04/11/2015
Rapport de stage.
Il faudrait juste demander
Pardon pour le chagrin vécu
Et reconnaître in fine
Que ce qui était là n’est plus ;
Qu’il n’y aura de résurgences
Qu’à la fortune du hasard,
D’une impression ou d’une essence
Que le destin ramène, hilare.
Le séneçon laineux ainsi
Que la fétuque rouge, conjoints,
Colorent les champs définis
D’une esquisse des jours anciens ;
Les cris des fulmars boréaux
Riant de la tristesse humaine
Ne laisseront à ce héros
Que l’issue héraclitéenne :
Le fleuve jamais ne repasse
Le cours des amours effacées ;
On peut en espérer la trace
Sans plus jamais la retrouver.
16:17 Publié dans Blog | Lien permanent
03/11/2015
Généalogies.
C’est l’histoire de quelqu’un qui s’est demandé pourquoi on avait dit de Marie-Pauline P., née en 1863 de parents inconnus, qu’elle était sans doute péripathéticienne quand on l’a pourtant déclarée domestique, en même temps qu’indigente, le jour où l’on a déposé le fils qu’elle venait d’avoir à l’Assistance Publique. C’est l’accoucheuse - Hélène N., qui a mis au monde le jeune Louis-Marius P - qui fait cette déclaration, alors même que Marie-Pauline est employée chez elle, rue Duquesne, dans le 6ème arrondissement de Lyon. Drame bourgeois - bien qu’anticonformiste, puisque Hélène N. et Louis L. n’étaient pas mariés - amours ancillaires? Monsieur L., restaurateur, aurait-il fauté avec la servante, laquelle s’est quand même acquittée de sa tâche en mettant l’enfant au monde, puis en prenant en charge les procédures d’abandon ? Ou Madame N. tenait-elle elle-même une de ces maisons closes dans lesquelles on suivait les filles à qui la contraception avait échappé ? Toujours est-il que le jeune Louis-Marius, après avoir connu trois familles d’accueil, rencontrera un jour Marthe P., qui mettra au monde Edouard, lequel donnera naissance à celui qui cherchera à en savoir plus sur Marie-Pauline. Qui découvrira des choses curieuses, comme le fait qu’elle était l’enfant naturelle de Adèle P., lingère de son état. Que le père, déjà, était inconnu, ce qui en fait deux sur deux générations… Qu’Adèle P. habitait Impasse Monsieur – ce qui ne s’invente pas, toujours dans le 6ème, que cette impasse s’appelle maintenant Impasse Molière. Que Marie-Pauline P. retournera vivre dans le Jura où, alors qu’elle est déjà âgée de 46 ans, un âge respectable à l’époque, elle prendra pour époux un homme de quatorze ans son cadet, sabotier, portant le nom de Marie-Alphonse M. Ce jour-là, le maire, Isidore M., lui attribue la qualité inédite de lingère.… Un mariage qui ne durera que six ans, puisque Marie-Pauline mourra le 24 juin de 1916, en l'absence de son époux vraisemblablement mobilisé. Pour quelles raisons Marie-Pauline s’est-elle réfugiée dans des terres qui désormais abritent vingt-deux habitants du même nom sur une zone restreinte de trois communes ? Que faisait l’homme qui l’a recueillie, était-il veuf, libre-penseur, recueillait-il une de ses anciennes amours au crépuscule d’une dure existence ? Il n’aura évidemment pas d’enfant avec elle, mais la vie qu’ils ont terminé de mener ne sera donc pas restée vaine.
18:21 Publié dans Blog | Lien permanent
02/11/2015
Jour des morts.
Tous ces gens qu’on a connus, aimés, dont on croyait, enfant, qu’ils seraient toujours là, que rien ne changerait jamais, et dont on ne sait pas où ils sont, maintenant : l’incroyance est de la même nature que la croyance, c’est un paradoxe. Je garde l’idée que je les reverrai, tous, d’une façon ou d’une autre. C’est un peu comme espérer gagner à la loterie sans jamais y jouer.
16:18 Publié dans Blog | Lien permanent
01/11/2015
Concomitantes.
Cette angoisse qui monte dès qu’un projet est terminé, la crainte de subir les foudres de ceux qui ne vous autorisent pas à vous emparer d’un sujet qu’ils voudraient ne garder que pour eux. Celles de ceux qui vous reprocheront de ne pas les avoir sollicités et qui feront une lecture centrée sur cette frustration-là. Pourquoi écrit-on, pourquoi soumet-on à la lecture, à chaque sortie, les mêmes questions se posent jusqu’à ce que un, puis deux, puis plusieurs avis plus neutres, moins investis, vous disent qu’ils ont aimé, la démarche, l’intention, l’écriture. Hier, j’ai assisté à la projection du film de Curro Sánchez Varela sur son père : un beau documentaire que ce Paco-là, avec ses qualités - le fait qu'il se confie à son fils nous permet de voir un Paco détendu, ce qu'il n'a jamais été avec les médias, quels qu'ils fussent, depuis ses premiers succès et une barre à placer continuellement haute, sous peine d'être fustigé, ce qui l'a aigri, selon ses propres termes - et ses défauts, comme le fait de ne pas aller assez loin dans sa relation avec Camaron, ou l'ellipse totale des femmes de son parcours. Mais un Paco attachant, qui prend Diego, son petit dernier, à parti en lui demandant si son Papa est l'homme à l'exigence incommensurable qu'on décrit (et qu'il ne dénie pas être) ou celui qui aime rire tout le temps, ce que confirme Dieguito, qui ne sait pas que deux mois après ces dernières images, son Papa, en jouant au foot avec lui... Un bon moment, rien de très inédit à part deux-trois archives audio (un duo avec son père!), mais le beau regard d'un père sur son fils, comme on rêverait qu'un fils nous regarde un jour. Ce film-là, j’ai eu la drôle d'impression d’en avoir écrit le scénario: rien d’étonnant, parce que tout a déjà été dit sur Paco, et que je ne rajoute que ce que la fiction me permet de rajouter. Mais bon, alea jacta est. Et je me suis posé les mêmes questions à propos de « Tébessa », alors…
17:47 Publié dans Blog | Lien permanent
31/10/2015
Dommage.
