20/07/2024
Because the night.
Je n’ose pas faire la moyenne de l’âge des artistes que je suis allé voir cet été, et plus globalement au cours d’une année 2024 que je terminerai, si Dieu me tripote, par un octogénaire sémillant, mais quand même. Une espèce de Farewell Tour, après que j’ai failli moi-même tirer ma révérence avant Véronique Sanson. Après Simple Minds mercredi dernier, mon retour est passé par Nîmes, aux Arènes, pour un coplateau atypique mais (plus qu’) attirant. Patti Smith, je n’aurais sans doute jamais payé pour la voir seule, malgré tout le respect que j’ai pour une œuvre que j’écoute régulièrement. Mais bon, avec elle, il faut jongler entre les moments où elle vient déclamer des poèmes (j’ai déjà les Voix Vives en bas de chez moi) ou autres créations censées l’éloigner un peu de ses standards auxquels, sans doute, une bonne partie de son public la restreint. Mais Patti Smith, comme Joan Baez, c’est une voix de la folk-rock, auteure elle-même mais, surtout, formidable passeuse de textes. Et hier, en formation rock – un quartet avec son fils à la guitare – elle ne s’en est pas privée, chantant du Lana Del Rey, du Bob Dylan, jouant un morceau en hommage à Johnny Cash, un autre pour les 30 ans de la mort de Kurt Cobain, enchaîné avec un Smells like Teen Spiritsde très bon aloi, qui fait oublier aux fans qui secouent la tête à tout crin qu’ils n’ont presque plus de cheveux. La femme à côté de nous, dans le vomitoire (sic) nous a annoncé en amont que c’est Patti qui ouvrirait le concert : sa sœur de rock, dit-elle, joue à Marseille aujourd’hui, il faut qu’elle parte tôt. De fait, il fait jour quand elle donne son show, mais le son et la voix sont impeccables, la présence scénique impressionnante et puis un concert qui offre Dancing Barefoot, Because The night en clin d’œil au rendez-vous manqué avec le Boss, en mai, et People have the power, une des dernières raisons de lever le poing en public, à notre époque, est déjà un concert à part. Qui ferait presque douter de la capacité d’Etienne Daho de relever le gant. Peut-être est-ce pour ça, en partie, que le changement de plateau est très long, surtout parce que le light show est impressionnant : un double cadre lumineux, l’un qui définit la scène en entier, deux pans d’écrans réunis derrière pour un show impressionnant, stroboscopique – obligeant une encore récente victime d’AVC à détourner les yeux, souvent – avec des ombres d’un Daho derrière, dansant, en mode générique d’Amicalement vôtre. L’esprit pop (Satori) n’a pas bougé, et malgré un son très fort et une voix en avant qui a franchement relégué les cordes, Daho est le même qu’il y a quarante ans, et c’est toujours fascinant de voir un type plutôt sympathique vous rappeler qu’il a dicté la bande son de votre vie en multipliant les tubes : le grand sommeil, sortir ce soir, Comme un boomerang - avec un rappel des parrainages qu’il a connus dans le métier avec Hardy, Dutronc et donc Gainsbourg, dont il n’est pas sorti vivant, selon ses termes, de l’apéro qu’il a un jour partagé avec lui – Des heures hindoues qui tirent déjà des larmes (même si je suis rien, si j’suis personne, personne), mon manège à moi, Duel au soleil, qui en tire d’autres, Tombé pour la France, Bleu comme toi, le premier jour (du reste de ta vie) qui ouvre les vannes, Week-end à Rome, Épaule Tatoo, j’échangerais bien mon dernier relevé SACEM (31,02€) contre le sien, mais je ne lui en veux pas. C’est touchant également de le voir présenter des morceaux moins connus, pour lesquels il a une certaine affection, dit-il avec pudeur : j’espère un temps Promesses, qui ne viendra pas, mais il lance l’homme qui marche, sa préférée, En surface, que lui a écrite Dominique A. Et d’autres, qui ponctuent un show rodé, qu’il termine, en rappel, par Ouverture, histoire de marquer la vie de cet éternel jeune homme, qui ne vieillit pas quand son public le fait, ce qui ne l’empêche pas de danser dans les gradins des Arènes comme on dansait dans les boums des 80’s. Il a parlé d’une K7, à un moment, s’est enquis de savoir si tout le monde savait de quoi il parlait. Et c’était ça, en fait, hier : deux heures calées avec un walkman sur les oreilles, à faire comme si rien ne s’était passé depuis la Teste-de-Buch, en 1983.
