27/03/2010
Le Superbe.
Benjamin Biolay, comme Murat, souffre du décalage entre l’image publique qu’il donne et celle qu’il réserve à ceux qui vont le voir en vrai jouer de la musique, ce qu’assurément il fait le mieux. Enfin, il souffre, à dire vrai, il s’en fout plutôt, ce qui renforce l’antipathie chez ceux qui ne comprennent pas qu’on peut à la fois donner dans la cour des grands, assumer, dans la diction comme dans la tabagie, le lourd héritage gainsbourien et ne vouloir, at the end of the day, que faire des chansons. Jouer de la trompette, puisque c’est ainsi qu’il s’est révélé musicalement au Conservatoire de la colline qui prie, qui surplombe le « Lyon presqu’île » qu’il s’est enfin, de ses exils bruxellois ou parisiens, décidé à chanter. Il y a deux ans, pour les nuits de Fourvière, son plaisir était réel, palpable, son émotion aussi. Hier aussi, au Transbordeur. « Plus pudique que la pudeur », ce BB-là, aux airs de Nick Cave translucide, a donné un concert de deux heures aux différentes facettes, rock, acoustique, presque disco par moments. Un premier tiers maladroit quand il doit se contenter de faire le chanteur, aux gestes mal assurés, alors que ses musiciens font ce que lui fait en studio. La voix, sujet de débat, fait davantage penser à Daho qu’au Cave sus-cité, mais il donne, s’engage, remercie le public d’être venu aussi nombreux, présente sa « Superbe », l’album de la décennie qui porte le mieux son nom – quand le dernier Murat joue, lui, l’antiphrase. Il alterne le parler avec les montées sur lesquelles il peine, mais le son des musiciens est lourd, prégnant. Le deuxième temps, au piano solo, commence avec « ton héritage », ce texte qui fait penser à tous ceux qui écrivent que cet homme-là n’est pas ordinaire. « Il va falloir faire avec, ou plutôt sans »…
Cinq morceaux, une petite demi-heure seul au piano, il est peu d’artistes capables d’une telle prestation. Ça permet en plus aux autres de se reposer un peu et de revenir poser du très gros Il a beau chanter « assez parlé de moi », « dans sa Merco-Benz » - dans des postures queeniennes qui permettent de se dire que ce garçon est sans doute plus drôle que sa mélancolie l’indique - tout renvoie chez lui au conflit de l’amour qu’on lui porte et celui qu’il ne s’accorde pas lui-même: padam, padam, padam, pam pam. Pourtant, au fur et à mesure qu’il enchaîne ses morceaux, on se rend compte qu’il y en a plus d’un qui a déjà marqué le paysage français de la chanson qui dit un petit peu plus qu’elle ne le laisse croire : chez Biolay, on peut parler d’une « commode dans l’entrée qui n’est pas noire mais bleue », de post-it laissés sur le frigo ou sur le guéridon qui résument un amour de sa genèse à son agonie.
Je savais que c’était dans le dernier rappel qu’il jouait « Les cerfs-volants », qui l’a fait connaître après qu’il a « ressuscité » Salvador. Je l’ai écrit déjà, je tiens cette chanson pour une des plus belles jamais écrites. Par quiconque. Je la garde en tête en sortant, comme un des vieux films qu’on s’impose de revoir régulièrement, pour ne pas oublier qu’on est ce qu’on sera. On reste Dieu merci à la merci d’une aventure…
11:19 Publié dans Blog | Lien permanent
23/03/2010
N'achetez plus rien de Tintin!
Apportez votre soutien à Bob Garcia; passionné par l'oeuvre de Hergé et tintinophile depuis son enfance il est attaqué en justice par Moulinsart pour avoir "commis" de nombreux ouvrages en hommage à tintin et son maître, il suffit d'ouvrir ses livres ( tous éditeurs confondus) pour voir qu'il ne s'agit en aucun cas de "contrefaçons". Au terme d’un procès scandaleux et grotesque, Moulinsart et Rodwell sont parvenus à condamner l’écrivain et tintinophile Bob Garcia à payer la somme délirante de 50.000 euros. Son tort : avoir écrit 5 petites études sur Hergé tirées à quelques centaines d’exemplaires par une association tintinophile sans but lucratif. Personne n’a gagné d’argent dans cette entreprise, ni fait le moindre tort moral ou financier aux « ayant-droit » de Hergé.
