26/05/2010
Big Brother can't read you.
C'est la deuxième fois en peu de temps qu'on me dit qu'une de mes notes - ici la critique du Chavassieux après celle du Belletto - n'est pas lisible, alors même que certains peuvent la lire dans le même temps sans problèmes. C'est embêtant: il ne manquerait plus que j'écrive pour rien. Je supprime la photo de la très belle couverture de Franck Perrot, retoucherai la mise en page s'il le faut. Inoxydable et Jacques sont concernés en premier lieu: par pur égoïsme, j'aimerais assez que ça vienne de leurs ordinateurs, pas du site. Mais tout cela est bien irrationnel.
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24/05/2010
C'est non.
J'avais postulé à une résidence d'écrivain en Nouvelle-Zélande, on pouvait difficilement faire plus loin. Cinq mois qui m'auraient permis de couper un moment avec les contraintes, grandissantes, de ma vie professionnelle et de travailler à l'élaboration de mon roman russe à moi. Je n'ai pas été pris. Depuis ce matin, je tourne ce courriel reçu dans la nuit, sa formulation, ce qu'il ne dit pas, surtout: qui a été pris, et pourquoi? Il va falloir continuer à avancer sans ce minimum de notoriété qui ouvre les quelques portes qui s'obstinent à rester fermées sans jamais donner les raisons du refus. Ce sont de vrais thèmes de réflexion, dans notre société. Pas seulement un renvoi à l'amour propre. D'après Martin Veyron, d'ailleurs, celui-ci ne le reste jamais très longtemps.
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22/05/2010
Massacre à la tronçonneuse
Il y a des moments dans l'écriture où la honte de vous-même vous submerge. J'ai souvent parlé, lors des rencontres Lettres-Frontière, de ce "livre-monstre" écrit dans la douleur entre mes dix-sept et mes vingt-quatre ans, qui voulait révolutionner la littérature mais qui n'était, sans que je le susse alors, qu'une logorrhée prétentieuse, déjection interminable d'un amour de soi que seul le conditionnement subi autour de l'autofiction doubrovskienne, dans mon adolescence, peut encore excuser. Je garde une grande affection pour ce manuscrit qui m'empêche, ai-je répété, de ne pas reproduire les erreurs passées. Du moins le pensais-je jusqu'il y a peu. Parce que la relecture de ma "partie de cache-cache" m'a obligé à dresser le même réquisitoire : incohérences narratives, digressions permanentes, psychologie à la Barbara Cartland, approximations structurelles, j'ai tout retrouvé (hélas!). "Dom Juan" - et ses imperfections - aurait dû, déjà, me ramener à ma condition d'auteur laborieux mais non, passer le cap, terrible, de la deuxième partie n'a fait qu'ouvrir, plus encore, les vannes de la facilité. Que j'ai eu le tort de valider au 15 mars, pour des questions, dérisoires et terriblement honteuses désormais, de possibilité d'une plus grande diffusion... J'aurais pu tout envoyer paître, laisser l'écrit à ceux qui savent faire, mais, après cette période d'hébétude, je me suis accroché et j'ai fait comme tout le monde: j'ai travaillé. J'ai biffé, condamné, raturé, reconstruit. J'ai fait des calculs (si, si...), à partir d'une date donnée, j'ai restructuré, sorti la machine à points, rayé les derniers adverbes qui restaient (merci, Christelle, encore), détruit les "je crois", "je pense", blah blah blah. Mon manuscrit a subi une cure d'amincissement dont je rêverais moi-même d'en connaître la moitié: les statistiques que j'ai publiées dans ces pages il y a quelques temps n'ont aucune commune mesure avec celles que je n'ai même pas pris soin de consulter après ma séance d'hier, dix heures d'un stretching littéraire ininterrompu. J'ai arrêté de m'écouter écrire, je l'espère définitivement. Et voilà que cet exercice prend la forme que Tébessa a connue, voilà que, sans prévenir, un mouvement s'enclenche, une affection aussi. Je me remets à trouver belle une histoire que j'avais enlaidie. Je ne sais pas si celle-ci, néanmoins, gagnera la foi de l'éditeur, à qui j'ai demandé, hier, deux faveurs: la première, c'est de détruire, physiquement et mentalement, le manuscrit envoyé il y a deux mois; la seconde, c'est de renoncer au contrat que nous avons signé s'il juge que ce roman, simplement, n'en vaut pas la peine. Chleuasme? Je crois qu'il la vaut, désormais, qu'il saura déranger sainement, sans agresser par la façon dont il est écrit, au moins. L'annulation de St Maurice m'aura permis ça, ironie du sort: au prix d'un mal de dos tenace et d'une migraine atroce, je me serai attaché à mon fauteuil et j'aurai travaillé, point. Dans l'ordre chaotique de ma vie, je vais écrire, maintenant, une variation poétique sur la chouette de Dijon, me nourrir de vrais écrivains à Roanne et à Saint-Etienne, redoubler de rigueur à la relecture de la comédie musicale lycéenne, travailler sur "l'insecte et le sacré", avec Jean Frémiot. Il sera temps, après, de voir si l'automne m'a apporté tout ce que je lui ai demandé. Et de commencer un "Aurélia Kreit" qui m'a déjà prévenu qu'il ne supporterait aucune approximation. Me voilà averti.
