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01/05/2010

Cosmopolite.

J'appréhendais un peu de passer des Canaries aux Pays-Bas, mais ces périples ont continué de me persuader que les richesses sont ailleurs, que notre système et notre culture sont trop renfermés sur eux-mêmes. Aux Pays-Bas, la moindre personne rencontrée là où nous sommes allés est polyglotte, s'est formée aux quatre coins de l'univers et n'envisage pas une seconde de rester trop longtemps au même endroit. Pour moi qui suis un peu casanier - parce que systématiquement rebuté par l'idée de tourisme - ce fut un choc, un accident supplémentaire, dirait Virillio. J'ai des envies de changement, notoires, de ruptures, de mutations, mais humaines, pas administratives. J'ai envoyé une bouteille à la mer qui, par effet papillon, pourrait m'envoyer quelques mois aux antipodes de là où je vis, l'année scolaire prochaine. D'ici là, j'aurai rendu la copie de ce dont je vous parle depuis des mois au risque de vous lasser; j'aurai pris les quelques rendez-vous qui me seront accordés pour en parler, pour partager ça de façon plus humaine, sans risquer indifférence ou condescendance. J'aurai avancé, j'espère, sur le projet de la comédie musicale que nous avons commencé, Eric Hostettler et moi, à ébruiter un peu et à laquelle nous croyons beaucoup. J'espère que j'aurai survécu, dans le même temps, aux contingences qui vont lester mon dernier trimestre. Et que j'aurai trouvé le temps, également - et enfin - de reparler de Belletto et de ce superbe "Hors la loi" qui donne encore plus envie de suivre, très modestement, quelques-uns de ses pas.

 

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25/04/2010

Les bretelles et le Psychopompe

Je rentre à peine des Canaries, où j'ai trouvé un îlot magnifique de latinité; je reparlerai du Teide et de sa présence omnisciente, mais je dois, pour l'instant, refaire mes valises et repartir, dès demain, pour les Pays-Bas et, entre autres, le musée Van Gogh que je n'ai encore jamais vu. Pour vous faire patienter et pour démentir, une fois de plus ici, l'idée que les auteurs sont - seulement - égocentrés, je fais circuler cette vidéo présentant le Psychopompe de Christian Chavassieux, que j'espère trouver chez mon libraire dès mon retour. D'ici là, encore une fois, ne m'oubliez pas: j'aurai des choses à dire sur "la partie de cache-cache", d'ici peu.


Christian Chavassieux "le psychopompe"
envoyé par avp_diffusion. - Films courts et animations.

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14/04/2010

De Mesmaeker & moi.

IMG_0086.jpgJ'ai assez redouté l'épreuve de l'éditeur sur cette page pour ne pas me réjouir de l'accord trouvé entre nous sur ce qu'il fallait à "la partie de cache-cache" pour exister sous forme livresque. Quelques vingt-cinq feuillets, à vue de nez, et un enterrement plus tard, les exigences de ce premier des lecteurs m'apparaissent beaucoup plus clairement qu'auparavant. J'ai reçu, également, la consigne de ne pas m'empresser, ce qui est la première des conditions qu'un éditeur doit fixer à son auteur. J'ai trois mois - comme prévu, en fait - pour trouver l'équilibre, les ruptures, pour ramener la situation sur le devant de l'écriture. J'ai posé "Belle du Seigneur" sur mon bureau, comme un garde-fou. C'est donc en juin que je rendrai ma copie terminée, en septembre que le livre sortira.

Je peux partir rasséréné aux Canaries, vendredi, prendre un peu d'avance sur les retombées de cette année tendue.

