17/09/2015
L'Hippocampe atrabilaire.
Et contempler, de loin, les efforts déployés pour convaincre l’autre de son talent à soi, à grands coups d’autopromotion, de louanges et de récompenses subtilement partagées, à tour de rôle, cette façon de prétendre à une place sur la photo, ou à côté, au moins, jamais loin du lauréat : auteur, éditeur, diffuseur et promoteur de son travail, toutes les catégories en une, on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même. L’autofiction ne se suffit plus à elle-même, il faut encore qu’on la serve, à voix haute de préférence, et qu’on la fasse valider par d’autres que ceux qui valident habituellement, dont on a beau jeu de dénoncer la corruption tout en fondant son propre système - et son écurie - là-dessus. Jadis, on disait de ceux qui ne savaient rien faire qu’ils pouvaient toujours enseigner. Maintenant ils peuvent écrire, voire animer des ateliers d’écriture.
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16/09/2015
Rue Louis Blanc.
Tous les matins, j’emprunte une rue qui porte le même nom qu’une autre, loin d’ici, que j’ai arpentée, pourtant, des années durant, quand mon fils était petit, que j’allais le chercher chez la nounou, à qui il avait donné le nom du chat, par assimilation et, déjà, sens pratique éveillé. Une correspondance classique, mais qui fait écho, dans une ville où je repars, à défaut de renaître : je ne le voudrais pas, il faudrait tout recommencer, et, si rien ne m’est sûr que la chose incertaine, il y a des repères qui ne s’effaceront jamais.
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15/09/2015
On air.
Voilà qu’il lui revenait, l’octosyllabe d’Aragon avec lequel elle s’était confectionnée sa première adresse mail, qui lui a permis de communiquer un temps avec lui, de tenter le continuum de la confidence sans l’émoi amoureux. Ça n’avait pas fonctionné : ils avaient même réussi à s’entre-déchirer pour des broutilles avant qu’elle décide de repartir dans les méandres de sa mémoire. Pour de bon. Et pour la bonne cause : elle s’était libérée de sa duplicité, recentrée sur sa vie et ses composantes. De temps en temps, elle avait une pensée furtive, se réjouissait secrètement d’avoir connu une telle passion, d’en avoir été l’objet. Elle ressentait, par-delà les océans, l’idée qu’il en avait fait un sujet, d’écriture, de mémoire, de permanence, mais puisqu’elle avait résisté à ses éditions, puisqu’elle n’avait plus envie de se reconnaître sans que ce fût elle, vraiment, elle reléguait tout ça avec une aisance inouïe. Sauf un vers : à la moitié du temps donné. Juste avant le pont de la chanson qu’il avait écrite, cette supplique, là, implacable, parce que d’ores et déjà désuète, à peine énoncée : pas parce que le temps qui nous est donné diffère selon que l’on a de la chance ou pas, mais parce qu’il est encore plus aléatoire d’en calculer la moitié. Cette phrase l’affolait, parce qu’elle lui revenait mécaniquement et, de fait, la ramenait à lui. Obligatoirement. Eh bien ! A la moitié du temps donné, qu’est-ce qu’il s’y passe ? Gagne-t-on en sagesse, en conscience de l’utile, distingue-t-on enfin, autrement que par aphorisme, ce qui distingue le sentiment de l’émotion ? Est-ce que c’est le moment précis où tout bascule, la middle Life crisis des Américains dont, précisément, depuis qu’elle habitait ici, elle n’avait trouvé nulle trace chez ceux qu’elle fréquentait ? Trop jeune, encore, pas assez brinqueballée par l’existence ? Et pourtant, elle en a vécu, des choses, dans sa vie, de ses allergies d’enfant aux sacrifices qu’elle a consentis, jeune femme, pour que son futur époux mène carrière. Avalé, des couleuvres, quand lui récoltait les lauriers d’une destinée dont il lui devait l’élan. Il avait fallu qu’elle manquât échouer, leur histoire, juste après qu’elle l’ait rencontré, l’autre, pour qu’il réagisse justement, qu’il comprenne que la perdre, c’était renoncer à tous ses repères.
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14/09/2015
L'embellie.
Se réjouir du fait que, sur la plage, pas un vieillard n’échappe au plaisir de ramasser des coquillages, se risquer aux ricochets ou ramener le sable avec ses pieds pour fabriquer un petit promontoire, en protection.
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13/09/2015
Destins croisés.