Enfant, j’ai eu l’idée, en regardant mes « Tout l’Univers » d’une Encyclopédie que tout le monde pourrait consulter à n’importe quel moment, sur n’importe quel sujet. Il ne me restait plus que l’Internet à concevoir, et Google à déposer, mais vous savez ce que c’est l’espionnage industriel…
15:14 Publié dans Blog | Lien permanent
30/10/2015
Les Enfants de novembre.
C’est en approchant du car qu’on a senti que quelque chose s’était tramé. C’était dans l’air, une pesanteur qui contrastait avec nos mines réjouies de gamins en vadrouille dans Paris. Le genre d’événement dont on se souvient longtemps du moment qui en a précédé l’annonce, puisque, juste après, plus rien n’est ni ne sera plus pareil. Cette intuition, personne de nous trois, ne l’a formulée, sur le Champ de Mars, mais chacun, en soi, l’a retenue, le plus longtemps possible, a souhaité, sans doute, que le chemin se refasse, à l’envers, comme une scène de cinéma qu’on refait parce que la première n’est pas réussie. Tout un pan de ce pour quoi nous étions venus allait se retourner contre nous, pas parce qu’on en était responsable, mais parce qu’on s’en était, un temps, désolidarisé. Les incidences d’une action nous viennent parfois avant la conscience de l’action elle-même. Ce six décembre allait nous marquer à vif, pour ce qu’on en avait raté : il y aurait toujours, et jusqu’au bout, une réserve, un goût amer, sans qu’on l’ait connu, lui, sans qu’on pût, le cas échéant, faire quelque chose pour lui, sinon avoir été à sa place, au mauvais endroit, au mauvais moment. Sans qu’on ait compris, encore, que la fin de la manifestation, à laquelle nous nous étions soustraits, avait signé la fin de sa vie, les premières rumeurs, les images, puis les annonces. Nous en étions, et aurions dû triompher de simplement en avoir été, mais non. L’histoire ne se refait pas, et nos aînés qui s’étaient inventé une résistance, n’ont pas dû vivre mieux dans la connaissance, intime, de leur lâcheté. Nous n’avions commis aucun crime, à part celui d’avoir échappé aux voltigeurs. Mais il y avait tout cela, le drame et les trente ans qui suivraient, dans les cinquante derniers mètres qui nous séparaient du car du retour. Le même qui nous avait déposés, au petit matin, avec nos rêves, nos révoltes, notre certitude qu’on les ferait tomber tous, et non pas qu’un de nous y resterait. Sur le pavé de la rue Monsieur-le-Prince.
(NB: quand on termine un roman, il convient d'en commencer un autre, quitte à ce qu'il patiente, et que sa grande soeur l'étouffe un moment. Je redeviens un ogre, dans l'écriture: mauvaise nouvelle pour ceux qui ne m'aiment pas.)
17:14 Publié dans Blog | Lien permanent
29/10/2015
Au lecteur.
Dans les « 36 choses à faire avant de mourir » *, je formulai le rêve d’habiter un jour à Sète et d’assister au concert d’adieux de Paco de Lucía à Algeciras : le destin m’aura servi à moitié. L’ouvrage qui suit est une façon de pallier le manque, il est l’œuvre d’un aficionado, un amateur - au sens étymologique - de la musique de Paco et, plus généralement, de la façon dont il s’est accommodé, tout en retrait, de l’image qu’il avait et qu’il a laissée. Ce n’est en aucun cas un ouvrage théorique, ou une exégèse du flamenco, ni même une biographie : bien sûr, l’histoire se construit sur la réalité de la vie de Paco, mais certains épisodes se fondent sur une licence poétique que permet la fantasía. Et tant mieux : Paco, comme tous les génies, n’appartient à personne : la meilleure des façons de toucher tout le monde.
* Editions Pré#Carré, 2015
Photo non contractuelle, détail d'une peinture de Clode Poty.
18:13 Publié dans Blog | Lien permanent
28/10/2015
Des projets.
L’intégrale des coupures de presse parues à l’époque, des journaux qui n’existent plus, des tracts politiques, imprimés sur les dernières ronéos des locaux de syndicats étudiants : toute cette somme anarcho-poétique qui attend tranquillement qu’on s’en serve pour faire un livre…
15:29 Publié dans Blog | Lien permanent