03/10/2025
Nus dans la crevasse.
Ça n’est pas rien de se réclamer de Houdini dans son premier album solo - l’homme coupé en deux - et de maintenir son public dans l’illusion d’un concert au Transclub, à deux portes d’une salle qu’il a remplie il y a bientôt 40 ans. On la connaît, l’histoire de Stéphane Pétrier, je l’ai suffisamment écrite ici pour ne pas rappeler - prétérition - que c’est un des plus grands showmen que j’aie connus, et je pèse mes mots. Il est là, devant la soixantaine de personnes qui le connaissent tous, ça fait un peu moins de deux ans que son album est sorti, à la Casa musicale, quand le Grand était encore de la fête, ou au Tikki Vinyl Store. Là, c’est du sérieux, la scène, la sono sont de sortie, Steph a mis un costume, ça vous pose un homme pour la Grande vie, un morceau d’entrée de concert comme on n’en n’a pas connu depuis longtemps, qui pose l’énorme section rythmique - Habouzi/Simon - et introduit un guitariste, Éric Clapot, qui délaisse la Gretsch habituelle du Voyage de Noz pour une Telecaster plus brutale dans le son. C’est dense, le spectre est là, d’entrée, Pétrier lâche son Je ne dors jamais, censé incarner tous les maux qui ont présidé à l’écriture de l’album. Qui enchaîne pourtant avec un inédit, qui annonce la suite, à l’énonciation plus distanciée, comme si l’homme qui s’était perdu voyait plus distinctement, désormais, ce qui l’a fait s’égarer, un temps. On me dit que tu es avec un type plutôt bien, lâche-t-il dans un inédit, c’est un continuum amoureux à la Rohmer d’un type qui ne sera jamais tranquille et qui trouve dans son intranquillité la source de son inspiration. Depuis 40 ans, fermez le ban. Il va tuer le game, disent les jeunes - assez absents, hier - en dédiant un titre, inédit aussi, à Cervantes, reconnaissant de lui-même son sens de l’absurde, sa volonté de se battre contre des moulins à vent jusqu’au bout de son existence. C’est réussi en cela qu’on le remercie in petto, dans le public, de le faire pour nous. C’est beau, ça tient, évidemment Les beaux restes emportent tout, tant le titre est juste sublime et équilibré; ça y est, il y a deux ans et demi, il me l’avait envoyé, sous forme de maquette, dans ma chambre d’hôpital, je suis bien vivant pour en recevoir cette forme sonore et aboutir, c’est merveilleux. Il y a les deux reprises, celle de Vic Chessnut et celle, en finale, de Véronique Sanson, Besoin de personne, la plus belle antiphrase de la chanson française et la meilleure façon de nous remercier d’être là, toujours, nous qui cherchons à quel point lui rendre de ce qu’il nous apporte, depuis tant d’années. Si le projet tourne en rond, c’est d’un cercle vertueux. Le 4 décembre, dans la grande salle du Radiant, les Noz vont fêter leur 40e anniversaire. J’y serai, avec mon livre dédié : la petite trace que j’aurai rendue à ce cheminement temporel. Nu(s) sur le rond-point de nos existences pas si vaines, finalement.
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