05/10/2011
Jean Frémiot, photographe.
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L'important, c'est d'aimer Zulawski.
Je quitte le cinéma cet après-midi, encore empli de l’émotion d’avoir revu « L’important c’est d ‘aimer » sur grand écran, je marche sous le soleil de la Rue de la République et je croise Andrzej Zulawski, qui retourne au cinéma après avoir introduit, dans le Cadre du Festival Lumière, ce film de 1994 qui montre une Romy Schneider au sommet, un Klaus Kinski dont le rôle a contribué à la mythologie d’acteur-fou et un Jacques Dutronc qui, en tant qu’acteur, n’a jamais été autre que génial ; Fabio Testi, dans le rôle principal, n’a pas connu la gloire de ses partenaires de tournage : c’est curieux comme le cinéma est parfois arbitraire. Peut-être, en le revoyant, parce qu’un Christophe Malavoy l’a supplanté dans le genre et l'allure, jusqu’à tomber lui aussi dans l’oubli ? Zulawski, c’est une ambiance cinématographique, que j’ai découverte avec « Mes nuits sont plus belles que vos jours » : des tensions permanentes, un sens du champ/contrechamp fabuleux avec, parfois, juste une ombre qui sépare les plans, de longs couloirs gris dans des appartements bourgeois qui furent prestigieux mais dont il ne reste rien. Il est venu dire qu’il a eu moins de 24h pour quitter la Pologne avec une valise en carton et, en main, trois numéros de téléphone dont deux ne répondirent jamais. Qu’arrivé à Paris, le vieux gérant d’un cinéma de quartier lui a dit qu’il lui devait sa plus grande émotion de cinéphile, puisqu’on s’était battu dans sa salle à propos d’un de ses films polonais. Que ses premiers contacts avec le cinéma français se firent via Sautet, à qui il dit beaucoup devoir, et au travail de « police des scriptes » qu’il occupait alors, jusqu’à ce qu’on lui confie l’adaptation d’une œuvre qu’on n’arrivait pas à adapter et dont on allait perdre les droits : le roman de Christopher Franck, « la nuit américaine ». On lui demande deux pages de synopsis, il en fait vingt, on lui confie la réalisation du film. Lui a un visage en tête, celui de Romy Schneider, il veut la sortir des dentelles de Sissi, la filmer à cru, sans maquillage, lui dit que dans « Qui a peur de Virginia Woolf », Elisabeth Taylor s’est vieillie de dix ans, pour en gagner vingt. De tranquillité. Modeste, Zulawski dit que le cinéma, c’est d’abord les acteurs. Mais qui a filmé Romy comme lui, dans la fragilité d’un être dont certaines scènes ont un écho terrifiant au vu de ce qui lui est arrivé ? Personne. Marceau non plus, pour ceux qui ont vu – nous étions quatre dans la salle il y a dix ans – « la Fidélité »… « L’important, c’est d’aimer » est un film essentiel pour ce qu’il dit des élections affectives, pas des affinités électives : les dernières scènes sont sublimes, Dutronc qui dit qu’il ne peut rien faire d’autre que l’aimer, elle qui rejette violemment l’idée mais lui demande d’être là, de ne pas la laisser seule. Romy, bouleversante, dont la quarantaine et la solitude sont déjà intimement liées… On aime par nécessité ou par essence, dans un champ électique de la question amoureuse. Dix-sept ans sont passés depuis que le film est sorti : plus que le fait de rentrer dans les classiques, il permet surtout d’interroger un parcours. Par effet-miroir, sans conscience de la cause.
Andrzej Zulawski dégage une humanité fascinante. Il redit sa fierté d’être là, et le bonheur d’un tel festival, sans compétition. A Cannes, il n’aurait pas pu marcher tranquille dans la rue ou pire, on ne l’aurait peut-être pas reconnu. Que choisirait-il des deux, j’en ai une idée assez marquée. En tout cas, le croisant une deuxième fois en l’espace des deux heures de projection, je l’aborde, rapidement, sans l’importuner. Pour le remercier.
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04/10/2011
Le siècle des Lumière.
