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10/01/2015

Je est plein d'autres.

J'ai une heure à tuer à Genève, passe devant l'hôtel Cornavin, repense à ces deux´soirées de 2009 au cours desquelles on m'a adoubé comme écrivain : les fantômes de Chavassieux, d'Eugène Durif, de Delphine Bertholon dont je dévore actuellement le dernier roman, qui sort en février: privilège du poste et de l'état.  J'aurai donc, depuis, noué une relation particulière avec la Suisse, en tant qu'écrivain plus que banquier. Et aujourd'hui, c'est la belle et monumentale bibliothèque de Lausanne - pas très loin du dernier cinéma "spécialisé" qui jouxte la gare,  merveille d'architecture et d'anachronisme! - que je suis allé visiter, dans le cadre du lancement des ateliers d'écriture que je vais mener avec Nicolas Couchepin, sur les communes de Divonne-les-Bains et de Monthey. Une proposition de Lettres-Frontière, dont les organisateurs, comme beaucoup, ont gardé un lien particulier avec Tébessa, 1956 et son auteur. Oubliant vite, comme beaucoup, que cet auteur-là a écrit et édité depuis, mais c'est le jeu: je serai peut-être le Michel Delpech de la littérature, mais c'est déjà ça. En tout cas, Lettres-Frontière nous a sollicités, Nicolas et moi, depuis près d'un an, d'abord sur une idée, ensuite sur un projet et, enfin, depuis aujourd'hui, sur une réalisation. Puisque le quorum semble atteint, au vu des bonnes nouvelles qu'on a reçues sur place. Alors même que se profilait le spectre d'une annulation, un risque à courir, mais un coup porté à l'estime de soi autant qu'à l'imagination, puisque ce thème, "écrire son territoire", ne pouvait pas ne pas nous trotter dans la tête depuis un an. Depuis cinq mois, a fortiori, et nos interventions respectives sur le thème, pour les journées du patrimoine. La petite dizaine de personnes présentes à Lausanne étaient soit des organisateurs, soit des volontaires, qui en emmèneront d'autres. Une responsable de la médiathèque de Divonne annonce qu'il y a huit inscrits sur les dix envisagés au maximum. Cinq ou six en Suisse, pour l'instant, l'atelier pourra donc commencer, le 31, avec une double séance de travail, les deux groupes mélangés: pour aller du stéréotype à la réflexion, comme nous l'avons fait avec Nicolas, déjà, dans un petit film de promotion (en bas de la page). Les futurs écrivants sont enthousiastes, et ça fait plaisir: l'une d'entre eux nous demande pourquoi on fait ça, c'est une question étonnante, dont la réponse est complexe. Parce que les écrivains cherchent autant de moyens de gagner (un peu) leur vie que de sortir (un peu) de la solitude de l'exercice? Parce qu'on a envie, tous les deux, de relever le défi, nous qui avons déjoué, entre nous, les pièges de l'égo et de la couverture à soi? En tout cas, l'exercice est lancé, nous mènera jusque fin mai, édition à venir. À cette époque-là, Aurélia sera peut-être de la partie. À titre personnel.

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09/01/2015

Rappel.

Le deuil, ce n'est pas l'oubli, c'est la transformation en force, en présence, de la douleur.

17:05 Publié dans Blog | Lien permanent

07/01/2015

Non.

