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06/03/2010

Evian, Cocteau ou moi.

Evian PL.jpgEvian, ville d’eaux majestueuse et, me rappelle Patricia Delpeau, ville plus que symbolique quand on vient y parler de la Guerre d’Algérie. C’est idiot, mais je n’y avais pas pensé avant. Sans doute parce que Tébessa est antérieur à l’accélération des événements. J’ai dit, souvent, que je n’aurais pas écrit le roman si son personnage avait vécu les choses atroces qui ont suivi les premiers attentats, les premières embuscades, terribles mais sporadiques. Evian m’accueille le lendemain d’Yverdon et le lieu, comme prévu, est écrasant de majestuosité. Quand Patricia nous donne, à Eric Hostettler et à moi, le choix entre deux salles aux acoustiques différentes, celui-ci est vite fait quand on découvre la salle Graziella, sa rotonde, son ouverture sur le lac Léman, on se demande un temps ce qu’on a fait dans notre vie pour mériter ça. Mais ça nous passe vite. L’installation, les essais de voix, les gens qui arrivent plus vite que prévu et ce que Patricia n’avait de cesse de me prévenir finit par arriver, en somme : nous serons donc une petite dizaine dans ce cénacle. Mais, comme à chaque fois, le profil des recevants varie, et c’est tant mieux. Aujourd’hui, je comprends vite qu’une partie du public est composée de personnes qui ont aimé le roman pour ce qu’il est, et que l’autre l’a apprécié pour ce qu’il pouvait solliciter de ce qu’ils avaient eux-mêmes vécu. Je m'adapte, avec moins de force que j’aurais voulu et pensé y mettre. Est-ce l’autorité des argumentaires qu’on m’objecte, est-ce la perspective de ne pas m’étaler trop parce que je dois, je veux, laisser la place à Eric qui me représente aussi en tant qu’auteur? J’ai parfois l’impression, nouvelle pour moi, que le discours m’échappe, que je n’apporte rien de plus que l’œuvre a déjà donné. Je me console vite, je sais que c’est plutôt monnaie courante chez des auteurs qui se déplacent, je sais aussi que je vais, indirectement, frapper fort avec les textes que j’ai signés pour « mon » musicien… Je reprends quand même une ou deux fois la main, sur l’exercice de relecture, sur l’épistémologie propre à l’inscription dans une période donnée, ancrée dans le temps et dans l’histoire. Patricia me relance, je lirai, en tout et pour tout, et en plus du début, le passage sur le « Cedrus libani » et l’extrait quotidien de la « partie de cache-cache »  – je m’accorde cette habitude, puisque je suis au deuxième jour de mon Odyssée. Je cabotine un peu, encore, espère publiquement des gens présents qu’ils ne m’oublient pas d’ici six mois, histoire que les réseaux fonctionnent un minimum pour ce roman à venir, que je défendrai bec et ongles, quoi qu’il arrive. Je laisse la parole à Eric avec un quart d’heure de retard sur l’horaire prévu, à cette heure dînatoire, peut-être n’était-ce pas la meilleure des solutions. Pourtant, personne n’a quitté la salle quand il entreprend son récital: sur sept morceaux, il y a des points d’orgue, il le sait, le ressent, « l’embuscade », évidemment, au vu de l’émotion déjà sollicitée par le roman, « quand mes filles seront parties », pour tout ce qu’elle dit qu’on n’avait encore jamais dit comme ça, « au-dessus des eaux et des plaines » pour l’absolu équilibre qu’elle sollicite. Le concert s’achève, on ne sait pas si ce qu’on a proposé a satisfait les personnes présentes mais, sur le nombre, il y a  déjà des personnes qui viennent me dire que j’ai de la chance d’avoir quelqu’un qui sait si bien interpréter ce que j’ai à dire. Je ne peux qu’acquiescer, mais ne dis rien, sinon merci. On a sans doute fini un peu tard pour eux, qui sont partis vite après le concert, mais j’ai eu le temps de remercier qui a objecté à « Tébessa » sa fonction de lieutenant de l’armée française dans l’Algérie de 60-61 - à laquelle, dis-je avec ironie, Gérard a échappé - qui d’autre objecte gentiment que Richard, l’ami que Gérard se fait sur le bateau, ne pouvait pas être fils de diplomate parce qu’à l’époque, il ne pouvait y avoir de diplomate dans un département français…

