11/07/2011
"Trop pas!" - Chroniques - 11
De retour à la Casa, aujourd’hui, sous la canicule, pour la reprise des enregistrements de « Trop pas ! ». avec deux invités de choix pour les rôles qu’on dit seconds que parce qu’on n’a pas trouvé d’autre mot. Evelyne Gallet, d’abord, venue apporter sa voix et son expérience pour interpréter avec Pauline le duo mère/fille que Christine (la vraie mère de Pauline) n’a jamais pu écouter sans pleurer. Evelyne la rouge, c’est un naturel, déjà, une voix dont la tessiture (pas au-dessus du si bémol, mais pas besoin !) et le vibrato répondent parfaitement à la fragilité paulinesque. C’est aussi quelqu’un d’enthousiaste et de profondément humain, ce qui ne gâche rien. Après deux-trois cafés et quelques analyses de texte (c’est difficile, parfois l’anacoluthe cachardienne), c’est l’échauffement qui a commencé. Le père, la mère, la fille, le proviseur qui se prépare au baladeur, la petite famille est réunie et ça démarre : une prise pour que la voix se libère, une autre pour que les énergies se rassemblent et c’est parti. Evelyne bouge beaucoup pendant les sessions, elle s’accompagne de la main et du bassin, cherche Pauline du regard tout en déchiffrant le caractère 8 du texte qu’elle a sous les yeux. Il faut peu de temps pour que « la chanson d’Esther & Marjo » soit dans la boîte, il en faudra plus pour le duo d ‘Alex & Marjo, Fred D., « Herr Direktor », ayant choisi de les faire chanter en premier pour que Pauline soit moins tendue.
Stéphane Jardin avait prévenu : s’il était dit qu’ « Alain » avait pu la chanter, il le ferait sans problème. La Bashungerie, c’est finalement Gérard Védèche qui s’en est occupé sur « la chanson d’Alex & de Marjo », mais « La Chanson du Proviseur » était faite pour lui. Un rock à la Smashing Pumpkins, aux multiples pistes de guitares, une complainte d’un pur produit de la République dont il n’a pas tardé – sans même connaître la teneur du texte – à récréer la genèse, dans la voiture. Jardin, c’est du 100% dérision, en permanence, impros, vannes, mimiques irrésistibles. Mais quand il est au micro, c’est une belle voix grave, qu’il module à sa guise, qu’il retient ou qu’il lâche, en fonction des sensations. Des prises pour le fun, d’autres pour le mixage, Steven Garden nous a même offert des back voices dignes des plus grands. Difficile d’en dire plus sinon que je serai particulièrement vigilant sur l’avenir de ce garçon. Et qu’il a d’ores et déjà émis le souhait de reprendre « le Café des Ecoles » sur son album en septembre…
Un Café des Ecoles sur lequel Eric s’escrimait quand j’ai quitté la Casa pour raccompagner les guests. Le directeur artistique n’autorisant aucune facilité, surtout pas celle qui tombe pile là où on l’attend. C’est donc une version décalée, suave, groovée, en accord avec les slides du lapsteel qu’on écoutera demain, à tête reposée. Marjo attendra un peu, encore, même si elle doit – déjà – trouver le temps long. Après tout, elle n’a chanté que deux chansons, aujourd’hui…
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10/07/2011
J'veux du cuir.
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09/07/2011
Mises à plat
Nul ne peut dire aujourd'hui ce qu'il adviendra de cette comédie musicale à laquelle Eric et moi avons consacré près de deux années de notre vie. Juste sur le plan de l'enregistrement, l'idée étant de trouver les partenaires susceptibles de la réaliser, de quelque façon que ce soit. Il faut lutter, je l'ai dit, ici, contre les préjugés liés au mode, les récentes énormes productions ayant rendu méfiant le public le moins exigeant. Rappeler que la comédie musicale, ce peut, ce doit être Stanley Donen & Gene Kelly, un air inoubliable, le pari de chanter ce qui est habituellement dit. Jacques Demy, Christophe Honoré...
