29/12/2013
The Black Sentence's Game.
Il y a d'abord un parcours défini, dont la distance n'est connue des concurrents qu'au fur et à mesure qu'on s'approche de l'arrivée, ce qui les oblige à doser l'effort en fonction d'une durée à tenir, et des obstacles qui s'opposent à eux. De deux natures: des adversaires, qu'on visualise de loin ou qui apparaissent au détour d'une rue, d'un croisement, etc. Ceux-ci permettent aux concurrents de les rattraper s'ils sont suffisamment proches - donc d'accélérer leur cadence- ou de mesurer des temps intermédiaires quand ils sont loin et des les voir se rapprocher. La règle étant, quand ils les dépassent, de ne pas leur accorder de regard, de rester fixé sur l'objectif de l'arrivée. Dans l'imaginaire des concurrents, la course est commentée, les secondes égrenées, on considère chaque feu piéton au vert comme un signe que l'inéluctable est en marche, chaque feu rouge comme un croche-pied fait à l'invincibilité du champion toutes catégories, celui qui, depuis plus de trente ans, est invaincu dans sa discipline. Qu'il soit le seul à savoir qu'il la pratique, que les autres concurrents ne soient pas conscients qu'il les considère comme tels, ne change rien. Il avance, marche à pas rythmé, distinguant les adversaires, donc, et l'autre catégorie d'obstacles, les répliquants, qui apparaissent subrepticement, eux aussi, mais disparaissent presque aussi vite, entrant chez eux, s'arrêtant là où lui continue. De faux adversaires, très éphémères, qui peuvent néanmoins l'obliger à une allure trop rapide, qui l'épuiserait. Tout est calculé, dans cette compétition: les courbes des virages, les vélos évites de justesse, les pas ne mordant pas les bandes blanches des passages piétons. La foule qui hurle mentalement le même nom de crack qu'il porte depuis trente ans est la même que celle qui accompagnait l'Etalon noir jusqu'à l'école, et le principe est le même que celui qu'on impose aux enfants: faire en sorte, en plus de l'exercice physique, que le trajet passe plus vite. À l'arrivée, le candidat a le choix, suivant le tempo qu'il a imposé à sa course, entre terminer au sprint, gravir quatre à quatre les trois étages qui le séparent de la ligne et homologuer son temps ou assurer une victoire - rappelons qu'il est seul à concourir mais épargnons-lui ce rappel - tranquille mais figurant tout de même au palmarès. Il ne lui reste plus qu'à accepter, un jour, que quelqu'un qui le dépasse en marchant ne soit pas qu'un répliquant, qu'il soit vulnérable comme le sont tous les empires, même les plus fantasmagoriques, et le temps aura, hélas, fait son œuvre.
NB: tout cela, c'est de la faute du Palais des fous.
16:14 Publié dans Blog | Lien permanent
Les commentaires sont fermés.