15/06/2012
A room in a heartbreak hotel.
Dans un quart d'heure, une voiture m'attendra en bas de l'hôtel, pour m'emmener à Meythet, pour la table ronde autour des trois romans choisis et du fameux jeu dont je suis impatient de connaître les subtilités. Dans le train qui m'a mené à Annecy, ce matin, j'ai discuté avec Alain Larrouquis, pris rendez-vous, avec curiosité, pour la rentrée. La vie des auteurs, même méconnus, n'est pas toujours un îlot de souffrance... CR demain, comme d'hab'.
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14/06/2012
Y'a mieux à faire.
Les avocats et les notaires, ces figures balzaciennes qui tripotent leur bouton de manchette d'un air repu, en se demandant, à la mine que vous faites, s'ils vont vous sortir les honoraires spéciaux: 500€ le sourire, 1000 la poignée de main. Je sais, c'est primaire - et injuste, vis à vis de pénalistes que je connais - mais ça fait du bien. Je n'en peux plus, ouvertement, de l'absurde d'une telle société qui met l'essentiel en souffrance pour que la comédie humaine profite. C'est une question de place: j'aurais voulu être garde-barrières et connaître la fin de mon métier, pour être une fois confronté à la question de savoir ce qu'il reste de ce que je suis quand je ne suis plus ce que j'étais.
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13/06/2012
Editions de l'Inoxydable.
Il y aura donc deux façons pour vous, désormais, d'envisager la fortune: gagner à l'Euromillion ou espérer revendre, d'ici quelques années, à prix d'or sur E-Bay, la nouvelle au tirage très limité (69 exemplaires numérotés) que j'ai écrite pour le groupe Deuce, à l'occasion de la sortie de leur album "33, place bellecour". Un concept-album sur l'histoire de Marius Beyle, dont j'ai déjà parlé ici. Bon, ça va être dur, le groupe a beaucoup d'amis et la nouvelle ne sera distribuée que le 27 juin, aux Trois-Gaules, pour la présentation du bébé. J'aime bien aussi l'idée de la rareté et de la gratuité. Mais que ceux qui ne l'auront pas eue se rassurent: elle figurera dans le recueil de nouvelles qui paraîtra l'année prochaine.
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12/06/2012
QUIZ-PAL.
Pour les derniers résistants aux réseaux sociaux qui ne le sauraient pas, l'avant-dernier rendez-vous de la saison, autour du "Poignet d'Alain Larrouquis", vendredi, à la salle du Rabelais, à Meythet, juste à côté d'Annecy. Un rendez-vous en trois temps puisqu'il y aura, à 16h, à la Médiathèque Louise Michel, une table ronde animée par Thierry Caquais, avec les trois auteurs invités, dont j'ai chroniqué ici et ici les romans. Puis le fameux TREQ, qui m'intrigue: une série de questions en rafale sur les romans présentés, des équipes de 3 joueurs, trois équipes en demi-finales et la finale avec la participation des auteurs, en super-jokers. Tout cela promet d'être animé. Sauriez-vous, par exemple, sans tricher, me dire:
- Comment s'intitule le recueil de nouvelles que le personnage principal ramène de son exil forcé?
- A quelle date les nationalistes ont-ils pris le Col de Somosierra?
- Sous quel nom Paul Herfray réalise-t-il un exploit sportif dont personne ne prendra jamais connaissance?
- Comment s'appelle son psychanalyste?
- Quel est le vin préféré de Margot?
Je récupère les copies en commentaires, juste en dessous. Après le jeu, dîner à la brasserie le Jean-Marie Meythet, au cours duquel mon cirque ambulant interprétera, comme au Tramway, les chansons liées à mes romans et quelques extraits - sans Pauline, hospitalisée - de notre comédie musicale lycéenne.
Le 30, je serai l'invité de la (trop?) grande librairie Gibert, au Carré de Soie.
L'occasion de rappeler à tous qu'il n'est pas interdit de passer me voir, ici ou ailleurs, d'amener des amis, de profiter des auteurs tant qu'ils ne sont pas encore totalement préfabriqués. Cet été, je passerai en mode écriture, musique et farniente. Avec les aphorismes de saison.
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11/06/2012
Through the rocking glass.
