27/09/2014
Huis-Clos Vougeot.
Sans doute l'effet de l'été indien, du beau soleil qui donnait sur les vignes du Clos de Vougeot, mais la foule n'était pas au rendez-vous du Salon Livres en vigne, ce samedi, malgré les efforts des organisateurs pour rendre ce rendez-vous attractif: lieu superbe, petits plats dans les grands, conférences mêlant littérature et viniculture, tout est fait pour que auteurs et éditeurs se sentent bien et reviennent, mais la dure loi de l'offre et la demande, écrivais-je hier, est implacable, et si Tébessa, comme à chaque fois, me permet de ne pas repartir fanny, personne ne se sera soucié de mon "Trois-huit" fraîchement sorti des presses. Avec son lot de contrariétés et de mauvaises relectures, mais passons. Il est là, sobre et beau, il côtoie ses frères sur le stand, et au vu de ceux qui rament avec le seul livre qu'ils ont à vendre, je ne suis pas mal loti. C'est un samedi comme à Saint-Étienne, en espérant que le dimanche me permettre de vendre huit fois plus, comme là-bas. Parce que je reste, finalement. Mais peu importe: j'étais à la table de Philippe Grimbert, pour déjeuner, et cet homme exquis, en plus d'être un romancier remarquable, s'est réjoui que je lui offre un Tébessa. Il fera partie, qui sait, des bonnes fées dont j'aimerais qu'elles s'activent, pour l'édition d'Aurélia Kreit. Ce roman-fleuve dont j'ai entrecoupé l'écriture de celle de mes trois pièces. Plus rien ne la retient, maintenant, Aurélia. C'est l'heure.
PS: le site Internet de Raison & Passions n'est pas à jour. Les ventes en ligne se feront dans un futur proche.
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26/09/2014
Veillée d'armes.
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25/09/2014
Talibanesque.
Il faut reconnaitre l'habileté de ceux qui ont la prétention de vous demander d'être humble.
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24/09/2014
Secondes noces.
Ecrire sur l’amour est un exercice littéraire redoutable, entre la portée des caniches célinienne et le festival de lieux communs sur l’infini et l’éternel. C’est sans doute pour cela que Isabelle Flaten démythifie le sujet et le place dans la perspective de secondes noces, censées durer plus longtemps mais de façon plus consciente. C’est certainement aussi pour éviter les clichés qu’elle situe l’action de son roman, les noces incertaines, en amont, juste, du mariage de Rosalie et de Antonin, dont l’histoire va dévider les passés distincts, les blessures et les failles encore béantes. Ces lignes de faille que l’auteure emprunte à l’universalité, elles sont celles qui ne se disent pas et sur lesquelles, pourtant, elle écrit : entremêlant les pensées de ses personnages de la perception qu’en ont les autres, laissant le lecteur s’approprier les histoires des personnages par les différentes façons de les écrire, selon qu’on en est la victime passive, ou l’assassin possible. Il n’y a pas de meurtre dans les noces incertaines, mais il y a un mort, et autant de façons de se reprocher qu’il le fût que raisons de le regretter, ou pas. Les interactions amoureuses, souvent, sont telles qu’on préfère les déguiser en histoire passionnelle, avec les artifices que Isabelle Flaten énonce, un à un, les prêtant à Rosalie, du bras qu’on saisit sans trop savoir pourquoi au blanc des yeux dans lesquels on plonge, « en essayant de ne pas en faire une omelette ». Le fatalisme avec lequel le personnage et l’auteure abordent l’impuissance masculine à dire les choses a pour corollaire le fait que le roman les dise pour eux, remontant deux façons distinctes d’aborder un passé, minimisant l’ampleur de la rencontre, des premiers instants, distillant le doute sur le bien-fondé de se mêler encore, autrement que pour assouvir des besoins. Rosalie a « un corps fait pour respirer, sans sangles ni ceintures », et son âme est inaliénable, également : tout juste concède-t-elle à la comédie humaine, et au désarroi masculin, le droit de lui demander sa main. Une deuxième main, tant l’existence l’a cabossée. La moindre des constructions communes, de l’urgence factice d’un voyage – magnifiques lignes sur la délivrance des retours ! - à l’illusion de l’importance de l’autre. Non qu’il ne le fût pas, important, de par sa présence, les habitudes prises. Mais parce que les nouvelles vagues et les cadenas d’un corps révèlent toujours, selon elle, « des choses qu’il est préférable de taire ». Et que le roman dit. Avec acuité, avec une profondeur psychologique touchante de justesse. Avec ses propres empêchements, aussi, deux-trois métaphores étranges de naïveté, qui ne collent pas au reste : les dernières marques de la réserve, la limite qui touche l’écriture. Les existences croisées des personnages et de leurs adjuvants (Paul, le frère d’Antonin, double contraire, Svetlana, sa première femme, et l’enfant qu’elle a eu de lui, Tom, premier amour et déclencheur de culpabilité) montrent qu’on ne va jamais au-delà de ce qu’on croit tolérable et qui ne l’est pas. Le roman, dans sa construction, son alternance de focalisation, tour à tour externe et centrée sur chacun des deux, brusquement confrontés à l’absence de l’autre, jette loin la sonde psychologique (l’expression est de Nicolas Blondeau) et n’entraînera le malaise que chez les non-avertis. Les autres apprécieront l’écriture, extrêmement fine, et la gageure : dire toute la fragilité avec une force telle.