Vu « The Artist », hier soir, dans ce qui devient, pour l’occasion du Festival Lumière, la plus grande salle de cinéma du monde : 7000 personnes, peut-être plus, dans l’attente de la projection. Et le silence qui se fait, davantage que dans ces salles où je ne vais plus. Le festival est cinéphile, le public aussi. Le film, vous en entendrez parler partout dans la presse, et j’ai cessé depuis bien longtemps la critique de cinéma. Mais ce qui m’a attiré, hier, c’est le défilé de stars – dont certaines sont bien réelles -, les minutes qui précédaient leur entrée, diffusée sur grand écran, dans l’énorme Halle Tony Garnier. L’applaudimètre, cruel pour les uns, flatteur pour les autres. L’entourage proche mais inconnu, dont la cinéphilie se révèle, ou pas, en fonction de qui ils reconnaissent. J’applaudis à tout rompre Tavernier, Zulawski ou Varda, mais également Maria de Meideros ou Kathia Lewkowicz, pour leur singularité. Je tressaille à la vue des seules images des « 400 coups » ou des « Tontons flingueurs ». Il se confirme en une seule image que Robert de Niro n’est pas réel. Je retrouve le cinéma tel que je l’aime, comme sujet de mémoire, et objet en même temps. Le cirque tout autour, que j’ai vécu à Cannes dans une autre vie, n’a pas d’intérêt en soi et les acteurs le savent bien, qui cachent l’impéritie de leur personne derrière l’importance de leurs rôles. Je regarde Dujardin évoluer dans les travées, me demande quand il a basculé : mon quart d’heure (d’accord, un poil multiplié), je l’ai eu au Tramway samedi, j’en ai eu d’autres avant, j’en ai même aligné pendant plusieurs mois, consécutivement. Je sais qu’il ne faut pas leur laisser prendre la poussière, pas par nécessité, mais parce que la mélancolie est mauvaise conseillère. Dans « The Artist », un comédien réputé se voit dépassé par l’apparition du parlant : à partir de quand les livres dépassent-ils leurs auteurs ? A mon sens, dès qu’ils les lâchent. Dujardin parle sur la scène après les quinze minutes de standing ovation, il souhaite au film de continuer sur la voie royale qu’il a entreprise. Ce n’est plus le sien depuis bien longtemps, mais, comme le rôle, il l’incarne. Michel Hazanavicius en est l’auteur, il s’efface. Ce n’est pas la place des auteurs d’être devant.
Ah, une clé ! Dans « le Poignet d’Alain Larrouquis », les personnages féminins portent le prénom des personnages du « Conte d’été » d’Eric Rohmer. Sauf Léna, que j’ai oubliée, parce qu’elle est déjà présente dans un autre de mes romans de tiroir.
16:31 Publié dans Blog | Lien permanent
03/10/2011
Post Partum, animal critique.
Le post-partum, ce sentiment décuplé que la première est passée, que maintenant on n'y peut rien et qu'en plus de ça, il reste à affronter les avis des lecteurs. Ceux qu'on attend et ceux qu'on espère. Ce n'est pas la critique que l'on craint quand on écrit, c'est l'indifférence. Pour le roman, je suis prêt, je l'ai dit. Mais ce que j'ai engagé avec Eric et les musiciens de la comédie, dont ceux qui l'ont accompagné au Tramway, c'est quelque chose de l'ordre de la troupe. Quelque chose auquel je ne croyais pas, il y a peu, maintenant. Mais les routes qui se sont croisées depuis deux ans, les retours, les rencontres, tout cela a contribué à faire que le cheminement est collectif, que j'offre à ceux qui viennent me rencontrer en tant qu'auteur deux pans de mon travail, dont celui musical est plus haut qu'il ne l'a jamais été. Quoi qu'on en dise: Jean Frémiot, qui n'abhorre rien de moins que la chanson française, s'est montré enthousiaste devant le quatuor (Pauline incluse) de samedi. S'est enfui, ce sont ses mots, devant ce que contenait la seule critique négative qui ait été formulée. Trop vertement pour que ça ne cache pas quelque chose : c'est lui qui s'en est ému, rétrospectivement. Moi, là aussi, je laisse les choses venir. Elles sont faites, et bien faites. Je les ai remerciés d'eux-mêmes, ces beaux musiciens, et j'attends les moments où je reprendrai la route avec eux. En gardant mon jardin secret et ma nécessité de silence. Je n'aime pas le bleu, mais j'accepte celui de l'horizon, ou du regard porté sur moi et sur mon travail.
19:02 Publié dans Blog | Lien permanent
02/10/2011
Hier, j'étais pris.