PS: image non contractuelle, comme on dit dans les milieux autorisés.
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18/05/2010
Bellettissimo!
On meurt beaucoup dans le « Hors la loi » de René Belletto. De toutes les façons : suicide, meurtres sauvages, étranglement et même par implosion, par quelque biais extra-terrestre dont l’auteur de chefs-d’œuvre absolus que sont, pour moi, « Sur la terre comme au ciel » ou « l’Enfer » - pour ne citer qu’eux – est familier. On meurt, mais on vit, ce qui équilibre : des amitiés esthètes, des liens de musiciens, des amours aussi prudentes dans l’approche qu’elles sont intenses dans leur réalisation. On vit plusieurs générations dans la construction de ce roman à énigmes, qui n’en finit pas d’intégrer le lecteur dans son énonciation pour mieux lui rappeler qu’il s’agit d’être attentif. Au moindre détail : chez Belletto, ça a une importance majeure. La marque des enceintes – sur laquelle la seule fille que Luis Archer n’aimera pas pose négligemment sa veste brune alors que lui-même n’y a jamais rien apposé que le chiffon qui sert à les essuyer ! Celle de son amplificateur, de sa guitare flamenco ; celle de sa voiture : avoir lu Belletto permet, au fil des décennies, de retrouver des modèles de véhicules auxquels on n’aurait jamais prêté attention, alors que lui… On avance dans les récits enchâssés, avec la petite crainte de s’égarer – je me souviens de « Créature » et de sa séquence de grammaire historique! - mais ça fonctionne, ça s’enchaîne, avec harmonie. Les figures, féminines et masculines, sont prégnantes, l’écriture est hors du temps, vocabulaire obsolète et subjonctifs imparfaits de rigueur, il y a une immense maturité dans l’écriture et un refus catégorique de l’effet : dans ses multiples interventions, l’auteur, le narrateur, le personnage se confondent, interpellent, procrastinent à grand renforts de préludes, de digressions, de renvois à plus tard. Les obsessions sévillanes de l’auteur affluent, autant que son goût pour le Sacré et l’histoire de sa musique : chaque copla, chaque cantate, est décrite avec précision, date, composition, conditions. La cinéphilie des personnages aussi ; Belletto écrit pour lui tout en se souciant du lecteur, pas par démagogie, mais par volonté évidente qu’il le suive sur cet autre chemin que celui de la médiocrité. Une exigence qui fait de lui un auteur rare, qu’on ne verra pas à la télévision parce que ni lui, ni ses personnages ne la regardent. Les récits s’enchâssent donc, avec un goût affiné pour le dénouement, qui rend la deuxième partie de la lecture urgente. Dénouement mais pas dévoilement : on n’en saura pas plus sur le quatrain qu’il ne faut en savoir pour qu’il soit objet d’écriture, déjà présent dans « Régis Mille » (en même temps que "la vieille Mme Cachard", si, si!). Et la construction cyclique de ce petit pavé appelle à sa relecture, sans fin. A la vérification des références, non pour trouver une erreur quelconque (l’érudition du bonhomme est sans doute proportionnelle à celle du libraire du Dragon, prétention et obséquiosité en moins) mais pour déceler ce qui relève de l’hommage et ce qui renvoie à l’imaginaire. Dont Belletto raffole, au point d’arriver à mêler à cette saga familiale, policière et musicale, une extravagante dimension surnaturelle, je l’ai dit. Qui ne détonne pas, parce que même celui qui n’y est pas mêlé, Luis Archer, n’arriverait pas à convaincre un inspecteur de police de la vraisemblance de ce qui lui est arrivé : ce n’est donc pas lui qui reprochera à celle qui lui racontera son extraordinaire histoire d’affabuler.
