14/10/2012
Absence de note.
Il me faudrait plusieurs siècles pour raconter ce que j'ai vécu ce week-end. La remise du prix du jury par Axel Kahn en est un aperçu. Je savais que j'allais vivre un sommet d'intensité, mais à ce point, je n'aurais pas pu l'imaginer. Mais pour l'instant, les mots me manquent et la fatigue me saisit. J'en dirai plus demain, en deux temps. Le premier sur Alain Larrouquis, un être qui m'a plu pour ce qu'il est. Sur tout ce qui a suivi, ensuite.
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13/10/2012
Toquey si gaöes!
Les tournées sont jubilatoires pour un écrivain. L'occasion est exceptionnelle de sortir de la solitude de son activité. Quand en plus les protagonistes arrivent à faire qu'un périple de 500km semble durer quart d'heure, de fous-rires de surcroit, c'est une vie qu'on aimerait mener au quotidien, tout en sachant que ce n'est pas possible et que les lendemains, souvent, sont durs. Sauf quand on va retrouver l'écriture, qui m'a permis, hier, de me placer - après transformation d'une salle improbable - dans l'arc de cercle de mes frères de voyage. Devant le kakémono aux couleurs de Nicolas Vitas, hôte et chauffeur du convoi, sous le feu puissant des par56, je présente mon travail par anecdotes, crée quelques effets d'attente et de curiosité. J'ai une demi-heure, pour une prise de parole entremêlée de cinq chansons. Éric joue pour la première fois sur sa nouvelle guitare, celle du luthier de la semaine dernière, qui rend en son l'amour qu'on lui a porté en la faisant. Dgé, lutin lunaire, est à sa droite, dans son monde de technique et de guitares inconnues du grand public. Les répétitions portent leurs fruits, la relation est parfaite et ça s'entend, dans l'intention. Je me surprends en dedans de moi, me demandant si je ne rêve pas. "L'Embuscade", comme d'habitude, plonge tout le monde dans l'émotion, la mémoire vive restituée."Au-dessus des eaux et des plaines", réorchestrée, achève le tout, entre jubilation et catharsis. Nicolas Vitas peut entrer en toute confiance, je crois qu'on a bien ouvert. Les chaussures orange rutilantes et le pantalon à liseré, il prend la place, au sens littéral. Et littéraire, aussi. Jongleur de mots, il enchaîne les chansons, petites histoires du quotidien et de l'enfance, essentielles dans leur poétique banalité. L'ambitus impressionne autant que le physique, l'émotion affleure, peut-être la présence de son ancienne professeure de français ou celle avec qui, nous dira-t-il, il a vécu sa première amourette exquise. Je bénis - c'est le lieu - ma vie quand elle m'amène à me voir dédier "le pêcheur de centimes", que j'adore. La quarantaine de personnes, déjà conquise, rend l'absence d'armes, l'attention est belle et palpable. Pierre, un ami d'Eric venu en local, dira de Dgé que son approche contrapuntique - le contrepoint rigoureux - souligne la force des textes - ceux de Vitas, les miens, puisqu'il fait le lien. Un lien fraternel autant que musical: ça se ressent. L'acte I du "Littérature & Musique Tour" est déjà terminé. Il me conduit à Orthez aujourd'hui, à la rencontre avec Alain Larrouquis, à mon entrée, symbolique, dans la Moutète. Cette vie-là vaut les peines que je lui ai consenties. Sans que je me sois senti con, je vous vois venir, M.Vitas.
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12/10/2012
In Extremis.
Une heure à peine pour écrire le compte-rendu de la soirée "Littérature et musique", ce soir? Le plaisir inouï ressenti à présenter mes œuvres du dedans, Éric et Gérard à mes côtés. L'époustouflante version de "l'Embuscade", qui a saisi le public, venu après demander du "Tébessa" en nombre. Les 3 chansons de Vitas que j'adore et qu'il m'a semblé qu'il jouait pour moi. Il faudra attendre demain. Et vous ne m'en voudrez pas.
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11/10/2012
Epilogue.
Et puis renaître, dans un élan... Les ombres dessinées par la roche ne portent plus, déjà, sur le promeneur en rédemption. Réapproprié à lui-même. Qui distingue, au loin, les abris de sa lucidité. Délestée des illusions fracassées, des oripeaux du temps détruit. Dans l'auberge du port, les mêmes figures qu'il y a dix ans, les mêmes crêpes, les mêmes queues de lotte, les mêmes légendes, sans âge. Ouessant est plus que la fin de la terre, à elle seule: elle est d'un homme entier le recommencement.
