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13/10/2014

Les Choeurs de l'Armée bougnate.

jlm.jpgUn nouveau Jean-Louis Murat, c’est un non-événement, puisque le bonhomme a une production de stakhanoviste, chaque année apportant son album, voire deux. Mais là, la parution de « Babel », double album – et triple vinyl de toute beauté – marque une étape importante dans la carrière du Bougnat, puisque après Lilith en 2003, et avec l’aide du Delano Orchestra, un groupe de la région, Murat s’engage sur vingt titres marqués par la topologie (Chamablanc, le Col de Diane, le Chambon et la direction du Crest sont convoqués, le Vendeix et le Sancy aussi ) à mener l’auditoire dans un road-trip américano-auvergnat avec la distance poétique et la dérision dont lui seul est capable, puisque rien ne l’oblige, ni la quête du succès, ni l’idolâtrie dont il est parfois victime. Alors, Murat mêle, dans ses textes, le lien viscéral de sa vie paysanne et ses voyages intérieurs, amoureux ou exotiques. L’homme avait déjà chanté la « Taïga » à Nashville, il la ramène ici dans son « Chant Soviet » ou dans « la Chèvre Alpestre », crée des ponts entre des titres anciens  - via la rhubarbe ou la violette -  et les nouvelles chansons, que le Delano souligne par des cuivres omniprésents, la trompette de Julien Quinet en fil conducteur, par une section cordes – et le violoncelle sublime de Guillaume Bongiraud – raffinée pour les titres plus doux. La voix oscille également, suivant la mélodie, entre les aigus de ses débuts, le codage de « la neige et pluie au Sancy »  et la douceur suave du crooner qu’il n’a jamais cessé d’être.  Une voix doublée, par moments, de ses propres chœurs et de celle, inhumaine de beauté, de Morgane Imbeaud : à ce titre, la fin des Frelons frise l’apoplexie de l’auditeur. Le choix de chansons longues, non formatées, permet à l’album de créer une ambiance unique, entre un pays perdu et les racines d’un Blues retenu, passé par la mélancolie du classique. On écoute « Babel » comme on attaque un roman épais, sans se soucier du temps que ça prendra, en prenant patience quand le propos est abscons ou quand la musique ne nous convient pas – il en faut pour tout le monde et ça tombe bien, il y en a pour tous ! – parce qu’il y a toujours un moment magique pour nous ramener vers le Murat qu’on aime : le mien, à la première écoute, porte plus sur les « Frelons d’Asie » ou la « Vallée des merveilles », mais ça pourra changer bientôt. Ce qui m’inspire dans l’œuvre muratienne, c’est qu’elle est porteuse de mémoire : celle d’un homme entre deux âges qui constate que le monde a filé sans lui. Jeté aux ronces. Sans nostalgie pour autant, juste un peu de mélancolie. A Saint-Babel, le temps s’écoule moins vite qu’ailleurs. Parce qu’en bon paysan, on sait distinguer le travail de l’agitation. « Babel » est de la bel ouvrage.

16:31 Publié dans Blog | Lien permanent

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