De l’intensité, hier, à la Librairie du Tramway. De ces moments que je cherche à passer tout en sachant que le contrecoup est toujours difficile. Il y avait du monde, les proches, les fidèles, et puis ceux qui ont ressurgi d’un peu nulle part, ou plutôt de cette époque que j’ai cherché à retrouver et à retranscrire dans « le Poignet d’Alain Larrouquis ». J’ai répondu pendant une petite heure aux questions de Romain sur la genèse de cet ouvrage mystérieux. Les facétieux du Tranway m’avaient fait asseoir derrière l’étrange qualité de « écrivain-basketteur », ce qui pouvait prêter à confusion : j’ai dû expliquer que le PAL n’était pas seulement un ouvrage sur le basket ni sur Larrouquis lui-même, que tout cela n’était que prétexte, dans l’inessentiel, pour laisser apparaître le souvenir et la mémoire. Que je ne tombais pas non plus dans le piège de l’autobiographique, mon seul souhait étant de jouer avec le vrai pour nourrir la fiction. Pas dans l’autofiction, dans l’égotisme, plutôt. Un moment agréable, quoique déroutant : il me fallait parler dans un micro, avec un retour saccadé juste derrière moi. Détail. Romain fait remarquer la fréquence de mes éditions, au risque de l’amelinothombisation des esprits. J’explique, là aussi, que c’est le fruit d’un cycle court d’édition sur un cycle long d’écriture, que dès aujourd’hui, je ne suis plus rien. Qu’un auteur qui sait qu’il a un livre à écrire mais qui ne sait pas s’il saura le faire. Qui sait néanmoins que ces questions-là, il se les est déjà posées pour les deux premiers, ça aide. J’étais déjà ému, sans narcissisme aucun, par la belle vitrine et cette unité de couleur, en plus de celle d’écriture. Je l’ai été hier en retrouvant ces vieux amis et ces nouvelles têtes, défilant à ma table pendant plus d’une heure pour que je signe leur livre. Le leur, oui, plus le mien. J’ai apprécié les paroles tenues de Nathalie Perrin-Gilbert, maire du 1er arrondissement, qui entendra en plus « Tébessa, 1956 » lui parler de « son » quartier. Des bibliothécaires de Rillieux, également, venues me rencontrer avant que j’aille chez elles, en janvier. De Bruno « sleepless », qui blogge pour « le Petit Bulletin », avec qui j’ai sans doute beaucoup de choses à partager. De tous les autres, pour qui mes trois magnifiques ont chanté les trois chansons des trois romans : Fred Dubois à la basse, Gérard Védèche au lap-steel et au dobro, Eric Hostettler au chant et à la guitare acoustique. Trois morceaux intenses, une « Embuscade » sublime d’émotion. Ces trois-là vont très haut, ensemble… Puis la surprise, Pauline, quinze ans, qui fend la foule et vient interpréter, pleine d’aplomb, cette « Ecole Buissonnière » que désormais tout le monde attend : patience, c’est pour décembre. J’aurai récupéré quelques images, bientôt, j’attends également celles de Tristan Grujard, vidéaste, venu faire un film de ces moments magiques dans la vie d’un auteur.
Evidemment, je suis aux anges, prêt pour le post-partum. J’ai cette impression étrange d’être lu en ce moment même, j’en connais qui l’ont peut-être déjà terminé. Les retours viendront, les incidences, peut-être. La solitude et le découragement aussi. Mais je suis prêt.
NB : merci à N.P-G pour cette photo, sur laquelle j’ai l’air bien seul. Trompe-l’œil.
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30/09/2011
La St-Sé.
Le site de la Biennale était censé la mettre en ligne avec les autres, il n'en est rien. Je la propose donc ici à la lecture, cette nouvelle de 2011 signes que j'ai écrite pour leur concours.
