13/10/2025
Un monde sans Murat - Premier retour.
THURIFERAIRES ET EXEGETES
Un Monde Sans Murat, par Florence COUTÉ, Chroniqueuse vidéo ("le Moujik et ses phrases"), co-auteure avec Patrick Ducher de "Entre Prince & Spring".
L’écriture de Laurent Cachard est une musique, un mouvement de piano… ou un fluide, un fleuve au débit suave, mesuré et sûr de lui, c’est un mouvement et c’est une musique, bien encadrés, où chaque mot est pesé, lourd de signification et empli d’élégance, jamais la signification ne prend le pas sur l’ornement, les deux se complètent toujours dans ce que l’on pressent comme une exigence incontournable. Le résultat est qu’on se laisse porter comme sur une vague dès la première ligne jusqu’au moment de refermer le livre. 103 pages , cela peut paraître peu (au premier regard) mais elles sont si denses que l’on ressort de cette lecture, rassasié et repu comme après un festin. Et l’on se surprend à relire plusieurs fois la même ligne et à consulter sur internet les différents mots que l’on peut apprendre au passage (pour moi, ce fut « chleuasme » mais il y en eut d’autres pour lesquels je dus rafraîchir ma mémoire tant j’avais oublié leur signification).
L’ouvrage se compose d’ un portrait, d’un entretien imaginaire avec l’au-delà, des chroniques parues sur son blog (2009-2025) et de 4 nouvelles qui sont une sorte de variations sur des chansons de Murat .
Laurent Cachard se démarque avec fermeté de toute communauté (ou mouvement communautaire) de fans et laisse de côté thuriféraires* et exégètes (hormis Didier le Bras pour lequel il a le plus grand respect – je préciserai à ce sujet que ce dernier avait malgré tout, un côté laudateur), et fustige tout rassemblement autour du sujet Murat ( vivant ou mort) et nous avoue même n’être pas allé à son enterrement : on sent une pudeur – assez proche de celle de Murat – à ne pas rendre publique une expérience qui se veut personnelle. Ce que nous ne lui dénions pas.
*le thuriféraire est littéralement celui qui porte l’encens à l’église.
La lecture des chroniques est facile, l’écriture en est alerte, amusante et s’appuie essentiellement sur les concerts des différentes tournées. Celle des nouvelles est plus ardue, le style n’est plus du tout journalistique mais résolument romanesque avec des phrases denses où chaque mot compte, où chaque tournure est amplement réfléchie , ajustée, chantournée pour coller au plus près de ce qu’a voulu dire son auteur. Et en même temps, pas de lourdeur, juste de l’épaisseur, voulue et conçue comme la pâte d’un gâteau qui enfle lentement dans un four.
Nouvelles :
« Les endimanchées » : réflexions amusées, amusantes, cocasses, basées sur le oui et le non, l’opportunité et la non-opportunité sur une private joke lors d’un concert de Jean-Louis.
« L’irrégulière » , une variation sur l’amour, le sentiment amoureux et la mélancolie de ce qui fut et qui n’est plus. Y est évoquée Jeanne Moreau doublement , d’abord parce que la chanson lui était destinée et ensuite pour son rôle dans le très beau film de Truffaut , Jules et Jim.
« Docile au vent » m’a embarquée , comme le bateau vous embarque pour l’ile d’Ouessant sans être sûr de l'atteindre , la fin de la terre ne peut être qu’une rencontre décisive et j’ai ressenti ce texte comme une gifle d’eau de mer et de vent tempêtueux. La chanson qui en est la genèse est « Quand femme rêve » écrite pour Julien Clerc (« Elle boit mon sang, comme l’eau »). On en ressort le souffle court.
La dernière nouvelle fait la part belle à « Murat en Plein Air » et sont convoquées les références du passé, un poète du pays, Camille Gandilhon Gens d’Armes et la petite paysanne qui tournoyait en gris et blanc sur la cassette VHS désormais introuvable et nous replongeons dans les premiers émois et émerveillements de ce stupéfiant ouvrage dotés de meuglements et de clarines. Le plein air étant et toujours sera souffle d’inspiration, comme le dit l’auteur.
Ce petit recueil se clôt discrètement comme sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller le Murat qui dort. On le referme avec un soupir d’aise et le sentiment d’avoir accompli un beau voyage et l’esprit régénéré. Je le tiens pour le meilleur ouvrage que j’aie lu sur Murat.
PS : les illustrations de Franck Achille Gervaise sont de toute beauté.
https://www.audasud.fr/boutique/Un-monde-sans-Murat-p7833...
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