02/05/2014
A Part of it.
Deuxième yellow cab pour rejoindre, en fin d'après-midi, le Lincoln Center et la Public Library, dans l'upper East Side, bordé du Central Park, éternel théâtre, dans ma mémoire, du concert mythique de Simon & Garfunkel, à l'époque lointaine de l'élection d'un président qui se disait socialiste et du dernier titre de champion de France de l'A.S St. Étienne, quand Lyon, disait-on, n'en était que la banlieue. Au programme, une exposition sur le parcours des Beatles aux États-Unis, l'impact que les quatre de Liverpool ont eu sur les Américains autant que sur moi, par exemple, qui frémis à la vue de la basse Hoffner de Paul et la Rickenbacker de John. Mort dans cette ville avant même le titre des Verts, c'est dire si le temps est assassin, et joueur. On traîne un peu dans le quartier chic, où l'orchestre symphonique côtoie la Fac de Droit, puis on remonte, à pied, jusqu'à Columbus Circle, et l'immeuble de la Warner, où malgré nos activités communes, on ne me laisse ni approcher ni bore un verre avec Salman Rushdie, que j'aurai pu croiser, contrairement à Justin Bieber, plus tard, dans la soirée. C'est New-York, tout est permis. On boit quelques Daïquiris en l'honneur d'un autre enfoiré (terme affectueux) d'écrivain, puis on remonte par la huitième avenue: il est si facile de se retrouver dans New-York, si on fait le deuil des distances. On croise un restaurant qui fait envie, le Ruth´s Chris Steak House, sur la 51th. Joe, le serveur, me promet le meilleur steak que j'aurai jamais mangé, si je ne touche pas l'assiette brûlante qui m'est servie. Je suis dubitatif en amont, mais c'est lui qui aura eu raison, pour la vie. C'est l'Amérique: on arrive avec toutes les raisons du monde de la détester, on repart avec le sentiment d'avoir été un peu rapide. Bon, c'est New-York, aussi, c'est à part... C'est une ville-monde, on trouve de tout, des scènes de cinéma comme ce couple qui nous fait face au restaurant, qui règle ses comptes à coups de conversation téléphoniques privées, jamais en même temps, toujours en se regardant de travers: connectés, mais absents à eux-mêmes. Dans l'excès, toujours, dans une ville qui a peut-être plus envie de vivre qu'elle a jamais vécu, mais qui porte le poids de son passé, de ses âges d'or, de ses fastes d'antan. Comme l'A.S St. Étienne, tiens. Demain, je finis ma journée avec Suzanne Vega, à Brooklyn. Ce sera l'heure, juste avant, du Pont pris du banc, en noir et blanc. Et des mots à trouver après lui.
05:18 Publié dans Blog | Lien permanent
01/05/2014
MoMa of Surrender.
C'est donc dans Manhattan, Midtown, dans le quartier coréen, que je loge. Un endroit stratégique, parce qu'au pied, je l'ai dit, de l'ESB et de la 5th Avenue, un moyen idéal pour visiter à pied, à condition d'avoir de bonnes chaussures, et éviter ainsi les dédales du métro New-yorkais. Ce matin, premier breakfast chez Junior's et il est décevant, dommage: omelette sèche, bacon itou, je prends un grand Coca pour m'habituer et me secouer au matin, après l'absence de nuit de la veille. Tant pis, nous avons d'autres adresses que celle-ci et le séjour gastronomique s'annonce riche. Autant que le culturel: nous remontons la 5ème, passons devant la Bibliothèque, allons visiter Grand Central, lieu de tant de films dont le "Falling In Love" du duo d'acteurs Streep/ De Niro, dans la fin des 80's: une bluette érigée au rang de film que personne - qui l'a vu - n'a oublié. Un passage chez Barnes & Noble et mon premier blue-Ray (Ben oui, j'ai rendu ma Free-box de l'URSS), ce biopic que le maître des lieux a fait de moi, sans le savoir, et cette réplique historique, que j'ai fait mienne dès que je suis en danger: "je prédis une mort par choc culturel*". Les dernières gouttes de pluie du séjour, deux blocs remontés en yellow Cab version Phoebe, à la grande joie de ma nièce pour qui, dit-elle "Friends est toute sa vie". Ma sœur et moi, dans un magasin de sports, décrétons que la nôtre, celle de basketteurs s'est terminée depuis longtemps, et fuyons. Pas loin, au MoMa, visite obligée. Et c'est bien le problème: les Escalators des cinq étages dégueulent plus de monde que la rue, encore, et c'est l'heure de la culture de masse au sein même de la culture. Des appareils numériques devant des œuvres intemporelles. Depuis que j'ai vu des armées de touristes filmer des nénuphars chez Monet, à Giverny, je préfère renoncer, même si je passe rapidement, admire les jeunes guides qui expliquent des œuvres aux plus petits, m'arrête plus longtemps qu'ailleurs dans la salle de l'Abstract expressionism, des grands formats de Jackson Pollock et des monochromes de Barnett, Newman et Reinhardt. Chez Mark Rothko, aussi. Au 5ème, les Picasso, Van Gogh et Matisse sont inapprochables, et c'est drôle de voir autant de Miró ici quand on est habitué à en voir près de chez soi. C'est difficile de partager autant de pièces censées rendre une émotion, mais certainement pas dans ces conditions. Alors on passe à autre chose, mais sans déception, pour autant: quand on va si loin, ce n'est pas non plus pour passer à côté de ça. Mais vous n'aurez pas droit à la soirée photo de ma visite du MoMa, désolé. Par contre, en sortant, en passant par Times Square, sous un soleil de plomb, allez comprendre, j'ai eu droit à mon quart d'heure warholien: une photo avec Cookie Monster.