10277569_1061660540517419_5748301385162164075_n.jpgRefuser les amalgames en même temps que la terreur. Refuser simplement qu'elles soient mortes, ces personnes familières dont le métier – heureux hommes ! - étaient de nous faire rire et qui y parvenaient. Ne jamais laisser s'immiscer l'idée seule qu'on ne les reverra pas, qu'on ne les entendra plus, qu'on ne trouvera plus leur chronique chaque semaine, dans les deux derniers titres de presse indépendants. Refuser de croire que des abrutis décérébrés ont décidé de leur sort en cinq minutes, une éternité pour qui les subit, un laps dérisoire pour qui leur survit. Ne pas les dissocier, dans l'histoire, même si l'un est plus connu, si l'autre est notre préféré, ou le père d'un chanteur qu'on a aimé et qui est parti, aussi. Depuis longtemps. Refuser les notes biographiques qui encrent qu'un dessinateur est né il y a 75 ans et mort assassiné aujourd'hui. Assassiné. Un dessinateur. Rien de bien étrange, à y réfléchir : les pacifistes finissent souvent criblés de balles. Comme les poètes (« Vous n'allez pas me tuer, quand même ! » furent les derniers mots de Garcia-Lorca à ceux qui rétorquèrent : « A mort l'intelligence ! »), les intellectuels, les instituteurs : tous ceux qui pourraient, mon Dieu (« si tu existes, délivre-nous des religions ! ») nous rendre indépendants, capables de penser par nous-mêmes.

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06/01/2015

Après.

Et puis cette seconde où tout bascule, cette incroyable mesure d’un temps qui s’écroule, qu’on ne revivra que par procuration, la mise en branle, écrasante, de la mémoire juste après que l’instant est passé. Le décompte, déjà, de cet après, du regret, qui sait, du « Enten-Eller » (Ou bien… Ou bien) qui a marqué ma vie et que j’aurais préféré, peut-être, ne jamais rencontrer : on ne prend une direction qu’en pleine conscience de la direction contraire, et all that kind of things. Toute cette lucidité qui fait que la matière est inépuisable, mais qu’elle épuise celui qui l’a cherchée.

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05/01/2015

Cocher la case.

Il faudra que je résolve cette sensation que j'éprouve que les choses se vivent deux fois dans une vie, qu'on revient toujours vers ce qu'on a vécu, vers ceux qu'on a aimés, vers des lieux qu'on a quittés. D'autant plus que le temps qu'il me reste ne m'en laissera pas le loisir, je le sais. Pas plus la volonté de certains.

17:29 Publié dans Blog | Lien permanent

04/01/2015

Portraits de mémoire.

Fred Vanneyre, 30 ans, écrit, compose et s’amuse de tout. Sauf de ce qu’il sait important.

