17/06/2012
Band on the run.
Il y a des limites physiques au grand cirque de l'intensité: on part le vendredi tôt après une trop courte nuit, on récupère un peu dans le train, puis une heure à l'hôtel avant de relancer la machine jusque tard dans la nuit, puis on dort, un peu, avant de retrouver les musiciens, de convenir d'en accompagner un jusque là où il doit jouer le lendemain et pour cela se lever (très) tôt. Et puis affronter, une fois rentré, le calme affolant d'un appartement vide. Mais le confort d'un lit douillet. Quitté en plein après-midi dans l'appréhension de ne plus y trouver le sommeil quand la nuit reviendra.
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16/06/2012
Et puis Meythet.
Journée très chargée, donc, hier, à Meythet, avec une rencontre programmée à la bibliothèque, en fin d'après-midi. Un horaire qui ne facilite pas,les déplacements en masse, à moins que ce ne soit l'absence de noms connus. Les organisateurs, me diront mes deux hôtes au déjeuner, sont de plus en plus confrontés à cette demande, la même qui produit l'offre unique en librairie. Ahmed Kalouaz a pourtant un sacré parcours d'écriture, en général comme en jeunesse, et sillonne le pays pour rencontrer, principalement, des collégiens, des lycéens et leurs enseignants, derniers passeurs, quand ils ne cèdent pas eux-mêmes à la facilité, du livre "alternatif", même si Claire Berest et son brûlot contre l'EN ne seront sans doute pas d'accord. La table ronde est menée, au pied levé, par Véronique et par l'animateur du jeu à suivre, l'animateur littéraire étant souffrant. La parole circule, personne ne l'accapare et l'accueil est chaleureux, différent aussi des autres endroits où je suis passé: ici, dans la perspective du TREQ, on connaît les livres en jeu dans les moindres détails. Ils ont été disséqués, littéralement, les équipes (de 3) se les sont appropriés, ont nommé une personne référente pour chacun des trois, chargée de ne pas faillir. On parle des livres, de leur visée, de l'intention qui les a générés. C'est toujours un peu compliqué de lier trois œuvres différentes, mais la discussion se crée: on parle de l'autobiographique, assumé ou déguisé, des livres qui nous échappent quand d'autres les prennent pour eux. Une dame me parle de Margot, j'en suis heureux. Des extraits sont lus avec chaleur, la discussion est fluide, Ahmed parle de religion, de dogmatismes, Claire, évanescente, paraît tout juste revenue de son road-movie musical. Elle a une présence silencieuse qui contraste un peu avec les deux bavards que nous sommes, Ahmed et moi, mais je la regarde et rêve, un instant, de l'entendre parler du regard dans Racine, si Alma, son héroïne, la laissait faire. Les animateurs sont un peu timides, j'aurais bien interrogé mes camarades sur la fonction du roman, puisque la lecture de leurs livres m'a poussé à en questionner la fonction. Ahmed répond en filigrane, on sent Claire déjà agacée par la réserve. Il est dix-huit hués, déjà, on se dirige vers la salle de spectacle du Rabelais où, sur la scène, sont disposés des pupitres et des livres recouverts, qui serviront de points. Le jeu commence, les équipes, dans la salle, sont armées de boîtiers électroniques, elles ont dix secondes à partir du top pour répondre à 3X10 questions sur les livres: on demande comment s'écrit un des villages traversés en mobylette par le personnage d'Une étoile aux cheveux noirs, la ville dans laquelle le concert de John et d'Alma est annulé, la marque des baskets avec lesquelles Paul Herfray a longtemps joué. Six équipes finalistes montent sur scène, d'autres questions sont posées, elles doivent répondre sur une ardoise, marquer cinq points pour être qualifiées. Dans le lot, il y a des habitué(e)s, des compétiteurs redoutables. Je galère moi-même pour me souvenir à quelle hauteur réglementaire le ballon doit être lancé pour un entre-deux... En finale, trois équipes s'affrontent et bénéficient de l'aide d'un des auteurs, qu'elles choisissent. Une aide toute relative tant il est évident que les candidats connaissent bien mieux l'œuvre, à ce moment-là de leur vie, que les auteurs. Mon équipe me choisit parce qu'elles m'ont entendu parler des autres livres, ce qui me donne un poids supplémentaire. Le jeu est tactique, en finale, chaque équipe peut