21/07/2011
"Trop pas!" - Chroniques - 17
C’est l’avant-dernier jour d’enregistrement. Puisque tout est fait, il ne reste plus qu’à secouer la salière, mais pas dans le sens où les québécois l’entendent*, plutôt au sens propre : ce matin, Fred D. a joué du tambourin et, donc, réellement, de la salière. Pour filer la métaphore culinaire, il s’est même emparé de la cuillère en bois pour rythmer les morceaux auxquels il manquait un soutien, en tapant sur une tasse, des bouteilles de verre, des gobelets plastiques et des verres Duralex… Des bruitages qu’on n’entend que quand ils ne sont pas là. La Casa sonne un peu le vide, les padawans sont aux manettes en l’absence du Je(u)di, ça peaufine un peu les fades, ça bidouille les parties de piano, ça teste des breaks sur « Alex & Esther » (toujours ce « vent vagabond »…), ça a un air de veillée d’armes. Celles du mixage, du moment où Eric et moi reconnaîtrons nos chansons dans ce que Xav’ et Fred en auront fait. On sait que nos 500 écoutes préalables ne nous aident pas à nous séparer de l’idée qu’on en avait ; que (tiens, comme avec un éditeur !), 999 des 1000 idées que le D.A nous soumet sont bonnes, même si on n’en comprend pas toujours l’intention.
On a eu les deux jours de (relative) relâche que la prestation de Jean-Marie, au tout premier, nous a autorisés. Il paraît que c’est bon signe, dans les projets musicaux. En tout cas, ça évite les tensions et ça va nous permettre de clore le tout demain soir, en famille. Ces familles du spectacle qu’on quitte pour mieux les retrouver après, sur la route. Jamais je n’aurai mieux compris cette expression qu’après les dix-huit jours passés ensemble, sur deux mois. Il faudra éviter le baby-blues, mais le projet est loin d’être fini, puisqu’il ne fait que commencer.
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20/07/2011
"Trop pas!" - Chroniques - 16
Désolé pour hier. J’ai bien peur d’avoir perdu le peu de lecteurs qui me restait sur ce blog ou ailleurs. Mais comprenez-nous, « Talking Cat » est devenu, depuis cet été, notre mascotte de studio, celui qu’on sollicite pour décompresser un peu, sortir de la gravité de certains des textes de « Trop Pas ! ». Cette comédie qui n’en pas (seulement) une, elle en est, je le disais hier, au début de la fin. Aujourd’hui, soirée basque oblige, Eric et moi avons davantage profité des espaces de la Casa pour rattraper un peu de sommeil, Pauline a fait le passage éclair qu’on réserve aux stars – le temps de mettre « Orages » et « la chanson d’Alex & Marjo » au niveau de voix où elle s’est placée hier. Ah oui, Fred D. s’est amusé comme un petit fou sur la Gibson SG de Xav’. Ces deux malades mentaux qui font du gangsta-groove sur nos chansonnettes et ont placé « le Café des Ecoles » sur un Everest dont elle sera difficile à déloger…
Obi-Wan Desprat-des Chiasmes du Kiosque est en avance sur le planning, il pré-mixe les morceaux, équilibre les pistes et continue son enseignement : pas moins de trois padawans pour lui dans la journée. Il ne manque plus que Roman pour boucler l’enregistrement, je l’ai (aussi) dit hier. Puis, quand nous serons en vacances, Fred et Xav’ feront le reste et nous le soumettront à la rentrée. La sortie est envisagée en décembre, avec un show-case programmé à la Casa, Pauline aux claviers et au chant, Eric au chant et à la guitare, Gérard à la guitare, Fred à la basse et moi en narrateur de l’histoire. Une autre histoire.