Belle Donne

On m’avait pourtant prévenu. : impossible de résister. Ni au rire, ni aux yeux. Noir profond, comme le jean, comme la veste. La chemise, elle, est bordeaux, ouverte sur un torse qu’on croirait méditerranéen mais qui s’est arrêté un peu avant, en Ardèche. A St Jean-de-Muzols : « Une maison sur une pente, avec des vignes en dessous ». Des yeux, donc, qui scrutent un moment et s’ouvrent en grand quand on pose la question : qu’est-ce qui fait avancer Fred Vanneyre ? « Tout ce qui est beau. Une fille dans la rue, un moment d’amitié. Tout ce qui fait que l’humain, par moments, devient poétique. » Poétique ? Tout est poésie, si l’on veut bien y croire. Le René Char illustré prône sur l’étagère et au travers du fourbi, on distingue d’autres noms, encore : Rimbaud, Oscar Wilde… Cioran, aussi ; la tentation est grande de faire le lien tout de suite : « C’est parce qu’on ne peut rien écrire sur rien qu’il y a autant de livres ». Rien. Nada. On y reviendra. Pour le moment, il veut nous jouer sa dernière chanson : elle est belle, elle parle du massif de Belledonne, là où, avec Claude, il aime marcher « aux deux bouts des semaines ». Elle sera sur le 2ème album de NADA, le groupe de l’association éponyme, « mais avec des points ». Et il rit : impossible de résister. La guitare sur les genoux, il raconte, parle du projet N.A.D.A, dit qu’avec le piano, les cordes, l’ensemble va être très mélodique, surprendra ceux que « Un dernier mot » avait heurtés. A propos, dirait-il encore aujourd’hui que c’est l’album qu’il avait rêvé d’enregistrer ? Sans l’ombre d’un doute : « On a fait ce qu’on voulait faire : c’est l’histoire de trois rencontres, une  d’écriture, une musicale et celle d’Eric avec le groupe. C’est aussi l’histoire de nos histoires. » Elliptique, Fred Vanneyre ? Il répond, soucieux : “On me dit maintenant que « Ouessant » est trop longue, trop exigeante. Mais quand on l’a jouée au Cœur des gens, c’était encore pire, et pourtant il y a  eu adhésion. » On lui rappelle des mots un peu durs : « j'ai tendance à croire que l’album est minimaliste par défaut et que votre exigence de départ n'est perceptible que pour vous », il élude et annonce : « Vous allez voir, nos filles vont clore le débat. » Des filles ? «  Margueritte, Camille, Adèle… », autant de chansons courtes, de figures passionnées qui vont amener NADA sur des terrains moins sombres. La voix chaude se fait convaincante, il entonne « la chanson des remerciements », celle qui parle du mald’Elvire… Un mot sur sa collaboration avec Laurent Cachard ? La question que lui-même s’est posée : pourquoi un autre homme de mots quand on a assez de verve pour se les servir soi-même ? « Peut-être justement pour éviter le narcissisme. Là, il y a un chiasme, c’est réussi. » Et Ahmed Mérabet ? « On a commencé à jouer ensemble, il me tournait autour, il avait besoin de me sentir, de me coller pour trouver la note, ça  a été dur d’être dissocié en studio. » Ces relations-là, les a-t-il toujours cherchées ? On lui parle des « gentlemen liers », avec Hervé Quaglia, de Yann et du « Nocturne » qu’ils ont enregistré. Il raconte une autre histoire pour répondre : « On m’a volé ma guitare dans le train Lyon-Paris alors que j’allais passer le Capes : j’avais décidé de tout arrêter. Et puis à Bourg, JC m’a proposé d’intégrer Sur les Quais, et Laurent m’a fait entrer dans un tourbillon de création, de rencontres. Je leur devais bien de reprendre. » Et maintenant : « Laurent m’a fait promettre de faire un album solo, je vais y réfléchir. » Une séparation ? Plutôt un pacte à la Noir Désir : on se retrouve quand il est temps de le faire. Pourquoi alors ne pas aller au bout de ses envies et reprendre les chansons qu’il répète avec Ahmed : Nick Cave, Sixteen horsepower, Murat ? Et « dans les ascenseurs, camarade », de Ferré. Ou mettre en musique « La chanson du chagrin", une des nouvelles qu’il a écrites et qu’il n’a pas le temps de reprendre. Au final, on est épris, on n’a pas envie de partir, surtout qu’il vient de proposer le vin d’orange familial. Ahmed devrait arriver, nous dit-il, il nous propose de l’attendre. Et se remet à jouer : « le silence environne, l’horizon déchiqueté autour, ta silhouette murmure mon nom, la béance m’emprisonne, me délimite, impose Vamour, qui empiète le massif de Belledonne. » On m’avait pourtant prévenu. 

portrait écrit en 2003.

19:05 Publié dans Blog | Lien permanent

03/01/2015

Décompte.

Le prix cassé des cours intensifs d'anglais dispensés par Mister Li s'expliquait par sa réponse, "If, if, between", quand les impétrants frappaient à sa porte.

20:55 Publié dans Blog | Lien permanent

02/01/2015

Autoportrait en 2003.

