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08/11/2014

Un roman à l'envers (5).

image.jpgIl y a l'Ukraine des grandes conquêtes et celle des petites victoires: la mienne aura été de partir ce matin à la conquête du métro kievien, le plus profond d'Europe et le plus cyrillique, aussi. Il faut s'engager au hasard, prendre les Escalators vertigineux pour trouver, dans les abîmes, les noms des stations et des directions sous-titrés. Ouf. Mais les numéros des rames ne sont pas à l'avant des trains, c'est donc un peu au hasard que je me suis retrouvé à la gare centrale, là où mon plus grand test m'attendait: acheter un billet de train pour rejoindre, mardi, Dniepopetrovsk, ma deuxième destination. C'est de là dont femmes et enfants sont partis alors qu'Anton et Nikolaï planifiaient de quitter Kiev en vie. Je fais la queue à un guichet, supputant qu'on y achetait des tickets. L'employée et sa copine qui l'attend de l'autre côté de la vitre ont dans les vingt ans, je me dis que peut-être, un peu d'anglais... Mais non, quand c'est mon tour, elle compte m'évacuer mais j'insiste: j'ai écrit sur un papier les données de ce voyage, elle n'a qu'à les reporter sur son ordinateur post-soviétique, ce qu'elle fait. Fier de ma victoire, et du soleil printanier, je retourne en ville, flâne du côté du parc Chevtchenko, histoire de prendre les clichés ratés la veille. Je visite la maison-musée, en aveugle, m'imprégnant de l'odeur de l'écriture, avec humilité, mais en empathie: après tout, je suis là en tant qu'écrivain. Je pense à Nikolaï, homme lettré, lecteur de Chevtchenko et de Hugo, que l'époque transforme en meurtrier, pour éviter d'être tué. Je prévoyais le musée de la Grande Guerre (la 2ème, pour les Ukrainiens), j'irai demain, ou lundi: il faut un temps à flâner, je l'ai dit, et je commence à trouver mes repères. J'apprécie pleinement ces petits riens qui signifient que notre fameux grand Tout a tout perdu: je regarde le manège bigrement efficace de cinq femmes, de tous les âges, coiffées de fichus: deux balayent les feuilles sur les larges trottoirs, deux autres saisissent les tas constitués et la cinquième présente le sac dans lequel elles les déposent. À l'autre bout du continent, on a inventé la souffleuse... La statue de Lénine a été déboulonnée, mais ce rapport à l'ordre a quelque chose de rassurant. Je passe devant le Pintchuk Art Center, je fais la queue, plonge dans un art contemporain encore plus anachronique ici, à mon sens - mais une nano-reproduction, avec loupe grossissante, du Penseur m'a plu - puis remonte. Ce soir, sauf contrordre de moi-même, j'irai diner au bord du Dniepr, en aveugle, encore. On m'a demandé deux fois une direction, aujourd'hui: ça signifie que je suis un peu d'ici, désormais.

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07/11/2014

Un roman à l'envers (4).

image.jpgEnfin le froid. Pas le grand, mais la température qui saisit, un peu, les locaux qui ne sortent plus en tshirt. Toujours ce décalage stupéfiant, également, entre les appartements surchauffés (sans autre possibilité que d'ouvrir la fenêtre ou mettre la climatisation!) et les fameux tunnels piétons à 35 degrés, juste avant de ressortir. Enfin le froid et la belle sensation de se réchauffer en marchant, en cherchant des repères, des panneaux en cyrillique qu'on commence à déchiffrer. Un grand tour pour réellement commencer à découvrir Kiev, une longue marche, des collines, des escaliers, des monuments et des places arpentés. Comme convenu - au double sens du terme - la visite de la Maïdan est touchante, comme tous les endroits qui ont fait face à l'histoire. Parmi la galerie, j'avise un portrait, il avait 23 ans, des yeux moqueurs, un sourire à deux millions de Hryvnias. Mais il a trouvé la mort, au début de cette année, quand j'étais chez moi en train d'écrire l'histoire de deux hommes de son pays essayant d'échapper à la leur, et d'en sauver leurs familles. Je ne m'autorise pas à juger de ce que les combattants ont gagné, sur cette place, ni même si on peut encore gagner, dans ce monde, autre chose que de l'argent. E l'argent, des Ukrainiens en ont, beaucoup, ce qui signifie que beaucoup d'autres n'en ont pas, comme partout. Et pour mieux signifier ça, il y a les marques, les magasins de mode, les grandes chaînes mondiales. Qui côtoient les petits métiers qui existent encore, là-bas, les marchands avec des bouliers pour compter, des balais faméliques pour regrouper les feuilles, les vendeuses de café, de maïs grillé. Je visite Sainte-Sophie, prend de la hauteur, me régale du "Regard" en mosaïque de Oksana Mas. Je continue vers le Monastère St. Michel et son bleu qui balaye tout. Visiter seul, dans un pays dont je ne peux parler la langue, invite au silence: je pense à mes personnages qui n'ont pas visité la ville, eux, il y a cent-dix ans. Mais se sont arrêtés au Ministère des affaires agricoles, devant lequel je passe, pour rentrer, juste après un passage pour saluer Chevtchenko: il est temps de passer par un supermarché, acheter les fruits que je n'ai pas osé ne pas savoir formuler sur les étals, dehors. Me confondre, un instant, avec les locaux, rentrer dans mon HLM fardé. Un proverbe ukrainien dit qu'il vaut mieux voir une fois plutôt que de l'entendre raconter cent. En un mot comme en cent, j'y suis.