L'histoire de Marjo', cette ado confrontée à la séparation de ses parents et à sa propre vie amoureuse qui prend cours, elle prend source dans "la Boum" et corps dans le mythe d'Hamlet. Libre aux spécialistes de trouver dans les treize chansons qui ponctuent les tableaux du livret les marques empruntées, ici et là, à la mémoire collective. À l'aube (lundi) de reprendre l'enregistrement et de poser les voix qui resteront, je veux dire ici, encore, à quel point j'y crois, à quel niveau d'émotion ce projet-là peut m'élever. Pas par fierté imbécile, mais réellement. Ce ne sont pas les "mises à plat" envoyées par Xavier Desprat qui me démentiront: l'ensemble est équilibré, tend vers le Beau comme jamais nous n'aurions pu le souhaiter. Dès lundi, je tiendrai de nouveau les chroniques de cette belle aventure.
Je sais que ça ne se fait pas de mettre en ligne un morceau non mixé, non finalisé, mais à l'attention de mon ami lointain, un premier aperçu de ce qu'il a longtemps appelé son "Masterpiece":
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06/07/2011
Affable
Un jour, un pinson vit un ours tourner dans son antre, maugréant après tous les malheurs que l’univers avait choisi de lui faire porter, à lui, l’ours maugréant ; le pinson, épris, attiré par cette force si obscure, s’approcha, papillonna, et finit par entraîner l’ours maugréant dans une valse effrénée et irrégulière qui manqua de les faire chuter tous les deux. Puis, lassé, il s’éloigna : l’ours maugréant, qui n’avait pas vu la lumière du jour depuis bien longtemps ne comprit pas et voulut rattraper le pinson, mais en s’approchant de lui, il se prit les pieds dans le lierre grimpant de la forêt et s’étala de tout son long.
Moralité : il faut bien se brûler à la lumière des profondeurs pour entrevoir la juste clarté mais on peut aussi se trouver bien dans la chaleur d’un antre réel.
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04/07/2011
Dilemme
Comment peut-on à ce point, comme c'est mon cas, aimer la mer et détester y aller quand tout le monde y est?
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03/07/2011
La Pianiste
Elle n'avait pas prévu de jouer ce soir-là. C'est sur l'insistance de ses amis qu'elle s'est assise sur le tabouret, qu'elle a redressé ce dos qui, toujours, la faisait souffrir. Elle venait pourtant de dire à celui qui regrettait de ne l'avoir jamais vue sur scène qu'elle ne saurait jouer autrement qu'avec un piano à queue. "Et en robe de soirée", avait-elle précisé, en souriant. Ce clavier Rolland, là, en face d'elle, ne convenait ni à ses habitudes ni à la seule musique à laquelle elle s'adonnait depuis tellement d'années. Qu'est-ce qui lui avait pris d'accepter de relayer le groupe festif aux airs enjoués? Elle allait poser quelques mesures de Rachmaninov, on l'écouterait un temps, celui du respect dû à la "grande" musique, puis on passerait à autre chose. Elle allait se tromper, aussi, certainement: les coupes qu'elle avait acceptées depuis le début de la soirée la troubleraient, sans doute, démontrant une fois encore qu'on n'atteint pas l'âme de la composition en usant d'artifices. Ses mains déliées à plat sur les touches qu'elle caresse ne trahissent aucune émotion, en apparence. Tout est intérieur, en communion avec la partition dont elle doit, en plus, se souvenir. Elle est frêle, elle doit se rappeler, dans l'instant, les heures passées à supporter une autre enfance que celle de ses copines. La note n'est pas encore tombée, c'est le silence qui la précède, mais c'est déjà d'elle dont on parlera, le lendemain.
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29/06/2011
Mon petit camarade
Je me souviens être tombé sur Nizan à l’âge de dix-sept ans, alors que je cherchais chez Sartre de quoi nourrir mon anxiété. Je trouvai en Nizan mon petit camarade dans l’intemporalité, qui s’immisçait dans ma vie avec sa gracieuse insolence, le regard baissé sur ses ongles(1). Je l’avais trouvé seul, je me l’appropriai donc… Puis à entendre des personnes qui l’avaient connu avant moi, je compris que c’était à leur jeunesse que je me substituais. A l’Université, des professeurs souriaient de savoir qu’Il faisait encore son effet. L’un m’a conduit à mener un travail qui fut plus qu’une maîtrise : avant de l’appeler à l’aide, j’allais entrer dans la police, puisque « on rentre dans la police comme on se suicide. » (1) J’ai raté mon suicide : je ne suis jamais devenu policier. Claude Burgelin m’a convaincu que j’aurais plus à faire dans cette vie-là que dans une autre, usurpée. Il m’a permis de déduire que : Lange + Bloyé – Rosenthal / Antoine Bloyé = Nizan (2). Sans que, dix-neuf ans après, je me souvienne très bien pourquoi…
Dans ma vie d’homme, Nizan m’a accompagné, avec ironie parfois, quand j’ai dû, soixante ans après lui, muter à Bourg-en-Bresse … J’en déduis que Paul Nizan est une part de moi-même : nous cohabitons, en mêmes parties d’un tout, comme les androgynes d’Aristophane. Part manquante, mais présente en moi. C’est mon Nizan à moi.