Il s’était juré de ne rien faire pour ses trente-cinq ans, il se rend compte aujourd’hui qu’il avait raisonné pareillement pour les 30 : « ce n’est pas pareil, se défend-il, pour mes 30 ans, j’avais décidé d’aller à Ouessant, et puis j’ai renoncé, faute de temps, faute d’argent ; j’ai improvisé une fête à la maison, elle s’est terminée à la Soierie à sept heures du matin ! ». A le voir, on est loin du cliché qu’on véhicule sur son compte : volontiers cassant, péremptoire, sûr de lui, on en passe. Une image qu’il n’a jamais comprise : « je n’ai pas attendu de faire de la philosophie pour mettre le doute en préalable de tout ce que j’entreprends… ». Il nous reçoit chez lui, simplement. Petite touche de provoc quand même, l’élégant et siglé tee-shirt Noir Désir. Il dit qu’il n’a pas supporté que Nadine Trintignant s’épanche une deuxième fois sur les drames personnels qu’elle a vécus mais veut couper court et cite Higelin pour ça : « Ah, ne m’faîtes pas dire c’que j’ai pas dit ! ». Du coup, on lui demande si des figures comme Nizan, le Hippo de « Un monde sans pitié », Alceste, le maître, ces personnes dont il aime à dire qu’elles « assènent des vérités en se regardant les ongles » (dixit le portrait que Sartre fit de son cothurne normalien) ne l’ont pas un peu sorti des basses réalités de ce monde : « c’est vrai que la vulgarité m’énerve, concède-t-il, mais faut-il accepter de passer à côté de ce qui est juste et beau parce que ce n’est pas dans l’air du temps ? ». Laurent Cachard est ainsi, toujours prompt à se transformer en chevalier des causes perdues, pourvu que l’on n’aille pas vers la concession, qu’il abhorre mais reconnaît pratiquer. Les idéaux lui semblent loin, lui qui cet été a fait un tour du côté du Larzac, le temps de manger « une tartine de pain frais beurrée avec des haricots blancs et du lard » au stand de la Conf’ Vendée et d’écouter Manu Chao. Il aurait bien aimé croiser Daniel Mermet, mais il y avait trop de monde ; du coup, c’est un mini-concert de Paco Ibañez, cet été, qui l’a relancé : « ce type avait une force, avec sa guitare, une conviction, il balance des textes fabuleux avec la simplicité du passeur de merveilles ! » La chanson n’est jamais très loin avec lui : il dit pour plaisanter qu’il est capable de trouver une chanson pour chaque mot prononcé dans une conversation, que des amis peuvent témoigner ; il montre le disque qu’il a enregistré avec Fred Vanneyre, Ahmed Mérabet et Eric Hostettler, dit que « sans l’accident, les gens l’auraient davantage apprécié » : les fêlures sont là, tous ceux qui ne seront pas avec lui ce soir, Fred, Sammy, ceux qui auraient pu venir mais qui ne viendront pas. Sa première idée de carton d’invitation ? Prendre la photo de groupe de ses vingt-cinq ans et barrer les têtes disparues : « on vit mieux ça à trente-cinq ans, le cynisme aidant. Mais quand les trahisons arrivent, c’est sûr, la douleur est vive ». La mémoire aussi. Pourtant, il garantit la réussite de la soirée qu’il organise, dit que ses amis sont d’une richesse inouïe et que – signe pour lui d’une  vie réussie, « ils sont différents ». Ce dont il avait peur avant, et qui ne l’effraie plus… Quand il s’agit pourtant de dire ce que « ça lui fait » d’arriver à cet âge, l’atrabilaire amoureux ne se démonte pas et renvoie à sa mère : « quand je ferai le bilan de ma vie », dit-elle toujours, paraît-il. Et lui ? « Oh, j’ai lu à quatorze ans qu’on n’était pas sérieux quand on a dix-sept ans  et à dix-sept ans que vingt ans n’était pas le plus bel âge de la vie, alors… » évacue-t-il. Des soucis pour ce soir, au moins ? « Que la menthe soit fraîche et qu’on ne manque pas de glaçons. » Pas la peine d’aller plus loin, visiblement : pour un soir, la métaphysique sera mise de côté. On peut s’attendre au pire, mais de ces pires dont on a tous besoin, de plus en plus régulièrement. Ce soir, cela fera trois mois qu’il aura commencé à apprendre l’espagnol, une langue qu’il s’est juré de maîtriser d’ici cinq ans, pour la quarantaine : de quoi pouvoir prononcer correctement le mot « Jerez », pour le boire plus tranquillement. Et dire une fois encore qu’entre « la perfection de Dionysos et l’amertume de Don Juan » - la définition que Garcia Lorca donna du fino, il n’a pas choisi et se refuse de choisir. 

 

16:16 Publié dans Blog | Lien permanent