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10/10/2012
L'Elan béarnais.
C’est donc vendredi que nous partons dans le Sud-Ouest, avec Nicolas Vitas dans les bagages. Un road-movie comme on aspire tous à en vivre, quels que soient le temps passé et le kilométrage démentiel, pour trois jours. Indépendamment de la curiosité que constitue ma rencontre avec Larrouquis, je profite, depuis quatre ans maintenant, de la chance que j’ai de pouvoir aller rencontrer des lecteurs, des gens curieux de ma démarche, de mon travail. Je jubile à l’idée de leur proposer un pan moins connu de ce travail-là, la branche musicale de mon hydre à deux – et maintenant trois – têtes. A l’image de ce que Emile Parchemin, à l’époque berruyère, avait créé avec ART CONvivial SOciety. Depuis l’enregistrement de « Trop Pas ! », la section musicale a franchi un pallier dans l’intention, la professionnalisation, de la démarche à défaut des revenus : dans les répétitions, auxquelles j’adore assister, rien n’est accepté qui ne dise quelque chose. Cette exigence, que je revendique dans l’écriture, je la retrouve dans ce qu’ils font et qu’ils vont présenter à mes côtés, vendredi, puis samedi, puis dimanche, au Salon. L’Art est une des rares possibilités données à l’homme de s’extraire de son état : je ne désespère pas que les cercles se rapprochent (St Etienne, Villeurbanne bientôt) et qu’un jour, on puisse contourner l’adage - qu’on croirait écrit pour Lyon! – du prophète, du pays, blah, blah, blah.
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09/10/2012
Désir Noir.
Il faudrait que Daniel, du Réalgar, m’autorise à enlever de son arrière-boutique le monochrome noir de Sandra Sanseverino qui hante mes pensées depuis samedi. Il est bien trop grand pour mon petit appartement, mais je ne crois pas avoir jamais vu autant de luminosité dans un tableau aussi sombre. L’effet des pigments qu’elle répartit sur le grand format, sans doute, des traits qu’elle rajoute au pinceau, des griffures dans la nuit qui en recréent le mouvement infini. Je pense à ce tableau, aussi, dommage que je n’en retrouve pas l’image. A ce stade de ma vie, c’est l’utile qui devient accessoire. Je pourrais n’être qu’au milieu des tableaux qui m’ont ému et qui me racontent. C'est pour cela que Pluvinage, parfois, ne fait pas de vieux os.
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08/10/2012
Laureatus.
Je viens d’apprendre par message que « le poignet d’Alain Larrouquis » recevra, dimanche prochain, le coup de cœur du Jury du Salon du Livre d’Orthez. Je ne sais pas si, à travers moi, ils cherchent à récompenser, une fois encore, l’enfant du pays, mais c’est une récompense qui vient après la Sélection Lettres Frontière pour « Tébessa, 1956 », et le prix du Deuxième Titre, à Grignan. Le genre de coïncidences qui finissent par ne plus en être, et qui risquent de me convaincre que je n’ai pas fait tout ça pour rien. Un rappel aux obligations, aussi. En temps et en heure, je vous raconterai mon voyage en Béarn, ma rencontre à venir avec celui m’a inspiré le roman. Je sais déjà qu’il n’est pas un homme soumis aux flonflons et aux récompenses. Qu’il a reçus par centaines là où je vais le rejoindre. Ça tombe bien, moi non plus. La preuve, je n’ai pas eu le Nobel de médecine, aujourd’hui.
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07/10/2012
L'Echec.
On n'échoue pas à Ouessant, on vient y confronter les échecs de sa vie d'homme aux éléments qui en régurgiteront la relativité. Ou pas, selon que vous serez attentifs ou réfractaires. Les doubles vies seront aliénées, les vies secrètes validées. La tourbe panse les blessures, l'âme se libère, contourne les micaschistes, virevolte puis se reprend. Réintègre sa physis, ankylosée. L'homme se réveille à lui-même, petit à petit, redresse son col en face du froid qu'il n'a pas senti tomber et qui le saisit, maintenant. La lutte est vaine, c'est ainsi qu'elle est juste: il fallait qu'il y retourne, là-bas, puisqu'il y avait tout laissé. Les serments faits, les directions choisies et pas suivies. Les décisions prises, auxquelles il ne s'est pas tenu.
(Yan Tiersen/Natacha Régnier - ©Yan Tiersen "L'Absente", Labels, 2001
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