08/10/2009
Sujet de dissert pour le 13.11
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07/10/2009
"Dom Juan, revenu des enfers". Acte I, scène 1
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06/10/2009
Pour l'Inoxydable
D'abord pour lui dire que deux Deuce à la présentation de Dom Juan, c'était super sympa. Que Kent revient très fort, à mon sens, avec ce morceau-là, Panorama, que j'ai entendu dans la voiture sur Inter en m'enthousiasmant. Le concept des reprises des meilleurs morceaux, même réarrangés, me plaît moins. Je veux juste lui glisser qu'outre Suzanne Vega, Dominique A s'est glissé là-dedans, ce qui en soi est une très bonne nouvelle. Et c'est pour enregistrer "Je suis un kilomètre" qu'il est venu... Peut-être faut-il tendre à s'éloigner des choses pour comprendre...
panorama en écoute ici:
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04/10/2009
Reprise.
On a beaucoup parlé du dernier Mauvignier. En des termes élogieux qui allaient de soi, tant cet auteur-là s’impose, roman après roman, comme l’un des plus grands écrivains de son époque, doublé d’un être discret – ce qui, en ces temps sordides de beigbédérisme A, n’est absolument pas à négliger. De Des hommes, son septième roman, on a commencé par dire qu’il avait pour cadre une époque et des « événements » que la société française avait jusqu’ici éludés, respectant à la lettre le constat édicté par Benjamin Stora selon lequel on n’a jamais écrit sur la Guerre d’Algérie et que, de toute manière, il faut cinquante ans pour parler d’une guerre. Sans doute, d’ici 2012, respectant la tradition locale de commémoration, les ouvrages fleuriront et la fiction reprendra un peu de ce qu’elle a jusque là laissé aux historiens. On aura d’ici là oublié les excellents romans de Arno Bertina(1) et de Bertrand Leclair(2), sans compter… non rien. Mauvignier n’y sera pour rien, évidemment, pas plus qu’il n’est pour quelque chose dans l’enthousiasme des critiques qui trouvent formidable qu’un auteur d’une quarantaine d’années s’intéresse à ce pan de l’Histoire. Dans des Hommes, Mauvignier situe, comme ces autres avant lui, l’Histoire dans l’histoire et par analepse, remonte la vie de ces hommes qui en sont revenus à partir d’un scandale local et quasi insignifiant. On remonte l’existence de Feu-de-Bois, ivrogne et paria d’un village de campagne comme il doit en exister mille, du type de celui qui a un jour accueilli Pierre Jourde(3) avec pierres et fourches. Feu-de-Bois, ce surnom en trompe-l’œil (on craint d’office la référence à la corvée du même nom) qui fut un jour Bernard, jeune appelé qui sort de la boue pour découvrir la pierraille ; Bernard, dont le parcours nous est, dans le roman, reconstitué pointilleusement par Rabut, par Février, par un narrateur dont on se demande s’il n’est pas omniscient au regard d’une histoire humaine aux horreurs soigneusement partagées entre ses différents camps. Mauvignier n’élude rien, dans son roman découpé en tranches de temps (« après-midi », « soir », « nuit » et « matin ») qui semblent tout dire également de ce qu’est un homme dont sa propre nuit se rappelle à lui. Parce que la filiation qu’on ne manque jamais de faire avec un roman qui veut dire la guerre est assumée, jusque dans quelques expressions dont on ne me fera pas croire qu’elles ne sont pas voulues : la guerre, pour les personnages de Mauvignier, c’était aussi tout ce qu’on ne comprenait pas(4) …
Et la guerre, à Verdun comme en Algérie, c’est d’abord une hébétude, puis un silence obligé. Par l’indicible, par les autres qui ne veulent ni entendre ni écouter. Feu-de-Bois, qui dégoûtera le lecteur dès le début sans que celui-ci se rende compte qu’il participe, ce faisant, de la même curée que celle qu’il aurait de lui-même jugée amorale. C’est la construction du roman, par strates, par ellipses, qui fait que le tableau se remplit et que les circonstances atténuantes se créent, sans pour autant qu’elles excusent. Parce que c’est bel et bien un réquisitoire contre l’Humanité elle-même auquel se livre Mauvignier, comme il l’avait fait au préalable en se servant du pire match de football que le XX° siècle ait connu(5). Tout ce qui fait le pire de la période est convoqué ici, sommé de combler tous ces blancs qui ne font que des hommes de soixante deux ans, à quatre heures du matin(6), reprennent de vieilles photos et essaient d’y retrouver la vie que d’autres vies que la leur ont laissée là-bas. On trouve ce qui a fait le superbe film de Philippe Faucon, « la trahison »(7), que les amateurs du site ont vu au CIFA St Denis : le dilemme des harkis, la porte qu’ils ouvrent dans leur conscience avant de la laisser ouverte aux sourires kabyles des fellaghas ; l’aveuglement, la rage puis le désespoir des colons qu’on a laissés là-bas en revenant sur la promesse qu’on avait faite ; l’impossible retour des appelés, qui ne sont plus puceaux de l’horreur mais à qui on ne reconnaît toujours pas l’héroïsme de leurs grands-pères. Ceux qui ont fait Verdun.
