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18/11/2010

L'Ethique it be!

Je reviens à l'instant des états de la bioéthique, organisés à Paris V sous la présidence d'Axel Kahn. Deux jours, dix-huit heures de colloque, des intervenants d'une intelligence inouïe - reconnaissables à leur simplicité et à l'absence de powerpoint - et d'autres. Trop fatigué et pas assez futé pour un compte-rendu immédiat, mais une bonne formation personnelle, celle qu'on s'obstine à ne jamais reconnaître aux gens de ma profession.

Sinon, le Tramway, c'est dans deux jours, hein!

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15/11/2010

Djeurf, 1956

Un homme m'a contacté par mail hier, pour me raconter une histoire poignante, dont je regrette qu'elle n'ait pu, de fait, figurer dans "Tébessa, 1956". Sous l'intitulé "Djeurf, 1956", il me raconte comment, jeune instituteur rappelé comme officier, il s'est retrouvé affecté en mai 1956 dans les Aurès, "le pays d'origine" de la plupart de ses élèves. Après un passage par Tébessa, le voilà à Djeurf, " dans un paysage lunaire", avec le fort, "orgueilleusement perché sur la crête des falaises qui dominent l'Oued Hallail". Mais surtout, rajoute-t-il, le regard du jeune soldat qu'il était s'est immédiatement fixé sur "une série de tombes toutes fraiches, proprement alignées dans leur enclos tout aussi blanc". Sa compagnie relevait la compagnie tombée dans l'embuscade du 5 avril. Celle de Gérard. Celle aussi d'un jeune sous-officier qui resta un mois avec les nouveaux arrivés pour assurer la transition. Et qui leur parla de ceux qui étaient tombés. De Gérard, sans doute, de sa passion pour les fleurs et les dominos, peut-être... Mais l'anecdote que ce monsieur m'a racontée n'est même pas là, encore: dans l'embuscade, un adjudant-chef qui n'était sans doute pas aussi fou-de-guerre que celui que j'ai décrit dans le roman est tombé "à la tête de ses hommes". Il avait une chienne qu'il amenait partout avec lui, mais qui là, ne l'a pas accompagné dans la mort. "Ensauvagée et traumatisée", la pauvre bête ne rentra dès lors plus au fort que le soir, à la nuit tombée, pour manger près des barbelés la nourriture que les soldats déposaient pour elle...

Cette chienne-là, j'en aurais volontiers, je le répète, fait un personnage central de Tébessa, le roman. Mais cette histoire montre que la parole et l'émotion sont liées, et qu'un livre peut faire, à sa façon, qu'une histoire continue de circuler. Je remercie chaleureusement, ici aussi, ce monsieur dont la dignité, la mémoire et l'écriture sont autant de leçons de vie. Et je joins à ce message la photo du cimetière qu'il m'a envoyée.

 

Cimetière.jpg

 

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14/11/2010

At the end of the day, it's only hide-and-go-seek!


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A noter que je ne sais pas très bien ce que signifie "l'inspiration rock", mais je m'en accommoderai, Eric Hostettler aussi.