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17/07/2024
Dévaler la pente.
Un retour de libraire sur l'auteur lui-même (avant le livre), c'est suffisamment rare pour être souligné. Merci, Anthony, du Panier de livres, à Caluire-et-Cuire : "Très belle rencontre hier soir à la librairie de Caluire, avec en effet un écrivain singulier Laurent Cachard, un écrivain qui a des ressources mystérieuses, opiniâtre, habité, attentif, dévalant la pente, emporté, exigeant, furieux, à bonne hauteur puis tout à coup d’une grande mansuétude, un écrivain qui fait des rencontres et change alors le nuancier des lumières de sa vie. Un écrivain qui va au bout des choses en oubliant de respirer, je suis touché par sa présence complexe et son audace. La littérature au centre de notre vie comme une nécessité première. Et encore ce constat chez certains passionnés pour qui le feu n’est pas un accessoire d’un soir : une capacité de vivre à plusieurs époques à la fois. Mais que la gravité des choses n’empêche pas l’œil pétillant et facétieux de l’instant qui passe."
le micro-concert de Jean-Christophe Géminard, brut et sans autre prétention que de témoigner de l'instant, se trouve ICI.
Et ce titre, qui me rappelle ce texte écrit il y a longtemps, pour Guillo :
Photo : Stéphane Thabouret
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13/07/2024
Liliane & Aurelia au Panier de livres, un 12 juillet.
Il y a des soirs où tout concorde et où, malgré les défections du jour, ou les absences notoires, on respire un peu de voir arriver des têtes connues, en nombre suffisant (déjà pour les chaises disponibles) pour le libraire, histoire de le remercier de l’invitation. Des soirs où l’alchimie se fait vite, dans le discours, les regards, cette façon muette d’acquiescer. À une vision de la littérature, une exigence qui respire dans cette toute petite échoppe au milieu de nulle part, mais dont la programmation m’a alerté, et dans laquelle j’ai trouvé des titres qui ne rendront pas le libraire riche mais qui l’aident sans doute à respirer au quotidien. Anthony, le maître des lieux, s’est montré curieux de ce que je faisais en amont et impatient, disait-il, d’accueillir un auteur singulier – c’est le mot qu’il a choisi – de m’entendre parler de Liliane, d’Aurelia, de Camille aussi, puisque le Réalgar, une maison d’édition qu’il a découverte via son rayon poésie, l’a intrigué, au point qu’il a invité Daniel Damart, le Boss, il y a quelques semaines. Hier, c’était mon tour, devant une petite trentaine de personnes, et Anthony m’a fait parler de mon parcours. De ma première vie d’écrivain, de Claude Raisky et de Raison & passions, Lettres-frontière, Grignan, Carole Martinez, tout ça. De Tébessa, qui a tout lancé. Puis d’Aurelia, du travail dantesque que ce livre m’a demandé, sur près de dix ans, de l’histoire de l’Ukraine, de la philosophie – sur la judéité – de cette nécessité que j’ai éprouvée de faire vivre ce personnage qui me marqua tant, à l’adolescence. Je peux enchainer sur les Jardins d’Ellington, sur la notion de sujet qui m’importe, dans la littérature ; sur le corps expéditionnaire russe, sur la Courtine. On me dira après que je donne envie, et, au vu des exemplaires vendus après, tant mieux : pour le libraire, qui fait sa soirée, pour le lecteur, qui découvrira Aurelia. J’ai tellement fait de rencontres que je ne peux pas ne pas mesurer la promesse que j’ai faite hier de livrer (c’est le mot) un 3e et dernier volume des aventures de mon héroïne : j’ai commencé. Je raconte en souriant que Daniel, qui n’est pas au courant (ne lui dites pas encore !), fera sans doute une exception pour moi, lui qui se demande s’il va continuer à éditer des romans. J’en arrive à Liliane, à Barbara, je raconte la genèse de ma Cantate, cette erreur insultante de photographie dans Libé, la façon dont j’ai remonté la courte vie de la Pianiste, son histoire d’amour avec Serge Lama et, dans la tragédie de son existence, les mots que la Dame en noir lui a laissés, ce chef-d’œuvre de justesse et de sensibilité qu’est la petite Cantate. Cette adresse sublime à son amie, sa douce, sa si petite à elle. Tout est lié, dans ma volonté de remonter le temps, les cours des vies. Je suis passionné et ça doit se ressentir, puisqu’on m’a dit que c’était passionnant, au sens littéral. J’avais prévenu Anthony, je pourrais parler des heures, mais il reste la petite surprise, le (gros) quart d’heure musical, les cinq chansons qui résument mon parcours à moi dans la chanson, avec Eric Hostettler en compositeur. Là, c’est JC qui chante : il s’est déjà approprié Ton Égide, restructuré Au-dessus des eaux & des plaines (qui me permet de dire du mal d’Aragon), on a inséré in extremis Le Mont Sans-Souci de Jean-Louis Murat, l’essentiel, et préparé la scénographie du morceau suivant : je me lève,prends sa place derrière le micro et lui lance les accords, arrangés pour la guitare, de la Petite Cantate. Que je chante, pour la deuxième fois en public, au grand étonnement de ceux qui jamais ne se seraient attendus à ce que je le fasse. Anthony, au bout de mes 2’30 de gloire, est ravi, enthousiaste, me remercie chaleureusement. Mais ce n’est pas fini, JC doit encore interpréter l’Embuscade, ce morceau mythique inspiré de Tébessa, dont il oubliera un mot, le même, mais à chacun des couplets : rien de grave, Samantha, qui l’entend répéter chez eux depuis des mois, le lui souffle, ajoute même, discrètement, une deuxième voix. Puisqu’il faut finir, JC entonne la masterpiece du duo Cachard/Hostettler, extrait du flop industriel de Trop Pas !, ce Café des Écoles qui n’existe plus sur la grande place, mais qui continuera dans la mémoire de tous ceux qui croiseront cette chanson. Que Nicolas Bacchus, présent hier, songe à intégrer dans son (6e) album à venir. On a fait près 1h15, il est temps de signer de nombreux livres, de voir du coin de l’œil ces personnes aimées qui se retrouvent ou se découvrent, de boire un verre dans la librairie puis enchaîner sur une belle soirée, au Capot, à deux pas de chez ma mère. C’est un privilège de pouvoir rassembler autant de figures de ma vie autour de mon travail. Et la joie – j’ose – des libraires, la promesse qu’on s’est faite de nous retrouver ponctuellement, est une belle récompense. Je souris en moi-même en me disant que si tous ceux qui auraient dû venir étaient venus, on n’aurait jamais pu caser tout le monde. C’est souvent ainsi que les choses s’équilibrent.
PS : un beau retour de Laure, hier, juste avant que je parte pour le Panier : « Un roman exquis qui nous introduit dans l’intimité d’une relation hors du temps, d’une histoire que j’ai toujours devinée sans en connaître réellement la source d’inspiration . L’écoute de cette chanson que j’adore a pris par la grâce de votre plume sa véritable dimension . J’ai hâte de vous écouter parler de Liliane , un jour prochain peut-être , ma santé pour l’instant ne me permet pas de me déplacer mais je tenais à vous remercier Laurent pour ce secret si joliment dévoilé et qu’il me plaît désormais de connaître . » Un truc à se mettre aux anges, avec leurs trompettes.
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11/07/2024
Let me see your hands!