*Whatever works.
20:07 Publié dans Blog | Lien permanent
Thursday Morning.
L'arrivée à New-York est généralement racontée sous le prisme du gigantisme, preuve que rien n'a changé depuis Céline. Les superlatifs dont j'userai resteront donc météorologiques puisque c'est sous une pluie dantesque, après un vol interminable soumis aux mêmes conditions de discourtoisie que les étapes précédentes, après un passage aux douanes somme toute paisible et rapide, que notre taxi coréen nous emmène de "Djieffequai" à notre hôtel. Un petit périple d'une demi-heure dont le seul intérêt est de découvrir les dimensions démesurées des panneaux publicitaires et l'état des routes, hors centre-ville. Avec la part de rêve en prime, quand même, les noms des sorties de périphériques, la Main Street sans exile, et, très vite, la direction sacrée, mythique, Manhattan. Qu'on suit, jusqu'à bifurquer sur le Queens, puis se faufiler dans les rues perpendiculaires aux grandes avenues. Des affiches gigantesques vantent les mérites des Giants, je croise un grossiste en fleurs qui livre dans une ambulance, et puis là, premier signe: la plaque d'égout qui fume, juste en bas des petits pavillons aux trois quatre marches d'escalier, dans l'imaginaire, ça va de Woody à Scorcese en passant par Sex & The City. Mais déjà, après trente minutes de soupe FM et d'une Macha Béranger locale, le conducteur nous gratifie d'un look look qui n'a rien de coréen: au détour de la 5th Avenue, c'est l'Empire State Building, bleu et rouge au sommet comme le crayon de la Part-Dieu, mais disons que... Ah non, on a dit qu'on n'en parlerait pas. kIl faut débarquer en triple vitesse parce que l'orage redouble. On s'effondre tout habillé parce que la journée a été double, sans nuit entre. Aujourd'hui, c'est le 1er mai. J'ai 45 ans, j'ai écrit Aurélia Kreit et je suis à New-York. It´s up to me.
12:42 Publié dans Blog | Lien permanent
30/04/2014
A heart (soon) In New-York.
Plus j'avance dans l'âge et plus je me rapproche du XIXe siècle, j'avoue que ça à un côté pratique. Se rendre compte au dernier jour d'avril et des lilas blancs qu'on m'a gentiment offert - pour que je passe mes 45 ans sans trop d'encombres - un voyage à New-York il y cinq mois et qu'il est l'heure que j'y aille. Enfin, l'heure, c'est relatif, quand on va à l'autre bout du monde, à des endroits où il est cinq heures plus tôt que celle où j'écris ces lignes, ce qui fait qu'elles me survivront peut-être, en cas de crash. Un peu comme "le Monde" du lendemain. Je suis donc là, à Orly, dans une de ces villes-fantômes qui ont fait que, depuis quelques années et après en avoir bien profité, je préfère les voyages immobiles aux vrais, qui m'obligent à subir, avant d'apprécier, trop de contingences, des trains et bus bondés qui témoignent trop de la disparition de toute forme de courtoisie et d'espace public, jusqu'aux employés grimaçants des aéroports qui ne l'ont jamais connue. Mais je ne vais pas faire la fine bouche: dans quatorze heures de plus que les quatorze heures qu'il est, je vais connaître cette ville de cinéma et de littérature à laquelle personne n'a échappé. Dans laquelle je rédigerai les chroniques qui suivront.
14:29 Publié dans Blog | Lien permanent
27/04/2014
Problème.
Le tatoueur dysorthographique faisait demi-tarif, et uniquement aux amateurs de cols roulés.
16:15 Publié dans Blog | Lien permanent
26/04/2014
Hyperboles.