Ce que Mauvignier dit de mieux, c’est sans doute les chutes individuelles de toutes ces existences qui ont péri. Toutes, en comptant celles qui ont survécu. Le personnage de Mireille est à lui seul l’histoire de la période : d’abord bien née, puis damnée. L’existence qu’elle vivra auprès d’un Bernard qu’elle a aimé là-bas sera un sommet de tristesse dont elle le rendra responsable (« Et elle en voudrait à Bernard, elle en ferait son coupable, puisqu’il en faudra un »(8))
Des hommes est un roman majeur, sans qu’il soit besoin qu’on le dise. Quelques particularités stylistiques très Minuit, qui ne m’ont pas dérangé dans ses romans précédents, m’ont parfois paru ici un tout petit peu précieuses. Rien de grave, un ou deux suspens marqués dans la typographie et dans l’espace, une déstructuration de la syntaxe, un ou deux signes qui n’apportent rien, à mon sens. Peut-être, simplement, la pudeur d’un romancier avec lequel j’aimerais échanger quelques mots, quand j’irai le rencontrer. Pour savoir ce qu’il va faire lui, maintenant, de cette partie de l’Histoire. Pour lui donner le roman d’un de ses soldats dont Mauvignier, via Rabut, s’effraie qu’on puisse un jour ne plus rien savoir de ce qu’ils ont été.
(1) « Le Dehors ou la migration des truites », Actes Sud, 2000
(2) Une guerre sans fin, Libella Maren Sell, 2008
(3) voir la polémique et le procès liés à « Pays perdu »
(4) Louis-Ferdinand Céline, « Voyage au bout de la nuit »
(5) Dans la foule, Minuit, 2006
(6) p°259
(7) 2005, d’après le roman autobiographique de Richard Sales
(8) P°277
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15/08/2009
Destination Zagreb via Paris!
A lire également sur suckingrockandroll
site critique, décalé et constructif. Merci à Bert.
Ce 360° a pris un tour spécial. Décidé à ne plus revivre des atrocités dépressives comme le Vertigogo Tour que j’avais vu de Nice (très mauvaise pioche…) en 2005, j’avais décrété, en amont, que ce serait la dernière fois que j’irais voir ce groupe qui ne pouvait que me décevoir en me ramenant systématiquement aux 20 ans que ni eux ni moi n’avons plus. Je me suis fixé donc deux échéances raisonnables, « faire » le SDF que je n’avais pas pu faire quatre ans auparavant, et doubler ça d’une date à l’étranger. Je rêvais de Séville, ma ville fétiche, de Lisbonne, également, mais au vu des premières dates annoncées, j’ai d’abord déchanté, avant de faire un bond : Zagreb, Croatie, premiers concerts là-bas, quelques attaches affectives dans cette ville également, ma décision était prise. Evidemment, j’aurais pu, comme tout le monde, aller à Dublin, mais j’ai déjà dit que je ne voulais pas faire maintenant ce que je n’ai pas pu faire vingt ans avant, a fortiori quand c’est devenu beaucoup (beaucoup) plus facile… Et Zagreb, ai-je pensé, c’était aussi l’assurance d’une ambiance de feu, dans un stade à taille humaine. Parce que c’est quand même ce qui fait que des vieux fans se détachent de U2, de ne pas supporter cette démesure qui n’est même plus ironique comme elle l’était pour le Zoo Tv Tour… De ne pas supporter cette illusion entretenue par les fans plus jeunes et – forcément – plus enthousiastes, l’illusion d’un groupe qui donne tout sur scène, qui est capable de tout. Les shows de U2 sont millimétrés, de telle façon qu’on en est maintenant arrivé à disserter sur l’esquisse d’un changement, sur le fait que, par exemple, ils interprètent « Bad » à Amsterdam ou Dublin. Mais « Bad », U2 doit le jouer partout, sinon, ça n’est plus U2 ! Qui s’est posé cette question ? Et pourquoi ne la jouent-ils plus, alors ? Parce qu’ils n’y croient plus et que parmi les obligations qu’ils doivent à cette partie – majeure – du public qui ne les suit que de très loin et qui ne passe pas ses journées sur un forum, ils ont choisi d’autres classiques et, peut-être, épargné celui-ci par sursaut d’éthique… Parce que c’est quand même ça qui ressort d’abord des mes deux concerts du 360° Blackberry