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11/04/2010

L'anamnèse de Mégevette

IMG_0071.jpgThéorème de la rencontre Lettres-Frontière : plus la commune est petite, plus le nombre de participants aux groupes de lecture est important. A Mégevette, dans le cœur de la vallée, il y a quelque chose comme 400 habitants, dont un peu plus de 6% s’est déplacé dans la salle du presbytère reconvertie en bibliothèque. Et heureusement. Parce qu’il y a eu quelque blasphème de prononcé dans la soirée. Une soirée magnifique, entamée (après une sieste réparatrice à l’auberge du village) vers 18h30 et terminée vers 23h30, après un after – comme disent les jeunes – qui fera date dans l’histoire, généralement feutrée, des rencontres littéraires. Une petite salle comble, un auteur acculé à des étagères bien garnies, une micro-arène que je préfère affronter debout et les débats qui commencent, qui abordent les questionnements habituels, et d’autres qui ne font pas dans la complaisance : on me demande si j’ai considéré le droit moral d’aborder un tel sujet, on me fait part de débats passionnés sur le sujet. Je réponds, je ne me défends pas, j’explique : je reparle de la part épistémologique propre à l’exercice, du rôle de la fiction dans le travail de mémoire. J’aime aller au combat, ça tombe bien, mais la bataille est d’ores et déjà gagnée, tant ces lecteurs là, si avisés, ont été conquis. Par Gérard, ça, je le savais. Par moi, il me restait à le prouver. Puisqu’il est acquis parmi les organisateurs que je suis un auteur bavard, je ne démens pas, je me lâche, après tout, c’est ma dernière sur le sol français. J’aurai existé comme auteur une fois, même si, évidemment, j’aspire à revenir, à recommencer, à convaincre avec un autre roman, moins consensuel. D’ailleurs, puisqu’on s’intéresse à ce que j’ai fait, à ce qui a précédé Tébessa, à ce qui va suivre, je les soigne, quitte à passer pour l’incontrôlable de service, au vu de mes activités diverses : parolier, dramaturge, romancier et, désormais, auteur d’une comédie musicale qu’il va bien falloir livrer, puisqu’elle a suscité des attentes.

On me dit que le début de Tébessa correspond exactement aux souvenirs d’un père, d’un oncle, d’un parent qui lui est revenu. Je réponds, m’appuyant sur le Des hommes de Mauvignier, qu’on peut être revenu d’Algérie et y avoir laissé sa vie, même en n’y mourant pas. Yves Peyrani, vice-président de Lettres Frontière, venu pour l’occasion, me fait l’amitié de me dire que Tébessa lui a permis d’envisager autrement ce qu’il a vécu, lui, en Algérie. C’est touchant, et ça valide, dans le même temps. Il me reste à débattre, quelque part avec lui, de ce rapport entre le vécu et la fiction, avec grand plaisir.

La soirée s’est déroulée, mais il manquait sans doute quelque chose pour qu’on la recommence : Eric a livré deux autres chansons de « l’Eclaircie », plus une autre chanson de la comédie. « Le café des écoles » m’émeut au plus haut point, j’écoute cet homme-là interpréter mes mots sans me rappeler une seule seconde que c’est moi qui les ai écrits : ça me permet de les trouver formidables. Il paraît que je dois reprendre la parole ; une idée me traverse l’esprit, pour que l’instant soit immortel : je lis « Ouessant » à même mon téléphone portable – miracle de la technologie -, je pense avec un amour infini à Fred Vanneyre, systématiquement parmi nous. Je lis aussi – alors que j’avais pensé « au choix » - quelques passages de « cache-cache », avant de renoncer, la mort dans l’âme, à prolonger la conversation. Comme on reste parfois toute une nuit à parler et à refaire le monde parce qu’on sait que ces instants-là sont très largement supérieurs à ceux qu’on vit sous la contingence.

