19/08/2015
Méfiance.
Ses études sur l’expansion vitale du héros apollinien n’empêchèrent pas la femme de l’helléniste de lui demander pourquoi la page de l’Encyclopédie était restée ouverte sur l’Herpès.
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16/08/2015
Fin d'un mythe.
Un réseau social bien connu me propose d’aimer la page d’un écrivain célébre, père d’un genre à lui tout seul, dont le professeur d’Université le plus populaire, à mon époque, parlait comme d’un réinventeur de la littérature. Rien que ça. Un homme dont l’histoire - nous dira-t-il lui-même, lors d’un cycle de rencontres organisé par des universitaires désireux de s’attirer les faveurs de ce collègue (lui-même enseignait à Paris et à New-York) sulfureux – se confond avec le vingtième siècle, dans ce qu’il a produit de pire et de meilleur à la fois, à partir d’une anecdote : réfugié avec ses parents chez une famille qui les cachait, ils ont été avertis, au péril de sa vie, par un gendarme français qu’une rafle allait avoir lieu. La Shoah, la culpabilité de ceux qui sont restés, tous ces thèmes ont rebondi dans sa vie au point qu’il en a fait le sujet de ses romans, à l’écriture affinée, fondée sur des jeux de mots psychanalytiques, le plus souvent. Un goût des femmes immodéré, jusqu’à ce qu’il promette à l’une d’entre elles de refonder aussi le pacte autobiographique et jusqu’à ce que celle-ci en meure. Réellement. « le livre-monstre », indiquait le bandeau putassier de l’éditeur. Vous l’aurez reconnu, mais là n’est pas le sujet : dans ces conférences de la fin du XX°s., l’homme n’avait de cesse de répéter qu’il ne supporterait pas de lui survivre, à lui qui l’avait condamné, puis rattrapé, in extremis. Qu’à l’égal de bien d’autres, avoir flairé la mort de près l’aiderait à pouvoir décider de la sienne. Autant de choses qui ont marqué le jeune homme que j’étais, et donnaient à son œuvre une résonance particulière. Las, la page FB de cet homme ne me montre plus qu’un vieillard cabotinant (quel contraste avec la note précédente!), produisant des livres qui ne doivent plus séduire – mais je me trompe sûrement – que de jeunes étudiantes en Lettres rougissantes à qui il dira, content de lui : « à mon âge, vous savez, Mademoiselle, la baise baisse. »
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15/08/2015
Il a dû s'étonner, Gauguin.
Je lis des choses intéressantes, d'autres beaucoup moins, dans la pile d'ouvrages que m'a confiés l'organisation de la fête du livre de Saint-Etienne, pour le mois d'octobre: seize livres, dans des genres différents, des prétentieux, des remarquables, des qui-ne-m'auraient-jamais-concerné. Et là dedans, pile aujourd'hui, l'écriture limpide, la vie remarquable, l'aventure de la méthode d'Edgar Morin. Sa connaissance révolutionnante. L'histoire d'un siècle, et suffisamment de sagesse et d'autocritique pour éclairer celui qui reste à venir. Il aura quatre-vingt quatorze ans que je l'interrogerai dans le cadre des Mots en scène. Je prie tous les Dieux de la Grèce antique pour que sa voie suive celles d'un Levi-Strauss, ou d'une Sarraute, quitte à devoir, si tout se passe bien pour moi, l'accueillir toutes les années d'après.
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14/08/2015
On efface tout.
"L'Hippocampe atrabilaire" attendra un peu: déçu par les propositions des différentes plateformes de blog (soit une formule gratuite mais peu malléable, soit une offre excessive) et par leur nouvelle politique (hideuse) de présentation, j'ai pris mon plumeau à poussière virtuel et je suis remonté le long de ces six dernières années, effaçant méthodiquement non les notes, mais les fichiers joints, les vidéos, les chansons afférentes. Tout ce qui était signalé en Mo: j'ai épargné les Ko, pour l'instant. La mémoire numérique se débat sous le sujet du droit à l'oubli, le plus souvent. Je revendique l'inverse. Mon vieux Cheval tient donc le coup, encore, vieille haridelle qui n'attend que de la nouveauté. J'en ai mis, dans le décor, dans les meubles, dans les activités à venir. Qu'il reste nizanien ou se change en maritime ne changera rien, par contre: jusqu'au bout, je me battrai.
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13/08/2015
Déménagement à venir.
Il fallait s'y attendre, depuis le temps que Hautetfort m'annonce que je suis à 95% de mon potentiel de mémoire, il va falloir que le Cheval émigre sous d'autres cieux, très vite. Recommencer de zéro après plus de 1800 notes, se refaire un public de fidèles. Fut un temps, ça m'aurait causé bien des soucis. Mais maintenant...
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12/08/2015
Ecrits de Lyon (6).
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11/08/2015
Ecrits de Lyon (5).