Tour : cette grosse machinerie s’est fonctionnarisée jusqu’au ridicule. Le ridicule, c’est d’abord cette nouvelle façon, déguisée, de hiérarchiser les « clients », avec des Red Zone dont une partie financerait l’Afrique ! Je pense à Lennon qui demande aux pauvres du poulailler d’applaudir fort et aux riches du parterre d’agiter leurs bijoux… Comble du mauvais goût, des passerelles mouvantes servent aux musiciens d’aller marcher sur l’eau et, accessoirement, sur les têtes des ravis qui ne savent plus, dans ces moments-là, où donner du numérique… Les mêmes s’enorgueilliront d’être arrivés à 7h du matin, d’avoir passé le concert collés à la barrière (en ratant tout des effets lumineux, d’ailleurs…), d’avoir préféré Paris II à Paris I etc. Qu’est-ce que j’ai vu, moi, de mon SDF, en toute objectivité ? Un concert qui commence plutôt bien, quatre chansons du dernier album courageusement défendues, puis, déjà, une redescente, un « In a little while » superflu, une liaison satellite qui ferait pleurer n’importe qui ayant assisté au duo fictif avec Lou Reed ou à la liaison avec Sarajevo… Un « Streets » raté, un « Sunday », un « Pride » expédiés sans conviction, une bonne surprise avec « Unforgettable Fire » malheureusement maltraité, joué comme un (autre) morceau de stade que sont les détestables (pour moi) Vertigo, Boboots et toutes les oh-oh-oh songs du dernier album. Je ne cherche pas la polémique, je dis que je n’aime pas cette façon de jouer ces morceaux, qui ne laissent aucune place à la finesse : quand je les entends, je me dis une fois encore que le groupe que j’aimais est passé, et que ça ne sert décidément à rien de courir après sa jeunesse…
Il me restait Zagreb, alors, le 10 août. Il a fallu encaisser d’abord d’être les dindons de la Live Nation farce, puisque c’est à Zagreb, et Zagreb seulement, que le deuxième concert – rajouté après que le premier a fait le plein – a été placé la veille du premier… Pourquoi n’ai-je pas fait les deux, alors, m’ont déjà demandé certains fans ? Pour la même raison qui a fait que j’ai volontairement pris un billet retour le 12 juillet pour ne pas être à la deuxième date : parce qu’assister deux fois à un show rigoureusement identique est au-dessus de mes forces. Arrivé à Zagreb, j’ai été surpris de constater que le concert de U2 était un événement national (télé, journaux, livret spécial distribué en ville…) mais qu’il ne phagocytait pas la vie non plus : pas de hordes de t-shirts, pas de drapeaux irlandais fièrement arborés, il faut atteindre la proximité du Maksimir Stadion pour réaliser que le même groupe que j’ai vu un mois avant allait se produire là dans quelques heures. Et, pour ceux qui jugeraient cette chronique désabusée, je vais dire ce que j’ai aimé de ce concert : l’impression justement d’assister pour la première fois à un concert de U2, comme il y a vingt ans, dans le même désordre d’ailleurs que celui qui n’aurait jamais dû disparaître des concerts de rock. L’emplacement d’abord : dans un stade comme celui-ci, en arrivant à 19h, on peut se retrouver à dix mètres de la scène sans problème, et on peut avancer, si on en a envie. Pas de consumérisme à tout crin, du j’ai-payé-j’ai-droit, du « j’étais là avant ». Alors, oui, ça bouscule, ça joue des coudes, mais au moins ça vit. Et puis la réaction d’un public privé de tout concert depuis le début sur des chansons comme celles que U2 a expédiées à Paris fait que, d’une, ils les jouent beaucoup mieux, de deux, le public les reçoit avec une vraie ferveur : jamais je n’aurais imaginé que Sunday ou Pride me feraient cet effet de nouveau. On me disait que pour que U2 existe de nouveau, il fallait qu’ils aient quelque chose à prouver ; j’en avais eu l’impression en 2001, alors que je les avais un peu laissé tomber, quand Bono a enflammé Slane Castle pour expier la mort de son père (tout ça pour nous pondre trois ans après le larmoyant « Sometimes » et sa dégueulasse interprétation