Monsieur le conseiller général, député suppléant, dira de moi, et me dira en face, que j’ai le charisme et l’éloquence pour faire de la politique : je lui réponds par dédicace interposée que la rhétorique et la passion ne sont pas que politiques, et que je n’aurai pas forcément besoin de concéder pour « réussir ». Réussir quoi, au juste ? Le tout n’est-il pas déjà réussi, au-delà de mes espérances ? Je termine mon « Never Eding Tébessa Tour » en ayant fait bouger quelques lignes, en ayant un poil brusqué les habitudes : le vice-président confirme. Je reparle de mon décalogue, je n’aurai pas manqué de dire l’admiration que j’ai pour des auteurs de ma « promotion », Chavassieux, Sandoz, d’autres. C’est terminé, vraiment ? Non, je vais aller à St Maurice au mois de mai, à un horaire inhabituel (12h30) : c’est là-bas que je libérerai ce roman qui m’aura emmené là où je n’aurais jamais osé espérer aller. « Les lilas blancs de mois d’avril », déférence gardée envers mon impéritie horticole – qui en aura gentiment choqué plus d’un – ne sont pas près de faner, dans ma mémoire, et pas seulement.



l'école buissonnière (L.Cachard/E.Hostettler)
envoyé par cachardl. - Regardez la dernière sélection musicale.

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Samoëns : Prométhée, Tantale, Sisyphe & Starmania

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Balade alpestre dans la commune de Samoëns, ce samedi matin, pour mon antépénultième rencontre Lettres-Frontière. Déjà près de deux ans que Tébessa est sorti, mais l’envie d’en découdre avec la réécriture de la « partie de cache-cache » ne gâte pas le plaisir que j’éprouve à rencontrer des lecteurs. La rencontre de ce matin s’est déroulée dans une atmosphère détendue, mes hôtes ayant compris désormais qu’il suffit de me laisser parler pour que tout s’enchaîne : les renvois au livre, aux livres – jamais autant parlé d’Hamlet autour de Tébessa, tiens ! – à la matière biographique, aux lieux etc. On parle de philosophie, entre deux insanités sur Aragon (ma spécialité, désormais), de ce qu’est un homme, au bout du compte. Pas à la moitié du temps donné, comme le chantera juste après Eric Hostettler, mais au tout début, dans la jamais si bien nommée fleur de l’âge. J’ai déjà si souvent dit qu’il fallait que je laisse ce livre vivre sa vie que je sais d’avance qu’il reviendra, porté par les vagues d’affection que les lecteurs lui portent. Comme souvent, même si la nuit a été courte, je donne tout ce que j’ai pour que les personnes présentes me gardent un peu en mémoire, autant qu’ils garderont Gérard. Je décrète officiellement le recomptage des voix du coup de cœur de LF 2009, tout en défendant Delphine Bertholon. Je me décrète Roi du pays de rien, à mon tour, puisque je n’ai pas non plus été retenu par la Région pour l’adaptation cinématographique, pas plus que « cache-cache » le sera pour le Prix des lycéens, puisqu’il leur faut, paraît-il, des romans gais. Je leur explique que je n’existe pas encore comme écrivain dans ma ville, que même la Croix-Rousse ignore le chant d’amour que je lui ai consacré à travers ce roman. Je m’en amuse, eux s’en offusquent. Voilà des personnes, encore une fois, qui attendront ce que je vais sortir, qui m’aligneront, une fois rentrés, dans la bibliothèque à côté des Fusaro, Chalandon, Bégeaudeau, qui m’ont précédés dans la petite bibliothèque en sous-sol, au cœur du dédale. Je lis quelques passages du roman, je veux montrer à Piou-piou que les auteurs savent aussi lire en public, pas sûr que j’y sois parvenu. Je digresse, comme d’habitude, je parle de mon sens inné de l’horticulture, des manèges de la Vogue de la Croix-Rousse, de cette fameuse promenade que je ne manquerai pas de refaire bientôt. Je parle des correspondances et de la permanence, mes soucis d’être humain. De ce qu’on a déjà réalisé, avec Eric, qui nous laisse parfois hébétés, comme dans la voiture en venant : j’annonce une comédie musicale sur laquelle il va falloir qu’on se penche, maintenant, tout en ne mâchant pas mes mots sur ce genre dont je déteste ce qu’on en a fait. Je le leur dis, qu’un de mes représentations de l’enfer, c’est d’être obligé d’écouter « Starmania » sans issue possible : un vrai supplice. Je vanne un peu, mais pour une fois que je m’attaque à des chanteurs morts, ce n’est pas si grave.

