20/02/2010
La musique, la matière
La première fois, c’était le 11 mai 1995, au B’52, un endroit absolument inapproprié et la dernière fois, c’était hier, presque accidentellement, au théâtre de Bellegarde. Dominique Ané en concert, c’est l’assurance d’un concert exigeant et propre. Plus rock qu’à ses débuts, toujours avec cette façon unique de parler quand il chante et d’aligner la mélodie sur les dernières syllabes de la phrase. Beaucoup de mots dans les chansons de Dominique A. et des histoires qui racontent un vécu accidenté mais retenu, avec quelques traits d’humour et de distance. L’avantage, c’est qu’il prévient : « attention, dans cette chanson, il y a un trait d’humour », dit-il, avant de chanter une vie dans laquelle ses cheveux auraient repoussé ; « attention, la prochaine chanson ne contient pas une once d’humour », rajoute-il, avant de lancer son « Nanortalik ». Les chansons de A. parlent de neige, beaucoup, d’amour, un peu, et de Manset et même d’un « atroce chanteur des 80’s », qui a droit à sa chanson-thérapie. Le groupe est vraiment bien en place, le son est sourd et clair à la fois, la façon très particulière dont Dominique A. joue de la guitare, l’avant-bras cassé et le rythme saccadé fait merveille, « hasta que el cuerpo aguante ». Il a changé, en quinze ans, forcément, il est plus à l’aise avec le public, il joue un peu des attentes, sait qu’en face, il y en a qui attendront « le courage des oiseaux » et « le Twenty-two bar ». Les cinq ou six concerts que j’ai vus de lui m’ont permis de savoir qu’il ne la chantera pas, cette chanson qu’il a sabordée en direct un soir de Fête de la musique, « à la télévision française ». Alors, il continue, il y a des chansons qui parlent de la musique, par mise en abyme. Et d’un « sens », toujours pas trouvé. « La musique » et « la matière », ses deux dernières productions, de celles dont on se demande maintenant comment elles permettent à leurs auteurs de vivre d’un art exigeant, mais toujours respectueux de l’entreprise artistique. Dans les chansons de Dominique A., les mots sybarites et glandeurs-nés cohabitent, il faut peut-être un dictionnaire pour comprendre, mais ce n’est pas pire qu’inextinguible ou acrimonie, non ? Le sybarite est une personne qui vit dans la volupté d’une forme de mollesse, ce qui colle plutôt bien à l’air esthète de celui à qui les Inrocks ont un jour consacré une Une qui titrait « enfin la chanson française dont vous n’aurez pas honte ». C’était idiot et peut-être a-t-il mis quelques années à s’en défaire, de cette image de préciosité. Mais là, dans le théâtre de Bellegarde, après le concert, il signe, souriant, les EP inédits qui ne se vendent que les soirs de concerts. Ça me permet de lui faire un signe discret, de lui dire que je suis un fan absolu et historique du « Gros Boris » (ah ! « mené droit chez l’herboriste »…), de repartir avec mon exemplaire et la certitude de ne pas attendre aussi longtemps pour retourner le voir sur scène. Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour « la peau « . En plus, vous savez quoi ? Le troisième rappel, après « nous marchions sous la neige », c’était « le Twenty-two bar » et « le courage des oiseaux ».
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