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19/07/2011
"Trop pas!" - Chroniques - 15
Peut-être est-ce la nuit de repos qu’elle a passée après les épisodes de Secret Story récupérés en streaming au retour du studio ? Peut-être est-ce le temps automnal et l’écharpe qu’elle a gardée par précaution autour du cou ? Il reste que jamais encore, jusqu’à aujourd’hui, Pauline n’avait atteint un tel niveau de chant. Le matin, de surcroît. Les retouches qu’elle devait apporter au générique, à « l’Ecole buissonnière » et à « la chanson de Marjo & d’Esteban » se sont transformées en prises complètes, et sublimes. Pour le générique, Fred lui demande d’être moins bien élevée qu’elle l’est dans la réalité, d’envoyer promener, dans une posture rock, l’autorité et la bienveillance parentale. Pauline/Marjo module la voix, encore, élude quelques syllabes avec mon autorisation et sourit en se voyant rembarrer un père qui n’est pas le sien dans la réalité. Ce générique façon Sonic Youth joue son rôle de starter à merveille, je n’ose imaginer ce qu’il en sera quand les chœurs d’ado viendront s’y ajouter…
A part ça, pas grand chose, à vrai dire : aucune lassitude, loin de là, mais la Casa est plus calme, le travail qui s’y fait est plus fastidieux, plus technique. Le D.A la joue même romaine et dirige allongé. J’ai pris le temps d’entamer les toutes dernières corrections du Larrouquis, aujourd’hui. Ça ne nous a pas empêchés de reprendre toutes les chansons de Pauline pour qu’elle en ait terminé dès demain. D’imaginer une entrée plus surprenante d’une rythmique électro dans « la chanson d’Alex et Esther » : c’est Maël, autre padawan de Xavier, qui va s’y coller et qui proposera ça demain. Pour Eric et moi, c’est plus la phase deux qui a commencé, celle de l’édition et de la production : nos débriefings, le soir, portent là-dessus, le plus souvent. Déjà, quelques pistes, quelques noms nous sont soufflés, preuve que le projet est viable. Pour autant, on approche du moment où il va falloir laisser le bébé dans lesbras de Xav’ et Fred pour le mixage. Il me reste, d’ici vendredi, à relater les rustines védéchiennes (pour le seul bonheur de le voir revenir, évidemment !) et la prestation de Roman pour « la cancion de Esteban » . Après, ce sera fini, avant que tout commence. Il nous restera les souvenirs, les films et les chroniques. Et la douce impression d’avoir réussi quelque chose.
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18/07/2011
"Trop pas!" - Chroniques - 14
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Ce serait injuste envers Jules que de dire que l’absence de Xav’ a joué sur la session de ce matin, mais voilà, Protools a fait des siennes, égarant quelques pistes par ci, par là, jusqu’à ce que le Jedi arrive et, par usage exclusif de la Force, remette les choses en place. Bon, ce matin, c’était l’écoute des morceaux mis en boîte depuis lundi dernier, pas de conséquences notoires à ce contre-temps… On n’est monté au grenier qu’après déjeuner, pour enregistrer les deux derniers morceaux, « l’inverse du choix » et « l’Echelle de Richter ». la matinée aura tout de même permis d’entendre vraiment (et encore, avant mixage…) la voix de Pauline faire des merveilles sur l’ensemble, et particulièrement « l’Ecole buissonnière », qui tendrait à redevenir le tube absolu, place que quelques-unes de ses consoeurs se sont amusées à lui contester ces derniers jours… Dans « l’inverse du choix », Marjo s’interroge sur les directions à prendre et la conscience de leur contraire. Elle a la vindicte des questions nizaniennes quand elle dit qu’elle pourrait tuer ceux qui lui assènent que quinze ans, c’est le plus bel âge de la vie ; elle se fera haïr de ses profs de Lettres quand elle leur reproche de vouloir lui faire rimer « Réversibilité » (« Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse ? ») dans des « devoirs débiles », mais elle chante, juste et bien. Fred D. me disait l’autre jour que Pauline était une pépite qu’on avait dénichée. Eric et moi le savons bien, et déjà l’idée d’un album pour ses vingt ans (qu’elle commencerait donc à chanter à dix-sept, dix-huit ans, si le décalage qu’elle a connu pour « Trop pas ! » se confirme) est dans l’air, comme une évidence. Pour le moment, c’est pour elle qu’on s’est quintuplé, Eric, Fred, Jules, Xav’ & moi, pour une partie de clap-clap endiablé avant que Jules & Fred la nourrissent de « Ouh !Ouh » ne rappelant que de très loin les mêmes Who du t-shirt du padawan.