PS : comme d’habitude au Réalgar, l’édition est sublime, et les peintures de Jean-Luc Brignolat, habilement disséminées, apportent au récit la juste inquiétude qui lui convient : des décors de nuit, de chambres, de rivières et la belle abstraction des vies qui se délitent en s’unissant.
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23/09/2014
Médecine.
La recrudescence des cas de traumatologie, dans mon quartier, est sans doute liée à la décision que j'ai prise de ne plus dévier mon chemin de celui qui arrive en face de moi , dans la contemplation de son portable.
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22/09/2014
Bretteur.
Lisez-moi de mon vivant: je m'assieds sur ma postérité, que j'ai proéminente.
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21/09/2014
Stand up, Divonninup!
On n'était pas à Cupertino et je n'avais rien à vendre, surtout pas de technologie. À part celle, révolutionnaire, qui fournit par pressage offset des objets reliés en pavés aux pages - révolution, on vous dit! - numérotées dans l'ordre. Mais on m'a doté d'un micro-cravate, et laissé déambuler sur une grande scène, "sur la première bande, devant", dixit Serge - l'ingénieur du son que j'ai tutoyé tout de suite, par habitude des techos, mais qui me l'a rendu aussi vite, et c'était bien - "parce que sinon ton ombre apparaît sur l'écran" (géant). Un écran sur lequel je projetais un diaporama moins savant que mon prédécesseur, Nicolas Cavaleri, un ingénieur qui s'est épris de la frontière au point d'en photographier les bornes tout au long des 7000 qui délimitent la Suisse, pays étrange qui s'est construit sur un parti-pris contraire à celui qui a construit les autres: l'impérialisme, les guerres, les extensions volontaristes. Un trublion du verbe qui passe après un historien, ça donne un chiasme que je ne laisse pas passer: la première intervention ne manquait pas de poésie dans l'épistémologie, la mienne, promets-je, ne manquera pas de fond dans son postulat irrationnel. "La frontière n'existe pas", c'est ce que je choisis d'avancer, histoire de prendre le contre-pied - on ne se refait pas! - et parce que ça me permet d'en problématiser la notion: la frontière n'existe que par ses quatre composantes - administrative, politique, morale et identitaire - interactives et interdépendantes l'une de l'autre. Sinon, image de Tonton Georges à l'appui, on devient l'imbécile heureux né quelque part, comme moi à Lyon, qui conteste l'appellation dont le programme officiel m'a affublé: "auteur lyonnais", qu'est-ce à dire? On est auteur ou on ne l'est pas, et la dimension régionale de mes romans est tour à tour croix-roussienne, berrichonne ou béarnaise. Bientôt ukrainienne, dépêchez-vous de suivre! Si j'écris sur la Croix-rousse, dans Tébessa ou dans le Gros Robert, ce n'est pas par bête sentiment d'appropriation, mais de continuum, par rapport à ce que j'y ai partagé, à deux époques différentes, avec Gérard, le personnage, ou avec Robert, plus récemment. Je poursuis mon exposé avec "les autres" - si vous les connaissez, faites-leur mes amitiés - et passe de Rousseau, le Suisse le plus connu après Roger Federer, le lien entre propriété, identité et société civile, à Nancy Huston et son "Nord perdu", sublime livre sur l'exil et l'obstacle de la langue. Son arrivée sur le sol français, le seul numéro qu'elle ait pour prendre contact et cette voix qui lui répond un incompréhensible "c'est de la part?" Je lis l'extrait en traînant sur les mots jubilatoires, la salle rit, je ne