28/11/2015
Laisy Noisy Nellie.
Ça a commencé par une première partie comme on n’en voit jamais, au vu de la maîtrise technique et artistique des gaziers dans la place. Il faut dire que Xavier Desprat et ses acolytes de Laisy Daisy envoient du très sérieux: session rythmique au sommet, envolées solo d’un guitariste survolté et polyglotte (par ses parents) qui n’a commis comme faute que d’avoir confondu Dave et Claude François tout en lançant un « Lucy In the Sky with Diamonds » épique, qui ne m’a pas fait regretter de lui avoir donné, il y a quelques années, mes badges des Fab Four datant de mon adolescence. Il y avait du bruit, du rock’n’roll, de l’émotion pour ceux qui ont été touchés dans leur chair (de techniciens, d’hommes de spectacle) il y a peu. L’ouverture était dantesque, il fallait suivre, mais les quatre autres de Nellie Olson savent faire, depuis deux ans, ou presque, qu’ils enchaînent les concerts antérieurs ou postérieurs à leur album de jeunes quinquas toujours noisy. On les attend, on les connaît, mais comme pour d’autres que je connais, c’est quand ils montent sur scène qu’ils se transforment, qu’ils retrouvent des automatismes trentenaires, quand l’un tenait la lead vocal et l’autre les choeurs. Maintenant, c’est l’inverse, mais ils s’en trouvent mieux ainsi. Pétrier, c’est acté, est le plus grand frontman que je connaisse, un iguane qui se confond et s’entortille avec le micro, une voix nasale reconnaissable entre mille et, à force de concerts, une meilleure maîtrise de l’anglais, une langue qu’ils ont choisie pour assumer la direction musicale et le thème de l’abus et du groupe.Quelques problèmes d’équilibre au départ, et le jeu prend le dessus: plaisir et spectre sonore de plus en plus amples. Dans la salle, les mêmes personnes, et des plus jeunes aussi, fils et filles des premiers, tout le monde est heureux d’être là parce que ce qui se passe sur scène est communicatif, parce que chacun prend une part de ce qu’il a vécu il y a une éternité, sur les mêmes accords et la même association de voix: quand Tito chante, aux choeurs, c’est moi qui ferme les yeux et embrasse mon existence, telle que je l’ai vécue et telle que j’aurais voulu la vivre. Dans le Radiant Bellevue copieusement rempli (en attendant la grande salle, au dessus, promettent-ils), l’harmonie est partout, même dans un « Ceremony » joué avec des chapeaux de paille de couleur, comme s’il fallait se confronter au ridicule pour montrer que la musique le surpasse, quand elle est jouée comme ça. Il y a une vieille atmosphère de fin de siècle, quand même, mais ça n’est pas pathétique, parce que tout le monde semble y retrouver des repères. On en oublie qu’on est rentré dans la salle comme à l’habitude, sans appréhension, et que c’est pourtant ce type de plaisir qui est visé: ça tombe bien, ils semblent disposés à répondre en jouant plus fort encore, en rassemblant plus de monde et en laissant les gens se ramener chez eux heureux, altruistes, conscients d’avoir été là où il fallait être.
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27/11/2015
Volupté de fin gourmet.
Envier à quelqu'un quelque chose qu'on lui reproche de ne pas avoir est quand même le comble de l'obsession.
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26/11/2015
Fragment.
On dit avoir tout dit, déjà, du discours amoureux. Or, s’il est un phénomène étrange, c’est que deux personnes qui se rencontrent savent rarement quoi dire.
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25/11/2015
De là-haut, sur la pierre, on voit loin.
