24/07/2015
Mais les choses nous parlent, si nous savons entendre.
Je repeins mon vieux meuble, celui qui était dans la chambre de la maison de campagne, qui a vécu dans deux de mes précédents appartements et que j’ai emmené (je sais, on dit apporter, mais pas là) avec moi comme objet transitionnel, dans ma nouvelle vie. Il était vert bouteille, une couleur très tendance des 90’s, je le transforme en pseudo acier hors de prix qui finalement s’avère noir. Pas très mode, mais peu importe : sur le blanc des murs, sa présence me rassure, et son contenant est pratique. Ce petit secrétaire, qui l’a fabriqué, un jour ? Je me souviens l’avoir sauvé des flammes , mon père n’ayant pas le même rapport que moi aux choses. Même un grand Bescherelle en quatre volumes de 1893 a failli y passer, avec lui. Il est chez moi, lui aussi (le dictionnaire, pas mon père !), mais le restaurer me coûtera plus cher qu’un passage chez Leroy-Merlin.
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23/07/2015
Trabajo.
Le flamenco a toujours eu peur de la mort, tout en la chantant, ça n’est pas son premier paradoxe, ça ne sera pas le dernier. Le poids d’une culture, la crainte de tout ce qu’il y a au-dessus, sans doute. Rien ne s’approche plus d’elle que ce temps suspendu qui fait que, sur scène, tu ne sais pas si ce que tu joues relève du bonheur ou de la folie, mais la différence est que tu t’en relèves, à la fin. Parce que tout cela est un jeu, comme la vie. La Siguiriya, c’est toute la tragédie humaine, du désespoir jusqu’à la mort, c’est notre Antiquité à nous, notre classicisme, comme les Français : trois ou quatre vers heptasyllabiques par copla, le troisième toujours plus long. C’est le flamenco solemne, celui qui joue de la tristesse d’un peuple, pas le festero que j’aurais voulu que tu gardes de moi. Mais la mort est un tout, et au moins, j’aurai eu un décor. Né sur la plage de Rinconcillo, mort à Cancun, il y a une continuité, entre le vent, le silence et les colères de la mer.
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22/07/2015
Mon plombier (1).
Mon plombier est le troisième du nom que je fréquente, ici. Aucun d’entre eux ne l’était, d’ici, d’ailleurs, ce qui justifie, sans doute, qu’ils appellent les autochtones les « saignent du nez », du genre à secouer un peu fort avant de les laisser installer leurs règles. Il n’empêche, mon plombier est moins désirable que ma banquière, mais il se trouve que j’ai davantage besoin de lui, au jour J, que mon clone de Sade. Aujourd’hui, il est venu, et entre philosophes, enfin, nous avons acté la phase active, après une longue conceptualisation à base de détails techniques que je faisais semblant de comprendre. Une histoire de tuyau de 28, tu penses, et de broyeur mal adapté, j’en passe. Il est Lorrain d’origine, je parle de la ville de Nancy, que j’ai aimée et dans laquelle j’ai passé une année folle et déterminante. Tout pour le mettre à l’aise, que les travaux soient finalisés, que la phase de nettoyage ne me soit pas laissée non plus, comme pour plombier 2. Son fils. Qui ne mettra plus les pieds chez moi après s’être pris un geyser de merde en pleine figure. Je sais, les habitués de ce blog s’attendent à plus de poésie. Elle arrive : ce matin, quand, intrigué, il m’a demandé ce que je faisais dans la vie, j’ai répondu, sans hésitation, « écrivain ». Parce que c’est précisément ce que j’étais en train de faire quand lui démontait les tuyaux, et que j’ai eu la chance, à l’instant T (gradation inversée), d’être dans un travail qu’on attendait de moi, comme j’attends de lui que mes toilettes fonctionnent et ne m’incommodent plus. En face en face, il a dû juger que j’étais un écrivain suffisamment baraqué pour qu’on ne s’interroge pas sur mon vrai travail. Pour le coup, je lui ai offert un verre : demain, il revient avec un véritable SFA, pas un ersatz. De quoi lancer un nouveau feuilleton ?
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21/07/2015
Préface.