J’ai parlé une heure et demie quand on en attendait une, je laisse la place à Eric, qui chante la trilogie du « Never Ending Tébessa Tour », pour l’avant-dernière fois : il ne sera pas de ma dernière en Suisse, fin mai. Mais comme dans Tébessa, pas de tristesse et des lilas blancs du mois d’avril annonciateurs : il se substitue à Pauline et chante pour la première fois en public « l’école buissonnière ». C’est beau, primesautier et beaucoup moins léger que ça en a l’apparence. Après un repas très agréable, nous quittons Samoëns pour Mégevette, d’où j’écris cette chronique : ce soir, un écrivain est attendu au village, dans le cœur de la vallée verte. Oui, Weyergans, moi aussi.

NB : Christelle, la Kathe de Jules ou de Jim (« C’est vous, Jules ? - Non, moi, c’est Jim !

- Jim et Jules alors ? - Non, Jules et Jim ! ») aura donc assisté à deux fois plus de représentations d’Eric que Martine, qui nous aura préféré les quais du Polar. Et moi je sais maintenant comment éliminer les adverbes.

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07/04/2010

Opus Deuce

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Jolie balade musicale cet après-midi avec les Deuce en studio. Deuce, le groupe de l'Inoxydable, l'épistémologue de la scène rock lyonnaise et au-delà. Jour des prises de voix, ça tombait bien. A la Casa musicale, l'élévation est telle qu'on trouve en haut celui qui va pousser la chansonnette et en contrebas les manants de la technique, néanmoins aux manettes... Le choeur est en haut, alors et les conseils du directeur artistique sont fermes et délicats: il s'agit d'aller chercher le coffre, pas la gorge. Quand on enregistre en studio, fût-ce pour soi, on se trouve en face d'une opération délicate, celle d'arrêter le temps. Si j'osais reprendre une expression déjà ancrée elle-même dans le marbre d'une quatrième de couverture, comme si le temps lui-même avait le culot de s'arrêter. Quand il chante "le pays du Roi de rien", quand il trouve un ton soudain grave dans "Démobilisé" (Tout m'indiffère dans les journaux, la radio, la télé", belle antiphrase), il doit chercher l'intention davantage que la sonorité. Sous l'égide très personnelle d'un Freddy Mercury aux Ray-Ban dantesques, l'Inox reprend, il ne lève pas toujours les bras pour que l'air emplisse ses poumons. Le directeur artistique l'assiste en haut, ils mènent un étrange ballet tous les deux, l'un chante et l'autre est chargé de saisir si l'estomac est dans les vibrations. Qu'il capte parfois à même le sol, en s'agenouillant. Le reste sera une question de mixage, de mastering, un juste condensé des oreilles qui écoutent, en bas. C'est une belle expérience, à la fois similaire à ce que j'ai déjà vécu avec Eric Hostettler mais différente aussi par son abord, celui du groupe. J'ai l'agréable honneur d'entendre la prise de "Je connais mes limites", ma petite participation à l'exercice: il aura fallu ce temps pour que nos univers se rencontrent et, ma foi, ça m'a l'air plutôt réussi. J'aurai donc fait un petit peu plus pour les Deuce que de préparer les mojitos pris sous la verrière, dans ce bel endroit qu'est la Casa. C'est toujours un peu intrigant de pénétrer une famille en pleine préparation des noces à venir. J'en écrirai un peu plus quand l'opus sera là. Il sera temps alors de faire entrer l'Inoxydable dans mes portraits de mémoire, ceux des musiciens, après les écrivains. D'ici là, dès lundi, j'aurai entrepris cet exercice de réécriture dont je feins d'ignorer qu'il sera sans nul doute le plus éprouvant que j'aurai jamais connu.