Dans les rencontres Lettres-Frontière, il y a, forcément, une part de désacralisation, un moment où l’auteur ne peut pas apparaître autrement que tel qu’il est, dans la vie. Le contact lié au préalable, plus l’aventure de la veille, ne m’auraient, quoi qu’il en soit, pas entraîné sur d'autres terrains, mais la soirée, relâchée et drolatique, passée avec Patricia et Laëtitia – t-i-t-i-a -  , la présence amicale d’Hervé Beynel, les égides, tardives mais signifiantes, de Claude Gensac, Michel Galabru et Pierre Douglas - des têtes d’affiche inversement exigeantes à ce que j’ai vu de la sélection, surtout cinéphilique, de la Médiathèque – aura emporté le tout, en ce soir symbolique d’Evian.

J’ai accepté une trilogie, en amont. Dans six heures, à peine, je parlerai de Tébessa à Vougy, pour un petit-déjeuner littéraire. Que les gens de là-bas ne s’inquiètent pas pour autant : je veillerai à leur donner tout ce que je peux, autant, sinon plus, que ce que j’ai donné la veille. Je ne m’écroulerai, s’il le faut, qu’une fois la rencontre passée. Et si je dois revenir, ils le savent maintenant, à Evian comme ailleurs, je reviendrai.  A la nage ce sera dur, mais par bateau, une fois de plus, volontiers. Quand je ne serai plus en concurrence, dans le même Palais Lumière, avec Jean Cocteau, que j’ai salué mais dont, jusqu’à nouvel ordre, j'attends la réciproque.

 

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05/03/2010

Le don d'hiver à Yverdon

bat.jpgJe n’ai pas, juste avant d’y aller, posé la question du nombre pour la remettre en cause juste après : à Yverdon, après Chessex, j’ai fait face au plus petit comité qu’il m’ait été donné de rencontrer depuis que je suis rentré dans le cercle des rencontres de Lettres-Frontière, mais je dois dire immédiatement que ça n’a altéré ni la qualité de l’accueil ni celle de l’écoute, encore moins, je l’espère, la teneur de ce que j’avais à donner moi. Face à une quinzaine de personnes, dans le coin de la bibliothèque, j’étais venu, à la demande de Pierre Pittet, avec de la matière, de celle qu’on met sous verre : deux vitrines abritaient les œuvres que j’ai commises avec Jean Frémiot et avec Jean-Louis Pujol et des traces de la vie perdue du soldat Gérard Poncet. Des éléments de la matière que je ne jugeais pas utile, juste là, de montrer, mais que j’ai amenés en Suisse justement parce que les Suisses, dans ce type de rencontres, ont un rapport moins passionnel, forcément, avec la Guerre d’Algérie et me ramènent donc moins au biographique, dont Tébessa est exactement, je pense, la démonstration de la façon dont on doit s’en sortir. Le temps que j’installe tout ça, que la libraire installe les exemplaires et les personnes arrivent déjà, on commence en fait sans avoir l’air de commencer, Pierre, l’animateur culturel responsable des rencontres, me présente, avec le professionnalisme de celui qui s’est documenté, allant jusqu’à me questionner longuement au téléphone, préalablement, sur les thèmes que j’allais aborder, les passages que j’allais lire… Il me prêtera toutefois un roman que je n’ai pas encore écrit, sur « le difficile chemin d’Aurélia Kreit », omettant celui dont j’ai commencé à corriger les épreuves dans le train que me menait vers lui, afin de me convaincre un peu plus que c’était bien un écrivain qu’ils attendaient. On commence, j’aborde directement la question du biographique, de l’histoire familiale, de sa re-création. On parle des lieux, bien sûr, de l’universalité de la guerre et de ses corollaires, l’absurde et l’horreur. Je raconte que dans le train en venant, le jeune soldat en uniforme, visage dur et impassible, Famas en bandoulière, m’a convaincu, en plus de me foutre la trouille, que comme Rivière, c’est l’arme et son pouvoir qui auront déterminé l’homme qu’il deviendra, alors que pour Gérard, c’était l’inverse. Je parle d’édition, dis un peu de mal (pardon) de certains de mes congénères, Aragon en tête, beaucoup de bien d’autres, Nizan (bien fait pour Aragon), ceux de LF, ceux de la guerre d’Algérie (pas ceux qui l’ont faite, ceux qui l’ont écrite). On m’interroge, subtilement, sur l’exigence que je porte à l’écriture quand je parle de mon « livre-monstre » et dis que je renoncerais à l’écriture si mes livres devaient seulement se rajouter à d’autres. Sur les références philosophiques à partir desquelles j’ai donné à Gérard la dimension métaphysique qui est la sienne. Je rencontre les mêmes personnes qu’ailleurs, celles que Tébessa a touchées et qui veulent me le dire. J’en rencontre d’autres, qui ne l’ont pas lu mais que j’ai convaincues, alors que, sempiternellement, j’ai le sentiment d’avoir été bavard, dépassant sans doute le temps qui m’était imparti. Mais, comme ailleurs, les gens sont restés, ont eu l’air d’apprécier, c’est toujours une vraie bonne surprise. Je ne me suis pas répété, j’ai lu des passages que je n’avais encore jamais lu et, comme annoncé, j’ai donné en exclusivité aux lecteurs d’Yverdon le premier paragraphe du premier chapitre de « la partie de cache-cache », le roman que j’ai bel et bien écrit et corrigé dans le train. A haute voix, j’en ai entendu les correspondances avec Tébessa, pas seulement dans le monologue intérieur. Je crois rêver quand je m’entends défendre avec passion le personnage sublime de la petite Emilie… A la bibliothèque d’Yverdon, c’est du pré-prime time, à 20h30, je dois laisser les gens partir, ça fait deux heures que j’ai commencé à parler. Et à répondre. Je pars dîner en ville avec Pierre, le tutoiement est désormais de rigueur, ce jeune homme est remarquable d’érudition et de clairvoyance. Je lui dis que, ici comme ailleurs, je reviendrai, même sans Lettres-Frontière. Par chance, je crois même qu’il verrait ça d’un très bon œil. Il reprend son train, chacun son tour, doté d’une chaleureuse invitation à une balade dans la Croix-Rousse du roman. Moi, je dors à l’hôtel du Théâtre, clin d’œil à ma journée commencée tôt à me recueillir religieusement (en bon polythéiste grec) sur des vers de Corneille. Pourquoi est-ce que, en m’endormant, je pense à « l’Amant », de Marguerite Duras ? Parce que dans quelques heures, je prends le bateau et traverse le lac Léman pour aller à Evian. La vie rêvée des écrivains…