« l’Orchestre vide » est un court « roman » coupé en deux. Côté public et côté scène en sont les deux hémistiches, puisque la demoiselle est lettrée, tendance classique (il est question ici d’un travail universitaire sur Racine). Romance, pour le coup, correspondrait mieux, puisque l’auteur raconte sa propre aventure amoureuse avec un chanteur de renommée internationale, qui l’a élue, un soir de festival boueux, et pour qui elle a tout laissé tomber, menant une vie sans autres repères que des villes traversées de nuit, des motels et la réalisation, sous ses yeux, de scènes qu’elle n’avait vues qu’au cinéma, chez David Lynch, principalement. Claire Berest fait le choix du récit, les temps oscillent entre un passé pas encore composé et un présent de narration, on suit son abandon de muse post-punk. Le contraste est saisissant entre son parcours précédent et l’inconnu dans lequel elle saute à pieds joints (Docks comprises). La jolie jeune fille de bonne famille – qui met une robe de dactylo pour soutenir un mémoire que le professeur affairé finira par décaler – devient l’Alma damnée du chanteur, qui veut tout obtenir d’elle, jusqu’à la fusion absolue, jusqu’à lui demander d’écrire pour lui, de chanter pour lui et – climax - de monter sur scène avec lui, affronter cette densité physique qu’est la foule, elle qui ne l’a connue que de l’intérieur. « John », lui, a cette particularité de tout dissocier, de ne jamais perdre pied : il est à l’opposé de la mythologie rock, ne boit pas, ne fume pas, baise quand même, mais toujours pour mener cet absolu plus loin, avec Alma. Il y a bien quelques bagarres, quelques chambres d’hôtel dévastées, mais les amants composent, et la relation, dans « Orchestre vide », est passée au scanner : c’est bien une radioscopie de l’histoire amoureuse que le livre propose, ce qui, à mon sens, en définit la limite. L’histoire est exceptionnelle en soi – c’est un des arguments du livre, « toute jeune fille rêverait qu’un chanteur de rock descende de scène et l’entraîne avec lui" - mais devient banale, in fine, dans le récit qui en est fait : une apogée, un déclin. L’écriture est juste quand elle touche au conflit des deux identités d’Alma : j’avoue que j’aurais préféré qu’elle reste sur le dilemme qui la noue, entre Racine et John. Qu’elle aille au bout de ce décalage. Des rencontres sont justement décrites, surtout quand elle échappe à John, le temps d’une balance : Sarah à San Diego, les couloirs de l’hôtel Ambassador et les ombres de Kennedy (Robert) et de Monroe (Marilyn), K’naan. A la lecture, l’impression grandit que c’est l’Alma française qui tient le récit, pas forcément celle qui s’enthousiasme, jusqu’à la fin, des figures qu’elle croise : Vincent Gallo, Yoko Ono, Radiohead, PJ Harvey… Le name-dropping, une fois la surprise partagée, ne sert pas l’histoire et, à mon sens, la partie « Côté scène » est moins réussie que la première, même si le moment où Alma réussit à lâcher le micro est bien senti. C’est aussi la limite, pensais-je à la lecture, de l’histoire d’amour qu’on veut raconter : elle a beau être incomparable, elle se heurte à la reproduction du genre. A l’énonciation. Prend le roman comme prétexte pour parler de soi. Un amour de soi, écrivait Doubrovsky. Les chansons écrites pour John, intégrées dans la deuxième partie, ne m’ont rien apporté et ont heurté ma lecture : question de culture, sans doute. J’aurais préféré que « les yeux dans le théâtre de Racine » - sujet odieusement volé à l’auteure juste avant qu’elle le dépose – collapse avec le regard croisé du démiurge et de l’élue, qu’elle pousse la genèse plutôt que d’être exhaustive dans l’historique. Ou que l'auteure aille au bout de sa perception de "la route", quand elle en dit qu'elle est belle mais qu'elle "pose la question de l'existence elle-même". Reste que « l’Orchestre vide » est remarquablement écrit, d’une facture très classique, comme les Lettres de l’auteure. Que certaines scènes sont magnifiques, comme quand, retournée dans sa ville, revenue à un bout d’identité, Alma attend John sur les marches d’un commissariat sans savoir quand et même si il en sortira. Quand le livre s’achève sur une fin (belle tautologie) et un dévoilement. Les amateurs de rock plus jeunes que moi aimeront le côté branché du livre, ils n’auront pas beaucoup d’efforts à faire puisque rien n’est caché : les noms des artistes, des groupes qu’on croise, les dates des festivals, même le titre de l'album (Secret house against the world) que Alma offre à John, tout cela permet de savoir de qui on parle, même si l’essentiel n’est pas là. La question que je me pose, c’est celle de l’intention du roman, son acception même. Mais bon : At the end of the day, it’s only rock’n roll.