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05/04/2010

Rewriting

Terme hideux de journalisme branché, mais terme important, enfin: l'exercice de réécriture de "la partie de cache-cache" commencera la semaine prochaine, en face-à-face avec mon éditeur qui aura annoté ce qui ne lui convient pas et ce qu'il convient donc de refaire. Il a cité Camus quand je pensais Guilloux, ne saisit pas la fin quand moi je la perçois absolument. Ce n'est qu'au prix de notre entente sur le sujet que le livre verra le jour, mais il y a une éclaircie, incontestable. La première dépression - post partum - est donc terminée, mais le plus dur n'est pas passé pour autant. Oui, c'est si justement dit, le livre dévore son auteur, avant, pendant, après...

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30/03/2010

Portraits de mémoire, reprise.


2ni6mon, 41 ans, passe de projet en projet en essayant de garder une ligne aussi claire que sa caisse.

Docteur es toumtchackologie

Image 7.pngDenis Simon, enfant, n’aimait déjà pas tellement l’école. Indépendamment des matches de foot dans la cour haute de celle de la Croix-Rousse où les quatorze premières années de sa vie se sont déroulées au rythme tranquille des compétitions que « son » Olympique Lyonnais ne gagnait pas encore. Des années à subir l’outrageuse et humiliante domination du voisin stéphanois qui lui ont laissé un goût amer que l’inversion des succès n’a pas totalement anéanti : du coup, c’est vêtu des diverses tuniques de son club de foot qu’il prend place derrière les futs, qui ne sont de bière que lorsqu’il a fait le job. Parce que Denis Simon est batteur, et pas n’importe quel batteur : des noms de la place lyonnaise se disputent ses services, il va de Palandri à Cupidon, d’Ana M. à Nar6. Jusqu’aux mythiques Bijou qui, se reformant, le sollicitent directement. Il a explosé les tympans de ceux qui ont assisté aux concerts des Syoodj, parmi d’autres faits d’arme. Ou plutôt de batterie. De celles qui ne se déchargent pas, et qu’on installe au beau milieu de la pièce à vivre. Car en bon soixante-huitard qui ne s’est pas défroqué, Denis n’a pas beaucoup transigé avec son art, avec cette façon particulière d’être derrière mais en même temps celui dont tout dépend. Si ses enseignants de l’époque pouvaient voir ce qu’il est capable de faire avec des baguettes, peut-être l’auraient-ils davantage laissé jouer avec ses stylos, quitte à ce qu’il fasse du bruit : ça n’a pas l’heur de déranger outre mesure Lilou et Gabin, qui doivent bien se dire que leur père a un clic dans la tête, ni Sophie, qui sait sans doute mieux que quiconque qui elle a rencontré. Difficile de croire, pour autant, que c’est dans une église que 2ni6mon a eu une révélation ! Qu’il a focalisé pour la première fois sur la timbale de la machine installée sur l’autel par des hippies de l’époque : heureusement, soupire-t-il encore, que sa mère n’était pas là ce jour-là. C’est d’ailleurs avec son père - pas non plus le plus rock’n’roll qu’on ait connu – qu’il ira acheter sa première, sur laquelle il se testera jusqu’à ce que les voisins du boulevard obtiennent son exil à Perrache, dans le studio que son cousin et ses acolytes de Rouge Victoire occupaient à l’époque, en 1985, où « le rock existait encore… »

« On oublie vite qu’un huitième de soupir peut annoncer un crescendo,  accelerando poco a poco »