répondre si l'autre n'a pas su le faire: il faut donc ne pas trop en dire si on n'est pas sûr. On aura ainsi donné un point à nos adversaires en complétant le titre du seul livre que Herfray amène en Espagne de sa dédicace alors qu'elle a fait l'objet, dix minutes après, d'une question à part. Les questions sur le texte d'Ahmed sont plus complexes et son apport quasi-nul mais drôle et décalé. Et la victoire bascule sur un coup du sort, comme dans le PAL: j'avais fait deux coups d'esbroufe, l'un en disant que je venais pour gagner, l'autre en disant à Claire, angoissée de ne pas savoir répondre à des questions sur son livre, qu'elle allait craquer sur scène. Ce qu'elle a fait, son équipe ayant la balle de match. Il fallait qu'elle donne la première phrase de la chanson russe qu'Alma se remémore à la fin du roman, elle a douté, a pensé "temps des cerises" là où il fallait penser "temps du muguet". Mes redoutables partenaires ont fait le reste, et on a gagné le TREQ. Et le droit de charrier les autres. La soirée s'est terminée au restaurant, dans lequel ma troupe s'était installée, le temps du jeu. Éric, Fred et Gérard, comme au Tramway, comme à la Casa Musicale, à Bellegarde et ailleurs, ont joué les trois chansons liées aux romans. Pas dans les meilleures conditions d'écoute, mais "l'Embuscade" a quand même suscité une attention particulière... Puis trois autres, entre la poire et le fromage, tardifs. J'espère, je crois que ça a plu. Moi, toujours, ça me comble d'aise. Me rappelle, en plus pro, les bons moments de Lettres-Frontière, dont une des organisatrices s'est rappelée hier à mon souvenir, et avec qui j'ai eu une discussion intéressante sur la sélection et ses lendemains. Au restaurant, j'ai eu tous les types de conversation sur le livre: une dame est venue me remercier parce qu'elle est née à Gujan-Mestras et que sa grand-mère s'appelait Margot! Une autre m'a interrogé sur la sexualité débridée de Soléne. D'autres, plus pointus sur le basket, m'ont confirmé que ce n'était pas à Alain Larrouquis de le prendre, ce dernier tir. Je sais que ça lui fera plaisir, lui,que j'ai encore eu au téléphone hier, dans le train.
Ahmed Kalouaz a fait éditer un recueil de ses compte-rendus de rencontres en bibliothèque, écrits en temps réel. Je crois pouvoir dire que je ne suis pas mal non plus sur ce terrain. Merci à Véronique et Elisabeth pour l'accueil, à tous les autres pour l'organisation. À celles qui ne sont pas venues, en voisines. À cette figure qui m'a replongé dans des temps anciens, de ceux dont on se demande justement pourquoi ils sont si lointains. À Philippe, pour le détour. Les chambres d'hôtel paraissent moins vides au lendemain de journées comme celle-ci.
NB: en gage de la psychopathie des candidats du TREQ, les pages de notes sur le roman d'une des membres de l'équipe finaliste (malheureuse, niark, niark...)
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15/06/2012
A room in a heartbreak hotel.
Dans un quart d'heure, une voiture m'attendra en bas de l'hôtel, pour m'emmener à Meythet, pour la table ronde autour des trois romans choisis et du fameux jeu dont je suis impatient de connaître les subtilités. Dans le train qui m'a mené à Annecy, ce matin, j'ai discuté avec Alain Larrouquis, pris rendez-vous, avec curiosité, pour la rentrée. La vie des auteurs, même méconnus, n'est pas toujours un îlot de souffrance... CR demain, comme d'hab'.
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14/06/2012
Y'a mieux à faire.
Les avocats et les notaires, ces figures balzaciennes qui tripotent leur bouton de manchette d'un air repu, en se demandant, à la mine que vous faites, s'ils vont vous sortir les honoraires spéciaux: 500€ le sourire, 1000 la poignée de main. Je sais, c'est primaire - et injuste, vis à vis de pénalistes que je connais - mais ça fait du bien. Je n'en peux plus, ouvertement, de l'absurde d'une telle société qui met l'essentiel en souffrance pour que la comédie humaine profite. C'est une question de place: j'aurais voulu être garde-barrières et connaître la fin de mon métier, pour être une fois confronté à la question de savoir ce qu'il reste de ce que je suis quand je ne suis plus ce que j'étais.
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13/06/2012
Editions de l'Inoxydable.