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03/03/2010

Les Carnets de Tébessa

spirale.jpgOn s'interroge toujours sur la nécessité de tenir un blog, sur la dose d'égotisme (au mieux) qu'il faut pour se persuader que ce qu'on a à dire peut intéresser de virtuels passants. Il en est même, j'en connais, qui voient ça d'un mauvais oeil, qui en deviennent presque moralistes, du coup. Ceux-là, paradoxe à part, tiennent parfois un journal, qu'ils donnent à lire, qu'ils envoient par "newsletter"... Moi, je porte cet espace à bout de bras parce que je ne peux pas me résoudre, même si c'est amusant, aux brèves de FB ou aux messages laissés sur un forum. Je crois encore, je l'ai écrit souvent, à l'histoire en train de se faire et donc de s'écrire. Pour tenir, il faut des rencontres, des vraies, des condensés d'humanité. Demain, je fais l'expérience de la tournée, j'ai concentré les heures de mon premier métier pour pouvoir profiter en plein du deuxième, vous savez, celui qui devrait être le premier mais qui n'en est pas un. Je pars, littéralement, à la rencontre de trois fois plusieurs personnes, dont le nombre importe peu parce que je suis déjà assuré de la qualité de leur écoute. C'est un vrai bonheur qui m'est offert; franchement, je ne vois pas au nom de quoi je devrais ne pas continuer à en faire profiter ceux qui passent par là. Quel que soit leur nombre, à eux.

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27/02/2010

L'Insecte et le Sacré

C'est le titre de ma nouvelle collaboration avec Jean Frémiot, à partir des photos superbes qu'il a prises et qui constitueront le début de la collection de l'Abbaye de Noirlac, dans le Cher. J'en parle avec esbroufe parce que je n'ai encore rien écrit, mais dix années de collaboration me suffisent pour savoir que quand une de ses images me parle, les mots font leur office eux-mêmes, et sortiront quand ils le voudront bien.

 

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photo Jean Frémiot© tous droits réservés.