Je n’avais pas prévu de sortir ce jour-là. La Ville avait retrouvé l’air glaçant dont on disait d’elle, méchamment, qu’il ne la quittait pas souvent. Je n’avais pas prévu de sortir, engourdi par les commémorations de la veille, devant lesquelles j’étais resté hébété. C’est pour ça que je suis sorti quand même, obligeant mon corps aux étapes de l’élévation : apathie, ataraxie et, rêve ultime, plus aucune pesanteur. Me revoilà chez moi, pensai-je une fois dehors, pas à un paradoxe près. Je m’imposai une escalade : la colline qui prie ou celle qui travaille, pris l’autre, puisque je ne prie pas. J’allai retrouver les places de mon enfance, régler mon pas sur le pas de ses Pentes. Rien ne me paraissait réel, le début d’automne embrouillant ma mémoire et ma conscience. Je traversai le pont en regardant à ma gauche l’autre lieu que je n’avais pas choisi : j’y trouvais parfois des airs d’une autre Ville, dans l’axe de sa Place centrale et, derrière, la passerelle puis le Château, mais pas le même…
Je bifurquai à droite, sur les quais. Il me restait à atteindre l’Hôtel de Ville puis entamer mon ascension. Les vieux bâtiments que je laissai d’un côté et de l’autre du premier des deux fleuves déclenchèrent le mécanisme. Je m’en éloignai, continuant mon chemin opposé. Je ne sentais plus ni le froid ni la fatigue, opposais la destruction du moderne à la permanence de l’ancien. Pas le patrimoine, que je n’avais pas choisi, le permanent, l’historique sans l’Histoire : les rues parallèles, les enseignes passées des vieilles épiceries et des marchands de vin. Les dernières échoppes de coiffures, réaménagées en un curieux mélange. La Saint-Séb remontée, je sortis de la traboule et parvins sur cette place bordée de platanes qui me rattrapa : je pensai à tous ceux qui l’avaient traversée, y avaient laissé un amour, un souvenir, un temps révolu. Là, ce n’est pas la montée qui m’obligea à m’asseoir sur le banc public, mais l’âme même du lieu, son essence profonde. Sa terrible beauté, que j’étais peut-être seul à saisir, mais qui rattrapera tous les autres quand ils s’y attendront le moins. J’avais terminé mon ascension, il fallait que je rentre, à présent : la nuit commençait à tomber, j’avais eu la chance de voir le temps s’arrêter. Beauté fatale, terrible beauté. Pas pour ce qu’elle laisse en nous, mais parce que c’est en la percevant, sa renaissance perpétuelle, qu’on comprend qu’on n’est rien.
18:02 Publié dans Blog | Lien permanent
29/09/2011
Candide & Voltaire.
Ce sont sans doute des livres d'automne, que j'écris, au vu des couleurs de leurs superbes couvertures. Je suis heureux que des éditeurs aient encore envie de donner de beaux livres, qu'ils ne cèdent pas au désir de leurs auteurs - du moins la première fois - d'être édités comme dans la page blanche. Heureux que des infographistes sachent leur métier et qu'il y aient des photographes (en tout cas, moi, j'en ai un!) pour trouver l'angle de vue et d'accroche. Ce livre-là mériterait un tirage de tête en cuir réel, chez Spalding ou Vuitton. Mais ça ne mettrait pas tout le monde sur le plan d'égalité qu'il recherche, donc non. Je fais le malin et je comble parce que je n'ai rien à dire. J'attends samedi, où je n'en dirai pas plus, mais vous laisserai partir avec le petit livre orange, deuxième du nom. Avec le souvenir des musiciens extraordinaires qui vont m'accompagner et annoncer la suite... Romain, de la librairie, a commencé le roman, il m'en a dit beaucoup de bien, déjà. C'est son rôle, mais j'ai presque envie de le croire. Moi, ce livre a trouvé sa place: dans les toilettes. Le lieu idéal pour en picorer quelques extraits. Allez, dédicace à ceux qui n'aiment pas mes fins et me réservent l'adresse comme épitaphe (une bonne idée en soi, la plaque mortuaire "j'ai pas aimé ta fin"!): tout irait presque bien, dites donc. Au moins sur ce terrain. Un double-decker bus devrait sans doute m'écraser avant la fin de la semaine. Ou un Tramway, tiens.
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28/09/2011
Il est là.
Enfin, chez moi, hein, ne vous emballez pas. Il sera disponible dès demain au Tramway et ailleurs, dès que la référence sera entrée, vous connaissez le principe, maintenant. Je le regarde, le respire plutôt, je l'ai présenté à ses petits frères, j'en lis dix-quinze lignes au hasard avec beaucoup d'appréhension... Tout un pan d'écriture se termine avec ça et il n'y a toujours qu'une première fois. A samedi pour ceux qui peuvent venir.
19:13 Publié dans Blog | Lien permanent