En avant-première, le texte de préface que Nicolas Couchepin et moi-même avons signé, qui précédera les récits conjoints des deux ateliers d'écriture avec lesquels nous aurons passé une année complète, et un peu plus puisque nous nous retrouverons, tous, à la sortie du livre, édité par Lettres-Frontière, en septembre.
Il y a plusieurs façons d’aborder un atelier d’écriture et, des deux côtés de la frontière, nous avons sollicité les deux groupes – celui de Divonne-les-Bains, celui de Monthey – sur ce qu’ils avaient envie d’écrire, et la façon dont ils voyaient les choses. Une première séance commune, des pistes, des idées, et puis ensuite le libre-arbitre de chacun, la liberté et la contrainte enfin alliées. Avec des auteurs qui font force de proposition quand il le faut, mais qui s’effacent le plus souvent, même si on ne saura jamais à quel point leur parcours propre a déterminé ou pas les récits qui sont sortis de ces groupes de travail. Leur satisfaction, en tout cas, c’est d’avoir été au bout du projet, d’avoir entraîné des êtres complètement différents dans une démarche collective, de leur avoir fait connaître les doutes, la circonspection, le découragement, tout ce qu’un écrivain vit, au bout du compte. Leur réussite, de voir se créer la synergie, le plaisir de se retrouver, du travail commun, des repas totémiques. Savoir que les membres des deux ateliers ont itéré d’autres séances, non programmées, pour finaliser un récit qu’ils ont désormais envie de défendre. Parce qu’on s’attache aux personnages, qu’on veut montrer que le tout fait sens, parce qu’un lecteur, peut-être, se reconnaîtra dans ce que le texte met en jeu. Au commencement était le thème, la frontière commune : après la recherche, l’intention, la structure, la caractérisation, c’est le livre, la naissance. Et son abandon, inhérent. On ne sait pas si cette aventure aura rapproché les nations, mais elle aura créé un espace commun, une identité partagée. C’est déjà beaucoup.
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20/07/2015
Chroniques d'une arrivée (4).
Ça n’était sans doute pas la saison idéale pour arriver, mais c’était la seule possible, et sans le temps libre qui m’est offert sur cette période, je ne sais pas comment j’aurais pu aborder une série de contingences digne du « Vous plaisantez, Monsieur Tanner ? », de Jean-Paul Dubois. Alors même que l’appartement que j’ai intégré vient d’être refait à neuf. Mais certaines entreprises, ici, qu’elles soient officielles ou individuelles, ont une part aléatoire supérieure à la moyenne, c’est ainsi, c’est comme les murs et les sols de Sète, ils ne sont pas droits, qu’est-ce que vous voulez qu’on y fasse… Il n’empêche, c’est difficile, une fois les meubles et la bibliothèque installés, de ne pas se mettre au travail, parce qu’on a peur de ne pas avoir assez de temps avant que le plombier, le 3ème, déjà, n’appelle ou n’arrive. Sauf qu’il n’appelle pas et arrive encore moins. Un truc secret pour vous apprendre à baisser d’un ton et demi dans le stress, ça, de se répéter inlassablement que, quoi qu’il arrive, la journée terminera dans l’eau, que j’y serai encore quand le soleil s’y couchera. Un apprentissage spécial M.Brun, qui marche trop vite dans la rue, qui a des soucis qu’on n’a pas ici, qui va devoir s’y faire. Et puis c’est la canicule, on calme encore plus le jeu, hein ! Puisqu’il faut faire contre mauvaise fortune, bon cœur, soit : j’accepte, comme le dit la chanson, que le temps dure longtemps, et que j’aurai tout loisir de me remettre à mes écrits quand toute cette vague de chaleur et d’inconvénients sera passée. J’accepte qu’une seule petite victoire (un abonnement EDF souscrit, une étagère de posée) fasse ma journée. Il y a pire, de toute manière. Et puis c’est mon arrivée, ça a quelque chose du bizutage. En attendant, le volet atelier d’écriture Lettres-Frontière est terminé, validé, titré (arbitrairement) « Gabrielle, à la frontière », et le petit livre qui sortira, avec « Antonio, à la frontière » en réversibilité, se devra d’être beau, puisqu’il est bon. De quoi attendre le plombier en rouvrant quelques vieux et épineux dossiers d’écriture. Du temps d’avant que je sois marin.