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06/11/2014

Un roman à l'envers (3).

image.jpgLe Kiev historique attendra demain. Je n'y ai passé que quelques heures ce matin, le temps de m'y perdre, comme attendu, le temps de repérer les grands axes et de saluer Oleg Blokhine devant le stade du Dynamo (les puristes comprendront). Mais j'ai dû rebrousser chemin, pour des raisons qui ne méritent pas que je m'y attarde ici. Je viens juste, après les quelques heures de repos qu'il me fallait, de ressortir, et d'engager le boulevard Lesi Ukrainky à l'envers, dans la direction opposée au centre. Pour trouver du dentifrice. Pas une mince affaire: dans ce quartier comme ailleurs, centre-ville excepté, les magasins n'affichent pas la couleur: les vitrines sont opaques, et chacun d'entre eux se consacre à une seule tache. Malheureusement, je n'ai besoin ni d'armes à feu (impressionnant attirail!) ni d'appareil de musculation. Juste du dentifrice. En continuant, j'avise une petite épicerie à l'ancienne, faite de quatre comptoirs distincts: des produits d'alimentation, d'autres de toilette, ou de bricolage. Je fais la queue avec précaution: Antoine m'a dit hier qu'elle était sacrée pour les Ukrainiens et que tout resquilleur se risquait au bourre-pif. Je ne vois pas de dentifrice, mais je me dis qu'avec mon talent d'acteur... Las, la dame s'impatiente, et je repars avec de l'eau minérale. Plus haut, je trouve mon Graal: une petite boutique affectée aux produits de soin, où on se sert nous-même. Je fais le tour des rayons, ne trouve pas le dentifrice, m'attarde dangereusement sur des produits d'hygiène de l'autre sexe. Puis me risque à demander: à l'intonation, je devine la réponse et vois apparaître, au coin de la caisse, le Colgate rassurant. Ma première immersion solo est une réussite, je poursuis, aperçois la marque universelle, celle que les ados, maintenant, confondent avec le Métropolitain parisien. C'est au pied de ce M de m... que je teste mon premier tcheboureko, un friand à la viande, à 14 Hryvnias, 1€, à la louche. Un food-to-go qui, avec l'allure vive et affairée des personnes qui rentrent chez elles, et le look très apprêtée de la gent féminine, me fait penser qu'entre New-York et ici, tout n'est question que d'un point de vue de l'histoire. Il n'empêche, la politique des petits pas me conduira demain jusqu'à Chevtchenko, logique. Et Maïdan, évidemment.

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05/11/2014

Un roman à l'envers (2).

Antoine appelle l'Ukraine "l'Afrique blanche", au regard d'une certaine nonchalance qui la caractériserait. Quatre années d'expatriation ici, le temps de tomber amoureux d'une Russe, pas au bon moment, pas au bon endroit. Il y a hiatus, historique et inextinguible, entre l'Ukraine et sa mère partie dont elle refuse la maternité, la jugeant inclusive et autoritaire. Des poètes ont payé cette émancipation de leur vie, de leur exil. Antoine n'en est pas là, ni dans la vie, ni dans la poésie. Mais il a vu la ville se transformer en champ de bataille, témoigne de l'odeur du sang, encore, dans certains quartiers. Il a été là où l'histoire s'est jouée, en a tiré une méfiance plus grande encore envers la façon occidentale de constamment la réécrire. On a parlé de ça, de foot et de tennis. J'ai gagné une soirée de vie et d'apprentissage: le pain est noir, ici, mais j'ai commencé par le blanc.

23:28 Publié dans Blog | Lien permanent

Un roman à l'envers (1).

Il suffit de tomber sur une horde de retraités français, bruyants et potaches, pour détester les voyages. Mais le seul survol du Bosphore, le souvenir heureux et incarné auquel il me renvoie, m'a redonné le sourire en arrivant à Istanbul, passager très spécial en transit, comme disait l'autre: non que j'aie changé de statut, d'un coup, comme ça, mais sur les dizaines de milliers de voyageurs, dans cet aéroport, combien sommes-nous à partir au bout du Vieux Monde, suivre les traces de personnages de papier? 2044km au compteur, affiche fièrement l'écran, dans l'avion, et quelques heures, encore, quelques autres milliers de km, avant que je débarque en Ukraine. Ce projet si irréel, ce parcours pratique à restituer par écrit, je vais l'éprouver, avec des inconnues qui, dit-on quand on n'y est pas, en font le charme. La première difficulté - se débrouiller pour rejoindre sa location de l'aéroport, dans un pays où la langue, écrite et orale, est totalement étrangère - est levée, d'ores et déjà: grâce à un ami d'enfance, un chauffeur m'attend là-bas. Pas de quoi me faire perdre la tête non plus, tout juste une concession. Et ce même rapport au monde, en décalage: pour le remercier de cette attention, je lui ai apporté des livres.

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04/11/2014

Faute de (petite) frappe.

Paix à son arme.

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03/11/2014

Fortune.

C'était pourtant une belle idée littéraire, cette somme de péripéties heureuses, cette chance qu'on sollicite et qui répond, à chaque fois, jusqu'à la fin, ce moment où elle présente la note.

17:45 Publié dans Blog | Lien permanent

02/11/2014

Les moments Jules & Jim.

Rien à voir avec une éphémère participation au blog d'une librairie éponyme, mais tout avec cet instant, dans le roman d'Henri-Pierre Roché et le film de François Truffaut, où la vie de deux des protagonistes se voit suivre un autre chemin que celui qu'elle aurait pu prendre s'ils s'étaient retrouvés au rendez-vous fixé, si lui n'avait pas quitté le café dans lequel, pensait-il, elle ne le rejoindrait pas, si elle n'était pas arrivée avec une heure de retard à ce rendez-vous là. Quelque chose de l'ordre de la phénoménologie, mais tout n'est pas intelligible, dans ce monde.

18:26 Publié dans Blog | Lien permanent