Nizan, aujourd’hui, c’est pourtant le sentiment d’une réhabilitation, qui s’installe dans le temps, qui diffuse le sentiment nouveau de la tranquillité. Il arrive qu’elle nous explose à la figure : à Dan Franck qui présentait son Libertad !(3)place de la Comédie, à Montpellier, je fis remarquer qu’il manquait quelqu’un dans son index des intellectuels engagés dans la Guerre d’Espagne … De mon côté, j’écris des romans, dont Une soirée à Somosierra (jamais paru) parce que je déteste, comme tout le monde, que la vraie se soit perdue. Et un autre (à paraître) qui traite du basket-ball, du mythe d’Epiméthée et d’une initiation dans les mêmes cols! (4) J’ai fait de Nizan un élément récurrent de mes écrits, pour rappeler qu’on se trahit plus en devenant des carcasses qu’en mourant tragiquement… J’ai étudié le syllogisme d’Aragon (quelqu'un qui écrit sur les traîtres ne peut être qu'un traître lui-même), cherché les acceptions du temps détruit (5)dont parle Nizan à Henriette… Je sais que ce qui lui préside importe plus que l’œuvre elle-même : on peut trouver ces romans surannés. Mais l’homme, la démarche resteront. Un jour, peut-être, je ne ressentirai plus la nécessité de démanteler le monde ; je n’aurai plus une conscience aussi aiguë de la mort. Ce jour-là, je me rendrai compte que je n’étais pas aussi damné que lui, qui l’était doublement. D’abord parce qu’on ne se moque pas impunément de l’ordre humain ; ensuite parce qu’on ne se détache jamais de la mort qu’on porte en soi : c’est une règle. Mais bon, ce jour-là n’est pas encore arrivé : s’est-on déjà demandé, en lisant Jules et Jim si l’amour s’était tari ? Quand on relit Nizan, nous non plus nous ne louchons plus.
(1) Jean-Paul Sartre, préface à Aden Arabie, mars 1960, Ed. La Découverte, p°8
(2) La trahison et ses dérivés dans l’œuvre romanesque de Paul Nizan, conclusion, p°75
(3) Grasset, 2004 ; dédicacé : « pour Laurent, admirateur de Nizan… Comme il a raison ! »
(4) Le poignet d’Alain Larrouquis (2011), chap.11, p°85
(5) Lettre aux Armées, fin 1939. In Paul Nizan, intellectuel communiste, Petite collection Maspero, 1979
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24/06/2011
Sine Die.
C'est donc officiel maintenant, "le Poignet d'Alain Larrouquis" ne sortira pas en juin comme prévu. Juillet et août étant consacrés aux livres de plage (pour ma part, les mille pages du "2666" de Bolaño!), c'est en septembre, dans l'anonymat d'une rentrée littéraire qu'on devrait appeler le cimetière des (dernières) illusions que le PAL ira donc supplicier les quelques lecteurs qui resteront. A la condition que l'accord sur l'utilisation du nom soit envoyé à l'éditeur. Sinon, il me faudra trouver un autre nom au personnage, un autre titre au roman. Ce serait dommage.
L'Inoxydable de service, toujours à l'affût, m'a signalé le transfert de Thomas Larrouquis*, fils de (une belle ironie, au regard de l'histoire!) à la Chorale de Roanne. Et suggère qu'un auteur roannais de mes amis s'attelle au "Poignet de Thomas Larrouquis". Une bonne idée.
*photo L'Equipe©
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