Je l’ai souvent dit dans ces pages, et même publiquement, depuis peu : j’aime cet écrivain. J’ai parfois frissonné à la lecture en retrouvant cet amour pour l’Espagne (chez lui, les rues parisiennes sont « de Madrid », le café « de Cordoue », l’avocat s’appelle Diego Ruiz, l’oncle Pepe, la nourrice Alma…) que nous partageons, j’ai écouté avec son personnage le « Compañera y sobrerana » de Manolo Caracol pour partager le deuil de Maxime, reporté cent fois la fin de la lecture pour ne pas récréer « le lien de l’absence ». Les interprétations sont libres sur le sens qu’il faut donner aux décalages trouvés dans les insertions d’un narrateur, mort et né le 6 juin 1966, dans ceux, temporels, du temps terrestre et du temps renatien. Faut-il en donner, d’ailleurs, obligatoirement ? L’auteur n’en est pas à une fausse piste près, lui qui fait dire à Luis, s’autocitant, que tout cela n’est peut-être qu’un « amas de billevesées ». Les romans à énigmes sont souvent trompeurs, dans ce qu’ils laissent à penser. C’est aussi pour cela que ceux de Belletto sont autant de présences gentiment menaçantes dans la bibliothèque : comme des rappels à l’ordre.
19:07 Publié dans Blog | Lien permanent
Interludes
Des problèmes techniques sur la note "Bellettissimo"? En espérant que le lien se rétablisse rapidement, sinon "hautetfort" devra changer de nom... Remarquez, ça me fait une notre gratuite (merci à Jacques et à l'Inox'). Parce que ce n'est ni le moral ni l'impossibilité de venir à bout de la réécriture de mon manuscrit qui font source d'inspiration. Alors, c'est tout. Ah, si. Je ne vais pas en Suisse vendredi; ça a été annulé, sans que je sois prévenu: j'ai donc bien fait d'appeler.
13:58 Publié dans Blog | Lien permanent
11/05/2010
Mon criterium du Dauphiné Libéré
17:47 Publié dans Blog | Lien permanent
10/05/2010
Laisser partir un livre.
Me voilà entre deux eaux depuis que j'ai signé ce fameux contrat qui m'engage avec les éditions Raison et Passions pour la sortie de "la partie de cache-cache". Je vous avais dit avoir compris quelles étaient les attentes de l'éditeur pour que ce roman ait l'impact que son histoire mérite (selon moi; selon lui, c'est l'effort d'écriture qui créera un impact qu'il n'a pas ressenti), j'étais prêt à en découdre avec les situations qu'il me fallait souligner, accentuer, rappeler au lecteur, et puis... Et puis il m'a dit de prendre un peu de recul, et puis les obligations professionnelles m'ont un petit peu plus enfoncé dans la partie de moi que j'ai le plus de mal à supporter désormais et puis je n'ai pas écrit une ligne, depuis. Le contre-coup, le même qu'Eric Hostettler me dit avoir ressenti aussi. Normal, après une telle frénésie? Peut-être, mais si la valeur n'attend pas le nombre des années, il se passe parfois des années avant que votre valeur soit "intantiné" (lu dans un courriel qui se voulait polémique, en plus!) reconnue. Et, après Charles, après Vanneyre, moi non plus, "je ne veux plus attendre". C'est donc en pleine Ascension (que ceux qui n'ont pas connu la spiritualité de la montée vers les temples apolliniens se taisent sur le champ, parole de polythéiste grec!) que j'entamerai la dernière ligne droite de ce manuscrit si mystérieux. Et le laisserai partir enfin, jusqu'à ce qu'il me revienne comme l'a fait Tébessa, par trois fois. Ou pas.
Enfin, il me reste dans cette vie d'écrivain qui n'accorde aucun repos, deux événements importants: ma rencontre avec les lecteurs de St Maurice en Genevois le 21 mai, à un horaire qui me paraît néanmoins étonnant (12h30: est-ce un repas littéraire ou les Suisses seront-ils suffisamment téméraires pour attendre que j'aie terminé de parler pour manger?) et les Edites de Roanne, le premier salon de la petite édition et du livre d'artiste, dont nous nous échapperons, Christian Chavassieux et moi, pour filer sur Saint-Etienne, l'écouter parler du "Baiser de la nourrice". Je serai dans la salle, j'essaierai de me faire tout petit. Que tous mes amis de Bloye, Vougy, Mégevette et ailleurs cessent de rire immédiatement!