Toutes les tentatives de négociation et de discussion ont échoué, y compris la demande de paiement par étalement. Les pétitions, lettres ouvertes à Moulinsart et à de multiples responsables politiques, articles et communiqués de presse, etc., ont été traités avec mépris et indifférence par Moulinsart et de Rodwell. Il était clair qu’ils voulaient « la peau de Bob Garcia » (intention annoncée par eux-mêmes depuis le début) afin d’en faire un exemple et de dissuader d’autres auteurs d’évoquer le nom de Tintin au travers d’études, de parodies ou de tout moyen jusqu’alors légal.
Aujourd’hui Moulinsart et Rodwell mettent deux hypothèques sur la maison de Bob Garcia. Demain, ils peuvent ordonner la vente forcée et le jeter à la rue pour exercer leur racket.
08:41 Publié dans Blog | Lien permanent
Expectatives.
Pourquoi est-ce que, une semaine et un jour après que j'ai envoyé le manuscrit, mon éditeur ne m'a toujours pas répondu? Pourquoi la seule personne ayant eu accès au manuscrit avant lui me paraît-elle plus distante aujourd'hui qu'elle ne l'a jamais été? L'employé de chez LIPS, déjà mou comme de la guimauve et aussi efficace qu'un ectoplasme, a-t-il volontairement, dans sa remise, oublié le feuillet 64 en reliant l'ensemble?L'écriture rend-elle paranoïaque? Heureusement, de gentilles attentes se formulent du côté de Samoëns et Mégevette, que je visiterai bientôt.
07:11 Publié dans Blog | Lien permanent
19/03/2010
Batman à la Servette!
Les rencontres de Lettres-Frontière rendent aimable. Il m’a bien fallu ça pour surmonter une heure d’errance en voiture dans Genève et un taux d’énervement très supérieur à la moyenne, juste avant que j’arrive à la Bibliothèque de la Servette, qui m’accueillait hier. Gabrielle Amaudruz-Cazenave, professeure d’Université chargée d’animer la rencontre, m’attendait bien plus tôt pour évoquer les différents sujets à traiter, nous n’aurons eu qu’un petit quart d’heure pour ça, mais je la rassure dès le départ : je peux aborder tous les sujets, de quelque façon que ce soit. L’assemblée est parsemée, ce sont toujours les hôtes qui s’en excusent, je les rassure aussi : la question du nombre est devenue rituelle. Ils sont dix ici, ils seront trente, ou plus, ailleurs. Peu importe : j’ai décrété en amont de profiter au mieux de cette expérience d’écrivain, je veux donner en retour tout ce qu’on a apporté à Tébessa. Désacraliser, encore et toujours, le statut de l’écrivain, redire que ce qui est important, c’est ce qu’il écrit, pas forcément ce qu’il dit derrière. Parce que j’ai tout du bon client : je parle d’autres livres que des miens, j’avoue mon admiration pour des auteurs qui ne sont pas moi. J’aurai cité, une fois encore, Belletto, Bertholon, Bukoswki, Chavassieux, Char, Delaloye, Garnier, Nizan, Roché, Sandoz, Vanneyre, dit ce qu’ils m’ont apporté en tant que lecteur. Un lecteur que je reste, doublé du critique que je suis. J’aurai décliné la double étiquette professeur de Lettres / écrivain, la pire à mon sens : on n’écrit bien que de l’intérieur, je l’ai suffisamment dit, mais pas celui de la tête. Je parle, Mme Amaudruz me laisse faire, elle me dira après coup qu’en être protéiforme, je sais sans doute m’adapter à toutes les situations. Je lui réponds que quand en plus elles sont fraternelles, je peux aller plus loin encore que ce qu’on peut attendre de moi… Pour préparer les rencontres, elle ne veut rien savoir de particulier sur l’auteur, simplement se demande-t-elle s’il coïncide avec ce qu’il écrit. Elle m’a reconnu de suite, du dedans de la bibliothèque, quand j’étais encore dehors, malgré mon pas pressé. Je développe le lien qui me relie au personnage, ces correspondances qui font sens plus que matière. Les lecteurs qui sont là ont tous lu Tébessa, qui reste un très bon souvenir de lecture pour eux. On parle des lieux, des canevas d’écriture. De la fausse fin de Gérard : Nicolas Costa, chargé de sa première animation pour la Servette, défend l’idée – juste – que Gérard ne meurt pas dans le roman. Sauf dans la quatrième de couverture. Je parle de mon rapport au temps, de la mécanique des places, j’essaie, comme à chaque fois, de l’expliquer sans passer pour l’inadapté que je suis. Je lis le premier paragraphe du premier chapitre de « la partie de cache-cache », dans sa reliure flambant neuve à laquelle il manque la p°69 : contre toute habitude d’insatisfaction chronique, je reconnais à l’oreille que la musique est là ; ça tombe bien, comme d’usage depuis le saut dans le vide de Bloye, Eric Hostettler me rejoint, il joue les trois chansons qui m’accompagnent dans mes sorties, « l’embuscade », « Quand mes filles seront parties », « Au-dessus des eaux et des plaines ». On discute encore longuement autour d’un apéritif, j’ai l’immense bonheur de compter d’ores et déjà des lecteurs d’un roman pas encore sorti. A Genève, on attend même notre comédie musicale avec moins de circonspection qu’en France, remarque-t-on, Eric et moi. Le restaurant est très agréable, nous sommes quatre, plus une excellentissime bouteille d’un Rioja qui restera : la conversation est déliée, on en apprend chacun un petit peu plus sur l’autre. Il est près de minuit quand nous nous séparons, le lendemain, aujourd’hui, c’est un jour de travail, il vient à peine de s’achever, d’où le délai de cette chronique. Chaque rencontre de Lettres-Frontière rend aimable, tout en me rapprochant de la dernière. Mais je n’ai ni n’aurai aucune inquiétude à ce sujet. Comme le dit Nicolas en allant fermer une fenêtre laissée ouverte – pour que la chauve-souris venue fureter dans les romans puisse repartir – il est des noms et des rencontres qui restent dans un coin de la mémoire et activent des alertes, quand le moment est venu. A très bientôt, alors.
20:42 Publié dans Blog | Lien permanent
17/03/2010
La Servette de Genève

21:46 Publié dans Blog | Lien permanent
15/03/2010
Statistiques.
Lors d'une des rencontres Lettres-Frontière, un des participants m'a confié qu'il ne s'était jamais douté du travail qu'il pouvait y avoir derrière ces romans qui, à eux, arrivent tout prêts. J'ai achevé la phase 1 de mon travail sur le manuscrit de "la partie de cache-cache" épuisé, mais des 57493 mots du départ (fin de l'écriture de la matière), il en reste 52624, 235159 caractères sans espaces contre 257145 à l'origine : preuve que la relecture est essentielle dans l'exercice. Pour aller davantage au nerf, encore, je compte sur la deuxième lecture, la plus ardue, celle de l'éditeur. A ce moment-là, l'auteur n'est plus rien. En tout cas, j'ai tenu ma première échéance. La suite m'échappe: juin, septembre, pas du tout? Je ne sais pas.
08:37 Publié dans Blog | Lien permanent
06/03/2010
les madeleines de Vougy.
Je suis dubitatif. A Vougy, tout à l’heure, des gens charmants m’ont prédit un avenir littéraire à la hauteur des écrivains qu’ils ont déjà reçus dans la jolie bibliothèque de la commune. Des écrivains comme Hubert Mingarelli, comme Sorj Chalandon, rien de moins. J’ai très envie de les croire et de me dire que la partie de cache-cache m’installera – le mot est détestable – dans la partie des écrivains dont on se plaît à se demander des nouvelles. Du monde pour terminer ma trilogie, vingt-cinq personnes, peut-être, pour le petit-déjeuner littéraire. La formule est attrayante, conviviale : il y a une vraie proximité, un grand nombre de personnes qui ont lu Tébessa. Je ne me rendrai compte qu’à la toute fin de l’entretien que je n’en ai pas lu de passages, parce que ça ne le nécessitait pas, parce que des personnes, après l’introduction élogieuse de Fabienne Massarotti, m’ont posé les justes questions sur ce que le roman a provoqué chez elle : la matière, toujours, mais avec ses variantes. On m’a demandé aujourd’hui, par exemple, comment