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15/10/2024

SELOSHIM.

Capture d’écran 2024-10-15 à 14.23.28.pngDans le judaïsme, les Seloshim sont les 30 jours de deuil, le calendrier hébraïque établissant la durée maximale d’un mois à ce nombre de jours. Aujourd’hui, ça fait 30 jours qu’Éric est mort, que d’autres sont partis depuis et dans cette logique humaine qu’on n’a toujours pas intégrée, il y a une question qui se pose, à chaque perte : au bout de combien de temps reprend-on une vie normale, sans forcément passer à autre chose, cette expression détestable qui ne signifie rien ? À quel moment se dit-on qu’on va enlever la photo du disparu du profil de ses réseaux sociaux – un souci que nos parents n’auront pas eu – comme on cessait de porter du noir, dans les campagnes, au bout d’un certain temps ? On couche toujours avec des morts : je reprends régulièrement cette phrase de Ferré pour parler de cette étape où la souffrance se fait tellement quotidienne qu’on en arrive à considérer l’absence comme l’inverse de ce qu’elle est réellement. Quand l’absence devient présence, qu’on sollicite celui ou celle qui n’est plus là pour quelque chose de sérieux ou de (très) dérisoire. Vieillir comprend un défaut qu’auraient sans doute aimé ceux qui ne l’ont pas fait suffisamment, voir partir des gens qu’on aime, se dire – immédiatement après qu’on s’est demandé quand on allait les revoir, avec enthousiasme – qu’on ne les verra plus et que, un jour, c’est nous qui deviendrons invisibles à ceux pour qui on compte.

Il y a parfois des hommes-repères dans une vie, et ce ne sont pas nécessairement ceux qu’on voit tout le temps, au quotidien. Les artistes, souvent, jouent ce rôle, eux dont la route croise parfois la nôtre, suffisamment pour qu’à un moment de notre existence, on se demande quand est-ce qu’ils vont revenir. Quand ces êtres-là ne sont plus, l’absence est double, parce qu’on est privé d’eux comme on est privé du laps de temps qu’ils nous laissent en repartant. Rien d’étonnant, alors, que cet ami parti il y a 30 jours intègre ce mode opératoire, au vu de la vie qu’il a passée auprès d’eux. Ce n’est pas la femme qu’il n'a pas quittée d’une seconde depuis 21 ans qui pourra penser ça, ni sa fille, ni les plus proches de ses amis, mais moi je me l’offre – du moins le fait-il pour moi – ce luxe, me défaire de sa photo, publiquement, la garder pour moi, désépingler le statut que l’hébétude m’a fait écrire, il y a un mois, et l’ancrer solidement comme être essentiel dans le temps qu’il me reste à vivre. Avec d’autres, pas si nombreux. Et l’inscrire dans un livre à venir, ce qui compte double, dans la grande roue de la fortune humaine.

Photo: S.Thabouret

14:24 Publié dans Blog | Lien permanent

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