Ils arrivèrent à la gare de Vaise dans l’après-midi, Lyon était dans la grisaille et le froid. On voyait poindre la cathédrale à travers un épais brouillard, qui enfermait les quais de Saône, le premier fleuve qu’ils virent de la ville. Beurrier les attendait, guettant la petite troupe originale qui contenait l’ingénieur dont il aurait besoin, pour les années à venir. L’homme, un peu plus jeune que Anton, scrutait d’un œil inquiet la foule des voyageurs qui descendaient, laissant les autres continuer sur Marseille et un hiver plus clément. Il avait l’air de ceux en qui on fait confiance du premier coup, ou pas. Anton ne se posa pas la question, remit le sort de sa petite famille entre ses mains. L’homme les dévisagea avec curiosité, mais eut le même réflexe, décida de se fier à la situation. Il leur souhaita la bienvenue, sans trop forcer sur le discours, qu’il déléguait à d’autres, au sein de son entreprise. Il visait principalement Anton, qui n’en attendait pas moins, et faisait peser, sans mauvaise attention mais sans envie de perdre du temps, le poids de sa délégation sur les services qu’il était supposé rendre, à court et moyen terme. Anton accepta le marché, qui ne dépareillait pas de ceux en vogue dans son milieu : soit on sert un projet, auquel cas on peut prétendre à un poste, soit on ne le sert pas, auquel cas on n’aura fait que prétendre. Ce qui, dans la branche, signait sa fin immédiate, via les interactions entre les corps de métier. Une fin à laquelle Anton, sans hésiter, aurait préféré la mort, celle qui avait pesé sur lui une bonne partie de son existence sans qu’il s’en rendît compte, qui l’avait préservé, ces derniers temps, mais qui portait, toujours, sur les frêles épaules d’un attelage iconoclaste. L’homme les reçut sans trop de ferveur : ce n’était pas un habitué des mondanités et seul Anton l’intéressait, dans le lot. Mais il était convenu qu’il les emmène, dans l’appartement qu’il leur avait réservé, à la Croix-Rousse, puisque tout partait de là. Trois Mors de type N - engrenages taillés en V, à denture hélicoïdale, dit-il à Anton, pour le tester - les attendaient, avec chauffeur. L’une d’entre elles repartirait avec Anton, une fois les autres installés : ils avaient du travail à faire. Les trois véhicules démarrèrent et l’impression de rentrer en conquérants dans la ville les comblait d’aise, malgré le froid. Les voitures longèrent les quais de Saône, la traversèrent et empruntèrent les Esses, avec difficulté. Ils remontèrent le boulevard de la Croix-Rousse, passèrent à proximité d’un gros Caillou qui surplombait la ville et arrivèrent place Colbert, où les véhicules s’arrêtèrent, s’attirant la curiosité des gamins du quartier, qui en observaient chaque détail avec des éclairs dans les yeux. Tous descendirent et observèrent l’endroit où ils allaient vivre, désormais, beaucoup moins chic que l’immeuble de la rue de Varenne. La place ne payait pas de mine, mais Beurrier, sèchement, leur dit qu’ils seraient bien, ici, ce qui signifiait que rien n’était discutable. De toute manière, c’était provisoire, ajouta-t-il : dès l’ouverture des Cités, si le projet se concrétise, vous vivrez là-bas, en plein cœur : c’est la moindre des choses, ponctua-t-il, sans qu’on sache s’il comptait s’approprier le principe. Ils entrèrent dans l’allée du 17, montée Saint-Sébastien sans enthousiasme, mais trouvèrent, au fond de l’allée, un appartement spacieux, aux plafonds hauts, avec des chambres tout autour d’une grande pièce à vivre et des fenêtres donnant sur la ville, vue d’en haut. Beurrier ne désirant pas s’attarder, Anton dit à son petit monde de s’installer. Il les retrouverait en fin de journée : le rythme allait s’accélérer, on voulait voir ce qu’il avait dans le ventre et il allait leur en donner !
Extrait de "Aurélia Kreit", à paraître un jour.
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09/08/2015
Ecrits de Lyon (3).
Au matin, il accusait quatre-vingt-cinq kilos sur la balance. Autant que de centimètres. Son corps était devenu une allégorie de la proportion : le gros Robert était maintenant grand, beau et musclé : à trente-cinq ans, il avait changé. Comme annoncé, il quitta son appartement pour la journée, n’entendit ni les messages de ses parents, ni ceux des collègues qui s’inquiétaient de la réorganisation du laboratoire. Il sortit et fit le tour de la Croix-Rousse, une dernière fois. Ça allait être l’été, il s’était vêtu pour l’occasion d’une tenue légère et souple de lin, aux mêmes couleurs que portait Mathilde quand il l’a rencontrée. Il s’était acheté à Paris des sandales de cuir fermées, à la boucle massive, assouplies une semaine durant : elles ne lui firent pas mal et lui allaient à merveille. Il fit un saut chez le coiffeur du quartier : on ne le reconnut pas, mais il s’y fit couper les cheveux, court. Sa chevelure poivre et sel ressortait, lui conférant une maturité dont l’homme de science n’avait pas besoin, au contraire de l’homme tout court. Chez l’opticien d’en face, il s’offrit une paire de lunettes de soleil siglées, qu’il fixa sur ses cheveux ras en attendant que le soleil lui permît de les chausser. L’accessoire fit basculer Robert : dans le reflet d’un abribus, lui-même se prit pour un autre. Il passa la matinée à déambuler dans les rues de son quartier, croisa les figures qui ne l’avaient pas quitté. Pas une ne s’arrêta pour se demander si ce n’était pas le petit Robert, vous savez, le fils Machin, celui qui a un problème de poids. Pas d’ellipse, pas d’euphémisme, l’ex-Gros Robert n’avait pas seulement maigri, il était transparent à tous ceux qui le connaissaient. Il prit plaisir à cette prestidigitation puis s’éloigna, de rue en rue, jusqu’à se retrouver rue Joséphin-Soulary, derrière chez Mathilde. Il ne fit qu’y passer, reprit la rue Louis Thevenet, la rue Hénon, passa devant le cinéma Saint-Denis où, enfant, il avait vu tous les films que les cinémas de centre-ville ne projetaient plus. Peut-être avait-il marché dix ou douze kilomètres dans la journée, Robert, avant qu’il rentre chez lui, en rasant les murs, pour faire une dernière série d’abdominaux et prendre une douche.
- Dans deux heures, j’ai rendez-vous, se disait-il.
Extrait de "la 3ème jouissance du Gros Robert", recueil du même titre, Raison & Passions, 2013
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