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13/11/2010

Blind Date

VdN.jpgC’est ce soir, à la Casa Musicale – un lieu qui va finir par bien porter son nom au vu du nombre de fois où je m’y suis trouvé ces derniers temps et qui sait élégamment accueillir les écrivains, aussi ! -  que j’étais censé découvrir en avant première le secret de « Bonne-Espérance ». Une histoire de secret, de monstres, de frère disparu, entre des enfants qui se courraient après dans la lande, mais pas celle, plate, du Berry, celle arpentée des terres d’Irlande ou d’Ecosse, avec ses légendes et sa mythologie. Dans des temps qui restent indéfinis, tant dans la narration que dans les insertions que celle-ci s’autorise : de quelle vie de ses deux personnages centraux parle-t-elle, cette aventure, celle qu’ils ont déjà vécue avant, celle qu’ils ont, l’un ou l’autre, l’un et l’autre, rêvée, une seule réminiscence ("dans une autre vie, dans un autre temps, nous nous sommes aimés avant") ? Le halo de mystère qui entoure le récit de Bonne-Espérance et de ses amours incestueuses est à la hauteur de la longue attente qu’il a fallu subir pour qu’on y ait accès. Et ce ne fut pas facile, pour moi qui m’y étais préparé, de comprendre que ce ne serait encore que par bribes, celles entendues à l’aveugle dans une salle de restauration extrêmement bruyante, celles distillées dans un récital acoustique forcément incomplet. Il me reste quinze jours, encore, pour avoir le texte sous les yeux : j’ai compris que la figure centrale de cette allégorie était, au bout du compte, un grand mur, récurrent, un de ceux qu’on imagine ne jamais pouvoir franchir avant qu’on le fasse par interdit, en bénéficiant d’une courte échelle. Un mur de silences, de damnations, un zeste de Festen dans un inceste, mais seulement dans ses répercussions, au village : les commérages, la mère devenue folle, le père (« il n’existe pas, c’est juste une invention de ma mère ») parti, le chien découvert éventré devant la maison, dans les entrailles duquel, pourtant, Bonne-Espérance – nommé ainsi puisque né à fond de cale d’un Clipper tel un Jean-Baptiste Grenouille éjecté devant l’étal de poissonnerie - lit que, contre vents et marées, avec elle il se mariera.  Dans un de ces futurs gidiens ("Nathanaël, je t'enseignerai la ferveur") fréquemment utilisés qui donnent au récit des allures de prédication, et rappellent que l'unité reste à comprendre. Un B-E « mort hier », dit-il de lui, se retrouvant dans une taverne avec Edgar Allan Poe – qu’il congédie, puisqu’il a lui-même deux macchabées au fond du corbillard qui l’attendent -  ou dans Hollywood Park sans qu’on sache, pour l’instant, si c’est le fruit de son « cerveau dérangé » et des « images qui (le) hantent » ou si ces projections-là appellent les différents temps de l’histoire d’amour qui le lie à Thélma. Sa sœur. Qu’il voudrait arracher des griffes de son mari, Ethan, quand lui-même, dans le même temps, dit à Maureen Mc Kenzie, qui fait partie de la « photo de famille », qu’elle peut bien se pencher par dessus la falaise, il sait qu’elle ne va pas sauter, parce que « l’héroïne, ce n’est pas elle ». Bonne-Espérance aime Thelma tellement qu’il tuerait pour elle, si elle le lui demandait. Ce qu’elle ne manque pas de faire, même si l’interrogation demeure sur ce qu’il va se passer, et surtout si ça s’est réellement passé, encore une fois. Parce que si la confusion des temps n’empêche pas le questionnement lucide de Thelma (« Mais que s’est-il passé, mon frère ?»), c’est aussi pour lui demander juste derrière pourquoi, un beau matin, ils se sont réveillés vieux…

Tout cela est bien sybillin, oui, mais c’est une œuvre qui sera majeure dans son exigence et dans sa portée romanesque. Que Stéphane Pétrier, puisque c’est de lui qu’on parle, assume donc désormais et avec maestria. Dans laquelle il a embarqué depuis trois ans son Voyage de Noz, qui s’est donc totalement remis en cause. Je n’ai pas d’autres repères d’albums comme celui-ci depuis « l’Imprudence » de Bashung, c’est dire. Et c’est une autre belle forme de permanence que je savoure, puisque je les avais laissés il y a longtemps persuadé – de façon péremptoire – que l'écriture de Pétrier était encore très en deça de là où elle se devait d’être.  Là, c’est avec une simplicité apparente qu’il sert le complexe de la situation : à ce titre, « la Tempête » est réellement un chef-d’œuvre, à mon sens. Je vais attendre quinze jours, maintenant, pour voir, livret en main, s’il y a d’autres secrets derrière le mur. Et s’il est d’autres théorèmes que de savoir où s’en vont les gens qui s’aiment.

 

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06/11/2010

IV- L’Impromptu de Florence

L’action se passe sous les arcades du Palais Pitti. Laurent de Médicis, qui n’a pas encore rencontré Clarisse Orsini, jouit d’une solide réputation de séducteur. Ippolita Maria, fille de Francesco Sforza, au mariage de laquelle il a assisté, l’aborde secrètement.*

Ippolita Maria Sforza 

Vous m’intriguez, Monsieur, je ne sais si je dois

Vous demander des comptes sur un subit émoi

Laurent de Médicis

Que je vous inspirai ? Vous me flattez, Madame !

Ippolita Maria Sforza 

Je vous prie de cesser de jouer de vos charmes !

Je ne vous parle pas de ce type d’émoi

Qui ne touche jamais qu’êtres de peu de foi !