Je regarde les images en action, elles ramènent les fabuleux instants vécus, quatre jours durant, il y a un an. Un an au cours duquel des milliers d’heures se sont écoulées à les mettre en ordre, à mixer le son, à rattraper les erreurs (humaines), en laisser d’autres (humaines). Une année au cours de laquelle les mots que j’ai écrits in situ ont servi de fil rouge au film, jusqu’à laisser trop d’importance à leur auteur : on pourrait croire qu’il était au courant. Je n’en dirai rien, pour l'instant, parce que je savoure d’être un privilégié : de l’aventure, servi un peu avant les autres. Mais l’esprit de la route est là, et il est en phase, complètement, avec ce qui sortira de moi bientôt : qu’est-ce que la scène dit des êtres qui s’y produisent et, forcément, doivent en descendre, une fois les lumières éteintes et la salle vidée ? Je revis des moments qui ne m’ont jamais quitté, il y a comme un déphasage entre ce que je vois et l’idée que ce temps-là s’inscrit désormais dans l’ère du souvenir, gravé. Une trace inaliénable, comme un livre, moins la solitude de l’exercice, l’entière responsabilité de l’assumer, derrière. Je suis infiniment fier de ce travail-là, peut-être parce que je n’ai rien fait, justement, à part essayer de leur rendre une partie de ce qu’ils m’ont apporté. La totale des chroniques est là. Mais l’important, pour les curieux et les collectionneurs (série limitée à 300 exemplaires), c’est là. Le générique de fin m'a laissé exsangue, je ne vous dis que ça.
photo: Val Lefebvre
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24/11/2015
Transition.
Reconnaître, dans l’activité des hommes, leur tenue, leurs gestes, des traditions ancestrales, des apprentissages sur le tas, les confronter à ce qui a dû changer, un peu plus de plastique, des relevés scientifiques discrets, deux mondes qui se côtoient et s’ignorent dans le même temps. Depuis qu’elle les a filmés en 1961, les pêcheurs de la Pointe Courte d’Agnès Varda n’ont changé que de génération, pas de métier. Mais le lâcher d’anguilles, dans le port, a des reflets d’antan.
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23/11/2015
Tout doit disparaître.
Ok, c’est bon. D’abord relire LA lettre, d’il y a un an, pile, ou presque, des remarques sur un manuscrit, celles que personne ne m’avait faites, encore. Considérer, après une phase de déni d’une même durée, à la louche, qu’elle est encore plus violente qu’elle avait paru l’être à l’époque, et Dieu sait qu’elle l’était, déjà. Ouvrir le fichier maudit, se convaincre qu’il y a matière – y’a tout, mais c’est pas en place, la sentence fétiche d’un ami musicien – mais qu’il faut tout défaire, tout reconstruire, éliminer, des actions, des personnages, des lieux, peut-être. Retravailler, refaire, remettre, en Canut, l’ouvrage sur le métier. Etre à mi-chemin entre le découragement et l’excitation. Se dire que personne ne nous attend et qu’on travaille toujours pour soi, d’abord. Pour avoir créé. Une millième fois depuis près de dix ans –que de visages, que d’existences, que d’histoires sont passés ! – débarrasser la table pour s’y mettre. Et ne plus perdre de temps. Pile à l’heure, dans ma vie, néanmoins, comme planifié : à regarder ma bibliographie dans le livre à paraître, inespéré il y a un an, pile, ou presque, les choses prennent du temps mais finissent par arriver.
(Miossec/Eicher)
15:36 Publié dans Blog | Lien permanent
22/11/2015
36 choses à faire avant de mourir*.
- 33 - Ecrire un dernier roman à l’âge auquel Nathalie Sarraute a écrit le sien.
- 34 - Dire au-revoir à ceux que j’ai aimés.
- 35- Me dire au bout de ma vie que j’aurai vécu la mienne
- 36- Mourir en m’endormant sur un banc Place Colbert.
*Pour les trente-deux premières, s'adresser à Pré#Carré Editeur.
16:50 Publié dans Blog | Lien permanent
21/11/2015
Il faut qu'on rie.
Quand les twin towers se sont effondrées, le réflexe de Jean-Louis Pujol a été de peindre ce qui n’étaient que des images qui passaient en boucle et conditionnaient le cerveau : le tableau est toujours dans les appartements de Cécile et Laurent Quillerié, à Bourges. Mardi, toujours dans l’hébétude, mon vieux complice Eric Hostettler m’a demandé comment je voyais les choses, sous-entendu comment je les écrirais, comment lui les mettrait en musique. Comme dans les meilleurs moments de la création – jamais les bons au sens où on entend le bon moment - j’ai cessé ce que j’étais en train de faire, sans qu’on me remarque, j’ai jeté des mots sur le papier, sans y revenir. Une heure après, la première version, brute, m’est arrivée. Ensuite, il s’est enfermé dans son studio d’Eloise et la chanson, la voilà. Elle n’a aucune autre destination que de penser, une fois encore, à ces beaux visages que leurs proches ne verront plus.
10:17 Publié dans Blog | Lien permanent