 

 

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26/02/2010

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25/02/2010

Ecrivain berrichon

paysage_boischaut.JPGDans "la partie de cache-cache", les lieux ont une importance particulière. L'action se passe quelque part dans le Boischaut sud, en hommage inconscient et coïncident à Nancy Huston, les trois personnages vont à l'école dans le même village, mais l'un habite en ville, à Bourges, l'autre est un vrai rural avec ce que ça entraîne comme déterminismes culturels, et le troisième découvre qu'on a vécu avant lui dans une ville plus lointaine dont on voit les panneaux partout, dans les alentours. Comme une tentation.

Bref, je suis à Pigny, il pleut et je regarde des panneaux. Je ne serai sans doute pas prêt pour l'échéance que je me suis fixée, mais j'y travaille.

12:09 Publié dans Blog | Lien permanent

20/02/2010

La musique, la matière

dominique-a-itw-2-2.jpgLa première fois, c’était le 11 mai 1995, au B’52, un endroit absolument inapproprié et la dernière fois, c’était hier, presque accidentellement, au théâtre de Bellegarde. Dominique Ané en concert, c’est l’assurance d’un concert exigeant et propre. Plus rock qu’à ses débuts, toujours avec cette façon unique de parler quand il chante et d’aligner la mélodie sur les dernières syllabes de la phrase. Beaucoup de mots dans les chansons de Dominique A. et des histoires qui racontent un vécu accidenté mais retenu, avec quelques traits d’humour et de distance. L’avantage, c’est qu’il prévient : « attention, dans cette chanson, il y a un trait d’humour », dit-il, avant de chanter une vie dans laquelle ses cheveux auraient repoussé ; « attention, la prochaine chanson ne contient pas une once d’humour », rajoute-il, avant de lancer son « Nanortalik ». Les chansons de A. parlent de neige, beaucoup, d’amour, un peu, et de Manset et même d’un « atroce chanteur des 80’s », qui a droit à sa chanson-thérapie. Le groupe est vraiment bien en place, le son est sourd et clair à la fois, la façon très particulière dont Dominique A. joue de la guitare, l’avant-bras cassé et le rythme saccadé fait merveille, « hasta que el cuerpo aguante ». Il a changé, en quinze ans, forcément, il est plus à l’aise avec le public, il joue un peu des attentes, sait qu’en face, il y en a qui attendront « le courage des oiseaux » et « le Twenty-two bar ». Les cinq ou six concerts que j’ai vus de lui m’ont permis de savoir qu’il ne la chantera pas, cette chanson qu’il a sabordée en direct un soir de Fête de la musique, « à la télévision française ». Alors, il continue, il y a des chansons qui parlent de la musique, par mise en abyme. Et d’un « sens », toujours pas trouvé. « La musique » et « la matière », ses deux dernières productions, de celles dont on se demande maintenant comment elles permettent à leurs auteurs de vivre d’un art exigeant, mais toujours respectueux de l’entreprise artistique. Dans les chansons de Dominique A., les mots sybarites et glandeurs-nés cohabitent, il faut peut-être un dictionnaire pour comprendre, mais ce n’est pas pire qu’inextinguible ou acrimonie, non ? Le sybarite est une personne qui vit dans la volupté d’une forme de mollesse, ce qui colle plutôt bien à l’air esthète de celui à qui les Inrocks ont un jour consacré une Une qui titrait « enfin la chanson française dont vous n’aurez pas honte ». C’était idiot et peut-être a-t-il mis quelques années à s’en défaire, de cette image de préciosité. Mais là, dans le théâtre de Bellegarde, après le concert, il signe, souriant, les EP inédits qui ne se vendent que les soirs de concerts. Ça me permet de lui faire un signe discret, de lui dire que je suis un fan absolu et historique du « Gros Boris » (ah ! « mené droit chez l’herboriste »…), de repartir avec mon exemplaire et la certitude de ne pas attendre aussi longtemps pour retourner le voir sur scène. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour « la peau « . En plus, vous savez quoi ? Le troisième rappel, après « nous marchions sous la neige », c’était « le Twenty-two bar » et « le courage des oiseaux ».

 

11:30 Publié dans Blog | Lien permanent

12/02/2010

Article Bloye

 

laurent cachard_hebdo des savoie_2010-02-11.jpg

 

 

 

J'en avais assez dit pour que vous sachiez que c'était vrai.

Je reviens lundi.

 

17:12 Publié dans Blog | Lien permanent