’on avait projetée là.  La sauve du ramassis de bons sentiments qui font les petits messages, pour mieux les noyer ensuite. On attend, dès lors, que Neptune rende à l’eau son caractère apocalyptique, que les océans déchaînent leurs eaux claires et que même la fontaine, dans ses reflets brillants, les entraîne, ces badauds un peu bidons, que la pluie soit de ferraille et que les sauvageons s’extasient. Tant de beaux rêves jetés à l’eau, ça n’est plus possible, non. Parce que, dans toutes ces Rome empilées, il y en a bien une pour nous, qui reflète la richesse de nos songes d'enfants.

14:40 Publié dans Blog | Lien permanent

12/12/2013

Le froid suaire de la bibliothèque.

C1-Mausolees.jpg On n’entre pas facilement dans le « Mausolées » de Christian Chavassieux, pour peu que la science-fiction ne soit pas, pour vous, un univers familier. On y entre prudemment, les représentations mentales polluées par le peu qu’on en sait, surtout quand le roman les ramène à la surface : il m’aura fallu autant de temps pour ne pas voir dans le Palais des Fous, ce faux jeu d’échecs virtuel qui prend corps dans l’action du livre lui-même, le jeu géant, des humains bariolés en guise de pions, du Village du Prisonnier, ce numéro 6 des années 60 qui a marqué, par l’allégorie de son dénouement, les consciences de chacun de nos emprisonnements. Les manifestes comme les intimes. Dans « Mausolées », pareillement, les personnages affairés du palais de Pavel Adenito Khan se parlent par polymod, prennent des autoporteurs. Khan, un magnat à la sulfureuse réputation, sorti glorieux et enrichi de la période des Conflits dont on imagine qu’elle a englouti – c’est la part du réel dont la science-fiction se nourrit – l’humanité et son fonctionnement telle que le lecteur la connaît, dans le bus dans lequel il lit le livre de Chavassieux, dans les journaux qu’il s’inflige. Sous la plume de l’auteur, on reconnaît des choses qui n’ont jamais existé, mais qui auraient pu être, ou l’ont été en partie : la balkanisation, les conflits ethniques, les luttes de pouvoir. Kahn, dont le nom contracte, excusez du peu, Adolf et Benito, est un homme d’affaires prédominant, le véritable Maître d’un empire qui a infiltré toutes les strates de la société, jusqu’à ce qu’on reconnaît comme un eugénisme moderne (un démogénisme), ce projet Nouvelle Génération qui occulte, dans l’aseptisation des salons feutrés, les vieillards relégués dans les bas-fonds de la ville-Monde de Sargonne, les enfants qui n’existent plus que dans les souvenirs ou dans les images d’un monde passé. Ou dans les livres. Ceux dont Pavel I – puisqu’il a un double de prénom, son frère ennemi d’armes, témoin gênant d’un passé qui le rattrape – reconverti en humaniste, « bienfaiteur de l’identité »a confié le classement, le tri et la conservation au jeune Léo Kargo, dans la plus grande bibliothèque du monde, la seule qui reste, sans doute. Léo, écrivain masturbatoire, qui trompe son ennui dans les chambres d’hôtel aux grooms frappés du syndrome de la Tourette, se trouve plongé dans le patrimoine absolu, la trace unique des cultures révolues. Là encore, difficile, même si c’est horripilant, de ne pas voir l’auteur dans le personnage – un auteur avec vingt ans de moins, la durée inhabituelle de gestation d’un livre, entre sa première mouture et son éclat d’édition ? – Chavassieux traiter de son rapport au livre et à la connaissance. Kargo-Sisyphe qui s’attaque au travail qu’on lui a confié, jusqu’à la folie, puisque les livres, lit-on dans « Mausolées », provoquent une sorte d’hypnose, de séduction magnétique. Chavassieux interroge l’intelligence des bibliothèques et, cinquante ans après Sartre, leur caractère mortifère. Les pages sur l’abandon de la lecture, cause implicite de la disparition du monde, sont celles que j’ai préférées dans « Mausolées », l’axe de lecture que j’ai le plus reconnu : Jhilat, l’adversaire d’hier devenu bras droit de Khan, dit à Léo que les livres ont eux aussi devenus fous, qu’ils contiennent une vérité qui n’est plus la nôtre. Léo, au cœur du cœur de ce circuit passé (il a écrit un recueil de poésie, Méduses palpations, que son collectionneur de patron, à qui rien ne peut échapper, exhibe sous non nez, sollicitant une dédicace), est obsédé par la vérité, cachée, dit Chavassieux, dans les chairs de la bibliothèque. Il fait corps avec elle, elle le possède : la véritable humilité, quand on écrit, c’est de savoir que tout a déjà été écrit, que tout est devant soi, soigneusement rangé dans les rayons, si l’on veut bien le voir. Mais le monde nouveau a fermé les yeux sur la connaissance que l’ancien a créée et le délitement inéluctable des livres répond au chaos qui s’annonce, dont l’action de « Mausolées » annonce le crescendo. L’écriture est impeccable, comme d’habitude chez Chavassieux : on y glane quelques pistes déjà suivies, l’ivresse des foules et leur manipulation (dans le Baiser de la nourrice), une distanciation par rapport à la mort (dans le Psychopompe). On n’évite pas la tentation de la mise en abyme dans le renoncement de Kargo à la prétention, la revendication de sa médiocrité. Ce lecteur de « l’Ecclésiaste » sait mieux que d’autres que tout est vanité. Bref. « Mausolées » est un livre dense, qui divertit, au sens stratégique, comme dans le jeu qu’il contient : qui sera le Diable (avers ou revers du Samouraï), qui fera la Totta ? On croise des figures qui, associées, font des êtres entiers, comme Lilith, première femme face au dernier homme, revisitée à la sauce Cronenberg, Danoo ou l’impossibilité de l’amour. Tout est double, jusqu’à l’assaut final, mélange d’Art de la guerre et de commando kamikaze : il faut être assez fin pour prévenir et deviner les intentions de l’adversaire. On n’entre pas facilement dans « Mausolées » jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’on vient d’en lire la dernière page. Avec le sentiment de vide qui suit, l’affaire des morts ensevelis. En attendant celle des vivants.

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