sais pas encore qu'il y a dans le public des personnes dont les identités sont multiples, cubano-américano-espagnolo-britanno-bretons du sud, c'est lacanien mais ça parle. Je laisse s'immiscer ma "partie de cache-cache" parce qu'en Nancy et moi, deux immigrés dans le Bouschaut-sud, il y a de la filiation berrichonne. Mais c'est de Tébessa dont je suis venu parler, et d'en voir la couverture et un extrait projetés sur un écran géant m'émeut. Je donne une minute de la chanson à entendre, en présence de son compositeur-interprète, je sais que les gens de Mégevette et d'ailleurs s'en souviennent, je n'en lis pas plus que ce que le public a sous les yeux. Je corrige en direct la coquille du prospectus: je n'aurais pas écrit Tébessa 1958 pour des raisons morales, parce que le conflit n'en était plus un, mais était devenu une guerre, entre-temps, parce que les appelés n'avaient plus l'innocence de celui à qui j'ai redonné une voix. Mais pour moi, qui sens l'auditoire captivé, ma (petite) victoire est double: j'ai montré qu'on pouvait être écrivain et orateur, j'ai senti le flot des paroles aller et venir de haut en bas de l'amphithéâtre, et j'ai aussi prouvé qu'un histrion du verbe (l'expression est de Doubrovsky) pouvait apporter de la matière. La fin de mon one-man-show, à cet égard, me remplit de joie: je prends le public à parti sur ce qui fait les correspondances d'une vie d'auteur, quand les sensations qu'il éprouve prenne corps dans la réalité. La petite fille sur l'écran, c'est "Aurélia Kreit", et le passage que je leur lis concerne l'entrée clandestine d'un des personnages en Suisse, en 1914, quand les frontières étaient doublement fermées. De Genève, elle ira jusqu'à Sierre, pour finir son périple qui l'aura menée de l'Ukraine à la neutralité. C'était avant qu'on me demande de traiter le sujet. Avant que j'en fasse une conférence philosophico-poétique. Il n'y a jamais de hasard, il est des rendez-vous. La soirée se clôture avec la projection du documentaire d'Alex Mayenfish, "7000 bornes, histoire d'une frontière", très intéressant, qui a le mérite ultime de corroborer, par ses témoignages, des idées soulevées par les interventions précédentes. Ensuite c'est le buffet, les félicitations - qu'on prend - les livres - qu'on signe - et les projets - qu'on projette. Je suis heureux de constater que ceux pour qui mon intervention n'avait pas forcément d'autorité se sont ravisés : c'est la marque de leur intelligence. Et après tout, à Orthez, j'ai failli être viré manu militari de la remise des prix: on a cru que je visais le buffet.
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20/09/2014
Bardamu.
J'ai donc trouvé que cette conférence - organisée par l'Université pour tous, l'Esplanade de Divonne-les-Bains (magnifique salle de conférence, de spectacle et de projection) et Lettres-frontière, qui tient à moi depuis "Tébessa, 1956" - était une idée intéressante, mais qu'elle manquait un peu de poésie, d'un abord irrationnel du thème de la frontière commune, du jeu sur les identités, les déterminismes. Il n'était pas obligé que ce fût moi, mais je ne peux jamais résister à ces montées d'adrénaline, ces instants où l'on se demande pourquoi on a fait ça, sans se répondre, parce qu'on le sait: c'est tout ce qu'on cherche. Il n'empêche, c'est dans quelques heures, maintenant, et Arthur Ganate me regarde quitter la place Clichy, bravache. Je ferai moins le malin tout à l'heure, mais si je survis je vous en parlerai demain.
12:10 Publié dans Blog | Lien permanent