Il y aura donc deux façons pour vous, désormais, d'envisager la fortune: gagner à l'Euromillion ou espérer revendre, d'ici quelques années, à prix d'or sur E-Bay, la nouvelle au tirage très limité (69 exemplaires numérotés) que j'ai écrite pour le groupe Deuce, à l'occasion de la sortie de leur album "33, place bellecour". Un concept-album sur l'histoire de Marius Beyle, dont j'ai déjà parlé ici. Bon, ça va être dur, le groupe a beaucoup d'amis et la nouvelle ne sera distribuée que le 27 juin, aux Trois-Gaules, pour la présentation du bébé. J'aime bien aussi l'idée de la rareté et de la gratuité. Mais que ceux qui ne l'auront pas eue se rassurent: elle figurera dans le recueil de nouvelles qui paraîtra l'année prochaine.
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12/06/2012
QUIZ-PAL.
Pour les derniers résistants aux réseaux sociaux qui ne le sauraient pas, l'avant-dernier rendez-vous de la saison, autour du "Poignet d'Alain Larrouquis", vendredi, à la salle du Rabelais, à Meythet, juste à côté d'Annecy. Un rendez-vous en trois temps puisqu'il y aura, à 16h, à la Médiathèque Louise Michel, une table ronde animée par Thierry Caquais, avec les trois auteurs invités, dont j'ai chroniqué ici et ici les romans. Puis le fameux TREQ, qui m'intrigue: une série de questions en rafale sur les romans présentés, des équipes de 3 joueurs, trois équipes en demi-finales et la finale avec la participation des auteurs, en super-jokers. Tout cela promet d'être animé. Sauriez-vous, par exemple, sans tricher, me dire:
- Comment s'intitule le recueil de nouvelles que le personnage principal ramène de son exil forcé?
- A quelle date les nationalistes ont-ils pris le Col de Somosierra?
- Sous quel nom Paul Herfray réalise-t-il un exploit sportif dont personne ne prendra jamais connaissance?
- Comment s'appelle son psychanalyste?
- Quel est le vin préféré de Margot?
Je récupère les copies en commentaires, juste en dessous. Après le jeu, dîner à la brasserie le Jean-Marie Meythet, au cours duquel mon cirque ambulant interprétera, comme au Tramway, les chansons liées à mes romans et quelques extraits - sans Pauline, hospitalisée - de notre comédie musicale lycéenne.
Le 30, je serai l'invité de la (trop?) grande librairie Gibert, au Carré de Soie.
L'occasion de rappeler à tous qu'il n'est pas interdit de passer me voir, ici ou ailleurs, d'amener des amis, de profiter des auteurs tant qu'ils ne sont pas encore totalement préfabriqués. Cet été, je passerai en mode écriture, musique et farniente. Avec les aphorismes de saison.
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11/06/2012
Through the rocking glass.
« l’Orchestre vide » est un court « roman » coupé en deux. Côté public et côté scène en sont les deux hémistiches, puisque la demoiselle est lettrée, tendance classique (il est question ici d’un travail universitaire sur Racine). Romance, pour le coup, correspondrait mieux, puisque l’auteur raconte sa propre aventure amoureuse avec un chanteur de renommée internationale, qui l’a élue, un soir de festival boueux, et pour qui elle a tout laissé tomber, menant une vie sans autres repères que des villes traversées de nuit, des motels et la réalisation, sous ses yeux, de scènes qu’elle n’avait vues qu’au cinéma, chez David Lynch, principalement. Claire Berest fait le choix du récit, les temps oscillent entre un passé pas encore composé et un présent de narration, on suit son abandon de muse post-punk. Le contraste est saisissant entre son parcours précédent et l’inconnu dans lequel elle saute à pieds joints (Docks comprises). La jolie jeune fille de bonne famille – qui met une robe de dactylo pour soutenir un mémoire que le professeur affairé finira par décaler – devient l’Alma damnée du chanteur, qui veut tout obtenir d’elle, jusqu’à la fusion absolue, jusqu’à lui demander d’écrire pour lui, de chanter pour lui et – climax - de monter sur scène avec lui, affronter cette densité physique qu’est la foule, elle qui ne l’a connue que de l’intérieur. « John », lui, a cette particularité de tout dissocier, de ne jamais perdre pied : il est à l’opposé de la mythologie rock, ne boit pas, ne fume pas, baise quand même, mais toujours pour mener cet absolu plus loin, avec Alma. Il y a bien quelques bagarres, quelques chambres d’hôtel dévastées, mais les amants composent, et la relation, dans « Orchestre vide », est passée au scanner : c’est bien une radioscopie de l’histoire amoureuse que le livre propose, ce qui, à mon sens, en définit la limite. L’histoire est exceptionnelle en soi – c’est un des arguments du livre, « toute jeune fille rêverait qu’un chanteur de rock descende de scène et l’entraîne avec lui" - mais devient banale, in fine, dans le récit qui en est fait : une apogée, un déclin. L’écriture est juste quand elle touche au conflit des deux identités d’Alma : j’avoue que j’aurais préféré qu’elle reste sur le dilemme qui la noue, entre Racine et John. Qu’elle aille au bout de ce décalage. Des rencontres sont justement décrites, surtout quand elle échappe à John, le temps d’une balance : Sarah à San Diego, les couloirs de l’hôtel Ambassador et les ombres de Kennedy (Robert) et de Monroe (Marilyn), K’naan. A la lecture, l’impression grandit que c’est l’Alma française qui tient le récit, pas forcément celle qui s’enthousiasme, jusqu’à la fin, des figures qu’elle croise : Vincent Gallo, Yoko Ono, Radiohead, PJ Harvey… Le name-dropping, une fois la surprise partagée, ne sert pas l’histoire et, à mon sens, la partie « Côté scène » est moins réussie que la première, même si le moment où Alma réussit à lâcher le micro est bien senti. C’est aussi la limite, pensais-je à la lecture, de l’histoire d’amour qu’on veut raconter : elle a beau être incomparable, elle se heurte à la reproduction du genre. A l’énonciation. Prend le roman comme prétexte pour parler de soi. Un amour de soi, écrivait Doubrovsky. Les chansons écrites pour John, intégrées dans la deuxième partie, ne m’ont rien apporté et ont heurté ma lecture : question de culture, sans doute. J’aurais préféré que « les yeux dans le théâtre de Racine » - sujet odieusement volé à l’auteure juste avant qu’elle le dépose – collapse avec le regard croisé du démiurge et de l’élue, qu’elle pousse la genèse plutôt que d’être exhaustive dans l’historique. Ou que l'auteure aille au bout de sa perception de "la route", quand elle en dit qu'elle est belle mais qu'elle "pose la question de l'existence elle-même". Reste que « l’Orchestre vide » est remarquablement écrit, d’une facture très classique, comme les Lettres de l’auteure. Que certaines scènes sont magnifiques, comme quand, retournée dans sa ville, revenue à un bout d’identité, Alma attend John sur les marches d’un commissariat sans savoir quand et même si il en sortira. Quand le livre s’achève sur une fin (belle tautologie) et un dévoilement. Les amateurs de rock plus jeunes que moi aimeront le côté branché du livre, ils n’auront pas beaucoup d’efforts à faire puisque rien n’est caché : les noms des artistes, des groupes qu’on croise, les dates des festivals, même le titre de l'album (Secret house against the world) que Alma offre à John, tout cela permet de savoir de qui on parle, même si l’essentiel n’est pas là. La question que je me pose, c’est celle de l’intention du roman, son acception même. Mais bon : At the end of the day, it’s only rock’n roll.
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10/06/2012
Vieux con.
Qu'est-ce qui les motive, ces deux gamins qui se roulent un joint en pleine rame de métro, au vu et su de tout le monde, comme les deux affranchis qu'ils rêvent sans doute d'être, sans être allé au bout du film parce qu'un film de cinéma, c'est trop long? Je meurs d'envie, sur le moment, de les reprendre, de leur dire que ce qui me choque, ce n'est pas qu'ils fument des joints, mais qu'ils balancent ouvertement le filtre de la cigarette par terre et que, évidemment, ils allument leur trophée dans la rame, sans attendre d'être dehors. Cette morgue, cette incivilité, cette absence notoire de ce qu'est le politique, le lien social, cette envie d'en découdre avec l'autorité uniquement pour son petit confort personnel, tout ça me tourmente: j'ai la conviction qu'ils construisent eux-mêmes une société qui ne voudra pas d'eux et qui fera qu'on se méfiera de tout le monde. Pire, ce que je leur reproche, c'est le silence que j'ai finalement gardé. Le même qu'à la sortie de la station, quand j'ai croisé deux des candidats à l'élection, que je n'ai finalement pas interpelés, de peur qu'ils me prennent pour un vieux réac'. Qui aurait exprimé sa frustration dans les urnes. Honnêtement, aujourd'hui, juste après cet épisode, je suis allé voter par habitude. Avec lassitude.
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