« L’Echelle de Richter », c’est le moment où l’adolescente retrouve la mère honnie sans qu’aucune des deux se soit attendue à ce que ça arrive : un « séisme personnel » parlé sur le violoncelle doublé d’Olivier Gailly, un moment-clé de la narration. Pour un texte dit, il faut que la voix tombe juste, qu’elle évite l’écueil du pentasyllabe, surtout quand le refrain est, lui, prévu en voix de tête, finalement abandonnée. Evidemment, c’eût été plus facile avec une biguine ou la reprise en créole d’ « un dimanche à Bamako ». Mais c’est d’une damnation dont il est question ici, et ça n’a pas été facile. On s’est évertué à dédramatiser l’instant, à coups de « Chaotic 2000 » et de « Talking Tom », notre nouvelle idole de studio . Mais pour Pauline, en fait, rien n’est difficile : il lui suffit de sortir son portable entre C1 et C2 et d’envoyer quelques SMS. Comme une ado de 15 ans, comme Marjo, quoi. Rien de plus.
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17/07/2011
Portraits de mémoire
J'avais créé une annexe de ce blog, il y a quelques années, pour présenter certains des "portraits de mémoire" que j'ai rédigés en commençant, en 2005, par un portrait de moi-même signé Paul Herfray. J'ai supprimé cette page, certain(e)s de mes ami(e)s n'ayant pas très envie de trouver sur la toile un article les présentant, sur le mode des portraits de dernière page de "Libération", de façon et distanciée et sensible. Ce que "Libé" fait avec des personnes connues, je le fais avec des gens que j'aime, que j'ai aimés ou avec qui j'ai passé un bout de chemin. Une rencontre, une émotion, une de ces marques du temps qui passe que j'appréhende particulièrement et que j'ai le culot d'arrêter. Il y en a que j'ai montré, d'autres que j'ai gardés pour moi. Je me dis que ce serait bien qu'ils soient un jour tous regroupés sous forme de recueil, sans qu'on ait - comme pour les romans - à se demander ce qu'il s'est passé entre le portraitisé et moi. Ce serait osé qu'un éditeur y pense: parce qu'à réunir des inconnus, c'est à une autre comédie humaine que le lecteur serait convié.
Un exemple ici.
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16/07/2011
La quatrième de mon troisième.
Un dernier tir, décisif et raté, d’un joueur de basket-ball, dans les années 80, va déterminer la vie d’un adolescent qui s’identifie à cet échec. Devenu adulte, il lui faudra un long parcours, jusqu’au Col de Somosierra, pour se défaire de sa façon d’être, de ses amours périlleuses et ses modèles d’adolescent.
« Parce que quand j’annonçais normal, moi, c’était pour que mes coéquipiers s’écartent du même côté, entraînent leurs défenseurs et me permettent de faire un un contre un avec le meneur adverse. Comme Alain Larrouquis. C’est pour cela que j’annonçais normal avec l’accent du sud-ouest, que je n’avais pas dans le civil. Pas pour faire comme lui, mais parce que quand je jouais à cette époque, j’étais persuadé que j’étais lui. »
sortie septembre 2011
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14/07/2011
"trop pas!" - Chroniques - 13
Ce n'est pas la force de la voix qu'il faut entendre, c'est l'émotion. Les gouttes de rosée d'un matin d'été. Et l'histoire qu'elle raconte. Quand, en plus, c'est quasiment un chant grégorien auquel Pauline (quinze ans dimanche, je le rappelle) doit s'attaquer, il faut sortir l'artillerie lourde. Le cours du chant du matin, fondé sur le bâillement, a permis à Pauline de fabriquer des possibilités qu'elle ne s'était sans doute pas imaginées. Le matin, c'est "la chanson d'Alex & Marjo", la première qu'Eric a composée, que Pauline a entrepris de chanter. "A&M", à ne pas confondre avec le duo Marjo & Alex (vous suivez?), c'est la lancée de la comédie, le choix du père qu'a fait Marjo quand sa mère l'a quitté. Morceau dur, texte abrupt, il faut, comme énoncé, ne pas tomber pile là où on l'attend, mais justement entre les interstices (private répétition!). C'est donc en douceur que Pauline l'attaque, pour que les "Pleure pas, Alex!" portent, réellement.