Mais de la position que vous prenez, céans

Qui vous donne les traits d’un fieffé Don Juan 

Dont on ne sait jamais quelles sont les humeurs

Ni de quelles régions sont les élans du cœur

Laurent de Médicis

Vous pensez me connaître sous ces attributs-là

Qui vous rassureront puisque ces entrelacs,

Il va sans dire, Madame, qu’ils ne sont pas les vôtres :

Vous n’êtes pas de celles qui rampent et se vautrent !

Ippolita Maria Sforza 

Monsieur, vous m’outragez !

Laurent de Médicis

Il n’en est rien, Madame !

Ippolita Maria Sforza 

Pourtant c’est outrancier !

Laurent de Médicis

Mais si loin de votre âme !

Puisque les Florentines tiennent de leur Cité

Le don de ne sortir jamais que maquillées

Des plus belles peintures qu’on ait jamais perçues

Vous n’avez pas le vice, Madame, mais la vertu !

Ippolita Maria Sforza

Vous savez bien flatter, mais savez moins répondre

Aux questions qu’on vous pose et pourtant sans encombres

N’y a-t-il pas ici quelques afféteries

A ne montrer de vous que cette face-ci ?

Laurent de Médicis

Pour la clarté, Madame, vous avez un époux !

S’il vous voyait ici, que dirait-il de vous ?

Ippolita Maria Sforza

Rien de ce qui m’attire ne peut m’être fatal

Quand le lien que j’ai pris est fidèle et moral

Laurent de Médicis

Et si je vous disais, Madame, que je l’envie

Cet être qui à vous un jour on a uni ? 

Ippolita Maria Sforza

Je vous dirais, Monsieur, que vous pourriez aussi

Etre d’une ingénue le fidèle mari

Laurent de Médicis

Que je n’aimerais plus dès après qu’un regard

Se portera sur moi sans que j’y prenne gare ?

Non, non, je vous le dis, je n’aimerai personne

Que je ne puisse aimer sans peur du monotone

Je peux garder de vous le meilleur sans conquête

Il suffit qu’un sourire, une pensée s’y prête

Et si cet absolu dépasse l’Apennin

Je resterai là, seul, en maudit florentin !

Je préfère aimer plus que l’on m’aime en retour

Qu’on me condamne donc sans ultime recours :

On dira de ma vie qu’elle se fît dans l’errance

Mais on dira aussi qu’elle séduisit Florence.

* Il va sans dire qu’aucun historien sérieux n’a trouvé trace de cet épisode sulfureux.

 

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05/11/2010

Un tramway nommé Jules & Jim!

Le salon de Lyon ayant été annulé par le type de précaution dont on se demande bien de quoi elle est censée nous protéger, et le Café littéraire de Pigny ne souhaitant visiblement pas m'accueillir pour d'autres obscures raisons, les rendez-vous autour de "la partie de cache-cache" se resserrent quelque peu, mais j'ai deux événements importants à annoncer à ceux qui ne le savent pas déjà. 

Le samedi 20 novembre, à 18h, je suis l'invité de la "Librairie du Tramway" avec d'autant plus de plaisir qu'il s'agit de "ma" librairie, d'en-bas-de-chez-moi. Eric Hostettler m'accompagnera et je souhaite qu'il y ait du monde pour ma première "vraie" réception sur Lyon.

Le vendredi d'après, le 26, à 19h, je serai chez "Jules & Jim", en Haute-Savoie, avec, je le souhaite, tous ceux de Lettres-Frontière qui attendent de me revoir. Pas de musique ce soir-là, mais - forcément - un petit impromptu autour de J&J, mon oeuvre fétiche. Enfin une des.

Pour fêter ça, il fallait bien une affiche, et des tracts autres qu'appelant au retrait de la réforme des retraites. Isabelle & Régis Grève-Vaillon, que je remercie ici, s'en sont chargé. A noter que "la Valse" m'accompagne et que c'est tout un symbole.