Il s’entraîne, en autodidacte, le pied sur la grosse caisse pour marquer le 1er temps (poum) et la baguette sur le sharkley pour le 2ème (tchak). Pour résumer. Parce qu’il avance tellement vite qu’il rentre tout naturellement d’abord dans  Rouge Victoire  puis dans les groupes émergeants de la région : Cupidon, Charly Red. Il côtoie le batteur de Ganafoul, à qui l’on doit quand même « Elodie mon rêve » de Shona (aussi), fréquente les studios Grange, rencontre le naissant Voyage de Noz – dont Stéphane Pétrier, par la suite, connaîtra le goût du garçon pour le tacle glissé à hauteur du genou. Les locaux des Art-Sonic, également, à Caluire. Il monte un groupe, encore un, 5’Up, croise de nouveaux grands noms de l’époque : François Perrin (« le meilleur guitariste du monde »), ce qu’il reste des Electric Callas et de feu Marie & les garçons… Et se retrouve en contact avec Bijou, donc. Toujours pas impressionné : les seuls temps faibles que Denis connaisse sont les 2ème et 4ème temps dans une mesure de 4X4 : toum tchack toutm toum tchak, toujours. Ou quand les douaniers ont confondu 300 grammes de poudre blanche de garagiste avec de la cocaïne pure. De quoi entrevoir, l’espace d’une longue garde à vue, un congé sans solde pas forcément programmé par Euronews, qui l’emploie, pour qui il a réalisé des jingles, celui de Vancouver 2010, notamment. Parce qu’il n’est pas monomaniaque non plus, le sosie de Jean Reno (à moins que ce soit Reno lui-même qui s’en soit inspiré pour composer son personnage de batteur autiste dans « Subway » ?). Il écoute, il entend et il compose, des variations électro-vidéo-toum tchak, se produit aussi, partage un peu de son univers. Il émarge dans des compils de Rock à Lyon, s’amuse sur scène avec Palandri ou Stéphane Jardin comme il s’est amusé de jouer « Rock à la radio » avec le groupe qu’il écoutait presque enfant sur le même support. Avec qui il a tourné dans le Sud-Ouest pour défendre un disque dont presque personne n’a finalement entendu parler et sur le livret duquel il voit au final qu’on a crédité…l’ancien batteur ! Même si lui a eu droit à des remerciements exceptionnels, juste en dessous de la photo de Gainsbourg… Vicissitudes d’un milieu sur lesquelles il passe sans coup férir. Parce qu’il a déjà rebondi, et loin : il a affaire, tout ou partie, à Prohom, Aston Villa, enregistre « Tout ira mieux » dans les studios de Mickey 3D avec Nar6. Crée DimENsIonS, enregistre son album « Echo logic » qu’il distribue numériquement : pas le genre à s’attarder sur un support déjà mort, 2ni6mon… Il enfourche son scooter – conséquence de rencontres en voiture trop fréquentes avec la maréchaussée – repart pour des nuits faites de musique, de concerts, de rencontres et d’heures tardives. Mais aussi, c’est le paradoxe du bonhomme et de son milieu, de fidélité. A son Olympique, même déclinant. A l’enfant qu’il a été, qu’on a voulu ranger avant de savoir ce qu’il avait en tête. A trop vite décréter que ça sonne creux à l’intérieur, on oublie vite qu’un huitième de soupir peut annoncer un crescendo,  accelerando poco a poco. De derrière les fagots. Il n’a rien oublié de tout ça, 2nis, se souvient d’une Annick J. qu’on regardait avec passion à la récréation, sans se douter qu’un jour, peut-être, c’est elle qui le regardera avec la même envie, un soir de concert. Mais ce sera trop tard. Il a fait sa vie d’une part, n’a nulle envie d’en changer : il a payé le prix des illusions, celles auxquelles tout être absolu se confronte à un moment ou à un autre de sa vie. A la moitié du temps donné, il n’y a plus que de musique et de bons moments qu’il est insatiable. I have a drum, prédit-il. Celui-ci, on n’est pas près de le voir passer. LC

 

 

 

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