Jules, le padawan de Xav', aux manettes la matinée, équilibre le morceau entre les poussées et les retenues, nous gratifie même de quelques back vocals qui montrent que les airs sont pugnaces. Ça le fait, puisqu'on vise les djeun's... Fred mime cette ligne que Pauline ne doit pas suivre sur une droite mais sur une courbe. Celle qui prend source dans le ventre, jambes fléchies, bassin en avant. Tout est question d'estomac, finalement, ça correspond à mon idée de la littérature, ça tombe bien.
Pour "Esther & Alex", cette chanson qu'Olivier Gailly a sublimée de son violoncelle, Eric a chanté cette nuit, dans la pièce à côté de là où j'essayais de dormir. Parce que la tessiture n'était pas la bonne, parce que, leçon de chant numéro deux, quand on ne trouve pas, on fabrique des idées négatives qu'on a un mal fou à chasser. Il était convenu qu'on la reprenne, ce qu'il a fait. Une octave en-dessous, comme pour "le Café des Écoles" et le voilà dans le mood. For love. Émotion, encore, que cet éloge aux "chansons d'amour tristes", avec de la Princesse de Clèves dedans. Ce n'était pas "qu'est-ce qu'il faut que je fasse", mais "qu'est-ce qu'il faut que j'arrête de faire", simplement. Heureusement qu'il me reste la cuisine et la vaisselle à faire, sinon je pourrais considérer que je n'ai plus rien (d'autre) à écrire.
Demain (aujourd'hui, en fait), repos. En âme charitable, respectueuse de la Fête nationale, je resterai dans mon lit douillet et ne raconterai pas l'after Deuco-védechien qui nous a amenés à quitter la Casa tard dans la soirée. Et différer, donc, le debriefing journalier. Rendez-vous lundi pour ceux que ça intéresse encore. Les autres, je ne sais pas, peut-être vous réserve-je un deuxième Traité du discours amoureux. Mais silencieux, celui-ci. Et paf.
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12/07/2011
"trop pas!" - Chroniques - 12
« Petites choses, grandes choses », disait la femme qui a appris à chanter à Fred Dubois, avant que lui-même ne décide d’aider les autres à poser leur voix. Il fut question, aujourd’hui, à la Casa, de chat qui tombe, de balle de tennis, de MESSSSSSEN, des métaphores destinées à mettre Pauline en valeur. Et ça prend. Le générique, guitares et orgue Hammond sur une basse/bat’ qui monte, au final teinté de « Here comes the sun », lance la comédie mieux qu’on l’aurait jamais imaginé. Je sais, je dis ça pour chaque morceau. Mais entendre Pauline placer ses intonations mutines de fin de syllabe suffit à notre bonheur commun et quotidien, à Eric et moi. Quand Fred lui demande de prendre une autre pulsation que celle qu’elle entend, de diviser par deux la mesure en pensant baroque, qu’il sautille comme un cabri en face d’elle pour qu’elle se lâche, ce sont des moments qu’on va garder (et qui vaudront le coup dans l’épisode 2 du making-of…). Les espaces et les interstices se remplissent petit à petit, Jean-Frédéric-Baptiste Lully-Dubois y veille. Placer la syncope, ne pas toujours chanter sur la noire, la méthode est corporelle, psycho-motrice et, donc, plutôt surprenante. Il faut reprendre cent fois l’ouvrage sur le métier, on s’y attendait, mais le résultat est là, quand même, après action de Xavier-les-doigts-de-fée.
Et puis le moment est arrivé, là où l’émotion nous rattrape. « Le Café des Ecoles », encore, déjà vantée hier par Stéphane Jardin, Fred l’a fait reprendre à Eric, lui a demandé ce qu’il en ferait s’il avait vécu la vie qu’Esther a imposée à Alex. « Le Café des Ecoles », indépendamment d’être un signe à « Tébessa, 1956 » et à la permanence croix-roussienne que Gérard et moi avons partagée, c’est le constat que chacun d’entre nous peut faire des instants qui sont passés sans qu’on s’en soit rendu compte. C’est une autre paire de manches que de s’y attaquer. Il faut assumer, maintenant ? Soit. Demain, j’évoquerai les sessions commençantes des deux sommets de « Trop pas ! », « la chanson d’Esther & Marjo », dont j’ai déjà posté ici la mise à plat, et "l'Ecole buissonnière », véritable genèse du projet.
21:02 Publié dans Blog | Lien permanent