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30/10/2010

Résidents du philharmonique

IMG_0790.jpgJe poursuis mon voyage dans l’Art des autres, en ce moment : il faut bien s’enrichir et je m’inquiéterais de mon absence de goût pour la lecture si je n’avais pas lu Sartre et si je ne me savais pas dans la phase écriture, que je dissocie comme lui de l’acte de lire, ce qui nous autorise le double d’angoisse, la peur de ne plus lire un temps, la peur de ne plus écrire un autre… Bref. Ce soir, j’ai retrouvé une Casa Musicale que j’avais quittée conquise, dans toutes les acceptions du terme, par des Deuce qui ne connaissent pas leurs limites (contrairement à ce qu'ils veulent faire croire), pour un récital d’un tout autre genre puisque Valeria Pacella et ses musiciens y ont posé leurs instruments pour une résidence de quatre jours ponctuée, donc, d’un concert final pour lequel on espérait peut-être plus de monde que la quinzaine de personnes présentes. La résidence d’artiste, c’est une excellente idée d’Eric Martin, le maître des lieux, ça donne une tournure intime et familiale, l’envie, également, de se dépasser. Valeria Pacella comptait visiblement sur ce concert pour donner l’élan que tout artiste émergent espère donner à son projet : un album est en cours, il est prévu pour fin décembre, la souscription qui va avec trouvera, je l’espère, l’écho qui devrait être le sien dans un univers pourtant bien encombré. VP en concert, ce sont trois musiciens issus du classique qui font part d’une maîtrise et d’un équilibre impressionnants : la patronne, tout en bras nus fins et musclés, joue de ses guitares comme une concertiste debout, le manche relevé, les arpèges affutés ; de chaque côté d’elle, ses hommes – dirait Barbara – la suivent, chacun dans le monde de son instrument. Fred D., par ailleurs excellent auteur-compositeur-interprète lui-même, créateur d’un « l'âme » qui m’a impressionné récemment, roule de sa corde de basse, soutient le morceau, lui donne du corps. Olivier Gailly, en violoncelliste lunaire, lui répond par vagues, quand ses archets donnent à un « Funny smile » la dimension tragique que son titre ne sous-entend pas. Chez Valeria Pacella, qui chante en anglais douze fois sur treize, les champs d’inspiration sont classiques, également, pour le peu que j’aie pu retenir d’une première écoute, en dehors des titres disponibles sur la toile : tout n’est pas matière au suicide, heureusement, il y a, comme chez tout le monde, des chansons qui sont d’amour et d’autres qui n’en sont pas. Un texte sur un auteur qui bloque à la 21ème page, ce qui n’est pas beaucoup, convenons-en. Il y a surtout une voix d’une clarté qui mélange, je l’ai déjà écrit, Anne Clark avec Suzanne Vega, ce qui n’est pas rien, le tout teinté, programmations et quelques samples de humming obligent, d’un peu de Claudia Brücken, la chanteuse d’un Propaganda ressurgi du néant le temps d’une interrogation. C’est élégant, c’est subtil, ça manque sans doute d’un peu de rythme et d’enchaînements : entre le bois qui travaille et la courte durée des morceaux – pourquoi pas de reprise instrumentale interminable, avec une telle formation ? - on a un peu plus entendu les silences que la musique. Même si le silence qui suit une chanson de Valeria, c’est encore… Enfin, la chanson, vous la connaissez.


Valeria Pacella - "Funny Smile", Casa Musicale, 29.10.10
envoyé par cachardl. - Regardez plus de clips, en HD !




 

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28/10/2010

Paroles & Musique

Image 13.pngJe suis chez Hostettler, je l'entends gratter la guitare en haut. Je ne reconnais pas ce qu'il chante, mais l'air m'interpelle: je dois le dire ici, autant par curiosité que par jalousie, puisque si je ne reconnais pas, c'est peut-être parce que ce n'est pas de moi. Voilà, le moment de honte est déjà passé. Je monte, j'ai mon ordinateur avec moi, je m'assieds à la table du bureau, il continue de chercher, un accord, une harmonie. C'est le moment où je me sollicite, je me dis que des mots DOIVENT venir, pour autant je sais qu'ils ne répondent pas plus que moi aux impératifs. Je voudrais moi aussi être laborieux et ce n'est pas une provocation: je sais depuis longtemps que je ne peux pas travailler longtemps sur un texte - même si un texte chez moi peut s'installer dans la durée - mais que le texte surgit violemment, après que mon cerveau a dangereusement chauffé. Je crains, à mon âge, un accident cérébral qui me paraît inévitable au regard de ce qui se passe dans mon for intérieur : j'espère juste qu'il surviendra une fois que j'aurai terminé ce que j'ai à faire, seulement. Les mots sont donc sortis, je ne sais pas ce qu'ils valent, je me dois de les laisser à Eric puisque j'en ai d'autres à gérer, des plus compliqués, des qui demandent davantage encore. Il est temps, maintenant que ma nouvelle esquisse des émotions est terminée, que j'en termine avec mon Dîner, dont je sais que certains, ici, attendent le dénouement. Que je n'en sache rien moi-même leur importe peu: c'est la règle du je.

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