Sur le mur, en lettres géantes, le nom de cet auteur, le titre de son troisième roman et la fatalité d’un temps qu’on n’a pas pu retenir plus longtemps. Pas d’aigreur, ni de jalousie, juste deux parcours parallèles qui se sont croisés un instant : mathématiquement, ça n’est pas possible, mais la littérature autorise tout. Jamais longtemps, par contre.
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11/09/2015
Palalala, palalala, palalalalalalala.
Je retrouve, au gré des archives perdues, la version première de "la cancion de Esteban", un flamenco francisé, avec la guitare de mon ami Pedro, la fin de fiesta avec les trois voix mélangées qui chantent pas exactement juste, dirait Frémiot, mais qui s'amusent, qui y croient, qui ne savaient pas, à cet instant, qu'il ne resterait pas grand chose de tout ça.
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10/09/2015
Deux syllabes.
Ces discussions qui régénèrent, posent des projets inattendus quelques mois auparavant : des discussions vaines, inessentielles, qui ne changeront en rien la face du monde mais qui se penchent sur des sujets dont on a perdu la valeur absolue, la place d’une virgule, la mise en page d’une analepse, l’équilibre entre l’oralité et la littérature. L’âge, l’expérience font le reste : on ne révolutionnera rien, mais soumettre un texte à quelqu’un qui l’édite, c’est se risquer à son refus autant que de profiter de son regard critique, de sa capacité à améliorer le texte. Impatience.
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08/09/2015
ποίησις.
Il ne manque à ta vie que ce que tu veux mettre
Ce que tu viens chercher sur ma tombe aujourd’hui
C’est bien ce que tu as sans le laisser paraître
A l’aube de renaître, tu préfères la nuit.
Je suis venue ici pour chercher les délices
Que je ne trouve pas dans l’anodin réel
De l’insatisfaction je ressens les prémisses
Chaque fois la limite prévaut sur l’éternel
Que n’oses-tu alors enfin l’outrepasser
La cruelle cellule que ton esprit génère
Le bastion d’infortune qu’érigent les années
Qui te fait à la fois recluse et geôlière
Parce qu’il est impossible de quitter l’attraction
Que provoque mon île sur ceux qui y sont nés
Dès lors qu’on s’en éloigne, c’est la séparation
Qui ravive en nos cœurs ses parfums mordorés
Ô la velléité, servile amie du choix !
Te voilà l’oxymore de ta vie condamnée
Quitter tout en restant, raisonner dans l’émoi
Il n’est jamais d’issue pour qui ne sait trancher
Mais vous disiez vous-même du voyage immobile
L’intérêt supérieur à celui du partir
Ne pourrais-je espérer qu’ailleurs, en d’autres villes
On m’espère et me guette, m’attende et me désire
Quand tu accepteras que nulle autre que toi
Ne peut donner de toi ce que tu es vraiment
Tes faux départs, mon Ange, n’auront force de loi
Que parce qu’ils mettront ton âme au firmament
Et si les confidences que je vous ai laissées
Me séparaient enfin de la déréliction
Plus que de l’Implorante prétendre au Baiser -
Me serais-je perdue dans vos malédictions
Si tu es venue là donner de la douceur
A mon âme perdue, c’est parce que l’Achéron
Que je sondai jadis, ne dit pas de douleur
Qui s’obligea de toi et n’en fut l’éperon
Vous croyez ce faisant qu’on m’aimerait ainsi
Futile en ma Beauté, malheureuse en mon Etre
Qu’une âme pénétrante tuerait l’impéritie
Dans laquelle ma vie jouit de se repaître
Il n’est pas un amant qui ne saurait de toi
Extraire l’essentiel de ce que tu fis là
S’il ne vénérait pas de tes doutes la foi
S’il n’était pas patient quand toi tu ne l’es pas
Si au moins c’était vous que j’eusse pu aimer
Je n’aurais de ma vie le mystérieux souci
Je resterais ici, juste à vos côtés
Je n’aimerais plus rien que vous n’aimiez aussi
Tourne-toi, mon bel Ange, regarde derrière
Quelqu’un que tu affectes te sourit en silence
Il va de ta tristesse combattre l’arbitraire
Défaire jusqu’au cœur de ta désespérance
Je reviendrai vous voir, si tel en est ainsi
Et vous rappellerai vos promesses naissantes
Je vais de tout mon être accepter l’éclaircie
Souvenez-vous de moi, qui fus votre passante.
Cachard/Hostettler©2009
19:37 Publié dans Blog | Lien permanent