je me positionnais psychanalytiquement par rapport à Gérard, si j’acceptais de le laisser partir après tant d’efforts pour l’avoir intégré au plus juste. Je parle toujours beaucoup (trop), je donne à voir ce qu’est la vie d’un écrivain émergeant, j’explique avoir porté seul et à bouts de bras ce roman qui, maintenant et grâce à eux, n’a plus besoin de moi pour exister. Comme Gérard en somme, qui me survivra auprès de ces lecteurs, à qui je n’ai pas non plus, comme je l’avais prévu, donné lecture d’un extrait de mon « cache-cache ». J’en ai déjà défloré le synopsis, criant mon amour pour Emilie, ma petite fille chétive et allergique. La conversation porte plus que les autres jours sur l’édition, les écrivains, je me retrouve, comme à chaque fois, agent des Bertina et Mauvignier, j’explique quelles sont les raisons pour lesquelles on doit maintenant s’engager dans l’écriture pour dire des choses qui n’ont pas été dites, justement parce qu’on ne les a pas vécues. Je parle de Roché et de Jules & Jim, j’ai une pensée pour Xavier Rockenstrockly, le premier à m’avoir invité, je lui enverrai la photo quand je poserai devant la librairie de Christelle, à Cluzes, qui porte le nom du roman (et du film). Je n’ai pas toujours eu de la chance avec les libraires que j’ai croisés comme auteur, mais là, je répondrai volontiers à cette invitation que j’ai moi-même sollicitée ! La nuit a été courte, mais je me sens très à l’aise au milieu de ces personnes qui me renvoient de l’amour pour mon livre par vagues. Quelques-unes d’entre elles maintiennent qu’il y a forcément un rapport entre le personnage et l’auteur pour que je l’ai si justement, selon elles, cerné. Je parle des correspondances, des coïncidences, des rapports au monde des apprentis horticulteurs. Je donne quelques pistes, mais je n’en ai pas la réponse moi-même. Je sais simplement que « cache-cache » sera plus sombre, mais que la distance et le point de vue seront semblables. Peut-être l’expérience, les violences autres que celles de la guerre auxquelles on est soumis, dès l’âge de mes protagonistes. Pour les en convaincre un peu plus encore, sans pour autant qu’ils aient l’air découragé, et puisque Fabienne m’y invite dans la transition, je laisse la parole à Eric, qui donne un set resserré : trois chansons, « l’embuscade », que les lecteurs peuvent retrouver sur son Myspace, « Quand mes filles seront parties » et « Au-dessus des eaux et des plaines », pour beaucoup d’émotion et davantage d’attention, du coup. Ça marche. Je regarde les personnes qui l’écoutent, un moment je recule jusque dans la salle de la bibliothèque, à côté. Je regarde de loin ces personnes qui écoutent quelqu’un dire mes mots et je trouve ça beau. Pas mes mots forcément, mais l’écoute. Je signe beaucoup de livres, il faut croire que des cadeaux vont être faits, mon Dom Juan trouve des lecteurs, pour une fois, Eric des auditeurs de « l’Eclaircie ». Comme dans tous ces moments qui sont agréables, on a du mal à se séparer, d’autres coïncidences se jouent, je ne veux pas m’avouer que je suis épuisé de ce périple. Le repas se fait dans le calme retrouvé de la bibliothèque, en famille ; on parle de livres, évidemment, mais de vie, aussi, d’une Clara d’une semaine et d’un jour. En partant, je me dis qu’un jour peut-être, elle viendra, lors d’une rencontre, me faire signer mon dixième ou quinzième roman. Ça voudra dire que je n’aurai pas changé de position sur l’écriture, son exigence, le don de soi qu’elle entraine mais qui se voit, dans des moments comme ceux-là, remboursé au centuple. Que je préfèrerai toujours venir à ces rencontres que passer à la télévision. Que je n’aurai pas fait carrière moi, mais que mes livres, j’espère, y entreront.
Ci-joint la version quasi-finale de "l'embuscade", par Eric Hostettler (tous droits réservés©)
16:45 Publié dans Blog | Lien permanent
Evian, Cocteau ou moi.