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10/07/2015
On ferme.
Pas de connexion (encore), ici, pas envie non plus d'être penché sur un téléphone qui chauffe pour écrire, des dizaines de livres à lire pour septembre et deux travaux d'écriture à finaliser... Le Cheval vous donne rendez-vous à la rentrée, ici ou ailleurs, comme ça ou autrement. Bon été à tous!
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07/07/2015
Brac'.
Il y a toujours quelque chose d’indécent dans les hommages, et l’homme qui est parti brutalement, dont on a appris le décès aujourd’hui, n’était pas de mes amis proches. Mais je l’ai suffisamment connu pour avoir obtenu de lui qu’un détail d’une de ses toiles figure en couverture de « la 3ème jouissance du Gros Robert ». Ce qui ne se fit pas, par ailleurs, puisque Stéphane Braconnier, c’est de lui dont il s’agit, ignorait visiblement que les droits à verser étaient rédhibitoires, pour un petit éditeur. La séance de photo fut épique, le peintre étant dans une de ses phases autodestructrices poussées qui m’ont fait me protéger de lui, alors même que son charme était irrésistible, et qu’une fois (c’est l’impression qu’il donnait), l’examen de passage passé – en l’occurrence, la lecture de « la partie de cache-cache » - et la cérémonie du risotto entérinée, l’amitié pouvait sembler sincère et durable. Brac’, c’est surtout l’ami de mon ami, Gilles, les deux étant parfois intenables dans leurs délires paranoïaques, et Brac’, c’est un homme dont j’ai appris qu’il avait aidé son ami dans les circonstances les plus noires : ça marque la qualité d’un homme, quels que soient ses défauts. Braconnier est mort dans des circonstances qui restent à éclaircir, des conditions sordides qui illustrent la malédiction du génie : les deux faces d’un même homme, le dandy en Porsche, dresseur de chevaux, dont on dit que Madonna et Lenny Kravitz ont acheté des toiles. Est-ce vrai, est-ce faux, mais surtout, a-t-on besoin de le savoir ? L’atelier à la Préfecture, crottes de chien comprises, et le coquet studio dressé derrière. La cuisine du maître, qui savait recevoir. Sa voix douce, ses tourments immenses. Les grands formats géométriques, aux formes définies mais au mouvement sans cesse recommencé : de ces toiles qui bougent quand on les regarde et donnent l’impression que l’œil ne se posera que quand la toile aura intégré le sens. J’aurai vu quatre ou cinq fois cet homme qui m’aura intrigué autant que je m’en serai protégé, je le répète. Mais un artiste qui s’en va, c’est un peu plus, encore, d’humanité qui se perd. Il reste son travail, puisque l’homme en a fini de ses troubles. C’est peu pour ses amis et sa famille, mais c’est beaucoup, encore, pour qui ne le connaît pas.
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06/07/2015
Chroniques d'un départ (fin).
Une des rares qualités qu’on peut trouver au temps qui passe, c’est qu’il finit toujours par amener l’échéance là où on l’attendait. Pas au jour près, pas avant quelques heures d’intimité avec ceux qu’on quitte – dont certains qu’on ne reverra pas – mais là, enfin, pour que les choses soient, puisqu’il faut qu’elles le soient, hein ! J’aurai largement profité de mon départ, vécu des émotions (très) fortes, lié des amitiés pérennes, des amours contrariées, des ivresses, des descentes, des doutes, mais, plus que tout, j’aurai validé mon choix, annoncé de beaux lendemains, posé des jalons pour un avenir plus doux. Avec une grande force intérieure, qui plus est. Je suis un des derniers, dans le travail que je quitte, à faire passer des oraux de rattrapage, demain, quelques heures à peine, sans doute, après que la toute dernière fête – la vraie, la off – se sera terminée, dans le parc que je quitte. Ils ne le sauront jamais, professionnalisme oblige, mais ces relégués-là risquent fort de trouver devant eux l’examinateur le plus conciliant du monde, celui dont ils n’auraient jamais cru pouvoir rêver.
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