live…). A Zagreb, je ne me suis pas autorisé la distance blasée des nouveaux consommateurs de U2 et j’ai aimé ce concert plus que j’ai aimé d’autres concerts d’autres tournées du même groupe. J’ai enfin vu un Bono décidé à en découdre et content d’être là, un public réceptif, un show et un groupe resserrés, et peu m’importe d’avoir appris après que si l’écran ne s’est pas totalement déplié, c’est parce qu’il y a eu une panne, j’ai trouvé ça mieux, plus originel. Comme quand ils étaient encore maîtres de ce qu’ils faisaient, même dans la démesure, comme quand, pour le Pop Mart Tour, Bono demandait à ce qu’on éteigne les écrans pour « balancer » un New Year’s Day juste éclairé de blanc et donner l’illusion, oui l’illusion, là aussi, qu’on était tous ensemble dans une petite salle…
Ah, à Zagreb, Bono a eu l’élégance de remercier ses sponsors avant que la dernière chanson commence, ce qu’il n’a pas fait à Paris (ce qui vaut son pesant de cacahouètes sur les bootlegs !). Cette dernière chanson qui arrive en fin de rappels qui n’en sont pas, puisqu’il n’y a plus de rappels aux concerts de U2. Tant mieux ? A chaque fois que j’entends Bono chanter « How long to sing this song », même en snippet de Bad (qui dira également que le snippet est pour Bono l’excuse officielle de l’oubli des paroles ?), je ne peux m’empêcher de penser à l’ironique polysémie de la traduction : combien de temps encore va-t-il falloir que je chante ça… Fonctionnarisés, disais-je.
19:07 Publié dans Musique | Lien permanent
17/06/2009
High Fidelity?
Pascale Debruères - la chargée de mission responsable de "l'Usage des mots", la journée du 13 novembre qui présentera les auteurs de la 16ème sélection de Lettres Frontière - ne savait sans doute pas dans quel abîme de perplexité elle me plongerait en me demandant, pour une chronique appelée "il/elle a particulièrement aimé", de me présenter en filigrane par le biais de "quatre, cinq" ouvrages que j'aurais choisis! Moi qui, lui ai-je répondu, passe mon temps, comme dans l'excellent "High Fidelity" de Nick Hornby, à faire toutes les play-lists possibles pour n'importe quel cas de figure improbable, voilà qui m'a précipité plus encore! Et cette fois-ci, c'était pour de l'officiel, pas dans les colonnes de ce blog... Il a donc fallu que je fasse un choix, réfléchi, posé, assumé (d'avance): que j'exclue des auteurs qui y avaient leur place évidente pour laisser un peu plus de lumière à d'autres, qui en ont perdu, ou qui l'ont égarée...
Cette liste, que j'ai commentée alors qu'on ne me le demandait évidemment pas, c'est celle-ci:
MON CINQ MAJEUR
- Antoine Bloyé, de Paul Nizan, Grasset, 1933
Mon auteur de et pour toujours : ce n’est pas encore la Conspiration, le roman le plus abouti de Paul Nizan, mais c’est justement sa force brute, le portrait qu’il fait de lui à travers ce père qui n’aura jamais accepté son ascension sociale au sein du Chemin de Fer, la trahison de classe qu’il en a silencieusement déduit. A partir de Bloyé, il y aura toujours un traître dans l’œuvre de Nizan : pas toujours celui que l’on croit.)
- Jules et Jim, de Henri-Pierre Roché, Gallimard, 1953
Un premier "vrai" roman écrit par un jeune homme de 74 ans... Et cette phrase absolue : " Avaient-ils jamais rencontré ce sourire ? - Jamais - Que feraient-ils s'ils le rencontraient un jour ? - Ils le suivraient ." Une épure qui se serait imposée à celui que sa démarche esthétique a fini par déterminer.
- Le livre brisé, de Serge Doubrovsky, Grasset, 1989
« Le livre monstre » et l’odeur du sang. Mais une entrée dans l’autofiction par ce qu’elle a de plus minimal entre l’intime et le manifeste, avec ses petites marques dans les jeux de mots qui ne rient plus. L’objet/sujet, le pacte autobiographique, l’histoire de Ilse, tout me semblait y être, à l’époque.
- Vie secrète, de Pascal Quignard, Gallimard, 1998
Pour ça : qui échappe au malheur du mot de trop ? Et aussi pour l’anatomie de la passion qu’il propose.