09:40 Publié dans Blog | Lien permanent
10/06/2012
Vieux con.
Qu'est-ce qui les motive, ces deux gamins qui se roulent un joint en pleine rame de métro, au vu et su de tout le monde, comme les deux affranchis qu'ils rêvent sans doute d'être, sans être allé au bout du film parce qu'un film de cinéma, c'est trop long? Je meurs d'envie, sur le moment, de les reprendre, de leur dire que ce qui me choque, ce n'est pas qu'ils fument des joints, mais qu'ils balancent ouvertement le filtre de la cigarette par terre et que, évidemment, ils allument leur trophée dans la rame, sans attendre d'être dehors. Cette morgue, cette incivilité, cette absence notoire de ce qu'est le politique, le lien social, cette envie d'en découdre avec l'autorité uniquement pour son petit confort personnel, tout ça me tourmente: j'ai la conviction qu'ils construisent eux-mêmes une société qui ne voudra pas d'eux et qui fera qu'on se méfiera de tout le monde. Pire, ce que je leur reproche, c'est le silence que j'ai finalement gardé. Le même qu'à la sortie de la station, quand j'ai croisé deux des candidats à l'élection, que je n'ai finalement pas interpelés, de peur qu'ils me prennent pour un vieux réac'. Qui aurait exprimé sa frustration dans les urnes. Honnêtement, aujourd'hui, juste après cet épisode, je suis allé voter par habitude. Avec lassitude.
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09/06/2012
La vieillesse des perruches est un naufrage.
Je ne comprends pas: il s'est à peine passé une trentaine d'années entre ces deux voyages avec mon oncle, le premier pour ramener ma grand-tante dans sa maison de retraite après le repas du Jour de l'An et le deuxième, cet après-midi, pour l'amener lui dans son avant-dernière résidence. J'ai eu envie de libérer les perruches du salon d'en-bas puis me suis souvenu que les perruches, livrées à elles-mêmes, ne survivent pas. Et que mon oncle a toute sa tête et son (fort) caractère. On ne fait vraiment que passer, c'était la platitude du jour.
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08/06/2012
Found in translation.
Ça y est, c’est reparti. Il a fallu que j’assiste, hier, à la librairie du Tramway, à la présentation par Sophie Benech de ses éditions Interférences pour me redonner le goût à l’écriture de mon roman russe. Sophie Benech est éditrice parce qu’elle est traductrice, et vice-versa. Elle traduit le Russe et l’Anglais pour Gallimard, Corti ou Actes Sud et édite pour elle et pour les amoureux de la langue des livres qui l’ont marquée, qu’elle aurait voulu avoir dans sa bibliothèque. Elle a traduit Chalamov, les récits de la Kadyma, on lui a confié tout Isaac Babel. De quoi entendre parler de la difficulté de dire les mots des pogroms et des voyages à Odessa, de quoi se dire, également, que ce petit bout de femme a eu une vie de rêve, passée d’un placard de standardiste à l’Ambassade de Moscou au travail de traduction en compagnie de Jacques Rossi, pour « Qu’elle était belle, cette utopie ! ». Je me suis senti parfois un peu de trop dans ces échanges russophiles, mais curieusement, l’envie d’y apporter ma touche à moi a décuplé: mes mots sur les pogroms, mes mots sur l'arrivée à Odessa des familles Kreit et Bolotnikine. Sans doute parce que seule l’ignorance – et son corollaire, le travail – permet à l’écrivain (de romans) d’assumer sa propension à l’usurpation. Un autre sujet.
18:18 Publié dans Blog | Lien permanent