Cette réflexion, ce matin, entre deux corrections d’Aurélia : c’est laquelle, la plus belle chanson du monde ? Evidemment, une fois intégré le fait que l’avis peut changer toutes les heures, et ramené le choix à la chanson française, plus la contrainte de se dire que ce serait la dernière qu’on aurait à écouter, moins celles que j’ai écrites pour Eric et qu’il chantera à mon enterrement, tout cela crée un sacré casse-tête. Jusqu’à ce que l’évidence se rappelle et me remémore cet instant pas si lointain, pourtant, où j’allai jusqu’à pousser la chansonnette en pleine présentation de « la partie de cache-cache » dans une librairie qui portait le nom de cette chanson-là, écrite et intégrée en plein film par un homme secrètement amoureux d’une actrice que le réalisateur filmait amoureusement, lui aussi, ravivant le ménage à trois du livre du même nom, qui a marqué ma vie plus qu’il aurait dû le faire. Alors voilà, les classements ne servent à rien, par définition, mais quand la plus belle chanson est dans le plus beau film qui adapte le plus beau livre, il y a matière à faire une note, non ?
17:23 Publié dans Blog | Lien permanent
25/04/2014
Rencontre.
Ce jeune homme bien mis vient me voir et me remercier de l'avoir tiré vers le haut, voire parfois, un peu, brutalisé, dans sa paresse d'époque. Il semble avoir réussi sa vie, et je me réjouis, de mon côté, qu'on puisse, à n'importe quel âge, entamer une carrière de dictateur. Il suffit d'en connaître la visée.
22:00 Publié dans Blog | Lien permanent
24/04/2014
Vitas & Védèche, In Vivo.
Il y a plusieurs façons d'aborder un concert de Nicolas Vitas et de son acolyte Gérard Vedeche. On peut, comme les fois précédentes, se présenter à l'Atmo où, tous les jeudis, le duo alterne un répertoire rock des 50's, et le répertoire perso de Nicolas Vitas, mélange de chansons perso et jubilatoires, les deux phases du personnage. Vitas et Dgé, c'est le roman picaresque adapté à la chanson, que Gérard déteste, quand elle bavarde, c'est une donne qu'il a fixée. Après, rassembler une quinzaine d'amis pour investir un lieu pas toujours favorable à l'écoute est une août façon de faire, celle qu'on a choisie ce soi, juste là, au moment où j'écris ces lignes. Vitas entre, place déjà ses mots, Dgé l'accompagne au ukulelé, et c'est " le nez au vent" qui démarre, sur son accent mi-toulousain, mi-picard, qui touche, d'entrée. Les chemises se répondent, les accords aussi, et l'on net dans le pick spécial de Vitas, qui m'aurait fait dire, le même jour, à midi, à un guitariste débutant mais prétentieux, qu'il devrait davantage s'entraîner. Dommage que, déjà, certains habitués s'approprient une place au bar qui empiète presque sur le scène: on n'a pas tous les mêmes valeurs. Mais ça commence à swinger, derrière le comptoir comme dans l'auditoire, sur "Je me suis oublié", premier solo de Dobro du père Védèche, au gilet doit comme un i. C'est le moment de l'entrée de "Tout est là", qui envoie du bois juste comme il le faut à ce moment: tout petit et tout beau, le duo prend ses marques, même si, définitivement, les spectateurs qui tentent de parler plus fort que la musique me font poser des questions sur le genre humain, et l'avenir du spectacle vivant. On s'en fout, ça accélère, la descente de Dobro s'achève sur un "tout est dit", belle antiphrase contredite par la "balle perdue", hommage nougaresque à Bourvil, comme quoi cuisine au beurre et à la graisse de canard peuvent cohabiter, sans trop de soucis. Il y a des messages cachés dans les chansons de VITAS, clown triste, qui dit avec entrain les soucis les plus métaphysiques possibles, comme la séparation, l'amour et son déni. C'est plus profond que ses lancements, il le sait, et peu importe l'attention compliquée, il entame " vider son sac", une chanson qui ferait aimer Vitas à toutes les femmes qui l'écouteraient. Dgé, au lapsteel, souligne les rimes en aque, qui claquent, autant sonorement que dans le conscient de ceux qui l'écoutent. C'est osé de balancer une ballade comme ça, en début de concert, mais ça fait taire ceux qui ne l'écoutaient pas. Deux trois hésitations, et c'est quasiment un son de pedal-steel qui lance "le Couteau". "Devenir ce que l'on est", Vitas se fait philosophe pour avancer dans son univers de blessures et de thérapies par l'écrit. Quelques claques sur les cuisses, et Vitas entame son one-man show de "Ce