Il faudrait être fan hardcore pour dire si le concert de Simple Minds hier au théâtre antique de Lyon était mieux qu’un autre (de la tournée) ou un des meilleurs d’un groupe tellement antique lui-même que les Lyonnais les plus vieux l’auront vu dans des salles aussi diverses que le Palais d’hiver (en 1983), le Palais des Sports, la Halle Tony-Garnier, la salle 3000, et donc, hier, à guichets archi-fermés, au théâtre de Fourvière, dans ce cadre que le groupe semble affecter, en témoignent leurs passages à Taormina, Rome ou autres enceintes idylliques, par leur disposition, la beauté du site. On peut avoir jugé le concert d’hier un peu mou, avant une première session ramenée à New Gold Dream, l’album sorti en 1982 – après, quand même, que Jim (Kerr) a enflammé le site, d’entrée, sur Waterfront, puis Someone somewhere, le titre-phare de NGD, celui que n’importe quel quinqua a accompagné, dans sa jeunesse, d’une danse new-wave pénétrée, en espérant que la fille de la fac le regarde enfin. SM, depuis 2015, ce sont des concerts en deux parties, au milieu desquelles le chanteur-patriarche, toujours aussi classe, va se rafraichir en loge devant un ou deux whiskies, de son propre aveu. C’est aussi un lead-singer qui a accepté de vieillir et qui confie des parts vocales – voire des chansons entières, comme Book of brilliant things - à sa superbe choriste Sarah Brown, résurgence d’Aretha Franklin à la robe lamée. C’est sur elle que Jim s’appuiera pour lancer le mythique Mandela Day, qui nous fait nous rappeler qu’on a tous levé le poing un jour en chœur et qu’on a tous aussi rêvé du t-shirt noir manches longues porté lors du concert de Wembley, en 1988, juste avant que Johnny Marr vienne assister un Charlie Burchill toujours aussi cristallin dans un son que seul ce groupe a su faire perdurer. Mandela Day, alors, dans un light-show aux couleur sud-africaines, pour saisir qu’on est dans la deuxième partie, plus tubesque, plus enlevée, forcément. Il y a Sanctify yourself, pour faire – enfin – se lever les vieux (dont moi), un dernier sursis avec le long et progressif « Belfast Child », la formation est rodée, le bassiste excellent et la batteur(e), Cherisse Ossei, animale, finissant la moitié des morceaux debout. L’immense frontman qu’a toujours été Jim Kerr se contorsionne, nous met minables avec ses génuflexions, nous qui souffrons d’arthrose et d’un manque de place, dans les gradins, pour étendre nos jambes. Il n’y eut guère de surprises, ou je ne les aurai pas reconnues, quelques morceaux, peut-être nouveaux, tentés pour se convaincre d’une actualité qui est, quand même, l’essence des artistes qui nous font vivre. Et puis, comme un exutoire, le Don’t you que tout le monde attendait, qui fait qu'en une seconde, on se demande qui de Bender, d'Andrew, de Claire, de Brian ou d’Allison – les personnages de Breakfast Club – nous sommes restés, à moins qu’on ait construit nos vies, comme le film, sur un mélange des cinq, avec la même question, toujours en suspens, celle pour laquelle les élèves du lycée Shermer ont été collés, le samedi 24 mars 1984 : Qui pensez-vous être ?
Il y a tout ça dans un concert de Simple Minds, enfin, pour moi, même un peu plus. Et puis les aléas, les accidents, ça vous incite, quand vous recroisez quelqu’un qui a été très proche, à le regarder sortir de scène jusqu’au bout, sans ciller. En vous disant, sans urgence, qu’il ne s’est finalement passé que quarante ans, ou presque, depuis le premier concert. Le final de Dont’you, ça n’est pas compliqué, se souvient cet ex-groupe de stades : la, lalalala, lalalala, lalalalalalalalalalala, et on recommence, à s’en casser la voix. Jim s’amuse, regarde sa montre, les coussins voler dans la lumière, ils pourraient finir là-dessus, mais il propose d’en faire une dernière, et c’est Alive & Kicking, qui se termine, variation, par palalalalala, palalalalala, palaooo, palaooo, ad libitum. De quoi partir heureux, en se donnant rendez-vous pour le prochain. Sans savoir quand, ni si. C’est le jeu.
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04/07/2024
Le tour de Liliane.
14:02 Publié dans Blog | Lien permanent