- Créature, de René Belletto, P.O.L, 2000
J’ai aimé dès le début chez Belletto cette capacité à raconter des histoires et à laisser s’entremêler des pans de ce qui l’intéresse lui dans ce qui doit intéresser celui qui le lit ! Dans Créature, roman à codes, les renvois constants à la lutherie et à la HiFi côtoient le surnaturel, sans que ça en soit vraiment. Et puis, ce rapport à la littérature…
LE SIXIEME HOMME EST UNE FEMME PAS COMME LES AUTRES
- L’empreinte de l’ange, de Nancy Huston, Actes Sud, 1998
Je n’ai jamais osé dire à Nancy Huston, à chaque fois que je l’ai rencontrée, qu’elle écrivait dans la lumière ce que je tentais de faire dans l’anonymat : ses pages , dans ce roman, où le musicien cherche à tout prix à ramasser sa flûte en plein cœur de la répression, par la police de Papon, de la manifestation des Algériens, en 1961, m’ont renforcé dans l’idée que je me faisais qu’on pouvait traiter de la grande histoire par la petite, sans la pervertir.
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14/06/2009
CANTHOLOGIQUE!
J’avais délibérément choisi de ne rien savoir sur « Looking for Eric » de Ken Loach avant d’aller le voir, le seul fait que ce film existe et que Ken Loach l’ait réalisé suffisant presque pour que je retarde le moment au risque de m’y prendre trop tard, vous suivez ? Il y a des films comme ça pour lesquels la sympathie est telle que ce n’est parfois même pas la peine d’aller les voir ! Bon, là, quand même, j’y suis allé. Conscient de ce que Loach a apporté à ma vie et conscient que la madeleine, parfois, peut porter un maillot rouge a col relevé. Pour user d’une hyperbole, je dirai que je n’ai pas vu de meilleur film que celui-ci, cette année ! Que ce cinéaste est aussi génial que son sujet est excellent, dans une hagiographie inversée : ce n’est pas Cantona dont on parle, mais d’Eric, le postier ; et ce n’est pas sa vie qui compte le plus, c’est l’unité dont font preuve les United, même si le rapport au club qu’ils n’arrivent plus – financièrement – à supporter n’est que prétexte à lien social dans une Angleterre loachienne, c’est-à-dire prolétaire.
Il y a des scènes d’anthologie dans ce film, pas forcément celles dont on a parlé. Celle qui génère le nœud de l’histoire, quand les postiers entrent en méditation et essaient de se voir par le regard d’une personnalité qu’ils aiment, quand cinq inconnus deviennent, dans un salon usé, Sammy Davis Jr, Nelson Mandela, Eric Cantona, Gandhi et Mister Blue eyes Frank Sinatra, quand, dans l’hypnose simulée, Mandela se lève pour « retrouver Winnie », c’est tout une salle qui explose de rire avant même qu’Eric lui-même entre en scène. On retrouve ce qui fait que les films de Loach sont drôles dans leur misère extrême : l’amitié, réelle, le partage, les valeurs que le club qu’ils regardent à la télévision a perdues. Pour aller aux matchs de MU, nous dit Loach, il faut être riche ou connaître des personnes influentes, fussent-elles peu vertueuses. Ce qui s’offre à Eric le postier, c’est de faire partie du rêve, d’en devenir l’historien et le garant du mythe que l’objet même du culte démythifie ! Quand Canto explique qu’il ne se souvient de rien de ce que Eric n’a pas oublié, c’est le rapport à soi que Loach explore ; quand il lui dit – et que Loach montre, au ralenti – que sa plus belle action fut une passe, qu’elle signifie que c’est la confiance que tu voues à l’autre et le risque que tu prends qui te rendent meilleur – quand chacune de ces leçons se double d’une auto-dérision permanente, on ne peut qu’être touché par cette histoire-là. Il n’y a que chez Loach qu’on peut parfois justifier une larme qui vient par le rire d’avant. Tout est touchant dans ce film, cet amour vécu in absentia et retrouvé quand plus rien n’est possible sauf ce qui reste à réinventer, cette issue cabotine à l’impasse dans laquelle la famille se trouve, les enfants qui retrouvent de l’estime et de l’amour pour un père qu’ils pensaient perdu, tout.
« Je me suis pas encore remis de tes p…. de mouettes ! », dit Eric à Eric. Moi non plus. Et je ne suis pas prêt de me remettre de ce p… de film dont on sort rasséréné, avec une volonté irrépressible de remonter le col de sa chemise et de marcher d’un port altier.
10:33 Publié dans Blog | Lien permanent
11/06/2009
La sélection Lettres Frontière 2009
22:43 Publié dans Blog | Lien permanent