En plus de ça, je parle, je parle, je fais même attendre Belletto!
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05/05/2010
Retour au collège.
Séance exceptionnelle hier après-midi pour les élèves des deux classes de 3ème du collège La Forêt de St-Genix-sur-Guiers, en Savoie : les élèves des classes de Mme Faure et de M.Beynel, les deux professeurs de français, recevaient un écrivain vivant, une fois n’est pas coutume. Ces mêmes élèves ont travaillé sur Tébessa, 1956, au cours d’une séquence comprenant les thèmes suivants : l'entrée dans le récit (thème et contexte historique / structure / champ lexical de l' armée, de la guerre; étude des patronymes, des métiers et des objets symboliques; la guerre en Algérie ou la mort programmée; le terrain, la guerre vue de loin. Et m’ont gratifié de très beaux panneaux et d’un diaporama très émouvant puisque reprenant des images évoquées dans le roman et alternant les renvois à l’horticulture, à la Croix-Rousse et à l’Algérie. Quelques fulgurances, là-dedans, comme ce dessin qui montre un cèdre arraché du côté coloré de la vie et attiré dans le gris triste de la guerre : on en oublie plus que facilement les deux B portés au titre. Un petit 4ème, Adel, s’est glissé dans le groupe, à ses questions, on sent que l’histoire familiale est lourde, sur le sujet : il repartira fièrement avec mon exemplaire sous le bras, sans savoir qu’il n’a nulle fierté à ressentir mais plein d’une envie d’aller au bout, un jour, d’une histoire qu’on raconte. Les élèves sont attentifs, la séance a été bien préparée, les questions aussi : comment et pourquoi on écrit un livre, combien on gagne dans l’entreprise (un leitmotiv à cet âge-là et une source de consternation une fois la réponse tombée…), puis plus de questions sur le texte lui-même qu’on m’en a posé lors des rencontres Lettres-Frontière. Bon, tout le monde n’est pas allé au bout du roman, certains l’ont lu en diagonale : pas d’image, pas assez d’action ni de suspens, sans doute. De bonne guerre, dirais-je, si j’osais. Un thé à la menthe a été préparé par la maman d’un élève, la discussion va bon train, j’aimerais bien qu’ils dépassent un peu le cadre scolaire, mais ils sont plus appliqués que je ne le serais à leur place et le temps passe vite. Je m’absente mentalement de temps à autre, sans qu’ils le sachent, je profite de ces tous derniers rendez-vous et leur explique, à demi-mots, quelle a été mon année, les deux et troisième vies de Tébessa. Je leur montre ce qu’est un manuscrit d’écrivain, mon « cache-cache » entièrement raturé, ce chapitre 13 qui n’existera pas, ce qui les accable un peu plus encore. Je raconte mes aventures avec l’éditeur, les aide à rire un peu de moi-même. Je ne saurai jamais ce qu’ils ont dans la tête quand la séance s’est terminée, si je me suis fait comprendre, si j’ai su adapter mon discours (alexandrins exclus), si le retour sera bon. J’ai pris du plaisir à venir leur parler, pour un exercice différent de ceux auxquels je me suis livré depuis près de deux ans. Deux ans… Brigitte Giraud, qui présentait « une année étrangère » à la Médiathèque de Dardilly il y a quelques semaines, disait qu’elle n’avait pas écrit une ligne, prise dans la tourmente de la « promotion » et des rencontres, depuis un an et demi. Je n’ai ni sa renommée ni sa bibliographie, mais j’ai la chance de savoir, depuis peu, qu’un autre roman succèdera bientôt à celui qui m’a permis de vivre tout ça. Un roman que ces collégiens ne pourront lire, pour ceux qui iront bientôt au bout des livres qu’on leur donne à lire, que d’ici quelques années, seulement. J’ai toujours un peu de mal à répondre aux questions qui portent sur les écrivains, en général, conscient qu’il me faudra convaincre, encore, faire œuvre. Retrouver la même exigence que celle dont j’ai parlé aux élèves du collège La Forêt. Leur avoir menti reviendrait à faire de moi ce que je dénonce à longueur de rencontres. Allez, mes petits camarades, votre travail, sur ce terrain-là, est terminé. Le mien ne fait que commencer.
21:11 Publié dans Blog | Lien permanent