que je voulais dire", autoportrait physique et sudouestiste, flamencisé par Thierry, qu'on ne retient jamais longtemps. ¡Ole! Une ou deux longueurs de Dobro suffisent à reconnaître ce morceau que j'ai des le départ placé dans mon Panthéon personnel, "Nous pourrons toujours courir", dont j'aurais rêve écrire le texte, mais que, de nouveau, on écoute mal, dans ce bar. Ce n'est pas grave, les gens que j'ai invités sont dedans, eux,et le finale est enlevé, et c'est le petit assis, là, qui enlève l'admiration. Pas de transition, Vitas a décidé de faire sobre, mais on sourit, ceux qui connaissent, parce que c'est "tu y verras mieux demain" qui ouvre la Valse psychanalytique, je veux dire celle qui m'a fait perdre mes sept derniers psychanalystes en un an et demi, à force que je leur chante tidadada à longueur de séances. Ça rallonge tant qu'il y a du plaisir, et on les comprend. Ça y est, il y a le feu à l'Atmo, et je suis content de partager mon traumatisme. Les castagnettes, ça va pas avec tout, ose Védèche, pendant que les accords lancent "le Printemps au vestiaire", qui ne passe toujours pas chez moi et laisse, dans l'espace, l'occasion aux parleurs de nous faire profiter de leur brouhaha: à chaque fois, je m'imagine à la place de Dgé et fais le décompte des morts qu'il y aurait. C'est pour ça que je ne "joue", avec mes camarades de "Littérature & Musique", que dans des endroits où l'on écoute, ou l'on s'en va. C'est dommage pour eux, "le Pêcheur de centimes" enchaîne et c'est une des plus belles chansons que j'aie jamais écoutée. Je ne dirai rien d'autre: s'ils ne savent pas entendre, c'est leur problème. Moi, j'ai des oreilles, une queue et du goût. Nico sait gérer ça, même s'il doit y avoir une légère amertume à l'idée de faire danser les mêmes une semaine sur deux... Il le dit lui-même, pourtant, "je suis de bon conseil, après coup", et qui sait ce que cette sagesse, et la bouteille qu'il continue de prendre, l'amèneront à faire. Mais c'est pénible de devoir forcer la voix seulement parce que d'autres n'ont aucun scrupule à le faire. Le show continue, et si je sais la confiance que Thierry et Claire lui font, j'aimerais emmener mes amis l'écouter dans de meilleures conditions, ou venir avec trois ou quatre premières lignes de son pays d'origine. Histoire de régler la question une fois pour toutes. Nico l'a dit à l'apéro avant, un jour, il se fera tatouer sur le bras: je ne suis pas un juke-box, et pourtant, le consumérisme ambiant, qui touche aussi les Pentes de la Croix-Rousse et peut-être même plus qu'ailleurs, lasse. Je fais un signe au plus grand des bavards, il me le renvoie, goguenard. La dernière fois, on m'a répondu: "excuse-moi de vivre". Si vivre, c'est passer par-dessus un artiste vivant, eh bien, ma foi, je préfère mourir, en somme. Mais revenons: une fois "lessivé" essoré, "le ciment de nos pleurs" bute sur une voix un peu retenue, mais s'élève sur le lapsteel, qui ne doit pas avoir beaucoup de retour, sinon le cul rouge de la dame venue régler son addition. Allez, on envoie, meilleur moyen pour des musiciens d'éviter la neurasthénie. Les chaussures orange, marque de fabrique du gaillard, s'approchent de son Sancho Pança, cherchent un peu de réconfort et récoltent un lâcher-prise, à coups d'éléphant et de mouette au lapsteel. C'est "au nom du pire", et son scat, qui terminent le show et honnêtement, on préfère, puisqu'on ne peut même plus dire que l'écoute est mauvaise, il n'y en a plus. À part les quelques convives du début de soirée qui ont tenu. Vitas remercie, annonce qu'ils vont venir boire des coups et que ça va être bon. Mine de rien, ils ont tenu le show, près de deux heures de concert, et ceux qui n'ont rien écouté sont ceux qui en redemandent le plus, me dit ma voisine. C'est l'occasion pour Dgé de reprendre le ukulelé, "son plus bel organe". Vitas demande l'attention, et au moment où il lâche, enfin, en fait vous en avez rien à foutre, quoi, le silence se fait, et là, pour le dernier, tout ce qui fait le duo, un fine, ressort: l'interdépendance, le texte, la diction, le Vitas & Védèche show, à qui il ne manque que la testostérone qu'il tourne en dérision, dans la chanson. Ça tombe bien, au risque d'assumer ma misanthropie, le jour où elle sera au programme, j'aurai piscine. Allez, triomphe! Va comprendre.
Photo Vincent Assié.
23:15 Publié dans Blog | Lien permanent