Evian, ville d’eaux majestueuse et, me rappelle Patricia Delpeau, ville plus que symbolique quand on vient y parler de la Guerre d’Algérie. C’est idiot, mais je n’y avais pas pensé avant. Sans doute parce que Tébessa est antérieur à l’accélération des événements. J’ai dit, souvent, que je n’aurais pas écrit le roman si son personnage avait vécu les choses atroces qui ont suivi les premiers attentats, les premières embuscades, terribles mais sporadiques. Evian m’accueille le lendemain d’Yverdon et le lieu, comme prévu, est écrasant de majestuosité. Quand Patricia nous donne, à Eric Hostettler et à moi, le choix entre deux salles aux acoustiques différentes, celui-ci est vite fait quand on découvre la salle Graziella, sa rotonde, son ouverture sur le lac Léman, on se demande un temps ce qu’on a fait dans notre vie pour mériter ça. Mais ça nous passe vite. L’installation, les essais de voix, les gens qui arrivent plus vite que prévu et ce que Patricia n’avait de cesse de me prévenir finit par arriver, en somme : nous serons donc une petite dizaine dans ce cénacle. Mais, comme à chaque fois, le profil des recevants varie, et c’est tant mieux. Aujourd’hui, je comprends vite qu’une partie du public est composée de personnes qui ont aimé le roman pour ce qu’il est, et que l’autre l’a apprécié pour ce qu’il pouvait solliciter de ce qu’ils avaient eux-mêmes vécu. Je m'adapte, avec moins de force que j’aurais voulu et pensé y mettre. Est-ce l’autorité des argumentaires qu’on m’objecte, est-ce la perspective de ne pas m’étaler trop parce que je dois, je veux, laisser la place à Eric qui me représente aussi en tant qu’auteur? J’ai parfois l’impression, nouvelle pour moi, que le discours m’échappe, que je n’apporte rien de plus que l’œuvre a déjà donné. Je me console vite, je sais que c’est plutôt monnaie courante chez des auteurs qui se déplacent, je sais aussi que je vais, indirectement, frapper fort avec les textes que j’ai signés pour « mon » musicien… Je reprends quand même une ou deux fois la main, sur l’exercice de relecture, sur l’épistémologie propre à l’inscription dans une période donnée, ancrée dans le temps et dans l’histoire. Patricia me relance, je lirai, en tout et pour tout, et en plus du début, le passage sur le « Cedrus libani » et l’extrait quotidien de la « partie de cache-cache » – je m’accorde cette habitude, puisque je suis au deuxième jour de mon Odyssée. Je cabotine un peu, encore, espère publiquement des gens présents qu’ils ne m’oublient pas d’ici six mois, histoire que les réseaux fonctionnent un minimum pour ce roman à venir, que je défendrai bec et ongles, quoi qu’il arrive. Je laisse la parole à Eric avec un quart d’heure de retard sur l’horaire prévu, à cette heure dînatoire, peut-être n’était-ce pas la meilleure des solutions. Pourtant, personne n’a quitté la salle quand il entreprend son récital: sur sept morceaux, il y a des points d’orgue, il le sait, le ressent, « l’embuscade », évidemment, au vu de l’émotion déjà sollicitée par le roman, « quand mes filles seront parties », pour tout ce qu’elle dit qu’on n’avait encore jamais dit comme ça, « au-dessus des eaux et des plaines » pour l’absolu équilibre qu’elle sollicite. Le concert s’achève, on ne sait pas si ce qu’on a proposé a satisfait les personnes présentes mais, sur le nombre, il y a déjà des personnes qui viennent me dire que j’ai de la chance d’avoir quelqu’un qui sait si bien interpréter ce que j’ai à dire. Je ne peux qu’acquiescer, mais ne dis rien, sinon merci. On a sans doute fini un peu tard pour eux, qui sont partis vite après le concert, mais j’ai eu le temps de remercier qui a objecté à « Tébessa » sa fonction de lieutenant de l’armée française dans l’Algérie de 60-61 - à laquelle, dis-je avec ironie, Gérard a échappé - qui d’autre objecte gentiment que Richard, l’ami que Gérard se fait sur le bateau, ne pouvait pas être fils de diplomate parce qu’à l’époque, il ne pouvait y avoir de diplomate dans un département français…
Dans les rencontres Lettres-Frontière, il y a, forcément, une part de désacralisation, un moment où l’auteur ne peut pas apparaître autrement que tel qu’il est, dans la vie. Le contact lié au préalable, plus l’aventure de la veille, ne m’auraient, quoi qu’il en soit, pas entraîné sur d'autres terrains, mais la soirée, relâchée et drolatique, passée avec Patricia et Laëtitia – t-i-t-i-a - , la présence amicale d’Hervé Beynel, les égides, tardives mais signifiantes, de Claude Gensac, Michel Galabru et Pierre Douglas - des têtes d’affiche inversement exigeantes à ce que j’ai vu de la sélection, surtout cinéphilique, de la Médiathèque – aura emporté le tout, en ce soir symbolique d’Evian.
J’ai accepté une trilogie, en amont. Dans six heures, à peine, je parlerai de Tébessa à Vougy, pour un petit-déjeuner littéraire. Que les gens de là-bas ne s’inquiètent pas pour autant : je veillerai à leur donner tout ce que je peux, autant, sinon plus, que ce que j’ai donné la veille. Je ne m’écroulerai, s’il le faut, qu’une fois la rencontre passée. Et si je dois revenir, ils le savent maintenant, à Evian comme ailleurs, je reviendrai. A la nage ce sera dur, mais par bateau, une fois de plus, volontiers. Quand je ne serai plus en concurrence, dans le même Palais Lumière, avec Jean Cocteau, que j’ai salué mais dont, jusqu’à nouvel ordre, j'attends la réciproque.
04:10 Publié dans Blog | Lien permanent